masquerade feat. haeil

Journée au calme impose le temps précieux entre eux. Du mal-être de l’un pour le bonheur de l’autre. Tout n’est que fardeaux et caprices nés de la bêtise humaine – regain d’énergie dans la vitalité de l’autre, les sourires plus grands, doux. De l’amitié, la vraie. Celle qu’on chérit plus que tout, où l’absence marque l’esprit, essouffle le cœur d’un vide qui jamais ne se rebouche. De l’ambiguïté palpable, pourtant inexistante dans leurs yeux. Les pupilles révélatrices de bien des vérités insoupçonnées. Le silence croise les mots inavouables – qu’importe.

« Celui-ci ? Il est sympa. » dit-il, les mains encombrées d’un pull ancien et chic qu’il tend. Pas pour lui, uniquement pour Haeil. Les goûts et les couleurs, tout n’est que variable, et même si le temps coule, le plus vieux n’est pas moins perdu. Ils se connaissent toujours ; l’élégance d’apaiser le cœur lourd de décision soudaine. À jamais il ne cesserait de s’en vouloir pour son départ à l’armée, pas même d’y avoir glissé un simple mot pour prévenir celui qui a tenu son bras bien des fois.

Un manque évident, l’absence de cet allié aussi longtemps avait isolé le Coréen de son côté. Amitié sincère, fidèle, relation fusionnelle, il retrouvait à présent cette complicité dont il avait dû se passer, désormais prêt à en profiter. Eux, ils étaient complémentaires, compère, Haeil avait trouvé en son ainé une stabilité émotionnelle dont il n’était pas souvent doté. Une vérité, un lien soudé. Le cœur léger à ses côtés, presque tenté d’oublier ce qui le rend si distant. Une journée tranquille, presque paisible, tel le calme après la tempête. Il profitait volontiers de lever le pied, gardant scellé ses plus sombres secrets. De tout le monde (( même de lui )) son meilleur ami pourtant si souvent aspiré à lui avouer avant de se rétracter, pas prêt à partager cette honte inavouée, cette culpabilité.

Son regard curieux posé sur ce vêtement proposé par Hyun Min, pull sobre et cool, tout à fait dans un style qui correspond à Haeil, seul lui le connaît et pouvait se permettre de le conseiller, de l’aider. Le seul que le plus jeune perturbé et torturé s’atteler à écouter sans jamais le rejeter, prêt à entendre le bon ou le mauvais, leur lien le permettait. « Tu comptes me l’acheter ou juste jouer les conseillers de vente ? » Ton léger, l’un aussi pauvre que l’autre, ne les empêchait pas d’une folie, d’une envie, comme celle de craquer pour de nouvelles acquisitions plutôt que s'en priver.

Le temps fabrique les souvenirs qui ne s’effacent qu’au bon vouloir du monde. Et quand bien même ils restent lointain, la mémoire n’est que complice des rappels doucereux. Chaque morceau de ce qu’ils ont été, de ce qu’ils ont construit ensemble s’accroche vivement dans un coin de sa tête – trop heureux des goûts et des couleurs restées similaires à ce qui avait été autrefois. Les saveurs d’antan qu’ils dégustent tous deux comme au premier jour ; avec la même passion dans le regard, et cette soif d’amitié inépuisable. Et combien de fois a-t-il remercié le ciel pour ce cadeau qu’on lui a offert ? Cette vie étrangement similaire à la sienne – et les différences qu’il épouse. Qu’importe les minutes passent, les sourires sont les mêmes, et les cœurs se réchauffent d’un manque qui a cessé d’exister dès lors que l’absence s’est terminé.

Les rires résonnent semblable, synonyme de réciprocité ; la complicité peut-être plus grande qu’avant. Les corps ont mûri pareillement aux les pensées. Et la vie, simplement, à continuer d’exister, le temps à sa poursuite. Ils sont les doigts d’une main sans qu’un seul manque à l’appel – s’aimer et s’admire, se complète et parfois même se désespère. Se console dans les chagrins, quand d’autres fois encore, rigolent jusqu’aux larmes. Se conseille dans des mots qu’ils n’écoutent pas eux-même. Mais ô Dieu qu’ils s’aiment ! Sans l’ambiguïté des soupçons. Le regard d’incompréhension autour d’eux, et le chaos des questions auquel le silence répond. Brûlant d’une amitié. De leur amitié.

« Ça dépend, est-ce que tu le mérites ? » Il sourit, Haeil est le premier à comprendre le sens de sa phrase ; à savoir que la folie se jouera d’eux aujourd’hui. Ils sont là pour ça après tout – s’aider à s’aimer un peu plus dans la laideur du regard qu’ils portent envers eux-mêmes. « Si tu m’en trouves un, je te le prends. » Qu’il dit. Ses doigts jonglent entre plusieurs vêtements, à la recherche de la perle rare qui viendrait compléter sa collection pauvresse. « Et ce garçon ? » demande-t-il l’air de rien. Il y a un moment qu’il n’en a plus entendu parler. La romance qu’il avait espérée se serait-elle envolée avant même de naître ? Il mérite.

Il est difficile de trouver l’âme sœur, ce pilier qui restera à vos côtés, cette personne qui sera la définition de l’amitié, pourtant si les chances furent minimes, Haeil devait remercier le ciel pour cette rencontre du destin, ce lien résistant à vent et marré. Il n’y avait que Hyun Min pour qui il serait prêt à tout encaisser, par fidélité et loyauté, une relation soudée et basée sur la confiance et la sincérité. Cœur plus léger, pensées moins chamboulées, sentiments moins frustrant, il arrivait à lever le pied et à profiter d’une sortie entre amis, d’un instant sans étouffer, sans se focaliser entièrement sur ses erreurs et sa culpabilité. Il pouvait sourire et plaisanter, parce qu’au côté de son ainé il se sentait en sécurité, apaisé, même si cela n’allait pas durer.

Tels deux adolescents dans la fleur de l’âge quémandant un moment de paix à rire et s’enjailler en toute complicité, la pauvreté n’était qu’un détail qu’ils partageaient, comme cette folie qui les complétait jusqu’à confondre cette amitié avec l’ambigüité d'une relation si fusionnelle qu’elle pouvait sembler trop belle pour être réelle. Sans son meilleur ami qui sait comment Haeil pourrait surmonter cette vie qui chaque jour lui donne la sensation de tomber dans un puits sans fond.

Taquinerie, plaisanterie, le brun tenta un acte de charité pour négocier l’achat d’un pull pour lui, est-ce qu’il le mérite ? Surement pas, mais ce n’est pas ce qu’il dirait de vive voix. « Tu veux faire un échange ? » Un sourire naquit sur le visage du plus jeune loin d’être contre cette idée, un cadeau aux couleurs de l’amitié, il était clairement prêt à accepter, son regard cherchant déjà la perle rare dans les rayons, celui qui irait comme un gant à son parfait acolyte. Ce garçon ? Son enthousiasme s’évanouit un instant, il aurait pu jouer sur l’ignorance, ne plus se rappeler, ne pas s’attarder sur cette conversation, mais Hyun Min savait. Même si désormais ça semblait du passé, Haeil était piégé par un délit qui remplissait tout son esprit, au point de ne plus se laisser du temps pour lui, ses propres envies, comme un blocage qu’il avait construit. Impossibilité d’être heureux quand il avait détruit une vie, hanté par son erreur, il devait tourner la page de ses courts instants de bonheurs et d’innocences dont les souvenirs remplissent encore l’épicerie.

« Il n’y a plus de garçon. » Souffle-t-il sans le regarder, sortant un pull pour lui montrer. « Qu’est-ce que t’en dis ? »

Tout comme il existe des coups de foudre en amour, il y a quelque fois des coups de foudre en amitié ; doucereuse citation – la note perfectionne la mélodie engendrée par la définition des deux garçons. Distance éphémère dont les traits diffèrent des sentiments persistants. Les goûts similaires à ceux d’Antan, les rires soudains mêlés aux sourires délicats nés aux coins des lèvres. Le partage équivalent, ce sont les mêmes confidences, et la même source de secrets discrets. Cette complicité qui jamais ne cesse, là où l’esprit se soulage du poids lourd de la solitude ; les épaules sont libres, le temps de quelques heures où à eux deux, ils refont le monde de mille étincelles vives de couleurs.

Havre de paix, éternellement perturbée par les actes causés par la vie. Effet papillon incalculable, ils admirent l’effet néfaste de leurs choix. Discutent, radotent, exploitent cent une possibilités qui jamais ne naissent … Partagent. Admirent. Adorent. Aiment. Pleurent. Vivent l’amitié, la vraie. Et remercient le ciel pour cette rencontre qu’ils n'imaginent temporaire. Ambiguïté n’est qu’un mot invisible dans le dictionnaire. Pour eux, en tout cas.

Il en est certain.
La rencontre est encore fraîche dans l’esprit du plus vieux. Le faux grand frère bienveillant au travail, soudainement devenu âme-sœur amicale de l’autre. Hyun Min ne cessera jamais de sourire à la simple pensée de cette supérette qu’il a longtemps trouvée morose. Aujourd’hui nostalgiques à sa traversée, à la simple pensée de celui qu’il a longtemps aimé, les souvenirs restent accrochés en lui, de cette romance née, et pour cette amitié. Combien d’autres a-t-il connu ainsi ? Douloureusement accro à un lieu qu’il a pourtant fui, il n’est que paradoxe. Mais qui peut le juger ? Il n’en reste pas moins heureux – quelque fois.

Sourire chaleureux à la commissure des lèvres. « Exactement. » Le regard éternellement posé dans le rayon pulls de la boutique. Ils en savent le prix, et seuls deux articles rentrent avec eux – le premier pour l’un, le deuxième pour l’autre. La règle est la même depuis des années, et le portefeuille en est le responsable. Néanmoins, l’amusement n’est pas moindre … Mais le sourire se perd étrangement sur le visage de l’acolyte. Hyun Min n’est pas dupe, il sait pertinemment que quelque chose tracasse son ami. Seulement peut-il le lui demander ? En a-t-il seulement le droit ? Il ose tout de même ; les mots soignent parfois les blessures. « Je n’arrive pas à croire qu’il t’ai posé un lapin. Pas à toi. » Touche d’humour auquel il ne croit pas lui-même, le rire s’estompe soudainement. Étrangement triste avec lui, il se sent devenir mélancolique, l’image d’Heon hante ses pensées furtivement. Berce son cœur d’une touche glaciale. Et ce sont des frissons qui grignotent sa peau petit à petit. Ironiquement.

À la supérette des rencontres, plutôt qu’au carrefour, certaines périssent avant de naître quand d’autres se meurt sans que le deuil naisse.

« La taille me semble un peu juste à vue d’œil. On devrait aller essayer dans les cabines : un petit défilé de mode tels les mannequins que nous sommes. » dit-il, le clin d’œil accompagnant ses mots alors que déjà les jambes se frayent un chemin. Et il attrape le vêtement, balance l’autre à Haeil tout en souriant d’une sincérité commune. « Dis, tu sais … J’ai recroisé Heon à la dernière fois. » Puant l’alcool, le parfum de la drogue non loin des narines. Mais le plus jeune devine les non-dits. « On s’est embrassé. » Avant qu’il ne le fuit à nouveau. Et il va le tuer pour avoir craqué après plus de deux années de fuite. Est-ce donc la raison pour laquelle les cabines séparent les émotions qu’ils traversent ? Les jambes tremblantes, il se sent divaguer. Détruit en mille morceaux. « Raconte-moi pour ce garçon. » demande-t-il d’une voix crépitante.

Et comme avant,

Il n’a pas toujours été aisé de bosser, parfois des clients chiant, un moral en baisse, un instant de doute, une frustration. Haeil a su trouver son rythme, ses repères, mais au début c’était loin d’être gagné. Il en a fait des rencontres, une belle parmi tant d'autres. Hyun Min est cette force dans laquelle il a pu prendre de l’énergie quand il n’en avait plus, celui qui avec un mot, une phrase lui donnait envie de sourire et de continuer d'avancer. Son ami, son allié, il n’aurait rien pu faire s’il ne l’avait pas rencontré. Tout ce que cet homme lui a apporté et ce qu’ils ont finalement appris à échanger pour devenir aussi proche, si fusionnel, il n’a jamais regretté une seule fois d’avoir bossé dans cet endroit. Lieu de rencontre, belle ou éphémère, les souvenirs s’entassent dans son esprit, feintant parfois l’oublie, mais pourtant encore bien présent en lui.

Sentiment détendu, plaisant à s’amuser comme si de rien n’était ça fait du bien au plus jeune qui ses derniers temps perd de sa vitalité, bien trop souvent plongé dans ses pensées qu’il ne peut évincer. Face à Hyun Min il veut sourire, il veut juste oublier. Quelques minutes, quelques heures avant de replonger dans sa frustrante culpabilité qu’il affronte seul quitte à se faire emporter et écraser sous ses sentiments dominants. Secret inavoué, coupable d’un crime qu’il doit garder caché pour ne pas partager son péché, rendre complice son ami, ses proches, il affronte seul cette épreuve sans savoir jusqu’où il sera capable d’aller.

Il a mis de côté tant de choses auxquelles il croyait, tant de désir espéré. L’espoir ? Il n’y croit plus. L’amour ? Il n’y a pas le droit. Ce garçon rencontré à la supérette qu’il désirait connaitre, cet homme blessé qu’il a soigné alors que son cœur battait si fort, ses sentiments qu’il ne pouvait contrôler, qui commencé à se développer, cette envie de créer, de construire un lien à deux sur un bout de chemin… Tout cela n’arrivera jamais, il a mis fin à cette lubie, il a renoncé à un bonheur qu’il aurait pu partager, parce qu’il ne peut être heureux. Il feint l’oubli, mais il se souvient. Il se force juste à ne pas se rappeler pour ne pas en être davantage blessé.

« Tais-toi donc. » Lui lance-t-il avec un sourire qu’il arrive à afficher, le seul qui a posé un lapin à l’autre, c’est Haeil… Triste réalité avec laquelle il devra vivre désormais, des regrets, il en a bien assez. Un défilé ? « C’est un crime d’avoir si peu de public avec de tels spécimens non ? » Il en ajoute une couche, plaisanterie légère, ses pas suivant ceux de son ainé. Du moins jusqu’à ce qu’il parle de son ex, Heon. « T’es sérieux ? Et alors, tu penses que ça va mener où cette fois ? » Il l’interroge, le questionne, voulant protéger son meilleur ami de ses sentiments, cette relation, il ne sait pas où il va, mais si c’est pour finir en miettes encore une fois il préfère le mettre en garde. « Dis-moi le si je dois acheter une pelle, l’autre est un peu usé. » Il était direct sur le sujet, mais l’un et l’autre se supporter, s’entraider, se consoler, se confier. Ils n’étaient pas meilleur ami pour rien, ce n’était pas qu’un mot sur un lien, c’était fort, réel, intense.

Retirant son haut dans la cabine, il enfile celui choisi par Hyun min, ayant entendu la question de ce dernier, mais gardant ses lèvres liées. Que pouvait-il dire ? Que pouvait-il raconter ? « Ça n’a pas marché c'est tout, il ne s’est rien passé… » Sa voix est basse, comme s’il ne voulait pas dire une telle chose, juste comme si quelque part au fond de lui, très loin, l’espoir demeure encore ? Sottise. Il soupire et sort de la pièce en attendant son meilleur ami devant pour montrer à quoi il ressemble. « La taille te semble juste ? » Pour lui c’était bien comme ça, il était à l’aise dans le choix de son meilleur ami.

Le cœur pleure de douleur tant les yeux perlent de mille gouttelettes fines. Les larmes se perdent sur le rouge de ses joues à chaque nouveau mot. Chaque nouvelle révélation – conversation banale au possible, quelques mots délicats qui s’envolent pour glisser dans l’entrée d’oreilles attentives. Conseiller du jour, Haeil. Il sait que Hyun Min se plaint rarement, il a fui un malheur dans lequel il s’enfonçait un peu plus chaque jour. Le service militaire n’était qu’une bonne excuse, là où noyé dans la profondeur des obligations il se pensait à l’abri de tout maux. Et pourtant, depuis le retour à la réalité, tout semble le rattraper soudainement. Heon n’a jamais quitté son esprit, pas même une nuit. Des rêves aux cauchemars, il a toujours été là. Fidèle au poste … Avec tristesse et nostalgie.

L’humour de son ami soigne l’épuisement mental, au moins le temps de quelques secondes. S’imaginant alors l’homme muni d’une pelle dans l’unique but d’y chasser l’autre ; mais ça fait mal. Il aurait aimé les choses différentes. Que peut-il faire ? Il est fautif autant que lui. Ce qu’il croit. Ce qu’il pense. Ce qu’il imagine. « Je l’ai ramené chez lui, c’est tout. » Comme ces soirs où même la relation achevée, il venait le chercher au milieu de la nuit ; un prince charmant charmé. Hyun Min est envoûté.