run away with me (chulhei)

(run away with me)

23h57, 58, 59, puis les zéros qui apparaissent et sonnent minuit sans que son regard ne s’en détourne. éternellement insistant, comme si à force de fixer l’heure il la ferait passer, juste assez pour mettre fin à son hésitation. il repense sans cesse à l’invitation déclinée pour continuer de bosser, c’était la bonne décision à prendre qu’il se dit, pourtant il n’y croit pas réellement. sa concentration l’a quitté depuis un moment déjà, ses yeux se content de fixer distraitement son écran, tout son travail devenant flou sans qu’il ne puisse s’y remettre. ses médicaments ne semblent pas fonctionner, du moins pas suffisamment pour garder ses pensées fixées sur son travail au lieu de divaguer vers d’autres choses, vers lui. de toute évidence ils ne marcheront pas, c’est un problème de cœur, pas de cerveau. sungyoon ne se l’admet pas, évidemment. il ne s’admet pas non plus que lorsqu’il ferme son ordinateur, désintéressé par tout le travail qu’il y laisse alors qu’il s’empresse de s’habiller et de quitter sa chambre, clés de voiture déjà en main, c’est pour aller chercher sa dose de dopamine ailleurs.

1h12 et le regret fige ses mains sur du volant alors qu’il vient de s’arrêter. sungyoon se dit qu’il est trop tard, pense à faire demi-tour et rentrer chez lui, mais la fête semble toujours battre de son plein et il trouve le courage de faire le pas, vu qu’il est déjà là. il quitte sa voiture et s’adosse contre celle-ci, téléphone en main pour envoyer un come out bref et concis à chulhei, c’est tout ce que ses doigts réussissent à taper avant de se réfugier à l’intérieur de ses coudes lorsqu’il croise les bras pour se protéger du froid. il espère que son message n’est pas envoyé dans le vide, avec un chulhei beaucoup trop torché pour réussir à le lire ou même pour savoir où son propre téléphone se trouve. sungyoon aurait sûrement dû prévenir avant de sortir, mais la logique n’a jamais été son fort. les décisions irréfléchies lui ressemblent beaucoup plus. quelques instants plus tard une silhouette surgit et yoon plisse les yeux, tentant d’en distinguer les traits. un sourire timide étire ses lèves lorsqu’il reconnaît chulhei, presque embarrassé en réalisant ce qu'il vient vraiment de faire. il lui fait un signe de la tête, trop accablé par le froid pour faire le moindre mouvement, attendant simplement qu’il arrive à sa hauteur.  « hey, » lance-t-il lorsqu’il se trouve assez près pour l’entendre, « surprise ? »

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(run away with me)

Il aimerait qu’il soit là. Il y a d’anciennes connaissances parmi les visages, des rires familiers et il s’y est assez bien mêlé. Il n’a bu qu’un verre en deux heures, toujours le même gobelet entre les mains qu’il feint d’être le troisième, pour ne pas être resservi et il rigole, assez pour qu’on l’oublie. Il aimerait que sungyoon soit là. Il est à la fenêtre avec un joint entre les lèvres, s'enfumer les poumons pour s'aérer l'esprit et espérer se détendre. Son regard se perd dans le quartier endormi, un sourire au coin des lèvres en imaginant son ami de l’autre côté de la route. Il pourrait prétendre être trop ivre pour rentrer et l’obliger à venir, mais dans ce cas, il l’aurait forcé dès le début et il ne voulait pas faire ça. Ce n’est pas juste. L’ambiance et la musique devraient le rendre sourd et taire ses pensées, mais elles crient d’autant plus fort. Il est mal à l’aise, mais il reste. Il n’aurait pas dû venir seul, mais il insiste. Il essaie d’aller mieux par lui-même, maintenant. Sa dépendance exposée et ses espoirs mis à mal il y a peu, il se sent étouffer plus souvent. à nouveau, comme s’il n’avait jamais avancé. c’est faux et il aimerait croire qu'il ne s’effondrera plus au moindre coup de vent, mais il est triste, ce soir. Il aimerait que yoon soit là, mais il n’est pas venu. la conclusion a été simple pour lui : Il ne veut pas le voir. Ça le fout parterre même s’il reste debout, même s’il retourne se mêler aux autres et que les rires reprennent. Il voulait juste, que yoon soit là. Et il en a marre de n’avoir que son nom en tête, son sourire pour le hanter et ses mots assassins pour son cœur amoureux – il ne se le cache même plus. Des mots pourtant bienveillants et chaleureux, trop.

Sa poche vibre et il se retire au calme pour sortir son téléphone. L’heure le frappe en premier, étonné d’avoir tenu jusque-là, puis c’est le nom et le message associé qui le secouent. Il hallucine déjà ? à moins qu’il ne lui ait vraiment demandé de passer le chercher ? Il déverrouille l’écran pour vérifier et c’est le soulagement lorsque le dernier message date de quelques heures. Il aurait pu l’ignorer, mais d’une : il partira d’ici et deux : c’est ce qu’il attendait, comme si sungyoon l’avait entendu à des kilomètres. C’est un peu étrange, aussi. Pourquoi venir maintenant, alors que la fête se tassera d’ici une heure ? Et pourquoi lui demander de sortir plutôt qu’entrer et s’imposer ? Il est déjà dehors lorsqu’il s’inflige tant de réflexions, ces petites questions qui à long terme, le détruisent en silence. Tous ces petits ‘pourquoi’ qui le font espérer seul et lorsqu’il croise son sourire, il voudrait s’arracher le cœur pour arrêter d’avoir mal. C’était joli de l’aimer, avant. Avant. c'est plus dur quand on sait, qu'on est le seul. « hey. » il lui rend son sourire timide, regarde autour d’eux et croise aussi les bras en sentant le froid. « t’es en retard. » un peu de légèreté avant de froncer les sourcils et se pincer les lèvres, incertain. « pourquoi t’es là ? » ce n'est pas agressif, juste curieux. il n'a pas l'air à l'aise, mais il ne veut ni repartir ni retourner à l’intérieur. il est déjà plus heureux que dix minutes plus tôt, cet idiot.

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(run away with me)

c’est malsain, sungyoon ne veut pas se l’admettre. il ne se ment jamais, s’avoue la vérité à lui-même en premier pour savoir quoi en faire. mais celle-ci, est trop dure, trop amère, trop vraie : ils s’accrochent trop l’un à l’autre, il le ramène trop à lui alors qu’il devrait s’éloigner pour l’aider à s’en remettre, alors qu’il n’est pas capable de lui donner ce qu’il veut. et c’est malsain. sungyoon culpabilisait de ne pas pouvoir rendre ses sentiments, mais maintenant il le fait et il s’en hait. tout devrait être plus facile maintenant, plus limpide, ils s’aiment et devraient être ensemble, tout simplement. mais rien n’est simple entre eux, rien ne l’a jamais été depuis que ça s’est terminé la première fois. sungyoon ne veut pas qu’il y en ait une deuxième. il y a le doute qui l’enchaîne, l’éloigne de chulhei juste assez pour qu’il ne puisse pas revenir vers lui comme avant, comme au début. et c’est le retour à la case départ, retour à  l’état d’entre-deux où ils ne savaient pas vraiment ce qu’ils étaient. jusqu’à ce qu’il n’y ait plus rien.

sungyoon fait le sourd, il n’écoute pas les voix qui lui disent d’arrêter d’encourager ces sentiments qui ne mèneront à rien. juste celles qui lui crient de revenir sur ses pas, d’accepter son invitation tant qu’il n’est pas trop tard, celles qui lui crient à quel point il lui manque. chulhei est son ami, il a le droit. même s’il n’a aucune intention de se mêler à la fête. même s’il n’y va que pour lui. il préfère rester dans l’illusion d’être une personne raisonnable et censée alors qu’il démarre sa voiture pour rejoindre une fête qui ne l’intéresse absolument pas, juste pour voir une personne qu’il ne devrait pas. l’entêtement le fait avancer, il est trop tard de toute façon, sungyoon est déjà là. il n’a plus qu’à prévenir de son arrivée et attendre. attendre que chulhei vienne et… il ne sait pas ce qui se passera après. il ne sait plus pourquoi il est là, si ce n’est pour le voir, ne serait-ce que pendant un instant. juste assez pour satisfaire son esprit, qu’il arrête enfin de ne penser qu’à lui.  

chulhei apparaît enfin et malgré tout le bonheur qu'il s'efforce de contenir, ses yeux ne tardent pas à rouler à sa remarque. certaines choses ne changeront jamais. il rit tout bas avant de répondre. « i just came here to see you. » haussement d’épaules. ça lui semble évident, il n’a pas d’autre raison d’être en train de se les geler dehors à presque deux heures du matin, alors qu’il pourrait – et devrait – être au chaud chez lui. erreur sur erreur, chaque mot tendre un nouveau couteau qu’il lui enfonce dans le cœur. mais il ne peut pas s’en empêcher, il chérit chulhei et il a besoin qu’il le sache, peu importe à quel point ça fait mal.  « je voulais te voir une dernière fois avant de disparaître. » beaucoup trop dramatique, comme s’il comptait couper les ponts et déménager au mexique pour élever des chèvres, mais il ne tarde pas à s’expliquer. « mon expo approche du coup j’ai encore plus de boulot à faire, histoire de m’assurer que tout est en règle et tout... du coup tu risques de pas me voir souvent d’ici là. » peut-être que le travail lui fera du bien, qu’il sera enfin trop occupé pour laisser son esprit s’aventurer là où il ne devrait pas. mais il pense à l’absence, au manque qui se fait déjà ressentir et son cœur se serre, il se languit déjà de lui.

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(run away with me)

il insiste, il ne s’arrête pas malgré les signaux contraires aux siens. Il insiste parce qu’on ne lui met aucune limite, il insiste parce qu’il peut. Parce qu’il l’aime, l’aimera toujours demain et tous les jours suivants sans interruption. La st-valentin a changé la donne entre eux et chulhei s’en est voulu, mais il n’a rien laissé tomber pour autant. Il voit toujours une once d’espoir dans les sourires de son ami, dans ses mots et son attitude parfois débordante d’affection. ça le rend fou et ça le ravit autant que ça le détruit, petit à petit. C’est sournois comme tout le reste, ça lui rappelle qu’il est seul et le restera s’il continue– s’il continue d’aimer dans le vide, de s’imposer et créer des malaises inutiles. Mais il ne peut pas s’en empêcher. Il est assez faible pour toujours lui répondre dans le sens que son cœur lui désigne. Il ne fait que suivre cet amour après lequel il court et chute toujours en le perdant de vue. Comme ce soir où le rappel a été brutal, mais il s’est relevé. Puis sungyoon s’est montré et son cœur de nouveau malmené, mis à l’épreuve, au défi de ne pas s’impatienter. et dans sa tête se jouent les mélodies qu’il écoute le soir, par sa faute. dans sa tête défilent des mots qui l’emprisonnent et il sourit, parce qu’il ne peut faire autrement face à lui.

il sourit et sourit, sungyoon est si beau, aujourd’hui. Hors de portée. adorable, ses mots le feraient presque rougir, encore. Ambigus, il les comprend comme il veut. « glad to hear it, i guess... » il y a son petit rire et les sous-entendus qui s'y mêlent, mais le brun le ramène trop vite à la réalité. il se mord la joue en détournant les yeux ; disparaître ? l'explication arrive vite, mais il n'en perd pas la pelouse des yeux dans son incapacité immédiate à l’affronter. « t'as fait tout ce chemin pour me dire ça ? » Il ne comprend pas. pourquoi être venu ? il aurait pu lui annoncer ça par message. Il voit la bonne intention, chulhei, mais n’en veut qu’à moitié. Il n’aurait pas dû s’attacher, hein ? mais c’est difficile de réprimer ses désirs et il s’en excuse, difficile de s’éloigner quand sungyoon l’apaise et soigne ses blessures, malgré tout. c’est difficile d'admettre qu'il les rouvre aussi, malgré lui. chulhei a insisté, coupable de leur situation. coupable de ce qu'il amorce, le coeur battant. il ose, juste un peu. « wow c'est gentil, tu me laisses quoi, dix minutes pour me rappeler ton visage avant de 'disparaître' ? à quoi je m'attendais. » il n'aime pas laisser l'amertume prendre le dessus, mais il n'apprend pas. il commet les mêmes faux pas à chaque fois et parle avant de réfléchir. il était censé se détendre et se vider la tête ici, mais la légèreté devient pesante. pourquoi s’emporter ? il est peut-être trop sensible ou trop conscient de leur situation, de cette tension étrange qu’ils évitent un peu trop. ce n'est pas comme si ses sentiments étaient méconnus, pourtant, il n'a pas l'impression d'avoir été compris. à son stade, un rien le fait espérer. Un rien et c'est lui, qui aurait dû leur imposer des limites, si seulement il le voulait… ça ferait moins mal. « you're so confusing… you know that? yeah, you do. » il a l’esprit embrumé et voit le mal partout, partout.

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(run away with me)

l’appréhension l’envahit et il ne sait pas pourquoi – peut-être est-ce le fait de savoir qu’il fait un pas dans la mauvaise direction, dans le vide et la chute sera des plus douloureuses, de celles dont on garde des séquelles toute sa vie. mais il s’entête à ne pas écouter son instinct, et le pire est qu’il ne le regrette pas. pas sur le moment, en tout cas, car la vue de chulhei en vaut la peine. il se sent adolescent, voyant son rencard apparaître devant lui le soir du bal de promo pour la première fois, comme dans les films, et ses yeux se rivent aussitôt sur le bitume, embarrassé par la niaiserie de cette pensée. par la réalisation de ce qu'il fait. sungyoon s’immisce trop dans sa vie, parasite qui s’abreuve de ses sourires et de son bonheur jusqu’à ce qu’il ne lui en reste plus, la moindre trace s’effaçant après chacun de ses passages éphémères. chaque affection est un mirage et ils sont condamnés, eux aussi, à un inévitable déclin vers le néant. « eux » ne tiendra pas face aux tempêtes ravageuses ni aux souffles tendres mais coupables. et, de toute façon, il n’y a pas de « eux » qui tienne. plus maintenant, plus jamais. c’est chacun pour soi, chacun livré à ses sentiments qu’il doit effacer seul, face à la réciprocité qui les rend indélébiles.

« euh... oui ? » il n'aurait pas dû venir juste pour ça, ni venir tout court. c'était égoïste, avec pour seul but d'assouvir son besoin de le voir, son besoin de lui. mais sa confusion est sincère, yoon pensait chulhei digne de plus qu'un vulgaire sms et il espérait réellement qu'il soit heureux de le voir tout autant que lui l'est. « quand est-ce que j’ai dit dix minutes ? » sungyoon ne comptait pas rester plus longtemps que ça, c’est vrai mais c’est parce qu’il ne voulait pas s’imposer plus que nécessaire, faire peser le poids sur son cœur encore plus. chulhei s’offusque à cette attention aussi, il ne peut jamais gagner avec lui. c’est un jeu auquel ils sont tous les deux destinés à perdre, autant quitter la partie dès maintenant. yoon ne peut même pas feindre l'ignorance, prétendre qu’il ne connaît pas les règles. il sait exactement de quoi chul parle et il ne peut pas lui donner tort. ses actions et paroles se contredisent, ne reflètent jamais entièrement ses intentions. un instant honnêtes et sincères et celui d’après traîtres et mensongères. push and pull incessant, il le retient prisonnier de sa propre indécision – de son incapacité à le laisser partir. il ne peut pas lui tourner le dos lui-même, non plus. mais parfois, il n’y a pas d’autre issue. « well… guess i’ll be going home now. » il a eu ce qu’il voulait – pas vraiment, mais il se convainc du contraire pour desserrer l’étau qui prend son cœur – alors il peut partir, maintenant. ses yeux se baissent vers les clés de voiture qui tintent entre ses doigts nerveux, seul moyen d’empêcher les coutures de son cœur de craquer devant lui. sourire forcé, pour ne pas le quitter sur une note trop amère, mais il a le regret aux lèvres et ça se voit.

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(run away with me)

il a parlé plus vite qu’il n’a réfléchi, mais ça n’aurait pas donné un meilleur résultat. Il est toujours pris entre deux feux avec sungyoon, toujours entre deux sentiments qui finissent par le frustrer et avec un tempérament si chaud, il n’y a souvent que la colère qui en ressort. Comme à chaque fois qu’il est pris au dépourvu et que la peur ou la culpabilité prend le dessus. comme ici et il préfère l’amertume que les larmes, pleurer sans raison ou au contraire, à cause de tout. il se tait quand ses démons le rongent, se cache jusqu’à ce que ça passe et ne revient que lorsqu’il se sent capable de sourire un peu. Qui voudrait d’une âme fragmentée ? abîmée, blessée ? c’est trop demander, qu’on vienne la sauver ? l’espoir redonne du souffle, mais l’attente nous en vole et on voudrait résister pour lui, mais on abandonne peu à peu à cause d’elle. l’un ne va pas sans l’autre et l’espoir, il le garde, même s’il s’effrite toujours devant ses yeux. Il insiste, il essaie et ça ne change pas beaucoup, mais ça le fait aller mieux. Juste un peu, le temps d’un soir avant d’y voir noir à nouveau. Il voudrait se sentir bien, le crier au balcon et les éblouir tous de ses grands sourires, mais il a perdu de ses étincelles. il voudrait tout confier et s’alléger de tout ce qui lui fait mal, mais c’est trop même pour lui. il n’est pas assez fort pour s'en sortir seul, ni assez faible pour supplier qu’on l’aide. Il est juste assez stupide pour ne rien faire.

Sungyoon a l’air surpris par le ton que chulhei utilise et ils sont deux, même s’ils ne devraient plus s’étonner de ne pas savoir sur quel pied danser, mais quand la sentence tombe et que sa lumière veut partir, il réalise. « reste… » sa voix ne porte pas très haut, mais l’intention elle, est certaine. Sa voix est timide, coupable, mais l'émotion intense. il s’approche jusqu’à prendre la main qui garde ses clés pour les lui subtiliser. « ou emmène-moi ? n'importe où… je voulais partir, de toutes façons. » il empoigne les clés et s’approche encore, le regard hésitant. Oh, il ne veut pas qu’il s’en aille comme ça. Il ne veut pas finir sur un froid qui n’a pas lieu d’être. Oh, il aimerait être différent, plus facile à vivre et alors peut-être, qu’ils n’auraient pas à souffrir ainsi. Ils seraient toujours ensemble et partageraient le même foyer, les mêmes levés de soleil et tout serait tellement plus simple. Plus supportable. Il en aurait les larmes aux yeux s’il ne craignait pas tant de le voir lui tourner le dos. Il ne veut pas lui dire au revoir sur ce bout de trottoir ni le décevoir, il voudrait lui montrer qu’il encaisse, que tout va mieux et qu’il peut vivre sans lui. Sans lui demander de partager un café ou une balade, ça ira et après l’expo, tout recommencera. ou tout s’envolera. il devrait arrêter d’essayer, mais c’est difficile. C’est trop dur d’y renoncer, il ne veut pas. il sourit et ça ne dure qu’une seconde avant qu’il ne se laisse tenter. L’esprit embrumé, le cœur léger. Il se penche jusqu’à ce que son front repose sur l’épaule de sungyoon. « hold me… just tonight. » il est fatigué et il ne dort pas si bien, parfois oui parfois non, parfois mieux. il est fatigué, émotionnellement et il veut déjà s’écarter en réalisant son erreur – il rend toujours les choses plus difficiles. « i’m a bit drunk.. okay and m'sorry. » il ment un peu, pour que ça passe mieux. Il ment un peu ou pas tant que ça, parce qu’il se sent ivre de lui dans ces moments-là. il a les bras dans le vide pour ne rien forcer, les yeux fermés en attendant que les choses se passent. sungyoon peut refuser, il ne résistera pas, pantin entre ses mains. Il fait tinter les clés entre ses doigts pour lui rappeler qu’il les a.

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(run away with me)

yoon n’est pas dupe. il voit le voile qui vient ternir ses yeux autrefois si brillants et ses sourires ont des airs de tromperie, cachant une vérité qu’il a pourtant déjà connue. il a été là pour lui, tant de fois, à ramasser les morceaux cassés, les recoller quand c’était possible et combler le vide qu’ils laissaient lorsque chulhei se pensait irréparable. il veut tellement le refaire, dévoiler ses fissures au grand jour pour mieux les soigner. mais il ne peut plus se le permettre. cette fois, c’est lui qui l’a brisé. il ne peut pas s’autoriser à franchir les limites qu’il leur a imposées, pour les protéger. il ne peut que tenir ses distances pour le laisser s’en remettre, sans lui pour rouvrir constamment les plaies. et c’est de plus en plus impossible. reste. syllabe douloureuse qui l’étiole un peu plus. la voix est douce, loin d’être imposante, pourtant yoon y voit un ordre. incapable d’en faire autrement, beaucoup trop faible pour résister même à la plus timide des demandes. « okay. » il ne peut rien lui refuser, jamais. chulhei pourrait lui demander la lune qu’il ferait de son mieux pour la lui offrir, il ne mérite rien de moins que ça. mais yoon n’en laisse rien paraître, sa réponse reste solennelle, voix résignée comme s’il n’avait pas le choix, malgré le discret sourire qui dit le contraire. sourire qui s’estompe, laisse place à la surprise lorsque chulhei se retrouve contre lui.  « okay… » encore ce mot aux lèvres, toujours. il ne veut rien d’autre que lui donner ce qu’il veut, ce qu’il mérite. ses bras l’entourent doucement, timides et hésitants, pourtant il se retrouve rapidement à le serrer plus près, avide de lui. ses étreintes lui avaient manqué – pas celles qu’ils échangent toujours, qui prétendent n’être rien de plus que des signes d’amitié. mais celles plus intimes, plus vulnérables. celles où il pouvait sentir leurs cœurs l’un contre l’autre, ses battements se calquant sur les siens pour les calmer. quand ils étaient une paire, inséparables, complets. pas deux individus se cherchant désespérément à contre-courant.

« don’t be, » qu’il souffle au creux de son oreille. il ne lui en veut pas, n’a pas besoin de ses excuses. cette erreur n’en est pas une, c’est une bénédiction, une lueur réconfortante, miroitement du passé confortable qu’ils pensaient tous les deux avoir laissé derrière eux. il défait l’étreinte à contre-cœur, glissant sa main sur la sienne pour lui dérober les clés. contact dont la douceur est teintée d’amertume, il aimerait tant s’y attarder, entrelacer leurs doigts et ne jamais les lâcher, ne jamais le lâcher. mais il ne peut pas. tout est temporaire. c’est à la fois douloureux et réconfortant, parce que ça veut dire que demain, tout aura disparu, mais aussi que ce soir, ils peuvent tout se permettre.  « how does beer and chicken sound ? i know a place that doesn’t close until morning. »  il fait tinter ses clés à son tour, plus par nervosité qu’autre chose. toujours cette peur au ventre, celle de faire le pas de trop, le pas de travers. celui qui fera craquer le fil sur lequel ils dansent et réduira à néant ce qui reste d’eux. d’un signe de tête il se débarrasse de ces idées et l’invite à prendre place à l’avant, doigts malhabiles s’affairant déjà à chercher la bonne adresse sur le gps de son téléphone. il conduit en silence, profite de sa concentration sur la route comme prétexte aux mots qui lui manquent. ils sont loin des balades animées, des conversations insensées mais pas moins passionnées. rappel que rien n’est plus comme avant, rien ne le sera jamais. et le silence sonne faux jusqu’à ce qu’ils arrivent à destination, interrompu par la faible musique qui berce le restaurant alors qu’ils s’y installent.  « t’arrives encore à lire ou tu veux que je commande pour toi  ? » allusion taquine à sa prétendue ébriété, même s’ils connaissent tous les deux la vérité. c’est juste plus facile de feindre l’ignorance.

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(run away with me)

il ne pensait pas le voir accepter sans le contrer au moins une fois, mais sans doute s’est-il montré trop insistant pour que sungyoon ait osé reculer. Il n’était pas forcé de le prendre dans ses bras et céder à sa demande, mais il l’a fait. Les bras de chulhei l’ont imité, tout doucement comme s’il craignait le rejet de dernière seconde. Il les a refermé dans le dos de son ami en se rapprochant aussi, un soupir contre son épaule et d’un seul coup, tout est allé mieux. Il s’est senti sourire sans aigreur, rien que de la douceur entre eux à cet instant. C’est paisible, le genre de silence qu’il apprécie et dans lequel il pourrait s’endormir sans crainte. Il est à sa place, contre lui. Il se sent si bien, ici. Puis il se souvient que ce n’est qu’un caprice, qu’une faveur que sungyoon lui offre pour des raisons qu’il ignore. Il aimerait se nicher contre lui sans retenue, laisser son cœur les condamner, mais c’est aussi ce qu’il veut à tous prix éviter. Condamner ce lien si fort qu’ils entretiennent avec fébrilité désormais, plus fragile que jamais. Ce n’est pas que de l’amitié ni de l’amour, ce sont les deux à la fois et plus encore, un sentiment indescriptible qu’il souffrirait de perdre. Il frissonne quand l’étreinte prend fin, mais le sourire reste là et ses traits ont l’air moins éteints. Pourtant l’espoir n’est que temporaire et c’est plus effrayant que rassurant, parce qu’il n’aura plus rien demain. « sounds good. Of course it’s chicken restaurant. » il secoue la tête par fausse exaspération, plutôt attendri par l’idée que certaines choses ne changent pas avec le temps. Il voudrait passer la main sur sa joue et d’un baiser, effacer son sourire. Un fragment de souvenirs qui forcément devait le hanter maintenant, dans un moment si naturel. Il lui manque, terriblement et il se tire dans le pied à chaque fois qu’il accepte de le voir.

Il a regardé par la fenêtre durant le trajet, muet quand rien ne lui semblait approprié. Il n’a pas osé trafiquer la radio ni chanté a cappella pour le distraire, il n’a pas ouvert la bouche et sungyoon non plus, comme une énième barrière pour lui rappeler ce qu’il en est ; la vérité devant laquelle il ferme les yeux et se bouche les oreilles. Chulhei presque parfait dans son rôle d’ami lorsqu’ils arrivent au restaurant, il enfile son costume et bouscule sungyoon pour s’asseoir le premier et gagner une course inexistante. un rire lui échappe à la remarque du photographe et même s’il peut lire, il décide de laisser le menu sur la table. « j’peux pas me tromper t’façon… me suffit de dire ‘poulet’ non ? » petit sourire moqueur. il n’est pas ivre, mais il a un peu moins de retenue ce soir. Il s’autorise le caprice, comme s’il sentait qu’il n’aura plus beaucoup d’occasions après. plus du tout, il pense. « choisis pour moi, t’es mieux calé sur le sujet. » dit-il en râlant avant de fermer les yeux et s’affaler sur la table, les bras tendus au maximum. La surface fraîche est agréable contre sa joue et il agite ses mains vers yoon, là au bord de la table. Il veut les attraper ou juste les toucher, espiègle. « tu t’es libéré finalement… c’est bien, je suis content. » il se redresse juste assez pour lui tirer la langue, mais ses mains cherchent toujours à toucher le plus petit, n'importe où, juste pour s'occuper ou garder son attention.

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(run away with me)

l’étreinte est délicate, presque volatile, faon craintif que chaque mouvement risque d’apeurer. c’est amer, cette hésitation qu’ils ont à présent à s’enlacer, mais sungyoon n’a pas le temps de la ressentir. pour lui c’est évident, il n’y a qu’une seule chose à faire et c’est lui répondre. chul fond dans ses bras, fond en lui et ils redeviennent un tout, unis, comme si rien ne les avait jamais séparés. puis le gouffre se creuse de nouveau, l’air d’être plus profond que jamais. les bras ballants sans chul à sa place entre eux, vides de sa présence et lui aussi. yoon sourit simplement, doigts timides effleurant les siens pour récupérer ses clés, prêt à étendre le moment au-delà du raisonnable, de ce qui devrait leur être permis. le rappel de l’éphémère, lui, est constant, discernable à travers la brièveté de leur étreinte, retours au passé qui ne durent jamais longtemps. eux-mêmes ne sont pas faits pour durer, deux spectres d’antan s’accrochant désespérément au passé, l’un à l’autre, tentant de devenir tangibles sans jamais pouvoir se toucher. yoon ne peut que prétendre, pendant quelques instants, les faux-semblants sont tout ce qu’ils ont. tout est faux, affections chimériques, sans avenir. il n’y a de vrai que ce qu’ils ne se disent pas. et le tintement des clés les rappelle au réel, à la distance qui se réinstalle petit à petit entre eux. « shut up, you love those. » ricane-t-il en poussant son front du bout de l’index, roulant des yeux en réponse à la fausse indignation de l’aîné. souvenirs des nuits passées dans ces mêmes restaurants à décuver après des soirées arrosées, ou juste lorsque l’envie les prenait. des futilités échangées autour de leurs plats, et les doigts qui s’entrelaçaient discrètement sous la table, se cherchant constamment, promesses renouvelées de ne jamais se lâcher. promesses brisées, comme eux. est-ce que ce soir sera comme tous ces autres ? yoon connaît la réponse, et elle l’effraie. oui. tout sera pareil, mais pas comme ils le veulent. il y aura toujours quelque chose qui les empêchera de faire le pas, de réellement profiter l’un de l’autre. quelque chose de manquant.

sungyoon s’en distrait au volant, lèvres pincées et les yeux plissés sur la route jusqu’à ce que la musique ambiante du restaurant le sorte de cette concentration forcée. un soupir s’écoule de ses lèvres lorsque chul le bouscule pour prendre place avant lui, mais c’est les lippes courbées en un sourire qu’il lui emboîte le pas. son regard se perd rapidement sur le menu, sans doute pour se distraire d’autre chose. « ok, fine, but you don’t get to whine if you don’t like what i pick for you. » l’air sévère et pourtant il s’emballe quand il pense aux gamineries de son ami et les moues boudeuses qui en résultent toujours. il enfouit un peu plus son visage dans le menu, scrutant les lignes mot par mot comme s’il tentait d’y trouver la réponse aux battements de son cœur. d’un geste rapide il appelle une serveuse pour lui dicter sa commande. une fois la chose faite et le menu dérobé d’entre ses mains il n’a plus de quoi s’occuper ; ses yeux ne peuvent que suivre chulhei alors qu’il s’étale sur la table, bras étendus et paupières closes. l’envie de s’approcher pour caresser ses cheveux et déposer un baiser sur son front est insoutenable. la seule pensée l’épuise, alors il baisse le regard, fixant son reflet sur la table. désespéré et désespérant. « non, pas vraiment en fait. » sourire gêné, embarrassé de réaliser l’excès auquel il se prête rien que pour lui. et les yeux qui dérivent vers les phalanges qui tentent d’attiser les siennes. « i’m not even supposed to be here right now. gotta wake up early tomorrow and stuff. but that didn’t stop me, so. » so, you’ll always be first. toujours en tête de sa liste de priorités, peu importe à quel point il tente de s’en retenir, de prétendre que chulhei n’est qu’une autre partie de sa vie sans en être la vedette. tout passe après lui et yoon se sent ridicule, de lui donner autant d’importance. comme s’il ne devait pas, ne devait plus. mais il ne peut pas nier la place qu’il occupe dans sa vie et dans son cœur – elle a toujours été là, trou béant qui attendait que chulhei revienne le remplir.  « i just – il s’humecte les lèvres, hésitant à continuer avant de le faire tout de même – wanted to see you. » ses phalanges tressaillent au contact des siennes, délibérément accidentel, électrisant. elles ne rêvent que de les enlacer, de revenir au début. que tout soit comme avant. mais ce ne sera jamais possible, et ses mains se réfugient entre ses cuisses où son regard se retire lui aussi, honteux.

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(run away with me)

Il y a tant de douceur quand les cœurs fléchissent et s’unissent sous un même rythme, juste un temps, juste un peu avant de retrouver la raison. Il y a tant de silence quand les esprits raisonnent, le malaise présent dans leurs regards opposés, suffocant. Il y a tant de regret quand les sourires reviennent et les voix s’élèvent, tendres et taquines – il y a tant de remords dans leurs yeux. Installé dans le restaurant, chulhei veut bien admettre que son ami a raison. Il aime le poulet, mais sûrement pas plus qu’il n’adore le garçon assis en face. Il adore l’ambiance cosy et il ne prêterait presque plus attention à l’heure si l’extérieur n’était pas si sombre. Sungyoon se cache derrière le menu et lui s’ennuie déjà, trouvant de quoi se distraire sur la table. « well, i won’t whine if you know my tastes… » son ton appelle au défi, mais le plat n’est pas vraiment dans ses priorités. Il sourit à la serveuse et lorsqu’ils sont seuls à nouveau, il se laisse aller à d’autres enfantillages. C’est innocent lorsqu’il étend ses mains dans le but d’atteindre les siennes, c’est juste comme ça. sungyoon lui avoue des vérités qui ne l’éclairent toujours pas, mais il relève la tête tandis que ses doigts cherchent encore. « why ? » c’est discret, un murmure qu’il sait vain, mais qu’il répète après la dernière révélation. « why…? » le contact l’a autant surpris qu’incité à vouloir plus, mais il bat en retraite au signal de sungyoon, dont les mains comme le regard disparaissent sous ses yeux épuisés.  

Rien ne l’oblige à prendre soin de lui, pourtant yoon est souvent le premier à le faire et c’est quelque chose qui l’effraie par-delà la joie ressentie. Pourquoi, si ça ne les mène nulle-part ? c’est une question à laquelle il ne peut répondre, juste espérer que la réponse ressemble à la sienne. mais il en doute à chaque fois qu’ils se disputent, car il suffirait d’une étincelle trop forte pour embraser leur cœur et n’en laisser que des cendres. La moindre audace, la moindre bravoure de sa part les condamne un peu plus, mais il ne peut plus s’arrêter. Il ne peut plus taire les battements de son cœur ni effacer les sentiments qui ne l’ont jamais quitté, ils se sont juste éloignés un temps. « i wanted you to come with me tonight, so we would have escaped hours ago. maybe to go here or… somewhere else, enjoying the cool air. I would’ve loved that. » just you and i. « but i’m glad you came anyway. » il observe tantôt son reflet tantôt celui de yoon contre la table, plus flou et altéré comme l’est leur relation. C’est flou, c’est fragile et incertain, indéfinissable. Faussé. Ça tire son cœur vers le bas et ça fait mal, trop souvent pour continuer à l’ignorer ou n’y voir que les bons côtés. La peine finit toujours par l’emporter sur la joie, la douleur sur le réconfort et le désespoir, lui, se fait doucement une place. Le soir de la st-valentin était un avertissement, des murs dressés pour l’empêcher d’aller plus loin. et son cœur clandestin tente pourtant de passer les frontières du sien, d’en trouver les failles pour s’y faufiler parce qu’il ne survivra pas longtemps ici. il se perd déjà dans ce milieu hostile qu’est sa propre tête. « ...will you spend the night with me? We can still do that. you know, escape. » il lève les yeux vers sungyoon et s’arme d’un sourire tendre, trop teinté d’amour pour demeurer amical. Il n’aime pas ses sourires chulhei, il les trouve bancals et pas très jolis, moins que les siens. Il aimerait en revoir, de ses grands sourires. « chicken first, though. And you can say no, i won’t mind. » il s’est déjà redressé et n’a plus que les bras croisés sur la table, le regard timide dirigé vers l’homme qu'il aime. Combien de jours avant de le perdre ? combien de jours avant de devoir abandonner ? combien de jours encore, à prétendre sans craquer ? Trop peu.

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(run away with me)

« is this a challenge? ‘cause if it is, i accept it. » les yeux rieurs, atténuant l’assurance dont il fait preuve en prononçant ces mots. yoon relève le défi et il sait qu’il gagnera, il ne peut se tromper. il se souvient encore de ses préférences et de ses commandes habituelles. du brillant de ses yeux lorsqu’ils s’échappaient en pleine nuit pour les partager, sans doute plus dû à sa présence qu’aux plats eux-mêmes. il se souvient de la douceur de ses lèvres sur sa peau et des tremblements de sa voix quand les siennes venaient l’embraser, de la tendresse de ses caresses qu’il cherche encore, toucher éphémère qui perdure pourtant sur sa peau. sungyoon se souvient de tout. tout semble si vague et lointain et pourtant si vif, les flammes qui se ravivent l’une après l’autre, brasier calcinant qui le dévore tout entier. il en fera de même pour eux. tout sera réduit en cendres s’il n’arrête pas. mais ses élans sont un feu de forêt et les rafales de son cœur l’attisent bien plus vite qu’il ne peut l’arrêter. « why not? » toujours aussi sensible aux états d’âme de chulhei, pour mieux les soigner. il relève tous ses cillements, tous ses murmures, même les plus fluets. « i mean… isn’t it obvious? » le contraste qui se trace, les divise un peu plus. entre le flou de leur relation et les vérités dont ils se doutent tous les deux. chulhei n’est sûrement pas dupe, et sungyoon n’est pas discret. il ne veut pas l’être – veut se trahir pour que chulhei sache sans qu’il n’ait à le dire lui-même. c’est plus facile et pourtant tout aussi interdit. la lâcheté irresponsable qui transparaît dans toutes ses décisions. « you’re my friend, and i missed you. also, i was getting bored with work. » la pointe d’humour pour diluer l’acidité de ses mots. ami. amant. âme-sœur. amertume de réaliser qu’il ne peut plus employer ces deux derniers mots avec lui, même s’ils sont toujours aussi vrais. peut-être plus. le manque en renforce le sens, et son âme s’étiole à la recherche de sa jumelle.

son regard se fane, fixe ses mains. tristes et orphelines des siennes. il ne le relève que lorsqu’il sent plus celui de chulhei sur lui. c’est plus facile pour affronter sa déception – pour se laisser admirer ses traits, aussi. il peut s’y éterniser autant qu’il veut, comme ça, sans avoir peur de faire un faux pas. parce que chul ne s’en rend pas compte, parce qu’il ne voit pas l’éclat dans ses yeux que l’adoration illumine. parce qu’il ne réalise pas à quel point il l’aime et ça lui fend le cœur tout autant, au final. « sorry, i seriously thought i would be able to get shit done tonight. but that didn’t happen… guess the meds didn’t work. » l’aisance avec laquelle il parle le surprend, comme si son estomac ne se tordait pas à l’idée que chulhei désire autant de sa part et qu’il meurt d’envie de le lui donner, même s’il ne peut pas, ne devrait pas. sa moue déconfite dessine sa déception partagée et il hausse les épaules, montrant qu’il se rend aux circonstances – euphémisme pour ne pas dénoter sa faiblesse, sa tendance à capituler devant chul et lui seulement. il aimerait pouvoir s’en empêcher. tente de se convaincre que c’est possible lorsque la suggestion parvient. « i’m… really not sure that would be reasonable. » sourcils froncés lorsqu’il pense à son heure de réveil, peu sûr de pouvoir survivre. mais il se rend vite à l’évidence ; rien entre eux n’est raisonnable. rien de ce qu’ils font ou se disent. tous les sms doux, les touchers discrets, les chansons aux messages secret, ce ne sont que folie après folie et sungyoon commence à s’enliser dans ce délire. « you know what… it’s like, 2 am and i’m already here so. why the hell not. » la même nonchalance qui revient, tente désespérément de calmer son battant qui s’essouffle à appréhender cette familiarité incomplète. tout à perdre et pourtant rien en même temps. le sommeil lui a déjà échappé quand il a décidé de venir, condamné à se languir de jours meilleurs toute la nuit, sans les rêves pour l’en sauver comme pour le punir de ses égarements.

but chicken first, of course. la serveuse lui donne raison, réapparaissant en un temps records avec deux pintes de bière et des plats bien fournis. sungyoon laisse un gloussement satisfait quitter ses lèvres et il en oublie même de dire bon appétit. il ne s’en souvient qu’une fois la bouche déjà pleine, mais se rattrape en levant sa pinte pour l’inviter à trinquer. le reste du repas se passe en silence, sungyoon continue à se goinfrer de morceaux de poulet méticuleusement désossés pour justifier le sien et prévenir de nouvelles dérives. mais ses gestes sont souvent indépendants de son contrôle et il dérape de nouveau lorsqu’il reporte son attention sur lui. « hold on, you got something on your lip. » ses pulpes viennent cueillir un minuscule morceau de poulet qui semble s’être logé à la commissure de ses lèvres mais, n’étant elles-mêmes pas impeccables, il ne fait qu’empirer la chose. « shit, i just made it worse. » rire amusé par sa bêtise, il attrape finalement un mouchoir pour essuyer son erreur. entièrement conscient de son geste mais il est trop tard pour s’arrêter maintenant, ça ne rendrait les choses que plus maladroites. il ne laisse le malaise l’envahir qu’une fois la tâche effacée et le mouchoir froissé en boule sur la table, comme il aimerait le faire lui-même.  « there. now you don’t look like a four year old who doesn’t know how to eat on his own anymore. »

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(run away with me)

Le sourire qui étire ses lèvres confirme qu’un défi a été lancé et la curiosité se mêle à l’amusement quand sungyoon lui répond avec assurance. Il se souviendrait de ces détails ? chulhei ne raffole pas tant du poulet, mais il le préfère frit entre tous. Leurs petites sorties nocturnes lui reviennent doucement en mémoire et il se souvient des légèretés présentes en chacune d’elle. Aucun battement de cœur douloureux, même s’ils étaient aussi féroces que maintenant. Aucune brûlure au contact de ses doigts ni aucun malaise dans les silences. Aucune tristesse dans leurs sourires… aucun manque, aucune douleur. Aucune envie de pleurer. Aucun regret. N’est-ce pas évident ? Que lui demande Sungyoon et il ne le regarde déjà plus, hausse juste les épaules. « i don’t know… is it? » il aimerait croire que ça l’est et que leur réponse à cette question est la même, mais il ne se faisait aucune illusion avant d’entendre celle de son ami. ami. « oh, i see. » il aurait dû se taire, mais c’est à croire qu’il aime se faire repousser à chaque tentative. Il n’est pas idiot, juste désespéré. Il a bien compris que c’était irrattrapable entre eux, mais il a toujours été plus têtu que raisonnable. « i miss you all the time. going to be sad then. » il a parlé plus vite qu’il n’a réfléchi et il change le ton en taquinerie, langue tirée. « joking, it’ll be sooo quiet with you all busy with work! » il espère que non et que son téléphone s’animera toujours autant en soirée. Il espère que ce n’est pas une excuse pour s’éloigner et soudain l’idée de passer une dernière soirée comme ça, l’effraie. Ça lui serre l’estomac au point qu’il en partage ses volontés, celles de vouloir passer la nuit avec lui aussi librement qu’il le voulait au début. Au point de laisser ses espoirs parler sans le regretter ensuite, parce qu’il se sent plus sérieux que jamais.

Certes, il culpabilise un peu de lui voler ses heures de sommeil surtout en sachant qu’il n’a pas progressé dans son boulot, mais si c’est leur dernier moment avant quelques semaines, il peut bien tenter le diable. Le refus était prévisible cela dit. « okay… » il comprend, mais il est tout de même déçu et se triture les doigts en attendant que les minutes filent. Il se sent rajeunir quand le brun change d’avis et son regard brille, ravivé par cette toute petite braise. « Really?? I’m crazy, but you’re crazier! please don’t be mad at me tomorrow. » son rire est plus spontané désormais, comme si sungyoon venait de lui assurer quelque chose – lui assurer qu’il souffrira un peu plus demain et pourtant il sourit à s’en déchirer les joues. Qu’est-ce qui ne va pas chez lui ? il se le demande aussi. la serveuse revient avec leur commande et chul la remercie avant de s’y intéresser comme un enfant devant une coupe glacée. Le choix de sungyoon est parfait, même s’il pense avoir trop de choses dans son assiette quand son ventre crie pourtant famine. il ne veut vexer ni son ami ni le restaurant, mais il n’y touchera qu’à moitié. Il lève sa pinte pour trinquer avant de se lancer sur ses mets, plus en douceur que son ami dont l’appétit le fait rire. « you love chicken this much uh. » il le suspecte aussi d’avoir peu mangé aujourd’hui, trop pris dans ses délais, mais il ne fait aucun commentaire. Il ne dit rien parce que sungyoon l’a devancé, pour quelque chose qu’il n’imaginait plus arriver. Il retient son souffle quand yoon vient caresser le coin de ses lèvres, même si la raison n’a rien de tendre. il reste figé lorsqu’il insiste avec un mouchoir, ses mots devenus incompréhensibles et seule sa voix l’emporte à des années lumières. Ailleurs, où il pourrait lui attraper la main puis la nuque, où il mettrait une suite à ces gestes autrefois naturels – quotidiens. Tout redevient compliqué à nouveau et le sens de cette soirée lui échappe, tout lui échappe. Il endure cette ambiguïté depuis si longtemps qu’il devrait s’y habituer, mais plus le temps passe et plus ça l’étouffe, même s’il se convainc du contraire.

Même s’il sourit à la boutade en soufflant un « shut up » amusé. ses yeux se concentrent sur tout sauf le visage de son ami et c’est d’autant plus évident maintenant ; il souffre de cette situation. Il tourne la tête un instant vers la baie vitrée et d’un rire forcé, retient les émotions qui menacent de perler sur ses joues pâles. Ce serait pire s’il arrêtait de le voir maintenant, c’était mauvais depuis le départ et son attachement est devenu dépendance. Il aurait dû les arrêter avant, mais il ne se doutait pas.. que ça irait si loin, ni que ça ferait si mal. il n’oublie pas que sungyoon a souffert avant lui, il y a deux ans et c’était juste égoïste de revenir dans sa vie. il se distrait avec les plats et sa pinte finie trop vite, des rires essoufflés et des regards furtifs en essayant de dissiper le malaise. « wanna finish mine? i'm full already. » c’est avec la voix enfantine qu’il propose avant de prendre un de ses morceaux de poulet pour l’amener vers sungyoon. « open your mouth for me. » ses yeux sourient à nouveau et lorsqu’il se rend compte du choix de ses mots, il lève la voix. « come on, just take it!! … » il commence à rire en se couvrant le visage de sa main libre, gêné au possible. « never mind! » au moins, il n’est plus triste.

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(run away with me)

obvious. il n’y a que ça entre eux, l’évident qui l’est trop jusqu’à ne plus l’être, à la fois lumière aveuglante et ombre menaçante qui plane au-dessus d’eux, signe de leur destin inévitable. sungyoon sait que chulhei l’aime. il sait qu’il l’aime aussi. et il sait qu’il ne pourra jamais aller plus loin que ça. insurmontables fissures dans le miroir de leur relation qui renvoient une image faussée de ce qu’elle est ; des amis, pas vraiment, plus que ça mais pas assez. jamais assez. et un jour, l’insuffisance aura raison d’eux. « i guess. » haussement d’épaule, fausse nonchalance. seul mécanisme de défense de sungyoon, quand il réussit à s’empêcher de se barricader dans sa froideur et ses blagues méchantes. il ne veut pas ruiner l’ambiance, même si sa douceur le tue et les paroles de chulhei un peu plus, son sourire le plus assassin de tous. yoon baisse la tête, l’échine et le cœur alourdis par la confession malgré le ton taquin dont il la balaie rapidement. comportement typique de lui, d’eux deux. mêmes techniques, même jeu auquel ils jouent sans plus se soucier de leur transparence. « yeah, you’ll finally get a break from me. be thankful. » le ton sarcastique et les yeux qui roulent aussitôt, sa voix est légère mais ses mots chargés. ils ont tous les deux besoin de ce break. d’être loin de l’autre, de se laisser du temps pour aller mieux. pour passer à autre chose, pour oublier, s’oublier. c’est trop extrême, trop radical, trop effrayant maintenant qu’il y pense et peut-être que ça ne marchera même pas, peut-être que l’absence ne fera qu’empirer son besoin de l’avoir près de lui – non, c’est certain, yoon en a déjà fait les frais. mais il ne veut pas s’abandonner à l’impuissance et laisser les sentiments s’emparer de lui sans tenter de s’en défaire. et il ne sait plus à quoi s’attendre. il ne s’attendait pas à voir chulhei revenir dans sa vie, encore moins à le voir reprendre sans efforts la place qu’il y avait laissée. tout peut arriver. tout, sauf ce qu’il veut.

mais il ne veut que profiter de son repas et de sa soirée, du moins pour l’instant. tout semble si simple maintenant, sungyoon aimerait s’éterniser dans le moment malgré le léger malaise qui traîne toujours dans l’air. « yeah i know, i’m insane for even hanging out with you. » rieur et taquin sans se soucier des sous-entendus que renferme sa phrase. leurs escapades relèvent de la folie et il ne devrait définitivement pas être là, mais il s’entête à aller en contresens de ce qui est sensé. « i’m always mad at you. but i’ll try to make an exception this time. » le réveil sera pénible – et pas seulement en réalisant l’absence de chulhei à ses côtés, cette fois-ci. mais ça en vaudra la peine, il le sait. peut-être pas sur le long terme, mais au moins pour ce soir. juste ce soir, c’est tout ce qui compte se dit-il alors qu’il entame joyeusement sa bière et les premiers morceaux de poulet. il acquiesce vivement à sa remarque, remercie le bout d’aile qu’il mâchouille de l’avoir empêché de sortir un but not as much as i love you inapproprié, flirts plaisantins qu’il a l’habitude de sortir à tout-va mais qui n’ont définitivement pas leur place dans ce climat. il déglutit difficilement à la pensée, de réaliser à quel point chulhei compte pour lui. stupide, pathétique. pourquoi l’aime-t-il toujours autant ? c’est comme s’il n’avait rien appris de leur fin. comme si la peur d’être de nouveau brisé s’était effacée et ne laissait plus que l’enthousiasme d’un amour naissant, comme au début. mais elle est toujours là, grouille au fond de ses entrailles sans qu’il ne puisse faire quoi que ce soit. revenue beaucoup trop tard pour empêcher le désastre mais juste à temps pour le tourmenter encore plus, et il s’en distrait en s’acharnant sur le morceau de poulet logé au coin de ses lèvres.

les siennes s’étirent en un large sourire, tendrement amusé par sa réaction à sa boutade – et aveugle à ses yeux qui évitent les siens alors qu’il s’occupe à finir son plat. « someone’s thirsty, » lance-t-il en remarquant la pinte déjà vide de son ami. il acquiesce et se décale légèrement vers lui, prêt à lui voler son plat avant d’être interrompu par une commande qui le fait pouffer de rire. « sounds kinky but okay. » yoon réprime difficilement son rire lorsqu’il s’exécute, toujours autant amusé par la situation, heureux de pouvoir en rire sans amertume. il finit les restes de poulet sans trop de difficulté et s’enfonce aussitôt dans son siège, soudainement accablé par le poids de tout ce qu’il vient d’ingérer. il se redresse subitement, main déjà dans la poche intérieure de sa veste pour en sortir son portemonnaie. « let’s get out of here before i fall asleep at this table. » il le devance vers la caisse pour payer l’addition, puis à l’extérieur où les premières bouffées d’air frais accentuent les effets l’alcool. quand chulhei le rejoint, l’envie d’entrelacer leurs doigts pour le traîner au bout de l’univers est écrasante. il l’étouffe aussitôt au fin fond de ses poches où ses mains et ses pulsions sont retenues prisonnières. « so, where are we going, captain? »

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(run away with me)

la plupart du temps, il ne sent ni la douleur ni le poids de ses sentiments. et il n’y a pas de mal à l’aimer sans promesse de retour, parce qu’il lui fait oublier tout ce qui le ronge jour après jour. il n’y a plus l’apathie ni l’envie de nicotine, il n’a même pas le temps de penser à fuir alors qu’il le devrait et tous ces rires, ces regards épris ne sont qu’illusoires. une image sournoise qui au final lui donne espoir et la guérison devient rechute, quand ils se séparent. Cette nuit comme un dernier coup porté dans son dos et malgré son souffle coupé, il sourit au sarcasme de sungyoon. son absence pourrait le blesser et il ne veut pas savoir à quel point. « thank you? » il lui tire la langue, mais il pense à la distance demandée entre eux et à son ami plus occupé dans les jours à venir, qu’il ne devra plus déranger. cette nuit aurait pu s’écourter si sungyoon n’avait pas changé d’avis et sa réponse ne dessine qu’un sourire sur les lèvres du plus grand. Il aimerait pousser la taquinerie plus loin et prétendre que c’est par amour que yoon ne saurait lui dire non, mais il s’abstient. il ne fait que lever les yeux au plafond, peu offensé par la remarque véridique, mais il monte dans les aigus pour la forme. « you’re always mad anyway, no matter what! » une part de lui se demande malgré tout, si sungyoon lui en veut vraiment ; pour tout et rien, pour ce qu’il est ou ce qu’il fait, le provoquer ou lui demander de l’attention – de son temps qu’il pourrait consacrer à ses projets. Il se demande si derrière cet acte ne se cache pas une autre raison, plus tacite, pour ne pas la révéler à voix haute. Car ils savent, tous les deux. Chulhei ne s’en cache plus, pas qu’il le montre pour autant, mais son amour n’est plus à douter. la réciprocité en revanche, ne lui parvient pas. il essaie de ne pas dépasser les limites de l’amitié, mais parfois les différences s’emmêlent. il cherche le réconfort entre les bras de ses amis aussi, alors pourquoi pas les siens ? les autres ne le réchauffent pas autant que sa présence, et son cœur ne se serre pas autant non plus.

Il finit sa pinte trop vite pour se réveiller et ça le rend assez con pour jouer de double-sens, mais les deux en rigolent et c’est rassurant malgré leur passé. « whatever. » il insiste pour lui donner un deuxième morceau de poulet, puis un autre et un dernier avant de le laisser tranquille. Ou presque, parce qu’il n’a pas la bouche pleine et qu’il n’a cessé de lui raconter tout ce qu’il lui passait par la tête. La délivrance arrive lorsqu’ils s’apprêtent à partir et chulhei est tout sourire, même si leurs chemins peuvent encore se séparer à la sortie du restaurant. il laisse un pourboire sur la table et rattrape son ami sans trop se presser, pour mieux lui bondir dessus en malmenant ses épaules. « you probably won’t, but trust me! » il a ce sourire fier, bourré d’insolence quand il se presse contre lui dans un geste brusquement tendre, mais ses yeux brillent d’une confiance retrouvée. il écoute alors son audace et tire à peine pour l’obliger à sortir la main de sa poche pour l’attraper. Il quitte sa chaleur dans le même temps. « trust me. » puis il impose son rythme. Il presse leurs pas et commence à courir sans regarder la direction qu’il prend, mais les rues sont assez calmes pour qu’ils puissent traverser la route sans attendre les signaux. Son rire résonne et en cet instant, il oublie tous ses doutes. Il oublie le présent et retourne un peu dans le passé, juste assez loin pour retrouver leur complicité d’antan. Juste assez pour trouver le courage de serrer sa main en les stoppant à l’entrée d’un parc. Ce n’est pas très éclairé et l’endroit a l’air immense, mais il ne les mène pas très loin. il marche jusqu’aux balançoires et l’euphorie est toujours là lorsqu’il se tourne vers sungyoon, toujours là lorsqu’il caresse le dos de sa main, hésitant, pour finalement le relâcher.

« i was thinking recently and… yeah it happens sometimes– anyway, » il traîne des pieds après s’être gentiment moqué de lui-même, puis s’installe sur une des balançoires. « i like being around you– of course 'cause you’re my friend and i care, but– i don’t know how to say this… » il finit dans un murmure et si ses émotions pourraient déborder, elles sont aussi plus légères que d’habitude. il se sent de les partager parce qu’il sait qu’après cette nuit, ils remettront leur masque, mais chulhei veut profiter de ce moment pour lui ouvrir son cœur avec d’autres mots. que sungyoon les comprenne ou non, ça ne changera rien ce soir, mais plus tard qui sait, si les étoiles veulent bien être de leur côté. il se balance doucement, la joue calée contre la chaîne glacée à laquelle il se cramponne et il a le sourire aux lèvres malgré tout. « with you, there’s no pain. i don’t feel numb or stressed out, you just make me laugh and forget so easily… » il lève son regard vers le ciel pour éviter de croiser celui de son ami. Les lumières l’apaisent, aussi. « i wish you’d feel the same around me. i’m annoying so… i guess you don’t. » il rigole en se balançant toujours et il aimerait juste arrêter le temps cette nuit, mettre leur vie sur pause quelques heures puis dès demain, reprendre leur mascarade. Il aimerait pouvoir tendre la main vers lui en étant sûr qu’il la saisirait, mais il ne le fait pas car le temps ne s’arrête pas ce soir. Il a froid, seul sur sa balançoire.

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(run away with me)

« you’re welcome ! » s’écrie-t-il avec un enthousiasme exagéré dans une tentative de faire passer son absence pour une aubaine et pas une malédiction pour eux deux. il ne veut pas s’attarder dessus, seul l’instant présent compte pour lui, alors il répond d’un « yeah well, i have my reasons so don’t judge. » nonchalant avant de s’affairer à engloutir joyeusement les morceaux de poulet qu’il lui cède un par un. yoon s’empresse de quitter la table puis le restaurant dès qu’il finit, ravi de voir chulhei le rejoindre sans trop le faire attendre – encore plus lorsqu’il se presse contre lui, les yeux pétillants et le sourire tout aussi éclatant. il aime tellement le voir comme ça. sungyoon ferait tout pour préserver cet éclat, et il se sent chavirer un peu plus lorsque sa main quitte sa poche malgré elle pour finir prisonnière de la sienne. « trusting you has always proved to be a terrible idea. but i’ll try. » l’appréhension se lit dans le pli de ses sourcils, mais ses lèvres courbées montrent qu’il le suivra jusqu’au bout du monde. il se laisse faire sans trop broncher, sauf pour les jurons inquiets criés jusqu’à ce que ses poumons excédés ne le lui permettent plus. « jesus, what the hell is wrong with you ? » s’époumone-t-il lorsqu’ils s’arrêtent enfin, tentant de retrouver son souffle. « i haven’t run this much since like, the third grade. » quand il faisait partie du club d’athlétisme, avant de finalement l’abandonner pour le confort de la chorale. il est loin de ces temps-là, son endurance n’est plus la même ; cette courte course a suffi à le lui rappeler et la main de chulhei sur la sienne remue le couteau dans la plaie. son toucher lui arrache le souffle plus que quoi que ce soit d’autre, encore plus lorsqu’il arrête de le sentir. ses phalanges retrouvent machinalement leur place au fond de ses poches, traînant des pieds alors qu’ils s’enfoncent plus loin dans le parc. yoon ne tarde pas à l’imiter, riant à son autodérision alors qu’il s’installe à son tour sur la balançoire restante. il n’ose pas encore se balancer, ses mains beaucoup trop confortables à l’abri du froid et son esprit rapidement happé par les paroles de l’aîné. il ne sait pas comment, mais il est certain d’être capable de les prévoir. chaque mot est une confirmation de plus. qu’il connaît chul bien mieux que celui-ci ne pense. qu’il ignore complètement la réelle étendue de ses sentiments – pour le mieux. et qu’il n’arrive plus tellement à y croire, ce mieux. qu’il ne lui a jamais semblé aussi faux.

les rappels sont plus douloureux qu’il ne pensait. fut un temps, son être entier se serait exalté de savoir qu’il le fait se sentir ainsi. maintenant, ça a juste un goût aigre-doux, quand il réalise qu’ils sont tous les deux piégés.  « who says i don’t? » ça glisse tout seul hors de ses lèvres que ses dents viennent malmener, rongé par l’idée que chulhei ne sache pas l’importance qu’il a à ses yeux. ils ne le quittent d’ailleurs pas du regard, braqués sur lui comme s’il essayait de faire passer le message silencieusement. sans avoir à résoudre aux mots qui se confondent déjà dans sa gorge, se perdent parmi ceux qu’il s’était juré de ne pas prononcer.  « you have no idea how much you really mean to me, do you? » et soudainement son regard se fane. parce qu’au final, c’est sa faute. d’avoir creusé le fossé entre eux, de lui avoir fait croire qu’il était insignifiant au point de l’oublier si vite alors que sa vie entière s’était effondrée sans lui. et encore maintenant de le tenir à distance, la moindre expression de son affection paraissant interdite. incendiaire. « i mean, you’re my best friend. always were. nothing changed that, not even… everything that happened between us. » il reste vague pour ne pas revenir sur leurs erreurs – sur le fait qu’ils sont en train d’en commettre aujourd’hui encore. mais ses mots ne sont pas moins sincères, malgré tous les non-dits. qu’ils soient plus qu’amis ou pas, son importance reste la même : étouffante, démesurée à tel point qu’il ne sait pas quoi en faire à part la laisser l’engloutir. « i still care about you just as much as before. if not more. » ses yeux reviennent chercher les siens, insistants. jour après jour tout n’est plus qu’intense et accablant, à tel point que les mots ne sauraient rendre justice à ce qu’il ressent réellement. et ils se font remplacer par des euphémismes incapables de transmettre correctement les émotions qui se mêlent en lui. « sorry i suck at showing you that. » il ne peut que s’en excuser, sourire amer aux lèvres. peut-être qu’il ne réussira jamais à exprimer son ressenti correctement – et peut-être que chulhei n’est pas destiné à le savoir. c’est sûrement mieux, comme ça. « you are annoying, though. but i like that about you. » les lèvres qui s’étirent d’elles-mêmes, l’air plus rayonnant et l’esprit allégé en pensant à l’espièglerie de son ami. il aime ça, chez lui. la facilité qu’ils ont à se taquiner, les piques incessantes qui l’amusent plus qu’autre chose. il aimait tellement l’en assaillir avant de le happer dans ses bras pour effacer les boutades de ses lèvres sur les siennes. il ne peut plus, à présent, et il s’éloigne de cette réalité en même temps que de chulhei. « i wanna get on the slide. come give me a push? » quémande-t-il en se levant à reculons vers le toboggan. yoon n’a pas besoin de l’aide de chulhei pour ça, mais le changement de sujet était nécessaire. et il ne veut pas le quitter. pas encore.

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