we'll grow old as friends (chiaki)

l’astre du jour projette sur séoul les rayons incandescent du petit matin ; ils s’étendent, effleurent les bâtiments avec la douceur des matins estivaux, s’infiltrent à travers les pans des rideaux tirés à la hâte jusque dans le studio baigné de lumière tendre. sawa s’étire, bâille et tend la main vers son téléphone. il est encore tôt, à en juger l’heure affichée sur l’écran. à peine sept heures. mais comme à son habitude, la jeune femme tient à ne pas gaspiller une seule minute de sa journée. ce soir, il lui faudra se rendre au bureau plus tôt qu’à l’accoutumée, à la demande de son patron. elle en grimace déjà, ça lui hérisse le poil et lui arrache un frisson de dégoût. grands dieux, si elle le pouvait, elle enverrait valser ses obligations !

elle se ressaisit néanmoins, secoue la tête et fait craquer son cou tout en se dirigeant vers helios, encore assoupi, pour caresser son museau jusqu’à lui faire ouvrir les yeux. elle rit en l’entendant couiner, se redresse et son visage se fend d’un sourire plus large encore alors que l’envie lui prend de surprendre son meilleur ami. ça fait un moment qu’ils n’ont pas eu de moment seul à seule, à tel point qu’elle en vient à se demander s’il ne préfère pas la compagnie de son manager à la sienne.

sans plus attendre, elle plonge dans sa commode à la recherche d’un jogging. elle sait exactement comment embêter chiaki, et elle prend un malin plaisir à anticiper sa réaction lorsqu’elle le tirera du lit. quelques minutes plus tard, elle monte les escaliers en chantonnant, le pas vif et l’œil pétillant, jusqu’à l’appartement du garçon. code composé à la hâte, et voilà qu’elle pénètre dans le duplex pour foncer droit sur la chambre de sa victime.

« shinaaaaaaaaaaa babyyyyyyy ! »

elle éclate de rire en ouvrant grand la fenêtre, en prenant bien soin de faire le plus de bruit possible avant de courir jusqu’au lit du jeune japonais, de se jeter sur lui, et de se frayer un chemin sous ses draps. « réveille-toi mon gros, ce matin c’est footing ! tu vas me secouer ce petit cul ! » à grand renfort de chatouilles, elle encadre sa taille et se serre contre lui. aujourd’hui, elle ne lui laissera aucun répit, et elle s’en délecte déjà…

Y’a la nuit qui s’allonge, et les journées qui se raccourcissent. Peu de temps pour lui, encore moins pour rejoindre le royaume des songes. Et pourtant alors que l’astre solaire se fait présent, il n’y voit rien Shina. Encore trop dans l’étreinte de Morphée pour vouloir s’en déloger. Et le seigneur du sommeil est un amant capricieux. Il souffre qu’on lui enlève ses amours et présentement le modèle en est un. Ça n’arrête pas Sawa pour autant. Non. Créature solaire, sans doute réveillée dès que l’astre la cajole de ses rayons, et elle débarque. S’installe comme toujours. Place que lui a laissé Shina depuis longtemps. Pourtant tandis que la porte de sa chambre s’ouvre sans aucune pitié, il se recroqueville sous ses draps, l’oreiller qui passe habillement au dessus de sa tête, dans le but évident d’étouffer la voix de la demoiselle. Et Morphée l’abandonne déjà, même s’il fait tout pour rester dans son étreinte. Et c’est Hélios qui devient soudainement seigneur de l’endroit, la fenêtre ouverte dans un fracas monstre, ses rideaux tirés sans aucune passion. Et il l’accueil d’un grognement Shina, pas envie de faire d’effort, bien déterminé à continuer sa nuit le plus longtemps possible. Mais Sawa elle est l’alliée du dieu solaire, et bien vite, elle atterrit sur lui, se faufile entre ses draps, entre ses bras. L’attention est douce, la technique reste à revoir, et c’est un grognement mauvais qui glisse entre les lèvres de Shina tandis qu’il se contorsionne pour éviter ses doigts habiles. « De un … J’suis pas gros. » Le commentaire bougon qui s’échappe de ses lèvres, ton aux nuances de la nuque, sa voix plus rauque qu’en journée. « De deux … Je dors en boxer Sawa … » La remarque est laissée en suspens tandis qu’il la serre contre lui, plus heureux de l’avoir à ses côtés qu’il ne le montre. « ‘Me viole pas … » Et il referme déjà les yeux le modèle, la présence de la jeune femme dans son lit ne changeant rien à son manque de sommeil. Mais tandis qu’il relate le pourquoi de sa venue dans les brumes du sommeil, il finit pourtant par se relever. Un peu trop brusquement. L’entrainant avec lui, Sawa terminant quasiment assise sur ses genoux. « Footing ? Tu as dit footing ? Tu es malade ? »

enfant roi recroquevillé dans les draps, corps inerte et paupière closes, shina s’offre dans toute sa splendeur. ça l’amuse d’autant plus, la petite sawa, qu’il soigne tant son apparence d’ordinaire. elle n’en dit rien, mais elle aime le voir de la sorte, naturel et décomplexé, un ami cher et non plus une star adulée. l’intruse se presse contre son corps tiédi de sommeil, dans son odeur rassurante et ferme les yeux un instant, la joue nichée au creux de son cou ; étreinte volée, once de douceur dans ce monde de brutes, dans la tornade de ses frasques. elle a beau le brusquer, cruelle, aux aurores, l’amitié qu’elle porte au jeune homme n’a d’égal que son amour pour helios.

elle rit aux grognements de son meilleur ami. décidément, il ne changera jamais… « et alors ? moi aussi j’ai une culotte sous mon jogging, j’en fais pas toute une histoire. » taquine, elle ne peut s’empêcher de se serrer un peu plus dans ses bras, avant de murmurer à son oreille : « je viole que les animaux, pourquoi tu t’inquiètes ? » le ton lubrique, suivi d’un rire léger. ce n’est pas si drôle, au fond, parce qu’elle entend ce genre d’horreurs à longueur de nuits.

enfin, shina semble réaliser le pourquoi du comment de sa présence, se redressant brusquement sur son lit. « oui footing, oui. tu sais, mettre un pied devant l’autre jusqu’à ce que ça t’essouffle. parce que là, je t’explique… » elle se défait de son étreinte, envoie valser la couette dans un geste théâtral et attrape le garçon par les hanches. « tu vois, là, c’est tout maigre. » elle tire sur sa peau, glisse son index sur son ventre d’un air circonspect. « et là, c’est tout mou. » le regard sévère, elle l’attrape par les poignets pour le tirer hors du lit, de toute la force de ses petits bras. « de toute façon t’as pas le choix, c’est ça ou je balance tout un stock de photos compromettantes à la presse. » elle finit par perdre l’équilibre et tomber sur les fesses, mais loin de se départir du sourire narquois qui barre son visage sans réserve, elle se traîne sous le nez de son ami pour insister : « et si on croise des paparazzi t’auras qu’à faire genre je suis ta copine, ça fera parler de toi dans le journal ! vu qu’on peut plus compter sur ton physique ingrat pour entretenir ta carrière, un petit coup de buzz te fera pas de mal. »

Morphée est encore maître de son corps, et Shina ne fait rien pour ne plus être sous son joug. Il aurait même pu se rendormir, là avec Sawa dans ses bras. Il aurait bien pu, en la gardant contre lui, son visage dans son cou, princesse solaire, des grognements pour lui rappeler qu’il n’était pas apôtre du soleil, mais plutôt envoyé du monde onirique. Il étire ses lèvres à ses remarques, se retient d’ajouter qu’il n’a vraiment qu’un boxer, et hausse même les épaules lors qu’elle parle de violer les animaux. Début de grimace qui se finit en un air endormi. Jusqu’à ce qu’il comprenne. Sa venue. Sa présence. Pas simplement là pour l’embêter, pour profiter de l’affection qu’il lui donne à foison dès qu’elle en ressent le besoin, non. Plus cruelle qu’on ne le croirait, Sawa semble décider à le torturer. Et Shina, il se relève, trop brusquement, le soleil l’agressant. Il se relève, la gardant contre lui, tandis qu’il lui demande de confirmer cette idée, horreur de faire un footing. Et elle ne dément pas. Porte l’idée plus loin encore tandis que sa couette vole, sous ses yeux écarquillés d’horreur. Ses mains qui glissent sur ses hanches et il la laisse faire abasourdi. De ses hanches à son ventre, des commentaires qui le blesse dans un amour propre. « je suis à moitié allongé forcément que j’ressemble pas à un apollon … » le grognement finit dans un étranglement tandis que les mains de Sawa s’enroulent autour de ses poignets, le forçant à se relever, un commentaire odieux sur le fait de donner ses photos à la presse. Debout de mauvaise grâce, sourire satisfait à la voir assise au sol, le sourcil pourtant haussé sur ses derniers mots. « Mon physique ingrat me permet pourtant de décrocher les meilleurs contrats … J’imagine que la prochaine fois que je pose pour Channel ou Dior, je refuserais les produits qu’on m’offrira à la fin du shooting … Tu pourras dire adieu à tes cadeaux Darling. » Les bras qui se croisent au niveau de son torse, il finit pourtant par soupirer avant de se diriger vers son dressing, bien trop rempli pour ne pas manquer de se vider à ses pieds à chaque fois qu’il l’ouvre. « J’imagine que je n’ai pas le temps de prendre une douche ô tendre réincarnation démoniaque ? »

douces moqueries, apposées d’une grimace attendrie, mots cruels et gestes francs. devant la moue de son ami, sawa ne peut réprimer un rire. « oh noooon… tu vas quand même pas m’en priver ? où serait l’intérêt de continuer de te fréquenter après ça ? » ses lèvres s’étirent, croissants moqueurs, tandis qu’elle feint l’indignation. elle se redresse tant bien que mal, s’approche de la fenêtre à laquelle elle s’attarde, yeux rivés sur l’horizon de ciment, mer brûlante d’asphalte que le temps a gravée dans son âme.

« non, tu n’as pas le temps de prendre une douche, ô tendre crétin de mon cœur. » répond-elle sans prendre la peine de se retourner. « dans cinq minutes tu seras tellement en sueur que ta puanteur présente te semblera bien douce. alors tu m’enfiles un jogging en vitesse, t’as deux minutes. moi je bouge pas, sinon tu vas t’enfuir. »

non sans grogner quelques menaces supplémentaires, elle s’accoude à l’encadrement de la fenêtre, promène l’onyx de ses orbes gracieuses sur les toits baignés de lumière, jusqu’à ce que shina soit fin prêt. son regard s’attarde sur le garçon un moment, juste assez pour s’assurer qu’il n’ait pas sorti un trois-pièces comme elle l’en sait capable. « parfait, maintenant on file chercher helios et on se casse. »

sitôt dit, sitôt fait ; ils dévalent les escaliers jusqu’au troisième étage, où sawa s’engouffre pour récupérer le shiba, déjà enthousiaste à l’idée de faire un tour. elle lui passe sa laisse, qu’elle confie à shina avant même qu’il ait le temps de protester. « allez, c’est toi qui t’en occupes, ça va te réveiller tu verras ! »

au bas du complexe s’ensuivent de brefs étirements, qui suffisent à échauffer les cuisses de la jeune fille. cela fait un bon moment qu’elle n’a plus sollicité son corps, et elle appréhende déjà les courbatures qui engourdiront chacun de ses membres dès demain. qu’importe, il est grand temps de se reprendre en main… alors qu’elle commence à trottiner, le mannequin sur les talons, elle ne peut s’empêcher de lui avouer, timbre clair et joues rosies de plaisir : « je suis contente de t’avoir tiré du lit. j’ai l’impression qu’on passe pas assez de temps ensemble, ça me manques un peu. » elle tourne la tête en direction de shina, lui adresse un sourire sincère et ajoute : « avoue, tu m’as remplacée par un type tellement cute que t’oses pas m’en parler. » 

De fausses promesses de la privé de quelques cadeaux, geste qu’il fait pourtant avec promesses, il hausse des épaules quand elle prétend ne l’aimait que pour ça. Moqueries douces entre comme un jeu éternel. Pourtant il cède Shina. Toujours avec Sawa. Il cède, consent même à ne pas se recoucher alors qu’il est si tôt, que son lit n’attend que lui. Il cède, se dirige vers son dressing, conscient qu’il n’aurait pas le droit à la douche bienfaitrice qui l’aurait réveillé. Et elle lui confirme. Le nez dehors, le spectacle de Séoul qui s’éveille éloignant son regard de lui. Il ne peut pas lui en vouloir. Ça lui coupe aussi le souffle. La vue sur les toits. Séoul comme une fourmilière, l’impression un instant d’être au plus haut, juste un instant. Un grognement indistinct entre ses lèvres, il finit par passer le jogging demandé et même à changer de tee-shirt pour un débardeur histoire d’être bien dans cet enfer dans lequel il était guidé par Sawa. Casquette vissée sur la tête, il abandonne à regret l'idée de prendre ses lunettes quand la jeune femme grogne de nouvelles menaces. Démone à l’apparence angélique. Et pourtant il aurait bien voulu s’enfuir, mais c’était sans compter sur la belle, l’emmenant direction son studio pour qu’il se retrouve avec la laisse d’Hélios, le chien de madame en main. Agenouillé devant l’animal en bas de la résidence, il n’avait pas eu le temps de s’enfuir ou même de râler et Shina était en train de se plaindre, racontant ses malheurs à Hélios. « Tu vois comment elle est ? Ce qu’elle me fait faire ? Me lever aussi tôt … Heureusement que toi tu m’aimes … Si j’avais tu veux une copine, mon coiffeur a une shiba a-do-ra-ble. » Et sa voix qui se perd, tendrement dans le pelage de l’animal, un air faussement courroucé dès qu’il jetait un coup d’œil à Sawa. Mais derrière cette comédie bien huilée, c’était des regards affectueux. Tendre. Sourire qui s’installe sur ses lèvres tandis qu’il se relève, se décidant enfin à s’échauffer. « Ça faisait longtemps oui. » La voix qui se finit dans un murmure, les émotions qui la font vaciller, avant qu’il ne rie quant à sa dernière remarque. « Voyons-voir … Mon manager … Chulie sinon … Non vraiment je ne vois pas avec qui j’aurais bien pu te remplacer … Toi par contre ? Je m’interroge. Un garçon, une fille qui te vole à moi ? »

sawa aurait dû se douter que shina ne se laisserait pas faire ; le flegme du garçon lui arrache bien des soupirs, jusqu’à ce qu’elle s’indigne pour de bon lorsqu’il entraîne son chien dans ses bêtises. « mais merde, shina ! tu corromps qui tu veux, mais tu laisses mon bébé en dehors de tout ça, il est beaucoup trop jeune pour pécho de la zouz ! comme dit ma mère : passe ton bac d’abord ! pas de bac, pas de copine, cqfd. » appuyant ses propos d’un doigt accusateur, elle ne peut résister à décrocher un rire, peu convaincue par sa propre performance. elle a beau chérir helios comme son fils, elle se demande parfois si elle ne ferait pas effectivement mieux de lui présenter une petite shiba plutôt que de le laisser violer la même vieille peluche jour après jour…

et tandis qu’ils s’éloignent à petite allure, elle se met à rire avec son ami. « c’est fou ce que tu es seul, mon vieux. à ce stade-là va falloir poster une annonce dans les journaux ; "cherche gentil mari doué en cuisine pour empâter petite diva." » cependant, elle aurait apprécié que la conversation ne dévie pas sur sa propre situation amoureuse, qui quoique autrement plus palpitante que celle du jeune homme, se trouve suffisamment embarrassante pour qu’elle se contente de hausser les épaules. « rien du tout, je t’appartiens corps et âme. » le ton est sans appel, et pourtant sawa s’évertue à fixer ses pieds jusqu’à ce que le rouge lui monte aux joues. « bon, ok… y a peut-être bien uuuun garçon. ou deux. je sais pas. » admet-elle après une longue hésitation. franchement, si on ne dit plus rien aux copains, à quoi ils servent ?

« y a un gars de la résidence, tu sais ? de la coloc au rez-de-chaussée ? c’est un énorme con mais je crois que j’ai des tendances masos parfois. enfin c’est pas moi, tu vois, c’est lui qui me kiffe. » elle grimace, puis soutient le regard de shina. « mais tu sais moi les mecs, ça fait des années que j’y touche plus et c’est loin d’être une perte. regarde-toi, t’es déjà bien assez chiant pour pas qu’on ait envie de s’en rajouter ! » et d’un geste vif, elle lui vole sa casquette pour la visser sur sa tête et accélérer sa course, rire taquin.

Flegme bien connu, et pourtant Shina en joue. Il se permet même de se plaindre à Hélios, lui promettant de lui faire rencontrer une autre Shiba, un air totalement satisfait quand Sawa s’indigne de le voir tenter de ‘corrompre’ son chien. Et c’est un éclat de rire qui passe ses lèvres. Rire qui se perd dans le silence matinal tandis qu’il se relève finalement. Il finit par cours Shina. Sans trop de souci, tenant le rythme de la demoiselle. C’est Hélios qu’il faut calmer au début, mais il a le bon geste, et bientôt les deux amis sont côtes à côtes, nostalgie étrange entre eux. Nostalgie vite coupée par des histoires d’amour. Il n’ose même plus s’offusquer quand la jeune femme lui proposer de trouver un mari, léger coup de coude quant à son côté diva qu’il ne peut nier. « Pas envie de me caser. J’préfère avoir des amants et des amantes dans toute la ville. » Sans méchanceté entre ses lèvres, ce n’est pas une nouveauté que Shina papillonne. Des amants à droites, des filles qui l’attendent à gauche, on retrouve parfois ses frasques dans le journal, avec Jae Hee par exemple. Pas nouveau, et son cœur enfermé. Pour être sûr de ne pas tomber dans le même malheur que sa mère. Pourtant, ce n’est pas un sujet qui le met à l’aise, alors sans surprise, il dirige la conversation sur Sawa, un sourcil légèrement haussé. Surtout quand elle annonce lui appartenir corps et âme. Reniflement dédaigneux en guise de réponse, c’est la douceur qui vient étirer ses lèvres tandis qu’elle rougit, des aveux difficiles. Et il l’écoute. Tout simplement, la laissant dire ce qu’elle veut dire, sans jamais la forcer, la pousser. Toujours à cœur ouvert entre eux. Il sait quand être sérieux. Quand la taquiner. Et s’il connaît le voisin dont elle parle, Tyler, souvenir d’un barbecue où elle avait fini par l’embrasser, il ne fait qu’hausser les épaules, conclusion taquine sur le bout de la langue. « C’est fou, tu rends tout le monde fou de toi. Ou fou tout court quand on y pense. » Et il s’indigne également le mannequin. Il s’indigne quand elle annonce à quel point il peut être énervant. Casquette qu’elle lui vole avant d’accélérer son pas, son rire réchauffant les cœurs qu’elle laisse derrière elle. « J’vais t’envoyer Hélios à ta suite tu vas rien comprendre ! » Il peste pour la forme, mais il force déjà un peu plus sur ses jambes, bien décidé à ne pas la perdre de vue. À ne jamais la perdre de vue. « J’suis juste quelqu’un qui mérite beaucoup d’attention tu sauras ! Et puis bon, j’irai parler à ce voisin, j’suis sûr qu’il y a confusion et qu’en fait … C’est toi qui craques. Tu veux que j’vérifie s’il a bien quelque chose entre ses jambes … On sait jamais, un eunuque c’est plus rassurant. »

à serpenter entre les géants d’asphalte, sawa s’essouffle doucement, trop peu habituée à mobiliser ses muscles. déjà, sa respiration se fait plus courte, plus bruyante, mais elle maintient le rythme, autant par fierté que par cette volonté inflexible de persévérer dans l’effort. si ses yeux s’attardent sur le pelage d’helios, trottant joyeusement quelques pas au-devant d’eux, ses pensées reviennent malgré elle à tyler.

tyler, le musc de sa peau, les arabesques sur son corps, la tendresse à ses lèvres, les frissons qu’il arrache d’un souffle, ce magnétisme sauvage qui emballe le myocarde plus encore que n’importe quelle course. pincement, soupir… c’est étrange, cette envie brûlante de retrouver ses bras malgré l’agacement qu’il provoque à l’esquisse du moindre mot. quelque part, elle voudrait que shina ait raison ; que tyler soit fou d’elle, comme elle est folle de son odeur et de sa bouche. mais au fond, sa remarque l’attriste, parce qu’il ne se doute certainement pas du point auquel elle sait faire perdre la tête aux hommes. ils sont des dizaines à ployer à ses pieds, chaque soir, tandis qu’elle simule des effeuillages d’une voix grimée d’indolence. douce calypso, cruelle calypso. sawa voudrait tant partager cet aspect-là de son quotidien, ne soit-ce que pour soulager son cœur lourd de ces confidences tues depuis trop longtemps. « ouais… » grommelle-t-elle, le regard soudainement éteint. « venant d’un mannequin à succès j’trouve ça trouve gonflé. » elle grimace bien vite un sourire. « je devrais te vendre aux enchères sur le dark web plutôt que de me tuer à arrondir les fins de mois. »

la remarque de son ami la surprend tout à coup ; quoi ? tyler, eunuque ? la voilà secouée d’un grand rire, et c’est sans réfléchir qu’elle s’exclame : « haha bah j’le trouve vachement bien monté pour un eunuque ! » réalisant ce qu’elle vient de dire, elle plaque ses mains sur sa bouche, interrompt subitement sa course alors que le rouge lui monte aux joues. l’adrénaline retombe tout à coup et elle gémit d’embarras. « merde, quelle conne. » haussement d’épaules, sawa avoue à contre-cœur : « il se pouuuurraaaait que le barbecue ait dérapé jusqu’à chez moi. mais tu le gardes pour toi, sinon je t’étrangle ! » la jeune fille s’agite, baisse la visière de la casquette sur ses yeux pour ne pas affronter le regard de shina. « t’aurais dû m’empêcher de quitter mon poste quand je t’ai refilé la cuisson des saucisses. » vague reproche accompagné d’un geste dépité, et les bras qui se croisent sur la poitrine. « t’es franchement nul comme pote. »

Ils courent. Dans les langueurs d’une aurore timide, ils courent. Séoul pour eux. Les rues encore trop vides. Entre le moment où beaucoup sont déjà partis travailler et les lycéens, étudiants peinent à sortir de leur lit. Shina aurait été de la deuxième catégorie. Son matelas comme la réincarnation d’un Morphée superbe. Mais voilà il court. Avec Sawa. Il n’a jamais rien su lui refuser. Jamais su lui en vouloir. Sawa comme une évidence dans sa vie. Fille qu’il ne laissera jamais s’échapper. Pourtant les deux taquins entre eux. Toujours. Le mannequin rappelant à quel point la jeune femme est appréciée. Même quand elle en doute. Si souvent. Un regard offusqué tandis qu’elle propose déjà de le vendre. Encore. « Mes photos à la presse, mon corps au dark web. Je vais vraiment finir par croire que tu cherches à te débarrasser de moi … » Grognement sec, tandis qu’il accélère le rythme pour finir à ses côtés. Sujet relancé sans égard sur la jeune femme et sur son voisin enamouré. Blague idiote lancé sur la possibilité qu’il soit eunuque, Shina savant bien que Sawa n’est pas forcément des plus à l’aise avec les hommes. Pourtant il manque de tomber en l’entendant rire. Ses pieds qui s’emmêlent un instant tandis que la jeune femme lui lance qu’il est bien monté. Sourcil qui se hausse tandis qu’elle s’arrête, les mains sur sa bouche, le rouge aux joues. Rappelant Hélios à eux, il la regarde rougir, tendre soleil soudainement plus innocent qu’on ne le croirait. « Hm ? Le barbecue … À qui je pourrais le dire sérieusement Sawa ? » Pas du genre à déballer la vie de ses amis. Surtout si Sawa elle même ne sait pas trop où elle va. « Bien sûr c’est de ma faute c’est connu. Au moins les saucisses étaient bonnes te plaint pas. » Léger rire, il s’approche d’elle pourtant, tout en tendresse. Ses doigts venant attraper la visière de sa casquette pour la relever et croiser ses yeux. « J’dois faire le meilleur ami possessif et aller lui toucher deux mots ? Où tu penses gérer comme une grande ? » Sourire doux, vraiment il y tient à ce petit bout de fille. Folie douce qui lui en fait voir de toutes les couleurs. « Tu me diras si je dois le transformer en eunuque hein … J’veux juste que t’ailles bien petite fille. C’tout. »

le palpitant s’éraille, corps bien trop vite échauffé par l’effort. sawa est si frêle, petite chose qu'un seul coup saurait briser. les mains appuyées sur ses genoux, elle reprend son souffle tranquillement, prête une oreille distraite aux moqueries de shina. « elles étaient délicieuses, tes saucisses. » ment-elle, réalisant tout à coup qu’elle n’y a pas goûté. inutile de l’avouer au garçon ; il en serait vexé. et de ses propos elle ne peut que s’étonner, plutôt que de s’indigner face à ses taquineries : elle l’a rarement connu aussi prévenant, et cette attention, quoique grotesque, ne la laisse pas indifférente. de la douceur évidente qui perce dans la voix grave et chaude du jeune homme, elle se met à rire. « non, pitié, t’en mêle pas ! je te jure, je me débrouille très bien toute seule ! » elle balaye son offre d’un revers de main. « de toute façon je l’ai viré de chez moi tellement méchamment qu’il m’adressera plus jamais la parole. »

à en parler ainsi, à froid, il lui semble avoir été injuste et dure avec tyler. mais avant même qu’elle ne se perde en remords, la main du mannequin vient soulever sa visière et leurs regards s’accrochent tendrement. surprise, sawa contemple un instant la finesse de ses traits, sa peau claire et les mèches folles qui tombent sur son front… l’esquisse d’un sourire s’attarde au coin de ses lèvres alors que son cœur se serre doucement. « aaawn. t’es adorable. viens là bébé. »

à mille lieux de lui reprocher de la traiter comme l’enfant qu’elle est si loin d’être, mais dont les échos lui semblent encore si doux, elle enlace la taille de son meilleur ami, pose sa joue contre son torse et l’étreint gentiment. « t’es tellement mignon que je me sens trop mal de t’avoir tiré du lit. » souffle-t-elle contre son cou. « je voulais juste être sûre que tu m’aimais encore assez pour me laisser te martyriser… » elle lève le menton, petite moue et grands yeux tristes. « tu m’en veux ? » un rictus fleurit, et ses prunelles s’illuminent. « allez, je t’offre le petit dej pour me faire pardonner. »

Arrêtés comme un film en pause. L’aveu non voulu entre les lèvres de la jeune femme. Et Shina qui se fait tendre, taquinerie soudainement plus faible. Le rôle du meilleur ami pris au sérieux. La peur qu’on la blesse aussi. Shina joueur, charmeur, un brin trop séducteur, un flegme légendaire, mais Shina protecteur de ses proches. Surtout d’elle. Même si les remarques volent entre eux. Shina déjà prêt à s’en mêler si besoin. Juste pour s’assurer au final. Qu’il ne lui fera pas de mal. Ses doigts sur la visière de sa casquette, son regard qui cherche à rencontrer le sien tandis qu’elle le rassure. Rire qui le rassure le mannequin, même si elle annonce sans pitié qu’elle l’a viré de chez elle. Tout à fait son genre en y repensant. Une pensée, un brin de compassion pour le garçon mis dehors. Dehors certes mais encore bien présent dans l’esprit de Sawa. Alors il lui demande. Recherche d’assurance. Il lui demande, de lui dire s’il y a un problème. Le besoin de la savoir bien. Juste bien. Sourire un peu idiot, il se laisse aller à l’étreinte qu’elle lui offre, ses bras venant enserrer sa taille menue pour la garder contre lui. Les moments d’affection de ce genre son rare. Mais Shina les chérit comme le reste. « Tu te sens vraiment si mal que ça ? » Qu’il demande, le ton chaud de cette affection sans borne qu’il éprouve pour elle. « … Tu sais bien que je te passe tout petite fille. Même mon manager sur la fin il va jeter l’éponge. » Haussement d’épaules, et leurs regards qui se rencontrent. Et Shina se laisse même aller à la tendresse, baiser délicat laissé sur le bout de son nez. Une de ses mains venant caresser tendrement sa chevelure ébène. « Difficile de t’en vouloir Sawa. Surtout si tu offres le petit déj’. On court encore ou tu veux rentrer ? » Demande tranquille, le garçon prêt à se plier à ses exubérances si besoin.