pretty girl ((klari))

Il n'y a pas mieux qu'un match d'entraînement pour terminer sa journée de cours, surtout quand on écoute rien durant la classe et que la cour est plus intéressante que le tableau ou le professeur. Combien de fois me suis-je fait reprendre par l'enseignant parce que je dessinais des dragon ball sur mes fiches de cours plutôt que la leçon en elle-même. Il m'est déjà arrivé de répondre à un test par des petits dessins de personnage assez expressif, dans le genre "chai pas". Mes notes sont nulles, voire très basse pour mon année, mais je ne m'en formalise pas plus que ça. Pour moi, j'ai la moyenne suffisante pour valider mon trimestre et les autres à venir. Puis ce n'est pas comme si mes parents me grondaient pour mes bulletins catastrophiques. Ils sont dans le showbiz, ils n'ont pas toujours le temps pour me reprendre ou juste pour m'apprendre la vie. Je dois parfois me débrouiller seul et ceci se résume à me donner à fond dans l'équipe de volley plutôt que dans mes études.

Aujourd'hui encore est une journée spéciale, elles se ressemblent toutes mais à mes yeux elles sont toutes particulières. C'est une après-midi où nous jouons ensemble avec les gars de la snu tigers, pour un prochain match entre établissement scolaire. Il y a du monde dans les alentours, surtout des filles qui se rincent l'oeil sur les gars de l'équipe. On peut les entendre piailler d'un peu partout, crier des noms ou jubiler entre elles. C'est amusant, c'est ce qui motive de plus que jouer pour le plaisir ou la victoire. Je n'ai rien contre elles en tout cas, si ça peut les occuper de nous encourager. Le match se poursuit tranquillement, j'arrête pas mal de passe de l'adversaire pour la retourner à mes coéquipiers d'équipe. Nous sommes les sans maillots aujourd'hui, normal que les filles s'émoustillent à chaque nouvel entrainement.

À la fin de l'entraînement, quelques admiratrices viennent à notre rencontre pour discuter ou nous complimenter. Elles parlent du match, de nos passes, des trucs dans le genre. Si le trois quart sont réceptives, il y a une fille qui ne semble pas s'intéresser à tout ceci. Ce n'est pas la première fois que je la vois, mais elle n'est jamais venu jusqu'ici, ce qui m'intrigue et me pousse à vouloir lui parler. Quittant la foule, mon tee-shirt sur l'épaule, je m'approche d'elle avec un sourire et tente un début de conversation. « Salut ! C'est la première fois que tu viens ici ? T'as l'air paumé. » plaisantais-je, toujours avec une esquisse aux lèvres.

Le son des baskets grinçant sur le sol du gymnase, le bruit de brouhaha imposant qui ne laisse place qu’à l’agitation, le cri des encouragements, les yeux de mes voisines brillent d’une lueur que je ne saisis pas. Sur le terrain des garçons, trop de garçons, certain dénudé et transpirant de ses efforts qui me fatiguent rien qu’à les observer courir d’un côté à l’autre après la balle. Je n’ai absolument rien contre les sportifs, j’admire même leur courage à se donner à fond dans ces disciplines épuisantes et drastiques qui prennent beaucoup de temps et d’énergie. Mon regard suit maladroitement plusieurs silhouettes, curieux de ce qui rend si enthousiaste mes copines qui m’ont trainé ici. D’après elle je suis trop renfermé dans mes bouquins, coincé dans mon coin, incapable de lever le pied ou de me montrer intéressé par le sexe opposé. En soi, elles ont raison, je ne cache pas être totalement perdu face aux garçons, mais est-ce qu’elles pensent que cette occasion peut changer ma vision ?

Le coup de sifflet final et rien n’a su m’arracher la moindre excitation ou dévotion. Rien qui fasse battre mon cœur et attirer mon attention. Plusieurs personnes attendent de parler aux joueurs, de les féliciter ou simplement de capter un regard ou plusieurs. Quelques pas en retrait, j’observe d’un œil discret, impatiente de m’en aller et retrouver mon calme adoré.  Je ne m’attendais pas à ce qu’un des gars me voit et s’approche de moi pour me parler avec légèreté et simplicité. Je le connais, je l’ai déjà vu aux côtés de mon frère ainé, mais je n’ai jamais discuté avec lui, jusqu’à aujourd’hui.

« Paumé ? Disons que je ne trouve aucun intérêt à me ruer sur les joueurs, ce n’est pas vraiment l’ambiance dans laquelle je me sens à l’aise. » Le bruit résonne encore dans mes oreilles, je déteste ça, les cris et lieux remplis. Ça me donne l’impression d’étouffer, de ne plus savoir comment respirer. « Tu vas attraper froid à rester dans cette tenue. » Je le tutoie alors qu’il est plus vieux que moi, mais dans sa façon de parler je me suis senti plus tenté d’user d’un langage familier, il parait simple d’esprit donc ça ne devrait pas causer d’ennui.

Cette fille est la petite soeur d'un pote, je pourrais la reconnaître entre toutes ces filles même si nous nous sommes jamais adressé la parole. C'est la première fois que je m'approche si près d'elle, d'habitude je la capte de loin. Son frère ne parle pas beaucoup d'elle, du moins ce n'est pas son sujet fétiche quand nous nous croisons ou quand nous passons du temps ensemble. Je peux le comprendre, moi non plus je n'ai pas très envie de parler de ma famille, bien qu'elle se résume à mes deux parents riches et célèbres. Si les autres savaient que je suis leur fils, autant dire adieu à ma tranquillité. M'écartant de l'équipe et des autres filles occupées à baver sur mes camarades, je reste en retrait avec la seule intruse de sa bande. Franchement, elle semble paumée dans ce groupe de fanatisme. « Tu n'aimes pas les hommes ? » Demandais-je bêtement, comme si je n'étais pas capable d'analyser sa phrase ou de réunir tous mes neurones pour poser une question plus intelligente. Si Yue était là, il me traiterait d'andouille. C'est juste étrange de la voir ici alors qu'elle n'aime pas forcément cette ambiance. Froid ? Je pouffe de rire en regardant mon torse dénudé. « Je ne tombe pas si facilement malade. » Comme dit le dicton, y a que les imbéciles qui ne tombent jamais malade ou c'est autre chose. Bah, on s'en fiche. J'enfile mon tee-shirt malgré tout, pour ne pas me balader à moitié vêtu. « Tu es Chae Ri, n'est-ce pas ? » Son prénom vient de me revenir en regardant sa bouille, comme un éclair de lucidité. « Comment va ton frère ? » Ce n'est qu'une question pour meubler la conversation, mais je reprends après un coup d'oeil vers la foule au milieu du terrain. « Tu veux sortir ? » Du gymnase, plus précisément. Elle a dit ne pas être à l'aise dans ce style d'ambiance, dans ce cas je l'invite à sortir dehors et à s'éloigner de l'agitation causée par les autres filles.

Mon frère est un gars en or, le genre de personne dont je peux être fière, il a souffert autant que moi et pourtant il a pris le temps de s’occuper de cette gamine isolé et en détresse que j’étais après le décès de notre mère. À mes yeux il est bien plus un pilier que ne peut l’être mon père et j’espère qu’il sera toujours aussi sincère avec moi, même si je sais qu’il me protègera toujours à sa façon. Ce garçon le connaît, il a peut-être une autre vision de mon ainé, mais qu’importe, je ne fréquente pas les amis de mon grand frère donc à part l’avoir vu trainé à ses côtés je ne sais absolument rien de ce joueur dénudé. Si je n’aime pas les hommes ? Un froncement de sourcil et je hausse les épaules. « Je n'en sais rien. Je ne suis pas sûr de comprendre leur mentalité. Vous êtes… Bizarre. » Je dis ça avec tout le sérieux du monde, mais je ne peux pas cacher que je cherche encore à les cerner, même si mon observation peut facilement être trompée par des agissements que je ne cherche pas forcément à décrypter.

« Si tu le dis. » Je ne vais pas insister, mais j’espère que le karma ne le punira pas pour avoir osé se vanter d’une telle chose. Il a peut-être chaud après s’être dépensé, mais c’est là que c’est encore plus mauvais pour le corps. Oh, il me connaît. « C’est ça et tu es ? » Je ne vais pas faire genre de le connaitre, son prénom m’est inconnu alors autant être égal en lui demandant de me le donner, bien que je doute avoir besoin de l’utiliser. « Il va bien, tu ne l’as pas croisé ? » Il ne doit pas être bien loin, lui aussi fréquente ce genre de lieux, bien plus aisément que moi en tout cas. Poussant un soupire en regardant la foule toujours aussi rassembler et bruyante…

« Seulement si tu remets ton haut, je n’ai pas envie d’attirer l’attention avec ton côté exhibitionniste. »  Je ne mâche jamais mes mots, donc autant être franche, marchant déjà vers la sortie. J’ai vraiment envie de m’échapper d’ici, donc autant le faire maintenant.

Son frère est un chic type, je l'aime bien. En même temps, qui je n'aime pas ? C'est la question à se poser, parce que j'ai très peu d'ennemis en vérité. Son aîné est une personne que j'apprécie, disons qu'il est haut placé dans la longue liste de mes potes, amis et connaissances en tous genres. ça devrait être un honneur pour lui, quand on connaît mon côté sociable. Sa soeur est le contraire de son frère, plus renfermée, moins évidente à aborder. Je n'ai eu aucun mal avec son frangin, mais ce n'est pas la même chose avec elle. Bizarre ? Wouah. Je suis bizarre ? Je ne me suis jamais considéré comme étant quelqu'un de forcément bizarre, juste un peu décalé comparé à certains. La majorité des jeunes bossent dure pour leurs études, ils veulent réussir et avoir un bel avenir, quand moi je pense qu'au sport et à m'amuser. Peut-être que c'est ça être bizarre. « J'ne pense pas que l'on soit plus bizarre que vous. » des filles. C'est un point de vue à discuter, entre filles et garçons. M'enfin, ce n'est pas tellement le sujet important.

S'inquiéterait-elle pour moi ? J'ai dû chopper la crève une fois dans toute ma vie. Mon corps est trop robuste pour tomber malade, même en courant sous la pluie. En tout cas, je la connais et je lui fais savoir. « Klahan, je suis un ami à ton frère. » Je pense qu'elle l'a compris, mais c'est juste pour le souligner correctement. « Hm, pas depuis hier ? » ça ne date pas de longtemps, mais faut savoir qu'avec moi c'est une éternité. Je ne l'ai pas croisé de la journée, c'est ça que je veux dire. Je pourrais lui envoyer un sms, mais il a sûrement mieux à faire que m'écouter raconter ma vie.

« Je l'ai déjà remis. » Fis-je en tirant sur le tissu. Ce n'est pas comme si j'allais l'inviter quelque part, juste aller dehors. « T'es du genre discrète. J'aime bien. » Je souris, amusé par la différence entre elle et les autres qui n'arrêtent pas. ça change et ça fait du bien, des fois. D'un signe du menton, j'indique la sortie du gymnase et m'engage déjà vers celle-ci.

Mon frère est le meilleur, je l’adore et je ne peux pas le cacher. Je sais qu’il est vraiment entouré, c’est un homme sociable et il va facilement vers les autres, il me rappelle étonnant ce garçon qui est venue naturellement vers moi. Enfin, cela ne m’empêche pas de donner mon avis sur « eux » à mes yeux ils sont bizarres, je ne peux pas les cerner, je n’arrive pas à comprendre à quoi il pense ou comme il fonctionne. Les hommes en général m’apparaissent comme un énorme point d’interrogation au-dessus de la tête, essayant de trouver une solution, des réponses. « Donc tu trouves que les filles sont bizarres aussi ? » On dirait que je ne suis pas la seule dans cette situation, à moins qu’il n’ait pas compris où je voulais en venir ? Mais vu son physique et son tempérament il donne plutôt l’impression de s’y connaitre en « femme » ou du moins de ne pas être aussi perdu que moi, surtout qu’il est plus âgé. Surement le même âge que mon ainé.

« Je sais. » Qu’il est un ami de mon frère, mais j’ignorais son prénom, désormais je sais comme nt il se nomme. Prénom original, j’aime bien. « Tu n’es pas Coréen pas vrai ? » Je ne sais pas pourquoi je l’interroge ainsi, surement parce que j’ai toujours une once de curiosité qui s’impose et puis ça ne fait pas de mal de se montrer un peu moins « porte de prison » vu qu’on me reproche des fois de manquer d’intérêt pour les autres, je prouve le contraire là. Bon, au moins il a remis son haut, on avance.

« Et tu sembles être tout le contraire. » De ma discrétion.  Affichant un léger sourire, je sors du gymnase, ça fait du bien de ne plus entendre toute cette agitation et de prendre l’air, j’avais l’impression d’étouffer.  « Tu es sûr de vouloir quitter tes camarades, tu aurais pu profiter de la gloire de votre victoire. »  

Les filles ne sont pas transparentes, ce n'est pas facile de deviner ce qu'elles pensent ou ce qu'elles veulent. Elles sont parfois très compliquées pour nous, les hommes. Je n'avais jamais imaginé que ça puisse être le cas pour elles aussi ou alors c'est uniquement cette fille qui s'interroge sur le mystère que sont les hommes. Cette conversation n'a pas beaucoup de sens, pourtant nous sommes bien entrain de l'aborder. Est-ce que les filles sont bizarres pour moi ? « Je ne parlais pas vraiment pour moi. » repris-je en haussant les épaules. En fait, je ne me questionne pas vraiment sur elles. Si elle savait que je pensais qu'au sport, la question ne se poserait pas vraiment. Qu'elles soient bizarres, compliquées ou mystérieuses ne change pas beaucoup ma vie. « Sincèrement, je ne me suis jamais posé la question. »  j'avoue être inculte sur la gent féminine et de ne pas m'en inquiéter pour autant. Elle peut penser que je suis un homme à femmes ou que je profite de mon physique, comme l'aurait cru mon meilleur ami, mais c'est totalement faux. Il n'y a qu'un muscle dans ma tête, plus qu'un cerveau.

Chae ri sait que je suis un ami de son frère, mais elle ignore mon prénom. Je lui communique par politesse et peut-être parce que j'ai envie qu'elle le sache. « Je suis Thaïlandais. » elle devait s'en douter, puisqu'elle a compris que je n'étais pas Coréen, comparé à elle ou à son frère qui ont un nom typiquement du pays. Entre-temps j'ai remis mon haut et caché mon torse nu qui semblait déranger mon interlocuteur. Les filles qui viennent ont l'habitude, mais ça ne semble pas être son cas. La discrétion avant tout, je peux le comprendre. Je lui fais d'ailleurs remarquer, ce qu'elle me retourne contre moi habillement. « Tu as raison. Disons que ça ne me dérange pas de m'afficher. » ce sont des années de pratique, difficiles de changer.

Quittant le gymnase, j'observe la jeune fille du coin de l'oeil et remarque son sourire. Elle est mignonne, sans arrière-pensée. Sa remarque me fait sourire à mon tour, haussant les épaules avec indifférence. « Ce n'est qu'une victoire. » je joue le modeste, mais en vérité ce n'est qu'un simple entraînement, une routine. « Ils ont mieux à faire, je pense. Et puis ils n'ont même pas remarqué que je me suis éloigné. » c'est vrai, aucun ne m'a couru après pour me retenir. Ils ont sûrement l'habitude, si je ne traine pas plus longtemps qu'eux, alors je pars avant. « Pourquoi tu t'inquiètes pour eux ? Je ne suis pas indispensable. » je plaisante, lui faisant un clin d'oeil.

Je m’interroge plus par nécessité que curiosité, les garçons sont un vrai mystère sur tous les points pour moi et je trouve leur comportement assez étrange ou incompréhensif, ne pas savoir ce qu’il pense pourrait sembler normal, peut-être même que c’est réciproque pour eux. Oh, il ne parlait pas pour lui. Je vois, de toute façon ce n’est pas comme si je ne pensais qu’à les déchiffrer, je n’ai simplement pas le même intérêt pour eux que peuvent en avoir mes copines ou les filles en général. Je ne m’enfonce pas plus dans cette conversation, me doutant qu’elle risque de tourner en rond ou de ne pas avoir de but réel, je voulais juste savoir, maintenant je sais. Thaïlandais ? Je me disais bien qu’il ne serait pas Coréen, j’avais raison. Après les traits de son visage sont différents et son prénom m’avait mis sur la piste, mais il parle parfaitement la langue du pays. « Tu vis ici depuis longtemps ? » J’imagine que pour être aussi à l’aise il a peut-être même toujours vécu ici. « Ça je pense l’avoir compris. » Le fait qu’il n’avait aucun souci pour se déshabiller, mais je crois que ce n’est pas le seul. Après chacun sa façon d’être, ce n’est pas que ça me dérange, au fond je m’en fiche, mais pas quand je suis avec lui. Je ne trouve pas ça « normal ».

Dehors je revis, honnêtement je préfère ça que d’être à l’intérieur avec tout ces jeunes regroupés, une bonne bouffée d’air frais c’est le mieux.  « Tu as tant que ça l’habitude de gagner ? » Pour qu’il soit si nonchalant devant une victoire, modestie ou pas je croyais que ça rendait toujours heureux de gagner un match.  « Oh. Ça fait un peu pitié dit comme ça. » Le fait qu’il n’ait pas remarqué son absence, ça fait le mal aimé. « T’es pas trop triste ? » Me moquais-je malgré moi.   « M’inquiéter ? Pourquoi ça ? » Je ne suis pas du tout inquiète pour eux ou pour qui que ce soit.  « Je pensais juste qu’en tant qu’équipe vous préfériez fêter ça tous ensemble, mais je me trompais apparemment. » Au moins je suis venue et les filles ne diront pas que je n’ai pas fait cet effort, même si j’aurais aimé profiter de mon temps libre pour lire ou étudier.  Fouillant dans mon sac, je sors une bouteille d’eau.  « Tu en veux,  je n’y ai pas touché. » Au cas où je préfère préciser.

Être Thaïlandais ne fait pas de moi une personne différente des autres. Je parle correctement le coréen parce que je l'ai appris bien assez tôt. Cela fait des années que je vis ici, parce que mes parents l'ont voulu. Des années que je fais semblant de ne pas être leur fils pour ne pas être inondé de demande d'autographes ou de photos. Je détestais cela en Thaïlande et je suis sûr de haïr encore ceci en vivant ici à Séoul. Et puis, je ne suis pas 100% thaïlandais puisque mon père est coréen, d'où le nang en nom de famille. Enfin bref, je ne vais pas m'attarder sur mes origines ou ma famille. « Un certain temps, mais mon père est coréen. » pour moi je suis Thaïlandais puisque je suis né et j'ai vécu un moment à Bangkok avant d'aménager ici. Mon accent est très bon, tout autant que mon Thaïlandais. Deux origines pour un seul gars. Je suis à l'aise en tout et avec tout le monde, mais elle semble l'avoir bien compris. Suffit de voir comment je m'affiche torse nu devant les autres et cela sans honte. Il n'y a que les gens qui n'ont pas confiance en eux pour avoir des complexes et ce n'est pas mon cas. Je ne dis pas que cette Chae ri a des complexes pour se faire discrète, mais je ne peux pas dire qu'elle soit totalement décomplexée pour autant. Encore une différence entre homme et femme.

L'habitude de gagner, c'est presque trop prétentieux. « J'en donne l'air ? Non, disons que je ne suis pas un mauvais perdant. » gagner ou perdre, c'est le plaisir de jouer et de participer qui m'intéresse avant la victoire. L'équipe est plus importante qu'un trophée. « puis ce n'est qu'un entrainement. » ajoutais-je pour qu'elle sache la raison de cette nonchalance. « vraiment ? » je fais tant pitié que ça ? Pourtant je n'ai rien pour me faire plaindre. Au contraire, j'ai quasiment tout ce que je souhaite à portée de main. « je rêve ou tu plaisantes ? L'espace d'un instant j'ai cru que tu ne savais pas rire. » je la taquine en retour, avec un sourire amusé. Je me demande si elle s'inquiète mais ça ne semble pas être le cas. « je te l'ai dit, ce n'est qu'un simple entrainement. Et puis pas besoin de victoire pour faire la fête. » bah ouais, je ne suis pas du genre à attendre une occasion pour déconner et m'amuser. La voir sortir une bouteille d'eau me surprend, surtout quand elle me la propose. Je ne dis pas non, saisissant celle-ci en frôlant sa main de mes doigts. « merci, je mourrais de soif. » la remerciais-je sans perdre mon sourire et en ouvrant la bouteille pour boire la moitié d'une traite. « hm, ça ne me dérange pas de boire après les gens. » ça aussi ça doit être inscrit sur ma face, que je ne crains pas les microbes des autres, ni de boire après eux. Je ne suis pas du genre maniaque ou quoi, au contraire je suis bien trop sociable pour faire des manières. « tu veux la récupérer ? » demandais-je en tendant la bouteille quasiment vide. Sait-on jamais si elle veut la finir.

Donc il a les deux origines, je comprends mieux son aisance à parler coréen et son accent pas dépaysé. Dans tous les cas ce garçon semble bien opposé à moi, pas seulement parce que je suis une fille et lui non, mais dans notre façon d’être ou notre caractère. En réalité les jeunes d’aujourd’hui sont plus comme lui que comme moi, d’après mes amis je suis trop coincée et je ne peux pas contredire que mes passe-temps sont assez personnel et éducatif. Les garçons je n’y pige rien et même si j’arrive à parler avec eux, généralement je n’arrive simplement pas à cerner ce qu’ils désirent, ce qu’ils pensent, c’est un puzzle pour moi bien difficile à résoudre.

« Je suppose que c’est tout à ton honneur. » Ne pas être mauvais perdant est une qualité d’après moi, mais ce n’est pas pour cela qu’il faut aimer perdre pour autant. Après je ne participe pas aux activités de groupe comme eux, je ne suis pas du genre à faire de compétition, mais si on prend par exemple les études c’est un peu la même chose ? J’aime être au top. « Hum, d’accord. » Un entrainement, donc ce n’est pas sérieux et ça ne compte pas comme une compétition, ça doit être plus léger pour les membres et détendu, je ne peux pas me mettre à leur place pour le comprendre, mais à voir Klahan, ça ne me paraît évident que lui en tout cas, l’est assez. « En effet, je plaisantais. » Confirmais-je naturellement, sans hésiter. « Je peux rire, si ça vaut la peine. » Je souris l’air de dire qu’il faut juste m’atteindre, je suis un peu difficile et dans mon monde, mais je ne suis pas non plus une plante morte ou une porte de prison… J’ai seulement ma vision des choses un peu coincées oui, mais c’est ce que je suis… On aime ou on n’aime pas, je ne cherche pas à plaire de toute façon donc comme ça c’est réglé.

Pas besoin de victoire pour faire la fête ? « Je vois » N’étant pas quelqu’un de fêtard ça me dépasse un peu tout ça, donc j’évite de trop rentrer dans un sujet qui ne ferait que me gêner.  Préférant plus lui passer une bouteille d’eau en précisant que je ne l’ai pas touchée, un frôlement et un sourire discret.  « De rien. » ça me fait plaisir. Le voir boire ainsi la moitié d’une traite me surprend un peu, le fixant comme si c’était une bête de foire.  « Tu avais soif en effet. » Dis-je encore pour plaisanter, simplement commentaire illustré de la vérité. « J’ai l’impression que peu de chose te dérange non ? » Il a l’air si… ouvert ? Extraverti et libre, sans complexe et sans gêne. D’une simplicité qu’on pourrait surement lui envier. « Ah, tu peux la finir si tu veux. » Si ce n’est pas le cas je la reprends, mais seulement s’il n’a vraiment plus soif.

Si ce match n'était pas qu'un simple entraînement, sûrement que je ferais déjà la fête avec les gars. C'est ce que nous faisons généralement, pour ceux qui ont le temps et l'envie. Dans mon cas, j'aime faire la fête, j'aime m'amuser, donc je n'ai rien contre célébrer une victoire. Si je m'écoutais, je ferais la fête même lors d'une défaite, juste pour marquer le coup et dire que l'on fera mieux la fois prochaine. C'est peut-être idiot, mais je ne suis pas un garçon prise de tête. Gagner est bien, j'apprécie cette sensation de victoire, d'avoir tout donné dans un seul but, mais je ne mettrais pas à pleurer ou à taper du pied si je venais à perdre. Si elle peut comprendre ça, alors tant mieux. Je ne pense pas être difficile à cerner, gagner est une bonne chose, mais chaque défaite est une leçon, une prise de conscience. Quand tu comprends ça, tu comprends tout.

L'entendre plaisanter est nouveau, alors qu'en vérité je viens à peine de lui parler. Je connais Chae Ri de loin, par son frère, mais c'est la première fois que je m'approche si près d'elle. Comparée à son aîné, elle est l'opposée. Du genre à prendre tout au sérieux, même quand c'est une blague. Apparemment, elle sait rire et ça me rassure. J'ai toujours plus de mal avec les gens trop terre à terre que ceux dans mon style, trop extravagant et cool. « Et ça en vaut la peine ? » Là maintenant, pour la petite plaisanterie. Elle sourit, c'est sûrement un beau début. Au moins je peux facilement constater qu'elle n'est pas froide comme la glace ou fermée comme une porte de prison. Je peux parler sans me prendre de vent, pour l'instant.

Peut-être devrais-je apprendre à me taire, mais je ne vois rien de mauvais à dire que j'aime faire la fête et que toute occasion est bonne pour ça. Franchement, il n'y a rien de mieux pour se détendre qu'être avec des potes et déconner un bon coup. Chae Ri me propose sa bouteille d'eau et je l'accepte volontiers, la remerciant au passage avant de l'ouvrir et de boire une bonne quantité. J'avais gravement soif! Ce qu'elle confirme et qui me donne aussitôt le sourire, pendant que je lui retourne sa bouteille. « Pourquoi ça devrait ? Faut prendre les choses du bon côté et rien n'est difficile. » C'est ma façon de vivre, quand on se donne à fond tout le temps, on ne peut qu'être content de soi. Avec son accord je termine la bouteille d'une dernière traite et la tends à nouveau dans sa direction. « Encore merci, Cherry. » Fis-je avec un sourire.

Je n’ai jamais participé à une compétition, je n’ai jamais joué avec une équipe ou eu le besoin de fêter une quelconque victoire avec eux. Je ne peux donc pas me mettre à la place de ce garçon ou même des autres qui sont du genre à profiter de leur jeunesse d’une manière qui m’est inconnue. On me dit souvent que je suis « à part » de mon point de vue je suis seulement « moi » donc je ne ressens en aucun cas cette différence avec les autres. C’est vrai que c’est quand même évident de réaliser que je vis « sagement » à côté d’eux, mais est-ce pour autant une erreur ou une mauvaise chose ? Où est-ce marqué qu’on doit tous être pareil ? Je ne suis pas une personne qu’on case dans une liste, j’ai ma propre façon de vivre, mes propres passions et je n’empêche personne d’avoir les leurs. Ce gars est vraiment différent de moi, il est ouvert, extraverti, expressif, il semble n’avoir aucun filtre ni complexe et je trouve ça étrange car je ne suis pas comme cela. Rien à voir avec un jugement ou des reproches, il m’intrigue c’est tout, à travers cette conversation je tente indirectement de comprendre, mais ce n’est pas une surprise de dire que les garçons en général sont un véritable mystère pour moi. Loin de ces filles emballées et en quête d’attention, je suis beaucoup plus sérieuse.

Je peux pourtant sourire et même rire, c’est rare que je montre mes expressions, mais si j’en ressens le besoin je le fais, je ne ris pas à cet instant, mais sourire est déjà bien, ça démontre que je ne suis pas fermée ou froide, ce n’est pas le cas de toute façon, même si je peux en donner l’impression à la première rencontre. Si ça en vaut la peine ? « Il faut croire que oui~ » Sinon je n’aurais pas sourit n’est-ce pas ? Klahan est complètement à l’opposé de moi, mais il ressemble un peu à mon frère, j’imagine que c’est pour cela qu’ils sont proches tous les deux. « Tu es quelqu’un de simple, c’est cool. » Il se prend pas la tête, je ne peux rien dire contre ça, ce n’est pas parce qu’on n’a pas la même vision que je ne respecte pas ce côté enthousiaste, extravagant qu’il peut avoir, autant que la manière de prendre les choses avec légèreté. Cherry ? Je le fixe en silence un bon moment, depuis quand n’ai-je pas entendu ce surnom… Celle qui l’utilisait le plus était ma mère. Une once de nostalgie monte en moi. « De rien, Kla oppa. » Ma bouteille est vide, mais au moins il a pu se rassasier.