one of them (( chiaki ))

feu rouge. piétons arrêtés, le monde aussi. sauf bien sûr pour les engins à moteur. les yeux d'eojin ne se contentent pas d'observer devant lui. non, ils montent. dérivent même vers l'affiche sur laquelle il reconnait un visage. un visage familier, quelques mots doux et des verres; l'amitié qui naît ensuite, ôte l'ambiguité. et il ne comprend pas. pourquoi chiaki ici ? une recherche google plus tard et il se trouvait stupide. riche, modèle. il avait été trahi, pauvre imbécile. comment pouvait-il faire partie de ces gens ? de ces riches qu'eojin ne supporte pas; déteste pour la plupart. lunatique au possible, pris d'une colère incompréhensible -- ses pas le mèneront au bar, il en est certain.

eojin déambule entre les gens, dans les rues. lumières des enseignes qui se réflétent dans ses prunelles, tout danse dans ses yeux - surtout l'énervement. pourquoi lui avait-il menti ? eojin pensait pourtant que le courant était bien passé, trop bien pour ce garçon soit un d'eux. il sourit trop, est trop simple. pas assez extravagant pour venir de ce monde. il ne comprend pas. il retrouve le bar et à peine entré, il cherche chiaki. ses yeux scrutent, peinent mais finissent par le trouver. assis, au bar. traître, intrus - pourquoi n'était-il pas à gangnam ? il aurait du. eojin arrive, aucun sourire. grimace sur son visage contrarié. « pourquoi tu m'as menti ? » aucun mensonge, juste une omission mais pour eojin c'est pareil. il sort la photo de son portable, celle de chiaki qu'il n'avait jamais vue. lui si peu intéressé par ces gens-là, par les paillettes sur lesquelles il souffle de toutes ses forces. « t'es comme tous les autres, juste un riche qui vient se distraire ici. » il souffle, soupire. s'assoit pourtant à ses côtés, commande un verre. et il fuit son regard, les sourcils froncés. stupide lunatique.

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Chiaki. Il lui a laissé son prénom. Comme une marque de confiance. Les verres échangés. Les mots échangés. L’impression qu’ils pourraient se comprendre. L’impression qu’il pourrait le compter dans la vie. Shina d’habitude sceptique. Le besoin de rester sur ses gardes. La crainte de souffrir. L’abandon comme une entité qui l’apeure. Eojin, âme nocturne avec qui il aime échanger. Complicité simple mais tendre. La promesse à travers son prénom, pourtant gardé d’habitude. Chiaki comme un trésor précieux, prénom dont il s’est détaché aux yeux du monde, dernier lien qui le lie à sa mère. La fatigue qui l’embaume comme un manteau délicat, et ses doigts qui passent dans sa chevelure artistiquement déstructurée. Regard vers le barman, son verre levé, et il le resserre. Cocktail aux couleurs ensorcelantes. Cocktail qu’il manque de laisser tomber face à la colère d’Eojin. Face à ses mots lancés comme des balles. Venin dans sa voix. Et Shina qui ne comprend pas, ses sourcils haussés, les mots qui bloquent dans sa gorge dans une question tandis que les attaques continuent. Remarque sur sa soi-disant richesse. Et le mannequin qui renifle, dédaigneux. Presque outragé qu’on le juge là dessus. Dégouté même. Sa confiance piétinée. Cette amitié relancée au visage. « C’est bon t’as fini ? » Il siffle, vide son verre d’un trait, en commande un autre, heureusement il est sur du soft. L’alcool ça fait trop de ravage parfois. « C’est quoi ton problème ? C’est bon j’suis mannequin, j’gagne de l’argent donc j’suis un connard fini ? Mais c’est facile ça ‘Jin. Trop. Même pas les couilles de me demander à quoi il me sert cet argent. Mais allez. Juge-moi. » Et il a la rage, il est hargneux. Pourtant blessé. Comme un animal qui retrousse ses babines et grogne. Pourtant il sort son téléphone, le fait glisser vers son ami. Sur celui-ci la photo de sa mère, dans sa chambre. Hôpital psychiatrique. Le nom sur la porte sur la photo d’après. Ashina. Comme lui. Morceau de sa vie qu’il dévoile sans le vouloir. Justification qu’il devrait pas donner.

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Il s'énerve pour rien. Pour une omission que d'autres jugeraient comme banale. Mais pas pour lui, non pas lorsqu'il voue une haine sans borne à ceux qui ont plus. à ceux qui ne connaissent pas la misère, la peine de renoncer pour vivre. Peut-être qu'il envie tout simplement la facilité, l'aisance avec laquelle ils vivent tous. Lui, il n'a jamais connu cela. Désire le vivre mais il est face à un mur qui ne cesse de grandir, de lui gâcher une vue à laquelle il n'accédera peut-être jamais. Il pensait que Chiaki était de son côté, que ses orbes ne lui avaient rien caché. Du moins, pas quelque chose comme ça. Eojin, il avait aimé leurs discussions. La sincérité qui semblait éclipser toutes les convenances, les idées reçues. Droit au cœur, droit à l'honnêteté. Et il détestait l'idée que cela avait pu être un mensonge, que Chiaki soit comme ceux autour de lui - un lâcheur; quelqu'un qui disparaîtrait un jour après s'être joué de lui. Eojin s'assoit, parle - crache des mots au goût horrible, bien loin de celui du cocktail que Chiaki. Son soupire s'entend jusqu'à l'autre bout du bar, il laisse ses lèvres tremper dans son verre à peine celui-ci est-il posé devant lui. Il détourne la tête pour regarder Chiaki; sourcils haussés, comme s'il ne comprenait pas. Mais c'est lui qui devrait hausser les sourcils, ne pas comprendre comme il n'a rien pu remarquer. Allure si modeste, si banal alors que Chiaki avait son visage placardé dans la ville. C'est bon t'as fini ? Il sent la colère dans sa voix, pourrait regretter ses mots mais il se contente de boire. D'ignorer son regard, pendant quelques secondes seulement parce que Chiaki parle à nouveau. Il se sent comme attaqué lorsqu'il lui demande quel est son problème. Il claque son verre sur le bar, voudrait parler mais les mots de Chiaki lui cousent les lèvres. Facile, peut-être bien. Ses yeux se posent sur l'autre, attendant le reste des paroles qui vont s'échapper. Venir le frapper parce qu'il n'est qu'un lunatique; parlant sans réfléchir. Juge-moi. Le regret qui naîtrait presque mais les images sont plus fortes que les mots. Chiaki fait glisser son portable devant lui, juste à côté de son verre à moitié vide. Et les yeux d'Eojin y découvrent un visage qui lui semble familier mais reste inconnu. Elle lui ressemble, ils partagent des traits communs - l'évidence s'illustre lorsqu'il voit le nom de famille. Ashina. « Elle te ressemble. » C'est tout ce qu'il arrive à dire au début. Sa main fait glisser le téléphone vers Chiaki, il éteint l'écran; fait disparaître l'image un instant. « Qu'est-ce qu'elle a ? » Ses yeux glissent sur Chiaki; et il se déteste, se hait d'être si hargneux pour rien, si colérique à cause de l'argent. Et il voudrait lui crier, lui hurler à quel point il est désolé. « Je suis désolé, Chia. » Désolé d'être comme ça. D'avoir les mots tranchants pour une omission mais encore pire. « Je te force à me montrer ça alors que tu dois pas en avoir envie. » Il attrape son verre, une gorgée descend. Il voudrait effacer la scène qu'il vient de lui faire. Il ne mérite pas d'être à ses côtés, surtout lorsqu'il a tout assumé sans penser que Chiaki pouvait être différent. Il lui avait pourtant montré ce qu'il était; mais Eojin a préféré voir ce qu'il voulait (( tous les mêmes )). « Je pensais pas qu'il pouvait y avoir des gens différents dans ce milieu. » Sourire amer. Si Chiaki s'en allait, il le comprendrait. Ses yeux essaient de traduire ses excuses, encore plus que ses mots. Il a merdé.

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Fier de ce qu’il est. Sacrifices qui en valaient la peine. De son caractère, de son image qu’il avait travaillée. Tellement. Des offrandes. Morceaux de lui offerts aux caméras, au monde, contre un peu de reconnaissance, de célébrité, d’argent aussi. Quelque chose qu’il n’avait jamais caché. Chiaki pourtant heureux. Lorsqu’avec Eojin, pas une fois ils n’avaient parlé de sa carrière. Heureux que le courant passe, qu’il s’intéresse à ce qu’il y avait derrière les photos et l’aura. Heureux vraiment. Mais bonheur saccagé, la colère de son ami comme une attaque perfide. Amitié qu’il avait donnée, soudainement saccagée. Mannequin acculé. Il se sent comme un animal. Sa défense tout aussi blessante. Il le sait. Il tente de protéger son cœur blessé. Tente de se protéger lui qui s’était mis à ce point à découvert. Shina pas du genre à s’ouvrir. Il y avait cru pourtant avec Eojin. Cru qu’il pourrait lui faire confiance. Parce qu’il n’était pas venu avec de mauvaises attentions. Sauf aujourd’hui peut-être. Et dans le fond. Même s’il se montre cruel, un brin vulgaire dans sa façon de parler, il ne veut pas le perdre. Alors il lui montre. Sa mère. Téléphone glissé sans douceur devant lui. Il lui montre. Celle pour qui il fait tout ça. L’espoir de pouvoir la soigner un jour, partie de ses cachets qu’il reçoit à chaque contrat envoyée directement à l’établissement. L’espoir qu’elle le reconnaisse peut-être sur des affiches, à la télévision. Qu’elle se souvienne. Cette femme avec qui il partage de nombreux traits. « Elle est folle. Elle a perdu la raison … Ne reconnaît même plus son fils. » Amertume. Secret bien gardé qu’il avoue. Il y en a peu qui le savent. Peu qui sont au courant de la situation de sa mère. Peu pour pouvoir comprendre à quel point ce prénom est dur à porter. Parce qu’il ne lui reste pas grand chose d’elle. Si ce n’est ça. Et l’amertume d’Eojin, ses excuses font échos au sourire de Shina tandis qu’il range son téléphone. Il soupire aussi. « Tu juges trop vite. C’est pas parce que je gagne de l’argent que je suis né avec. De base … Y’avait juste moi et ma mère, dans un petit appartement. C’était pas facile tous les jours. Elle pouvait plus travailler … J’ai commencé le mannequinat à quinze ans. Ça suffisait à payer le loyer, pas toujours de quoi manger … » C’est difficile de parler du passé. Difficile. Parce que la crainte est là. Le doute est installé. La peur qu’il le juge encore là entre ses côtes. Lui donne presque cette impression d’étouffer. « Elle est tout ce que j’ai au final. » Parce qu’il aimerait bien. Qu’un jour elle puisse de nouveau prononcer son nom. Son prénom, sa promesse d’éternité. Chiaki. Juste une fois maman, s’il te plait …

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Il se sent stupide. Débilité à son comble, le karma qui fait son travail. On lui renvoie au visage ce qu'il a lui-même jeté. Et il le mérite, il en est certain. Lui qui a toujours jugé sans forcément savoir, mis les gens dans la même catégorie. Peut-être qu'il a dessiné un portrait des riches sans jamais vouloir le changer. Eojin, il est resté coincé sur ses a priori. Comme figé dans le temps, marqué par ceux qui lui ont fait penser ça. Il se souvient encore des regards, que ce soit sur lui ou sa mère. Les orbes des gens qui jugent les nombreuses bouteilles dans le caddie, les chuchotements sur eux. Sur la mère et le fils parce que le père n'a pas voulu l'élever, ne l'a même jamais reconnu ou chéri une seule seconde. Et surtout ceux qui les regardent avec cet air supérieur, comme s'ils valaient mieux qu'eux. Eojin a toujours haï ça, qui sont-ils pour juger alors qu'ils n'ont jamais rien fait pour avoir ce qu'ils ont. Sa propre condition qui le révolte aussi. Il aurait voulu n'avoir jamais rien dit lorsqu'il voit la photo. Ils se ressemblent, c'est certain. Chiaki lui offre une part de lui qui est dure à dévoiler. C'est quelque chose d'intime et il ne le mérite pas, surtout pas après ce qu'il lui a balancé. Son cœur se serre à ses mots. <>Perdu la raison, ne reconnaît plus son fils. Comme un écho à sa propre histoire, à sa mère qui n'arrive même plus à prononcer son prénom lorsqu'elle a trop bu. Il se sent encore plus mal, plus désolé de devoir lui faire avouer un pareil secret. « J'aurais jamais pensé à ça. » A la folie, à une mère qui ignore qui est son fils. Eojin n'imagine même pas à quel point ça doit être difficile. Ses excuses sont sincères, le sourire du garçon aussi. Il écoute attentivement, quelques gorgées qu'il s'offre. Ses yeux dérivent sur Chiaki, il regarde ses lèvres se mouver alors qu'il lui parle encore de sa vie. « Je sais mais je peux pas m'en empêcher. On a vécu un peu la même chose, sauf que moi j'ai pas ma tête dans toute la ville. » Léger sourire sur ses pulpeuses, amertume dissimulée. Eojin qui se décide à parler aussi. « Ma mère boit. Elle dépensait tout pour acheter de l'alcool et y'a des jours où il fallait se contenter de presque rien. » Comme Chiaki, il y avait le loyer, les dépenses diverses et variées. Toujours ce quotidien incertain, les doutes qui s'empilent. Et c'est de là que Eojin a voulu plus, sortir de cette misère et avoir ce qu'il mérite. « T'as pas pu aller au lycée ? » Une question qui le hante. S'il a fait tous les petits boulots possibles pour que lui et sa mère s'en sortent mieux, Eojin allait tout de même à l'école. Il se demande si Chiaki pouvait ou non. Ses lèvres trempent encore dans son verre. Il reste désolé mais peut-être que cet incident lui sera bénéfique. Qu'il lui montrera qu'ils ne sont pas tous les mêmes et fera taire ses idées reçues. Il entend la voix de Chiaki qui résonne à nouveau. Sa main vient se poser sur l'épaule du garçon. « Dis pas ça, je suis là aussi. » Bien sûr, il n'était pas sa mère. Ne pouvait pas lui offrir son amour, ni une quelconque affection du genre mais Eojin pouvait être une épaule sur laquelle il se reposerait. « T'as qu'à m'apprendre à moins juger. »

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Secret tellement bien gardé qu’il expose pourtant. La peur de le perdre qui le fait se dévoiler. Shina bon acteur. Sourire quotidien, soleil ambulant, on a l’impression que ses seuls problèmes sont futiles. Le coloris d’un vêtement, un régime éphémère, la peur de prendre cent grammes. Shina aux murs bien gardés. Cœur barricadé. Shina qui donne une idée de flegme quand on le voit. Mais Shina fragile, l’histoire de sa mère qui le pèse, qui le hante. Même derrière ses sourires. Si bien qu’on ne le devine pas. Secret bien gardé. Et les paroles d’Eojin qui le font sourire. Plus tristement. On ne devine pas l’histoire derrière. On ne devine pas le désespoir d’un gamin qui vient d’affronter sa mère hystérique. On ne devine pas les mots acerbes qu’elle lui a dit, parce qu’elle ne le reconnaissait pas. On ne devine pas la fatalité à appeler les urgences. À la laisser partir. Soudainement plus capable de s’occuper de sa mère. Admis en hôpital psychiatrique, et lui soudainement seul. On ne devine pas tout ça. Parce qu’il est brillant Shina. Rayonnant. Garçon couronné par le dieu soleil, on ne lui voit pas les ombres qu’il camoufle dans ses yeux et la commissure de ses lèvres qui s’affaissent lors qu’il est seul. Face à ses souvenirs. « Pour ma tête dans toute la ville … Je me disais … Que peut-être si elle me voyait sur une affiche, dans un spot à la télé, peut-être, elle se souviendrait ? » Sourire contrit, c’est un enfant qui avait pensé ça. Cartes souvent donnés dans la rue, parce qu’il avait du potentiel, il avait fini par accepter. « J’y allais au lycée … Entre deux shootings. Ce n’était pas génial … Ma mère n’était pas encore internée … Juste des passages à l’hôpital … Il fallait payer le loyer, et les petits boulots … Ça ne paye pas vraiment. » Il n’en parle jamais Shina. De tout ça. Il garde le tout pour lui, tous les souvenirs de son enfance, adolescence. Pourtant ça fait du bien de parler un peu, de se confier. Mots fragiles qui passent ses lèvres, le voile un peu tombé. Et l’aveu de l’importance de sa mère. Il n’avait toujours eu qu’elle au final. Sans attache, les gens allaient et venaient dans sa vie. Comme toujours. « Moins juger ? Simplement … Dis-toi qu’il y a toujours quelque chose derrière une action. Bon clairement il y a des gens qui sont des enfoirés finis mais … Pas tous ? Mais j’imagine que tu as une raison … De détester cette caste ? Ces gens ? Non ? »

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Il n'y a que les vérités qui fusent, les secrets qui s'échappent pour remonter à la surface. Eojin, c'est pas le genre à se confier. Il n'aime pas trop en dire, trop dévoiler. C'est intime, trop dur à assumer. Il préfère se taire, garder ses secrets bien enfouis. Mais ce soir, il s'autorise à en offrir des bribes à Chiaki. C'est peut-être une des premières personnes avec lesquelles il est honnête depuis longtemps. Il n'a pas l'habitude de s'épancher, ni même de donner sa confiance à n'importe qui. Gamin trahi, il préfère compter sur lui-même. Se noyer dans ses propres pensées, ne partager que le superficiel. Eojin, lunatique; compliqué. Il ne fait pas partie de ceux qu'on aborde facilement, de ceux qui donnent beaucoup sans penser aux conséquences. Il aime son jardin secret mais aujourd'hui, Chiaki en a pénétré les grilles. Peut-être qu'apprendre à faire confiance est un premier pas. Eojin, il a toujours été figé dans son monde. Il est temps d'en sortir. Ils parlent de la tête de Chiaki placardée dans toute la ville, Eojin qui n'avait découvert tout cela qu'aujourd'hui. Il aurait dû lever les yeux plus tôt, regarder au lieu de voir. Il écoute les dires de Chiaki, sourit sans grande envie. Esquisse plutôt triste et désolée. « Je comprends. T'avais juste l'espoir qu'elle te reconnaisse. » Que ce soit son visage sur un grand écran, sur une immense affiche que tous les passants pourraient observer. Un miracle aurait pu naître, un miracle aurait pu les sauver. Eojin hésite à poser une autre question mais s'y risque finalement. « Est-ce que ça a marché, au moins un peu ? » Elle aurait pu dire un mot, avoir un geste qui aurait montré qu'elle se souvenait. Un tout petit rien, juste quelque chose. Un signe d'espoir. Eojin, il continue d'écouter. Le lycée; entre deux shootings. « J'ai connu ça aussi. J'essayais d'en faire le plus possible pour qu'on puisse finir le mois. ça marchait pas toujours. » Sourire amer sur ses pulpeuses. Ils ont eu leur lot de difficultés, chacun les siennes mais ils partageaient une expérience relativement similaire. Une mer entre eux mais des similitudes qui s'illustrent. Il le regarde encore, ses yeux cherchent à noter les mots. à s'en souvenir, à les ancrer en lui avec l'image de Chiaki. « Mais ça a toujours l'air si facile, comme si ces gens vivaient sans aucun problème. Ils te prennent de haut, te jugent alors qu'ils valent pas mieux. Je supporte pas leur arrogance. » Des mots qui viennent du cœur. Il ne supporte pas non plus d'avoir été abandonné par son seul ami il y a quelques années. Peut-être qu'il est là le cœur de la blessure. Mais Chiaki devra creuser pour le savoir, le faire parler.

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Vérités qu’il dévoile, qu’ils dévoilent. Des morceaux de vie pourtant si bien cachés avant. Il ne voulait pas au début. Parce que ça fait mal. De se rappeler. Mais en même temps ça soulage. Le cœur moins lourd de ce passé pesant. Le cœur moins lourd, mais les yeux toujours humides. Prémices des larmes qu’il a tant versées à l’époque. Laissé pour compte, il n’avait pas les armes à l’époque Shina. Juste seul. À faire face au monde seul. À s’accrocher à la seule personne qui importait. Il n’avait sans doute pas pris les bonnes décisions. Sans doute. Et lorsqu’elle avait été admise à l’hôpital, c’était déjà trop tard. On dit qu’il y a des gens qui sombrent volontairement dans la folie. Ce n’était pas de sa faute. Sa mère s’était laissée sombrer volontairement. Elle s’était laissée dépérir. S’éteignant à petit feu. Et il n’avait pas pu la sauver. Et dans les traits de son visage qu’elle retraçait avec affection, ce n’était pas lui qu’elle voyait, mais son père absent. Parti. Celui qui les avait abandonnés. Et quand elle refusait de se lever certains jours, c’est parce qu’elle se souvenait de la douleur d’avoir son cœur brisé. Et lorsque les étoiles se sont éteintes dans ses yeux, c’est parce qu’elle a fermé son cœur pour de bon. Alors la question d’Eojin ne lui arrache qu’un mince sourire. Un qui étire faiblement ses lèvres de manière bancale. « Non … Jamais. Et dans le fond … Je me doute qu’elle ne se rappellera jamais … Même si … » Il s’accroche encore et toujours à cet infime espoir Shina. Celui où quand il passera un jour la porte de la chambre de sa mère, elle l’accueille avec un sourire, avec son prénom sur ses lèvres. Espoir qui le force à continuer, espoir qui l’a fait gravir les échelons, s’élever dans le monde de la mode jusqu’à obtenir ce statut de célébrité internationale. Voix qui s’est brisée, il finit par continuer la discussion sans s’arrêter sur cet accroc, sans s’arrêter sur le fait que sa mère ne le reconnaît plus et qu’elle est sans doute plus heureuse ainsi, loin du monde, dans sa propre bulle. Et il écoute les raisons de son ami, Shina, il écoute les raisons de cette haine, compréhension qui se fait sans pour autant aller aux extrêmes. « Beaucoup sont arrogants … Même avec moi. Je ne suis qu’un gamin qui s’est fait une fortune sur son apparence. Mais dans le fond j’suis toujours qu’un gamin qui a galéré et qui a que son physique pour … Mais je sais que d’autres galèrent aussi dans ce monde d’or et de strass. Ils ont leurs problèmes … Juste qu’ils ont leur façon de tout cacher, de faire face au monde … C’est idiot hein … Tu pourrais quand même me jeter la pierre. Je suis le premier à flamber de l’argent quand tout va mal. » Et il n’en est pas forcément fier. De cette tendance à aller faire des journées shopping juste pour oublier, que le monde n’est pas toujours beau.

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Il aurait pu s'en tenir à sa colère. Eojin, il avait toujours tout réglé par des torrents d'émotions, d'incertitudes qu'il jettait aux visages des gens. C'était plus simple que d'écouter, plus simple que de se faire blesser par des choses qu'il ne voulait pas entendre, ni même voir. Mais aujourd'hui, c'est différent. Il s'ouvre, fleur qui éclot après la tempête. Et on s'ouvre aussi à lui, juste retour des choses. Peut-être que c'est mieux qu'il en sache plus sur Chiaki, qu'il ne se contente pas de ses propres idées à son sujet. Il écoute silencieusement les mots du garçon. Son histoire le touche car lui aussi a fait face à l'ignorance de sa mère; pas pour les mêmes raisons mais il peut comprendre l'autre. Sa propre expérience n'est en rien comparable mais il compatit. Et la question qu'il hésitait à poser, il la laisse finalement passer la barrière de ses lèvres. Faible sourire, esquisse qui lui semble automatique qu'il voit sur les lèvres de Chiaki. Tristesse perceptible mais une lueur d'espoir scintille dans cette phrase qui ne sera pas terminée. « T'as toujours espoir. » Il le dit à sa place, comme s'il le devait. Après tout, chacun s'accroche à ce qu'il peut. Il le comprenait mieux que personne. Eojin finit par se livrer, exposer les raisons de sa haine. Il l'avait associée à un prénom mais cette sainte image avait disparu avec lui. Il les avait tous mis dans le même panier, comme des visages flous ne représentant qu'une masse prête à l'engloutir. Peut-être qu'il était stupide mais les railleries et les remarques ne s'effaceraient pas. Nouvelle gorgée qu'il boit, Chiaki qui parle pendant ce temps. Ses yeux se posent toujours sur lui, oreille attentive. « Je pensais que c'était qu'envers les gens comme moi, rire amer mais sincère qui s'échappe. Je peux comprendre qu'ils aient leurs problèmes mais j'aimerais qu'ils le disent ouvertement. Qu'ils arrêtent de se cacher derrière cette arrogance insupportable. » S'ils le faisaient, Eojin les verrait différemment. Peut-être suffisait-il de lever le voile. De réaliser qu'ils étaient tous pareils, humains faillibles et à problèmes. « T'inquiète pas, certains disparaissent juste. Dépenser, c'est rien à ce niveau. » Les gens fortunés étaient capables de tout, Eojin le savait mieux que personne. « Un jour, appelle-moi au lieu de faire une shopping therapy. » Sourire authentique qu'il lui dédicace; sincérité certaine.

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Il ne restait plus grand chose de la colère qui avait animé Eojin. Plus grand chose de l’orgueil, de cette fierté mal placée qu’avait Shina. Non plus grand chose. Juste les cœurs à vifs, sur la table et des histoires du passé. Leurs faiblesses affichées. Leurs secrets dévoilés. Et dans le regard du mannequin la tristesse d’espérer quelque chose de chimérique. Juste un geste de sa part, une étincelle dans ses yeux, son nom entre ses lèvres. Juste ça. Un instant. Mais l’instant lui est volé et il n’a le droit qu’à l’ignorance de sa mère, question douloureuse qui blesse lorsqu’elle demande qui il est. Il n’a le droit qu’à son hystérie aussi, lorsqu’elle lui hurle de sortir, lui assurant qu’elle n’a pas de fils. Jamais. Pourtant l’espoir qu’il tient entre ses mains. Fragile sentiment, mais il n’a que ça pour continuer à avancer. Et en écho il y a l’histoire d’Eojin, le pourquoi de sa haine pour un milieu différent. Le pourquoi de sa colère, l’impression d’être seul contre le monde sans doute. Et il ne peut que rire à la remarque du garçon. Légèrement. Tinte d’amertume dans ce rire bref. « Non, il n’y a pas que toi … Mais ils n’ont que ça je suppose. Cette arrogance. Cette fausse supériorité. Il faut bien qu’ils se protègent non ? Pour dire vrai … Je suis content … fier même d’avoir galéré pour me hisser là où je suis. Au moins … Je l’ai mérité cet argent, même si c’est juste pour ma belle gueule. » Légère grimace, il s’avoue coupable aussi. Pas le meilleur exemple. L’argent qu’il lui reste quand il a payé les soins de sa mère qu’il dépense sans même hausser un sourcil dans les magasins les plus chers de la capitale. Armoire pleine à craquer, des vêtements qu’il ne met qu’une ou deux fois, et l’espoir de combler le vide de son cœur avec des choses superficielles. « La shopping therapy c’est la vie pour un mannequin. » Clin d’œil, un air faussement outré au visage, puis sa main qui s’agite pour que le barman vienne leur resservir à boire. « Mais oui … Pourquoi pas, si tu me promets de ne plus me hurler dessus. »

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