damned

hyunseong, il voulait être musicien.
depuis son enfance, les mains collées à un piano, caressant les touches et exécutant les notes avec une quasi-perfection qui lui était exigée dans tous les domaines. d'abord par ses parents, puis par lui-même quand ils ont arrêté de le faire et qu'il s'est dit qu'il était peut-être pas assez bien pour eux.

c'était pas ça le déclic, pourtant. le piano, c'était un autre aspect manufacturé de sa vie. fade, sans âme, tentative désespérée d'attirer l'attention sans trop de conviction, comme tout ce qu'il faisait. le déclic, c'était la première fois qu'il a touché une basse, une guitare. que ses doigts ont tiré les cordes et fait flotter des sons différents, plus bruts, sauvages, plus lui.

ses parents n'ont pas voulu.
il n'ont jamais voulu de ce qui était lui, de toute façon. n'ont jamais voulu de lui. trop obsédés par les apparences, occupés à maintenir une image de perfection pour se soucier de ce qui se passait réellement en-dessous. deux parents qui ne s'aiment plus, un gosse délaissé qui leur rappelle leurs échecs, famille en miettes. trop dur de faire face à la réalité alors on fait semblant que tout va bien, devant les autres du moins, et on continue de s'écrouler derrière les rideaux. c'est plus facile.

c'est aussi une des seules choses qu'il a héritées de sa famille, lui-même déshérité. ils n'ont pas aimé qu'il abandonne ses études de droit pour partir au japon du jour au lendemain. qu'il fasse ça pour un homme, surtout.
et il aurait tout fait pour lui, putain.
sans hésitation. il aurait tout claqué pour lui et il l'a fait.
du jour au lendemain, plus d'études, plus de famille, plus d'amis que seule sa fortune retenait. il n'avait plus rien.
et en même temps, il avait tout.
il l'avait toujours lui, et ça lui donnait l'impression d'avoir le monde entre les mains. que rien ne lui manquait. qu'il ne pouvait rêver de mieux.

stupide.

chagrin noyé dans les flots d'alcool et les plaisirs de la chair. et le gouffre se creuse, encore et encore. trou noir qui s'accroît, le consume de l'intérieur. et il se perd petit à petit.
leur appart trop petit pour lui depuis que l'autre a claqué la porte. plus d'espace et pourtant il y suffoque.
alors il n'y a plus que le hall de l'église d'assez vaste pour l'accueillir lui, sa solitude et ses péchés.
nouveau début, baptême, salut. hyunseong ne jure plus que par la croix en argent toujours accrochée autour de son cou. passe ses nuits chez lui au lieu de se perdre dans les clubs. ses mains jointes pour prier au lieu de parcourir des corps étrangers.

il déménage, se trouve un boulot, se trouve lui-même. peu sûr de son choix de carrière mais c'était une chance qu'il n'a pas refusée, la gratitude est une vertu. pion de l'industrie du sexe, gravit les échelons jusqu'à devenir responsable des acteurs. s'occuper de clients souvent normaux, parfois insupportables à l'ego surdimensionné, d'autres désespérés qu'il faut ramasser à la cuillère.
et puis il y a lui.
juno apparaît, lumière au bout de son tunnel qui l'aveugle, parce qu'il fait ressortir le pire en lui – ou peut-être juste ce qu'il est vraiment – et il ne pense même pas à lutter. manager, ami, mentor, protecteur, amant. les lignes se brouillent comme son esprit quand il est avec lui. seule sa présence compte, pas le chaos qu'elle engendre. et elle lui est vitale, hyunseong en a besoin pour retourner au bercail et faire face à encore plus de vieux démons qu'aucun d'eux ne saura taire.