dean (dance machine)

"vous avez choisi un prénom ?" avait murmuré l'infirmière alors qu'elle te déposait pour la première fois dans les bras de ta mère. une joie sans nom, un bonheur puissant ressenti par tes parents alors que la figure paternelle s'était redressée, un large sourire sur le visage. "dean, il s'appelle dean atkins." l'américain venait de réaliser son rêve - et celui de son père, il avait fondé sa propre famille. on aurait pu croire que cette famille allait vivre de grandes choses, que tu allais devenir quelqu'un de grand, dont tout le monde connaîtrait le nom. mais tu étais différent, dès ton plus jeune âge, tu avais montré que tu étais à part. certainement dédié à une vie de paillettes, sans forcément l'avoir voulu.

on dit que l'argent ne fait pas le bonheur, et c'est sûrement cette phrase qui reflète le mieux ta propre vie.

t'étais un gamin discret, préférant jouer seul plutôt que passer tes récrés avec les autres. t'étais lunaire, dans ton monde. on te laissait jouer avec des petites voitures que tu n'aimais pas tant que ça, tu te contentais de ce que tes parents pouvaient bien t'offrir, même si ce n'était pas ce que tu voulais. ton père n'était jamais là, toujours au travail ou en voyage d'affaire. ta mère elle, passait plus de temps avec ses copines, te laissant aux mains de nourrices et baby-sitter au fur et à mesure des années. il n'y avait pas beaucoup d'amour dans cette famille. tu passais tes dimanches matins seul sur le grand canapé du salon, ta peluche dans les bras et un bol de céréales à peine mangé, observant le balais des employés de maison comme un véritable spectacle. triste quotidien luxueux.

à force de trainer seul sur les bancs d'école, tu avais développé un véritable sens de l'observation. tu regardais ces autres enfants s'amuser, sans rien trouver qui ne puisse t'intéresser. jusqu'à tomber sur deux filles qui passaient leur temps à danser, ce qui avait attisé ta curiosité. et en peu de temps, tu avais découvert un sport qui te plaisait vraiment, un moyen de t'exprimer avec ton corps, toi qui était incapable de t'exprimer avec tes mots. pendant un temps, tu t'étais exercé seul, dans ta chambre, à l'abri des regards. jusqu'à trouver le courage de demander à tes parents de te laisser prendre des cours. "jamais de la vie." que ton père avait répondu. "ce n'est pas un sport d'homme." qu'il disait, lui qui espérait de son fils qu'il reprenne les affaires de la famille. t'as pas vraiment supporté ces mots, ce refus, toi qui ne demandait jamais rien. alors tu t'es simplement caché pour continuer à pratiquer ce sport qui te tenait réellement à coeur. ces filles de la cours d'école étaient devenues tes seules amies, les seules à connaître ce secret et à danser avec toi. et ça t'a suffit, pendant un temps.

t'avais continué de grandir, simplement. un petit frère avait débarqué dans ta vie sans que tu ne demandes quoi que ce soit. t'étais trop solitaire pour t'occuper de rohan, trop occupé à te cacher dans ta chambre à longueur de temps pour passer du temps avec lui. et lui, il était tout ce que tes parents avaient voulu. souriant, sociable, doué à l'école dès son plus jeune âge. il suivait les directives de la famille avec plaisir alors que toi, tu faisais tout pour qu'on ne sache rien de toi. tu laissais le reste de ta famille faire leurs projets d'avenir sans toi. tout cet argent, toute cette vie ne t'intéressait pas, bien au contraire. l'âge des premiers baisers, des soirées, t'avaient fait découvrir de nouvelles sensations, de nouvelles aspirations pour ta propre vie. mais une fois de plus, tu le savais, tu allais devoir garder de nombreux secrets. parce que le corps d'un homme t'était bien plus attractif que celui d'une femme, parce que tu était ce danseur ne pouvant pas danser. parce qu'on te privait des seules choses que tu aimais vraiment.

puis le temps de l'université était arrivé bien plus rapidement que tu ne l'aurais cru. pour te libérer, tu avais décidé de partir à boston, loin de cette prison dorée, loin des envies de mondanité et de luxe de tes proches. tu t'étais découvert une nouvelle facette, plus joviale, plus sociale. tu n'avais plus besoin de te cacher, tu avais enfin la possibilité de prendre des cours de danse, de musique, de vivre comme tu l'avais toujours voulu. ta vie était rythmée par de petites amourettes d'ado, un groupe de musique, des soirées, et les cours. et tu jonglais avec tout ça, apprenant finalement la définition du bonheur. pendant deux ans, ta vie était enfin telle que tu l'avais imaginée, sans faux-semblant, sans tromperie, seulement à partager ce que tu aimais réellement. mais tu ne voulais plus te cacher, toi qui avait découvert l'amour auprès d'un autre étudiant depuis un peu plus d'un an. "tu es une honte pour la famille." avait pensé à voix haute ton propre père alors que tu avais décidé de lui annoncer cette nouvelle. il avait terminé ses remontrances d'un "je ne veux plus jamais te revoir." qui sonnait comme un coup de poignard en plein coeur. et tu t'étais échappé, récupérant tes économies, retournant à boston le coeur brisé et le dégoût de la vie.

un an, pour remonter la pente, pour reprendre le dessus sur ta propre vie. un an où ton frère fût le seul à appeler, de temps en temps, simplement pour prendre de tes nouvelles. celui que tu n'avais jamais épaulé était finalement le seul à se préoccuper de toi. mais tu avais gardé cette impression d'étouffer, de ne pas vivre pleinement ta propre vie. alors tu avais pris une décision, celle de partir, aussi loin que possible. arrêter tes études, te poser dans un endroit ou tu te sentirais réellement vivant, il n'y avait plus que ça qui comptait, finalement. un billet d'avion, une valise, et te voilà prêt à prendre un nouveau départ.

séoul, capitale coréenne. tu étais parti sur la terre de tes ancêtres, sans réellement savoir si ce lieu allait être symbole de ce tournant dans ta vie. les rencontres, le quotidien t'avaient charmé au point que, quatre ans plus tard, tu étais toujours là. un colocataire, un travail, une passion, et surtout, plus aucune prison dorée qui te consumait. tu étais désormais libre, bien plus que tu ne l'avais jamais été. ethan avait sûrement beaucoup joué dans tout ça, il était ce pilier dont tu avais toujours eu besoin dans ta vie. beaucoup plus que ça même si tu n'étais pas encore prêt à comprendre tout ça. et tu vivais enfin simplement, sans faux semblant.