(flashback : larvae) feat. haeil

Liberté n’a été qu’un mot longtemps espérer. Un de ces rêves oublié avec les temps dès les premiers jours ; dès la première nuit. Lune traîtresse pour bien des sujets, bien des choses qui n’étouffent que partiellement. Qu’importe – aujourd’hui l’émancipation s’offre à lui. Porteur d’une phobie qui cesse de l’étouffer à l’intérieur du bâtiment, Sueon imagine la brise chatouiller son visage, l’air frais l’emporter dans un monde où tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes. Feindre l’impossible. Pourvu que le parfum diabolique s’évapore tandis qu’il galère. Que le blanc échappe à ses yeux au nom de la nature, des insectes, de la pluie qu’il souhaite sentir s’échouer sur sa peau, du soleil qui crame sa peau à n’en plus finir, des bruits de klaxons … Le siège l’énerve. Mais il s’énervera plus tard, les risques sont trop grands. Trop nombreux que d’encourir le retour en arrière.

Alors ses doigts s’épuisent pour le conduire dans le dehors qu’il ne connaît plus ; illustre inconnu de cette nouvelle vie imposée. L’absence et le manque s’amusent de lui, troublant son âme un peu plus qu’elle ne l’est déjà. Mille questions en tête et dont il cherche les réponses, en quête de révélations. Il est bouleversé. Enfant paumé. Usé des amitiés terminées. Usé des relations échouées ; haineux envers les parents, en colère contre eux, lui, l’autre, la fille au loin, l’inconnu du quartier. Il déteste le monde et ce qui l’entoure.

Et fais tomber ses sacs sur le sol, les larmes aux visages. Trois mois sans voir la vie.

Ses pas l’ont conduit ici, face à ce bâtiment imposant le cœur battant. Avait-il bien fait, cette décision désespérée en quête d’un pardon inavoué, il se le demandait. Sa vie ne pouvait pas continuer ainsi, il ne pouvait plus rêver sans y penser, chaque jour son esprit en était bercé, de cet accident qui le hanté. Cette culpabilité qui l’habitait. Oh si seulement il pouvait remonter le temps pour le changer, ce moment où il s’est enfui, cet instant où son monde et le « sien » ont basculé. Attente d’une occasion, il s’était renseigné et savait. C’était le jour où il sortait, ce jour où Haeil devait l’aborder, telle une confession silencieuse, un besoin de trouver une solution malheureuse...

Figé, il observa ce garçon assis de loin, comme si son courage l’avait quitté, mais c’était sans compter sur cette occasion de l’aider qui venait de se présenter. Pas après pas, mètre après mètre, il avançait dans sa direction, s’arrêta à ses côtés pour ramasser les sacs tombés et ses iris cherchant celle du garçon en larmes, blessé à cause de ce qu’il avait fait, brisé par sa lâcheté. « Est-ce que ça va ? » Question con. Il ne pouvait pourtant que le demander, devant nié qu’il savait. « Je peux t’aider ? » Aider ? Mot qui sonné si faux après ce qu’il avait fait, mais sa sincérité n’était pas moins vraie.

Les larmes ne sont pas plus torrentielles que ce matin-là, où après quelques jours silencieux à dormir sous les traces de morphines, le réveil n’était que similaire à une douche froide - les annonces en guise de pluies, le plafond blanc pour compagnie. Et si aujourd’hui elles sont à nouveau de sortie, elles ne sont que soupçon de tristesse mélangé à la joie de liberté. Une image tant bien éphémère que réel. Mais tout se complique dans la tête, Sueon n’est qu’un enfant perdu dans un monde difficile. Un monde qu’il a détruit, ravagé de ses caprices ; aujourd’hui plus seul qu’il n’a jamais été. Roi des hypocrites, le masque brisé contre sa volonté. Il ne sait que faire, ni où aller – même l’adresse que ses parents lui ont offerte est un corps étranger, viré d’une manière délicate de sa propre maison. Et déjà il se sent vide. Plus que jusqu’à présent.

Sueon relève la tête, brusquement. Il ne reconnaît ni la voix, ni le visage. Se demande ce qu’on lui veut, alors que soudainement la honte émane en lui. Des infirmières, des médecins, docteurs en tous genres, il se moquait royalement … Et aujourd’hui ? À la vue de tous ! Il se sent idiot, avec ce fauteuil. Ses jambes mortes. Et la colère gronde en lui. Les poings se ferment, rongent son jean avec haine.

Il retient son souffle à la deuxième question ; le corps tremblant presque d’amertume envers lui-même plutôt qu’envers l’inconnu. « Qu’est-ce que vous me voulez ? » demande-t-il froidement. Il voudrait juste rentrer pour se cacher dans ses draps froids. Rester immobile jusqu’à mourir de faim. Mourir. Mourir. Mourir. De mille façons.

Son corps n’était pas blessé, ses jambes le tenaient debout tandis qu’il pouvait voir au loin celui à qui il avait enlevé les siennes. Le sentiment qui le rongé était si grand, son âme torturée par la culpabilité, il ignorait ce qu’il faisait, mais il avait ce besoin de l’aider, égoïstement, il voulait être utile à celui qu’il avait brisé. Est-ce que cela allait enlever sa faute, lavé son péché ? Jamais et il le savait… Seulement, s’il pouvait ne serait-ce qu’un peu allégé sa souffrance, peut-être serait-il capable de voir ce fardeau légèrement s’alléger. Le fardeau d’être coupable d’un acte immonde, coupable d’une vie gâché, d’une peur et d’une belle lâcheté. Oh que oui Haeil était lâche, effrayé par ses défauts et sa pauvreté, mais qu’avait-il gagné si ce n’est l’incapacité de dormir sans y penser, de ne pouvoir avancer, piégé dans cet accident qu’il a provoqué.

Les larmes de ce gosse sont comme des piques de glace dans la poitrine du plus vieux, cherchant à l’aider, lui adressant la parole en risquant d’être rejeté, qui voudrait l’aide d’un inconnu ? Il ne pouvait pourtant pas renoncer… « Désolé, je… » Il bloque, que voulait-il ? « Juste vous aidez, désolé si ça semble maladroit. » ça l’était, parce qu’il ne savait pas qui il était, c’était comme le prendre en pitié, lui parler sans rien savoir de lui et au fond c’était la vérité, à quelques détails prêts. Haeil le regarde, au début un regard fuyant pas certain de pouvoir vraiment se confronter à son visage innocent, à ses yeux larmoyants, il se sentit si mal d’être celui qui avait cloué ce jeune garçon dans cette chaise roulante.

« Je ne vous veux pas de mal, comme vous êtes seul je me suis dit que vous auriez peut-être besoin de quelqu'un c’est tout. » Il insiste, mais s’il recule il n’aura pas d’autre occasion de l’approcher, de se lier à lui, de prendre soin de lui, de le soutenir, il avait besoin d’être utile auprès de ce garçon sinon il allait devenir fou.

La honte ronge son âme. Elle nourrit son corps de tourments inouïs. Sueon se sent un peu plus seul, un peu plus mal. Personne n’est à ses côtés pour l’accompagner. Personne pour fermer ses yeux, apaiser son cœur brûlant de malheur. Il n’y a personne aujourd’hui, pas plus qu’il n’a eu de visite ces derniers mois. Pas même Tael, pas la moindre trace de ses parents, ses faux-amis sont décédés le jour de l’accident. Uniquement le fantôme bienveillant de son cousin et de ses cousines, quelques sourires arrangeant les larmes sur les joues. Au moins pour quelques heures. Qui peut le protéger des regards dérangeants ? Il se sent mal.

Tellement mal.

Les larmes coulent sans le savoir. S’écrasent sur le sol. Sueon ne les essuies que lorsqu’il croise le regard de l’inconnu. Il se tend nerveusement, ne sait comment réagir. Sa seule défense se noie en colère et ses jambes meurent un peu plus quand ses ongles marquent son jean jusqu’à la peau. C’est intérieurement qu’il a mal ; la douleur physique n’existe plus à cet endroit, il ne ressent plus rien. « Est-ce que je vous fais pitié ? » demande-t-il. « Ou vous attendez là tous les jours pour venir en aide à ceux qui sortent d’ici ? » La voix n’est pas plus gentille. Elle n’est qu’une défense qu’il maîtrise depuis toujours … Mais est-ce justifiable ? Sueon n’est pas habitué à la sincérité du monde. Tout n’a toujours été qu’hypocrisie dans son monde à lui ; roi, reine, prince et princesse de l’univers mondain et des obligations de pouvoirs. Paraître ou s’écraser. Lui reste-t-il seulement de la confiance à offrir aux autres ? Tout n’est qu’incertitudes. « Ce n’est pas parce que j’ai besoin d’aide que je pleure. Ni parce que j’ai honte de moi-même … » essaie-t-il de se justifier. De quoi ? De qui ? Nul ne le sait. Toujours est-il qu’il tente désespérément de convaincre – lui plus que l’autre. Et alors la question vient avec un automatisme cruel : pourquoi pleure-t-il ?

Pour cette liberté inespérée.

Il pleure pour être encore en vie.
Pas de joie, plutôt de tristesse. Empli de nostalgie, l’âme émane une onde démesurément grande pour lui rappel qu’il n’a plus rien. « Il n’y a personne pour m’attendre à la maison. »  chuchote-t-il. Et il ne connaît rien de cette maison. Elle le lui a été imposée. Autant que cette nouvelle vie.