busted blue - hiro

Elle l’avait vu arriver en vrai. Elle ne peut même pas dire le contraire. Elle l’avait vu arriver. Cette cassure. Cette brisure dans son être. Chez Kikwang. Elle l’avait vu. Et elle n’avait pas su l’éviter. La colère qui avait habité ses traits. Ses yeux qui étaient devenus fous. Lui aussi. Surtout lui. Elle n’avait pas su l’éviter. Et elle y avait cru vraiment. Qu’elle ne rouvrirait pas les yeux. Qu’elle finirait dans un tombeau. Kikwang et son amour destructeur. Kikwang et sa violence passionnée. Kikwang qui cette fois-ci lui avait laissé plus de bleus au corps et à l’âme que des étoiles dans ses yeux. Détruite. Il l’avait détruite. Morceau par morceau. Chaque coup plus vicieux que le précédent. La douleur vrillant ses sens, et donnant à ses supplications des incompréhensions tristes. Elle avait pleuré aussi. Ses mains tendues vers lui. Elle s’était offerte à lui juste que dans la mort. Mais on lui avait refusé le royaume des morts. L’entrée fermée, ce n’était pas encore le temps. Et le réveil avait été douloureux. Ses cris. Ses parents à ses côtés aussi. L’inquiétude sur le visage de sa mère. Des assurances auxquelles elle peine à croire tandis qu’elle lui caresse les cheveux lui assurant que ça irait. L’outrage sur le visage de son père. Le visage d’un homme qui n’a pas vu son enfant se faire détruire, d’un homme qui n’est plus qu’impuissance. On lui avait dit qu’il était là aussi. Mais porte close. Elle ne veut plus le voir. Parce que ça fait mal en respirant. Ça fait mal en bougeant. Et même tomber de moto n’a jamais fait si mal. On lui a dit que Vinh était passé aussi. Pendant qu’elle était inconsciente. Trop longtemps. On lui a dit qu’il y avait eu du grabuge dans les couloirs. Mais tout ça lui échappe. Elle ne veut juste plus le voir. Et ça fait mal. D’aimer son bourreau. De l’aimer au point de craindre de lui pardonner s’il venait à lui parler. Consciente que son cœur est un peu traitre dans l’histoire. Il ne l’a pas épargné lui pourtant. Chaque morceau de peau porte sa trace ou presque. Chaque mouvement est une piqure de rappel, douloureuse, des coups qu’il lui a laissé sans doute pour un mot de trop. Elle aurait du enterrer sa fierté. Pour l’instant c’est son être qu’elle enterre. Ses pleurs résonnant dans le silence quand elle est seule. La douleur de son corps minime quant à celle de son cœur. Amour détruit. Fracassé. Comme elle. Amour sauvage. Destructeur. Et elle refuse qu’on la voie. Ses amis, sa famille. Elle ne veut pas qu’on la voie. Pas quand elle accuse son cœur en lambeau. Pas quand elle accuse que cet amour qu’elle pensait avoir n’était rien d’autre que de la possessivité destructrice. Elle ne veut plus voir personne. Même pas elle. Reflet dans le miroir haï. Surtout pas elle. L’impression d’entendre des ‘on te l’avait dit’. Pourtant il y en a un qui vient braver l’interdiction. Manque de considération qu’elle ne sait détester. Hiro. Hiro qui n’était pas venu au début. Hiro qui a un air sombre. Les poings serrés. Hiro … « J’ai l’air si affreuse que ça ? » Elle croasse, sur sa gorge la trace violente, violacée des mains qui ont tenté de l’étouffer. Il a voulu la tuer, Kikwang. Et ça Baozi n’arrive pas à l’accepter. Non. Parce qu’elle l’aime. Et c’est bien malheureux.

Ils frôlent la mort si souvent, s’amusent avec elle un soir sur deux et en ressortent toujours plus vivants. C’est une addiction comme une autre et baozi s’en nourrit autant que lui. il ne devrait pas être en colère, parce qu’elle n’a fait que provoquer la mort une fois de plus. Il ne devrait pas siffler de rage sur les personnes qui tentent de le raisonner. C’est plus facile de juger les autres coupables, lui-même inclu pour ne pas avoir su l’éloigner de son bourreau. Il l’a mis en garde, l’a prévenu des dizaines de fois et pourtant, il n’a pas réussi à la protéger contre le venin de ce sale type. Il aurait dû faire plus qu’essayer, il aurait dû agir, même si ça voulait dire la perdre elle, aussi. il aurait dû se montrer à la porte de son ex et lui cramer la gueule, car il n’en mérite pas moins et sûrement plus. il ira lui rendre visite dans les semaines à venir, mais pour l’heure seule han lui importe. Elle a refusé de voir le groupe et si tous ont capitulé pour lui laisser l’espace qu’elle réclamait, hiro lui, a refusé de repartir. une infirmière lui déconseille d’entrer avec toute la fermeté dont elle peut faire preuve, une main contre son torse pour le contrer lorsqu’il l’ignore et finalement, après réflexion face au sang-froid du japonais, elle se retire. il est silencieux lorsqu’il entre, ne lui accorde qu’un regard avant que le sien ne parcourt l’état de son corps. Les traces sur sa gorge et son teint pâle, les cernes trop sombres sous ses yeux d’aventure pétillants. Elle était souffrante baozi, bien avant d’en arriver là. elle était malheureuse malgré ses façades – il l’avait mise en garde. Il ne répond pas à l’ironie, n’y sourit pas non plus et plusieurs secondes passent durant lesquelles il s’approche du lit en gardant les poings serrés. Puis il se relaxe et sans la toucher, remonte le drap pour mieux couvrir ses épaules parce qu’il fait toujours un peu trop froid, dans les hôpitaux. « tu es terrible. » c’est plus doux qu’il ne le voulait, presque un murmure après lequel il daigne sourire, à peine. « comment tu te sens ? » il aimerait qu’elle ressente la même fureur contre le coupable que celle qui le consume, mais elle n’a pas l’air en colère. Juste triste, comme certains autres jours. Il ose tendre la main vers sa joue pour la rassurer, mais ce sont des tendresses qu’on ne lui connaît pas vraiment, un peu gauche avec les sentiments. Il tient à elle plus qu’à n’importe quel autre, mais il ne sait pas le lui dire avec les bons mots. « je vais le tuer. » souffle-t-il en lui caressant la joue. « et ne me dis pas que tu l’aimes toujours après ça, han. » il ne veut plus faire l’aveugle, ni faire semblant que tout se passe bien pour ensuite la retrouver dans un tel état. Il souffre de la voir ainsi et son poing libre tremble d’impatience à l’idée de rendre visite au petit-ami censé prendre soin d’elle, et non la détruire.

Il y a des mots amers entre eux. Des ‘je te l’avais dit’ qui ne passent pas les lèvres d’Hiro. Il y a sa colère sourde, il y a sa pitié fraternelle. Il y a ses lèvres salement retroussées à Baozi. Il y a ce sentiment qu’on ne veut pas le comprendre. Mais les mots se brisent contre ses lèvres, parce qu’Hiro il a le même regard que son père. Il a ce côté perdu, il a ces regrets dans ses yeux. L’impression de n’avoir rien vu, de n’avoir rien fait. Alors elle ne sait pas quoi dire Baozi. Ses mots de souffrance, de colère se perdent, et elle ne peut que croasser une remarque. L’ironie dans sa phrase. Elle se sait horrible. Ce n’est pas la plus belle œuvre de Kikwang. Entre ses mains elle n’est devenu qu’un massacre. Un chef d’œuvre de pathétisme et d’hématomes. Et lorsqu’il s’approche Hiro, elle ne peut que baisser les yeux, l’envie de détourner la tête. La honte qui suinte ses pores aussi. Et cette main sur le drap la fait sursauter avant que son cœur ne se calme. Elle ne se savait pas si fragile. Elle se pensait divine Baozi. Létale. Mais elle est tristement humaine. Brisée. Et ça fait mal. Et c’est dur à accepter. Question. Comment elle se sent. Mal. État général. Mal. Juste mal. Et elle sait ce qu’il attend. Qu’elle soit en colère. Qu’elle le haïsse. Qu’elle le déteste. Et elle devrait. Bien sûr qu’elle devrait. Mais elle n’y arrive pas. Et c’est bien malheureux. Cœur blessé en étendard qui aime encore. Toujours. Incapable de cesser de l’aimer. Amour morbide. Il l’a envoyé aux portes du monde des morts. « Mal … Perdue. Je sais pas trop. » Elle ferme les yeux, la caresse contre sa joue. Elle ferme les yeux. Incapable de lui répondre quand il se fait féroce. Lorsqu’il se fait justicier. Réel. Réaliste. « J’aurais du tomber amoureuse de toi. Au moins… J’aurais pas souffert comme ça. » La phrase est un murmure brisé. Les infirmières lui ont dit qu’elle aurait du mal à parler. Il a serré fort. Trop fort. Cervicales fêlées. On attend que les ecchymoses se résorbent un peu avant de lui passer la minerve. « Pourquoi j’y arrive pas … À arrêter … de l’aimer hein ? » La phrase est fatale. Remplie de cette tristesse qui l’habite. Elle et ses amours compliqués. Incapable d’aimer la bonne personne. Incapable de trouver quelqu’un capable de prendre soin d’elle.