sun + begin and end, open and close

Ils sont juste jaloux de toi. Ne fais pas attention à eux, si tu te refais frapper, va juste le dire à des adultes, et ne t'occupe que de tes quelques amis quand tu vas à l'école, et surtout de tes études. Continue à être le meilleur, ce sera la plus grande des vengeances que tu pourras leur faire. Sun lui fit juste un signe positif de la tête, si sa mère voulait qu'il reste fort et ne lâche jamais ses études, alors il le ferait. Dans ce monde horrible où il rentreait parfois avec des bleus, il n'y avait que sa famille qui comptait à ses yeux : ses deux parents et ses deux soeurs. Intello sans trop d'amis, qui excellait et premier de la classe, on ne l'aimait pas beaucoup et on ne se gênait pas pour le lui montrer. – Mais il le méritait, sur les bords. Homophobe, raciste, hautain et égoïste, sa vie était juste un cercle vicieux : plus on le détestait, plus il détestait, et moins il se faisait apprécier. Dépressif, il ne faisait que se raccrocher à tout ce qu'il avait, le travail et sa famille, sans savoir vraiment ce qu'était le bonheur.


C'était apaisant. Bien plus que de pleurer toutes les larmes de son coeur, de crier et de lancer des jurons au premier venu. À quoi bon continuer sans ses parents. Il se sentait désolé pour ses deux soeurs, pour l'une ce n'est pas comme s'ils allaient se revoir de si tôt de toute façon, et il n'avait pas la force de l'attendre, et pour l'autre, il savait très bien qu'il n'avait aucune excuse. Il pouvait déjà confirmer que la mort était le plus doux des sommeils, avant même d'y avoir goûté. Morts dans un accident de voiture lui avait-on dit, je n'ai pas les moyens de vous adopter tous les trois, je laisse la cadette partir en orphelinat sa tante lui avait-elle dit après n'avoir adopté que l'aîné et la benjamine de la fratrie, laissant pour Sun comme dernier souvenir le visage de la cadette en pleurs. Et il se sentait désolé pour sa plus petite soeur, mais il n'y arrivait juste plus.


« Do… Sun ? » Sun avait survécu, du haut de son saut du sixième étage d'un immeuble. Coup de chance, une voiture avait pu amortir sa chute. Miracle, certains disaient, signe du destin, d'autres disaient, mais Do Sun n'en disait rien. Difficile de réellement en penser quelque chose alors que dans sa tête c'était l'énorme blanc – amnésie, le médecin avait-il dit.


C'est avec grande difficulté qu'il reprit une vie habituelle, qu'il changea de vie et d'école, et de personnalité. L'adolescent mauvais et dépressif était devenu un adolescent naïf et qui ne ressentait… Rien. Le vide. Il ne pleurait pas, il n'avait aucune compassion envers les autres, il n'avait aucune réflexion et il faisait juste ce qu'on lui disait. On l'appelait en murmurant le robot à son lycée, en prenant la peine de ne pas le dire trop fort « car quand même ça se fait pas pour lui le pauvre ». Il travaillait durement dans ses études, mais étant loin d'être le premier de sa classe, devenu une quiche dans toutes les matières, mais malgré tout son seul refuge restait le travail, pour des raisons différentes qu'avant ; aujourd'hui, c'était car il était toujours plus agréable pour lui de simplement faire des exercices et de revoir ses cours que de sortir, avec des amis pour qui il ne ressentait rien, ou de discuter alors qu'il n'avait rien à dire. Il était vide, on lui avait dit de bien travailler, alors il le faisait. Ses premiers réels sentiments furent ceux amoureux, succombant au charme d'une fille populaire de son lycée, qui l'avait eu dans le viseur car « quel défi que de rendre ce garçon si vide et naïf amoureux de moi », et crédule jusqu'au bout, il avait craqué. Il avait changé pour elle : s'était mis à faire du sport, boire, avait touché à la drogue, devenant un homme prêt à tout pour elle et toucher ses centres d'intérêts, même s'il n'en restait pas moins ce mec totalement paumé dans sa vie au fond, ne réussissant pas à se recréer une identité.


Ce fut un bouquet de roses à la main et un grand sourire, heureux de revoir sa copine après une semaine, qu'il l'avait surprise avec un autre. Le coeur brisé, il expérimentait sa première rupture amoureuse, alors qu'elle s'était lassée de lui : elle avait craqué pour ce gars qui s'extasiait en voyant le premier lapin de sa vie, pas celui qui commençait à ressembler comme à tous ces garçons racailles pour lui plaire.


Et vint la question des études : « tu veux faire quoi, après ? ». Sa tante savait que cette question était très délicate, et son neveu se contenta de hocher les épaules, pas plus concerné que ça. À quoi ça sert un avenir quand on a pas de passé. Il repartit dans sa chambre, laissant sa tante seule à soupirer. Il sortit un vieux livre de littérature, qui appartenait à celui qu'il appelait l'ancien Sun, mais qui lui serait utile aujourd'hui pour lui changer un peu les idées et se cultiver. Et avec surprise, une petite feuille à lignes pliée en deux en tomba. Sun la ramassa, et partit s'asseoir sur son lit avant de l'ouvrir. Quelques petits mots, écrits par de fins traits noirs : « Alors vieux Do Sun, t'es devenu quoi aujourd'hui ? J'espère que tu es devenu le plus grand médecin de Corée, comme je l'ai toujours rêvé ! » Une sorte de capsule temporelle, que l'ancien Sun avait écrit en pensant retomber dessus bien plus tard, sûrement. Et Sun pleura. Il pleura toutes les larmes de son corps, alors que son ancien lui s'était adressé à la personne qu'il était aujourd'hui. À défaut d'avoir empêché son ancien lui de vivre, le considérant comme mort, à défaut de vouloir redevenir cette personne à qui il ne s'identifiait absolument pas, il pouvait au moins réaliser son rêve : il avait trouvé son ambition.


Il avait brillamment réussi son premier semestre de médecine (enfin, presque), mais tenait difficilement pour le second : car il avait beau mettre toute son âme dans son travail, il ne restait pas moins un garçon avec un Q.I de poule, pensant que le Pérou c'était en Australie et se trompant parfois même quand il comptait jusqu'à vingt, et ainsi ses notes étaient en chute libre. Sans parler de la motivation ; c'était le rêve de celui qu'il était avant son amnésie, pas après. Il commença à y mettre moins de coeur dans ses études, se disant qu'il apprendrait la formule de Taylor-Lagrange demain, puis ses développements limités usuels la semaine prochaine, puis qu'aujourd'hui il allait se permettre de rester à la maison et qu'il rattraperait les cours plus tard, avant de finalement ne plus du tout y aller. Ce fut le plus grand échec dans sa vie : bon à rien, il ne fut même pas capable de réaliser la seule chose qu'il aurait pu offrir en hommage à la personne qu'il était avant, qui avait disparu.

Ce fut la chute libre, encore plus que ses notes, alors qu'il commença à tomber dans la débauche, les boîtes de nuit et le sexe, le glandage et la perte totale d'ambition. Il vivait au jour le jour, vraiment, se disant qu'il se bougera, plus tard. Sa tante fut désolée de voir ce que sa vie était devenue, mais ne faisait rien pour autant : s'il était plus heureux comme ça que dans des études ou en travaillant, c'était mieux ainsi, elle ne lui souhaitait que son bonheur. Son neveu lui disait avec le sourire qu'elle était une tante admirable, mais que c'était juste lui.


Il y eut cet homme ; un ami, à la base, qui aspirait aux mêmes jeux volages que lui. Même s'il n'avait pas l'habitude de coucher avec des proches, il fut la première exception ; et la dernière, alors qu'après, tout lui semblait bien fade à côté. Deux ans de non-dits, de tendresses et de sentiments cachés, alors qu'il avait peur de recevoir un non. Il était heureux, tant qu'il pouvait toujours profiter de lui en tant qu'ami. De plus, il s'était trouvé un petit boulot dans un café, et reprenait une vie correcte, arrêtant ses sorties la nuit et déménageant de chez sa tante, devenant libre et indépendant. Rentré dans la vie active, il était bien heureux comme ça, même si son coeur lui disait le contraire alors qu'il était insatisfait.


Il avait retrouvé la troisième soeur, après en avoir entendu tant parler de sa petite soeur. Mais les retrouvailles n'étaient pas simples. Et puis, une histoire de faux-couple, après qu'une amie le lui ait demandé pour rendre jaloux l'homme qu'elle avait dans le viseur ; mais ce fut plutôt pour le jeune Sun que cette histoire profita, découvrant que ses sentiments étaient réciproques – idiot jusqu'au bout des doigts. Ce fut une vie amoureuse sur un petit nuage qui s'offrit à lui, allant jusqu'à des fiançailles officieuses sur un bord de mer en Italie, après même pas un an de vie en couple, des promesses de le rendre heureux et de tout obtenir pour lui, sincères, mais se dégradant au fil du temps. Pour retomber dans le célibat ; trop de mensonges, d'engueulades et pas assez de bonheur. Le coeur brisé, il passe malgré tout à autre chose, car on a qu'une vie et qu'il le sait très bien.  


((Sa tante signifiait tout pour lui, femme qui avait toujours été là, ou du moins depuis son réveil. Il voyait en elle un symbole de gentillesse, de bonté et un exemple à prendre, femme dont il ne remettait jamais la parole en question.

Mais ce n'était pas si simple que ça. Vite lancée dans des affaires de mafia et d'illégalités, elle s'éloigna bien vite de son frère avant de planifier un accident de voiture pour lui et sa femme, mi-2008, pour une question d'argent. Par pitié face aux enfants laissés seuls, et car ça faisait une bonne défense si un jour on venait la suspecter, elle adopta Sun et la benjamine, à défaut de le faire avec la cadette : elle qui avait découvert la vérité, mais ne l'avait pas dit au reste de la fratrie. Mais au fil du temps, voilà que les deux enfants l'adoucirent, la rendant meilleure et elle arrêta toutes ses affaires pour être une bonne mère adoptive, lui cachant toujours la vérité. Mais celle-ci finit par toujours remonter à la surface tôt ou tard ; problèmes de dettes, elle doit encore un peu bosser dedans pour être hors de danger, et quoi de mieux que de demander à son fils naïf comme un enfant de trois ans pour faire de sales affaires, quand elle, sa santé ne le lui permettait plus. Si tu dois livrer ce genre de substances pour moi, c'est juste pour faire des médicaments et il la croit. Aveuglément, même s'il se pose des questions. Et refuse de douter d'elle.))