midnight ballet - kuanti

Les rues sont sûres. On lui avait souvent dit. Assez pour qu’il y croie Ilhoon. Les rues sont sans danger à Séoul. Différence rassurante avec Paris. Alors ça ne le dérange pas. Danser le soir. Devenir un oiseau nocturne. Ça ne le dérange pas. De s’abîmer, juste pour toucher son rêve du bout des doigts encore une fois. Juste une fois. Un peu plus. Il danse Ilhoon. De nuit. Dans un studio à un quart d’heure de marche de l’Olympus Complex. Ça ne le dérange pas. Il se dit qu’il est adulte. Que les monstres qui l’attendent tapis dans le noir, ça n’existe pas. Il en connaît d’autres des monstres, des vrais. Des maladies. Qui prennent place au fond de vous et que vous devez combattre tous les jours dès que vous ouvrez les yeux. Il en connaît d’autres des monstres. Assez pour ne pas avoir peur. Assez pour ne pas s’inquiéter tandis qu’il remonte les rues. De la musique à ses oreilles, le pas léger, aérien, la fatigue pourtant qui lui donnerait presque des ailes. Oiseau nocturne. La fatigue qui lui donne envie de s’allonger et juste dormir toute la journée. Moment de faiblesse qu’il réprime toujours, l’espoir à bout de bras, au bout de ses lèvres. Mais si, les rues sont sûres. Elles ne le sont pas forcément pour Ilhoon. Et il finit dos au mur, la pierre qui l’écorche là au niveau du haut qu’il porte, son gilet glissant le long de ses bras. Mais si, les rues sont sûres. Et pourtant il fait face à quatre mecs qu’il ne connaît pas. Silhouettes menaçantes. Propos qui peinent à passer le brouillard de son esprit, sa tête a tapé contre la brique aussi. Mais si, les rues sont sûres. Maman me l’a dit. Mais c’est un gémissement plaintif qui passe ses lèvres quand ses mains s’accrochent sur son sac, trop précieux pour le céder, et qu’une de ces ombres le prend par le cou, le plaque un peu plus brutalement. Et il voit sa besace lui être arraché. Ses affaires de danse qui tombent. Ses chaussons laissés dans le caniveau, son être moqué, raillé. Ses affaires qui tombent, flacons d’insuline qui se brisent dans un bruit mouillé, de la pluie de la veille. Bruit mouillé, de ses larmes qui coulent le long de ses joues et s'échouent sur l'asphalt. Mais si, les rues sont sûres. Non maman. Pas pour les enfants blonds qui ne savent pas se défendre. Pas pour les enfants qui ont du mal à respirer. Pas pour ceux-là.

midnight ballet ★ Leave a note on your bed
Let your mother know you're safe
(musique)
Sa plus vieille bécane sous son corps. Ses vrombissements s’ancrant jusque dans la moelle de ses os. Le bruit du moteur assourdissant n’entame pourtant pas la musique au volume sonore inhumain sortant des écouteurs profondément enfoncés dans les oreilles. Il roule à folle allure. Trop folle. Trop rapide. Trop mortelle. Et pas assez folle. Pas assez rapide. Pas assez mortelle. Mais sa bécane à ses limites. Limites imposées, frustrantes, rassurantes, à la limite de l’humanité. Dans un crissement aigu caoutchouteux, il s’arrête en plein milieu de la route, posant ses deux bras croisés sur son guidon, regardant au loin, regardant l’air, allant jusqu’à croire pouvoir apercevoir ces atomes d’air. Il finit par donner un petit coup d’accélérateur, juste de quoi monter le trottoir, après qu’une énième bagnole le frôle d’un peu trop prés. Pas aujourd’hui. Allez, pas aujourd’hui. Il enlève lunettes et masque, les attachant au guidon. Il s’apprête à enlever ses gants quand il aperçoit un groupe de silhouettes du coin de l’œil. Il semble les reconnaitre, ces silhouettes. Qui s’essaient à l’inquiet, au sordide, aux ténèbres, à la peur. Qui s’approchent d’une autre silhouette, bien plus petite, maigre et lumineuse qu’elles. Se doutant du mot de la fin, du moins pour cette petite dernière silhouette, kuan remet son masque, met ses lunettes autour de cou, descends de sa bécane, et sans quitter des yeux le petit groupe, actionne le silencieux du pot d’échappement. Un petit tour qu’il avait pris pour les courses clandestines, en un contre un, pour être tranquille le plus longtemps possible. Il s’était avéré que ce petit tour de magie était pratique pour d’autres moments dangereux de la vie. Il roula jusqu’à eux, s’arrêtant juste assez proche pour que le mollet de l’un d’entre eux soit brûlé par son pot d’échappement. Le hurlement traversa la nuit et cassa l’atmosphère d’inquiétude qu’ils avaient essayé de créer. D’un petit coup de rein, il fit monter sa roue de devant en l’air, la posant presque sur la poitrine d’un deuxième, qui recula en lui criant des insanités. Enfin, d’une main gantée de cuir et de métal, il explosa la lèvre inférieure de celui qui tenait la silhouette lumineuse par le col. Prenant le temps de descendre sa béquille, il contourna sa bécane, et vint se poster devant le petit être, les bras croisés, le regard neutre, vide, attendant la suite. Qui ne vint jamais. Il faut dire, il commençait à être connu. Soupirant devant tant de lâcheté, il se tourna vers la victime, et pris enfin le temps de la détailler. Il remarqua le sang, qui devait appartenir à la lèvre éclatée plus tôt. Il remarque les larmes. Il remarqua le souffle erratique. Il remarqua les flacons brisés sur le bitume. « hôpital ? »

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Y’a sa tête qui le lance. Son dos qui crie au martyr. Et Ilhoon qui tente de se débattre. Joues humides de larmes silencieuses, y’a son coréen qui se fait la malle aussi. Mais il tente d’expliquer. Qu’il a pas d’argent. Pas grand chose pour lui. Tout ce qu’il a, git au sol. Ses chaussons de danse foutus, humide de la pluie de la veille. Chaussons de danse détruits comme on raille son être, et son insuline en des morceaux de verre, comme sa vie qu’on malmène. Pourtant il essaye Ilhoon, tandis qu’ils vident son portefeuille. Il essaye, ses mots bancals tandis qu’on le tient contre le mur, une main qui s’abat sur sa joue pour le faire taire. Et ses mots s’étouffent, ses protestations aussi tandis que les malheureux wons qu’il a, à peine de quoi faire un repas finissent dans la poche de l’un. Ses yeux fermés, il ne voit pas le sauveur. Il entend par contre, le hurlement d’un de ses tourmenteurs. il entend les bruits sans vouloir les comprendre, s’accrochant à la voix de sa mère, à son assurance, que tout irait bien, sans doute voulait-elle se rassurer. Son plus jeune partant seul à l’assaut d’une capitale. Pas la première, mais la séparation toujours difficile. Et lorsqu’Ilhoon, il ose rouvrir les yeux c’est pour faire face au motard qui lui avait donné secours. À sa question, il hocha pourtant négativement la tête. Tête basse ses cheveux devant ses yeux tandis qu’il se penchait, finissait accroupi pour ramasser ses affaires. Et c’était des gestes amers. Les vêtements remis dans son sac, le portefeuille récupéré. Les chaussons attrapés dans un sanglot qu’il n’avait pas pu retenir, tandis qu’il les glissait également dans sa besace. Flacons brisés déniés. « Non ça ira … Désolé pour ça … Merci encore … » Et il sait pas trop quoi dire Ilhoon. Il faut qu’il assume. Il faut qu’il sèche ses larmes aussi. Qu’il arrête de trembler. Et y’a son cœur qui est erratique aussi. Y’a son cœur qui fait des embardés monstrueuses. « Je dois … » Et c’est hésitant qu’il tente d’attraper sa pochette. Stylos à injection, mais surtout de quoi vérifier son taux de sucre, mais il a les doigts qui tremblent et il n’y arrive pas Ilhoon. « Vous … vous pourriez m’aider ? Je me drogue pas ! C’est de l’insuline … Il faut que je sache … Si je dois en prendre ou non … »