Elle s'était déjà remise en question sur le fait qu'elle était si méchante avec Ji Hun – mais s'était toujours dit que s'il acceptait tant d'être son larbin, c'était son problème au pire. Mais maintenant qu'il s'éloignait un peu, elle perdait son chien préféré, ses repères, elle voyait à quel point elle était devenue dépendante de lui, mais surtout elle avait peur qu'il s'éloigne, qu'il en ait marre d'elle. D'habitude, elle s'en serait moquée, mais là, allez savoir pourquoi, ça l'énervait et la stressait particulièrement. Bon, son énervement venait également du fait qu'on défiait son autorité, et elle n'aurait laissé personne s'en tirer après avoir refusé l'une de ses demandes. Mais peut-être qu'elle aurait été moins susceptible si ça avait été juste n'importe qui. Elle sortit de son lit en râlant, se moquant de réveiller sa colocataire ou non, c'était loin d'être une priorité pour elle à ce niveau. Elle mangea rapidement un biscuit, se mit rapidement le strict minimum comme maquillage – hors de question de sortir sans – et partit, habillée de son petit pyjama blanc léger d'été, vers la résidence Dionysos, en se faisant discrète afin que personne ne la voit dans cette tenue. Il allait voir s'il lui tiendrait toujours tête en face.

Une fois devant sa chambre – et se moquant éperdument de réveiller ses colocataires ou voisins – elle frappa à grands coups, histoire de bien se faire entendre par Ji Hun et pour montrer son énervement. « Ji Hun… Ouvre cette porte de suite ! » Et elle serait prête à la défoncer s'il le fallait. Mais vu le vacarme qu'elle faisait à une heure du matin, il allait bien se sentir obligé de lui ouvrir, qu'il le veuille ou non.

Elle était fatiguée – de sommeil mais surtout à cause de son comportement, de devoir toujours courir après les autres et d'aussi peu accepter la défaite. Elle attendit devant la porte, se passant en revue toutes les insultes qui lui venaient à l'esprit, et quand il eut enfin la bonne idée de lui ouvrir après avoir attendu trois ans et ne faisant que l'énerver encore plus, ce fut une insulte en mandarin qui sortit de sa bouche. L'équivalent d'un « bâtard » qu'il connaissait déjà dans sa langue alors qu'elle le lui sortait souvent. Elle fit la moue alors que sa première réaction n'était que sur sa tenue, assez vexée qu'on ne veuille pas profiter de l'occasion pour regarder ses courbes. « Si j'avais pu rester dans mon lit aussi… Et puis je te retourne la remarque. Moi au moins, j'ai un joli corps à mater. » Elle sourit malicieusement et vint le suivre, prenant mal le fait qu'il l'ignore comme ça, mais elle n'était plus à ça près tellement il l'énervait ces derniers temps. Xie Ning avait toujours eu un sacré problème pour gérer ses émotions, mais cela ne faisait qu'empirer avec Ji Hun. Il avait le don pour la mettre hors d'elle ces derniers temps. Et elle ne fit que grimacer alors qu'il vint lui mettre la veste sur les épaules, qu'elle fit tomber directement, ne voyant que de la provocation dans ce geste.

Elle vint s'asseoir sur le canapé de leur salon, venant croiser les bras, elle aussi, tout en regardant devant elle, ne lui prêtant pas une grande attention. « Tu sais très bien ce que je veux. Et tant que je suis là aussi, fais moi une omelette. » Elle soupira en levant les yeux au ciel. « Ah, le Ji Hun que je connaissais il était si gentil avec moi, lui… Je sais pas ce qui a bien pu se passer. » Elle, par contre, ne comptait pas changer. Elle n'aimait pas être si terrible, mais elle n'arrivait juste pas à se contrôler à cause de ses traumatismes, alors elle ne voulait même pas perdre de l'énergie à essayer d'arranger ça. Mais elle estimait que Ji Hun, lui, n'avait pas d'excuse à devenir si méchant.

Elle se demandait ce que Ji Hun penserait d'elle s'il savait ses problèmes. Son passé, la maltraitance qu'elle a vécu de la part de son père jusqu'à ses visites régulières chez son psy et ses troubles mentaux. Elle ne demandait pas à ce qu'on pardonne toutes les horreurs qu'elle pouvait commettre car "elle est malade", elle voulait juste qu'on puisse la comprendre et l'accompagner. Mais elle a tellement peur de l'effet inverse – qu'on finisse par la voir plus comme un monstre qu'autre chose, une fille complètement timbrée. Alors elle ne disait rien, pas même à lui, renfermant son lourd passé dans ses secrets.

Elle sourit face à ses remarques sur son corps à lui, ne pensant pas que ce qui était censé être une insulte soit pris de travers. « Je parlais de mon corps pas du tien, idiot. T'es toujours gros. » Et elle serait impossible de dire si elle le pensait vraiment, elle se noyait tellement dans sa haine et son incapacité à dire des compliments qu'au fond elle ne savait plus ce qu'elle pensait ou non. Elle se contentait de critiquer tout ce qu'elle pouvait. Car Xie Ning ne mâchait pas ses mots, et elle ne voyait pas le mal au milieu de tous ses ordres et critiques. Pourtant cette fois-ci, elle ne s'attendait pas à ce que Ji Hun ait autant de répondant. Elle tourna les yeux vers lui, assez choquée qu'il commence à dire ça et… Atteinte par ses mots. Depuis tout le temps qu'ils se connaissaient – qu'il l'écoutait au doigt et à l'oeil – elle ne s'attendait pas à ce qu'il dise des mots comme ça. Était-elle vraiment si méchante ? Non, ce n'était pas suffisant pour la remettre vraiment en cause par contre. « C'est bien ce que je dis. Il s'est passé quoi ? Car ça fait un moment que c'est comme ça et tu ne t'en plains que maintenant. Il s'est bien passé un truc non ? » Elle soupira et le laissa prendre son menton, plongeant son regard dans le sien. Même si elle était énervée et ne voulait pas écouter ses gamineries, elle acceptait de le laisser parler. « Vois mes critiques comme une preuve d'amour ? Ceux que je trouve inintéressants, je ne leur donne même pas d'intérêts, larbins ou pas. » Elle savait très bien faire la différence entre critiques et compliments, sachant que non, le rabaisser tout le temps n'était pas une preuve d'amour, sauf qu'elle voulait le rassurer, car elle ne voulait au fond pas le perdre. Et car elle n'arrivera pas à changer. « J'ai réussi à être gentille avec une personne, une fois, mais ça s'est très mal fini. Tu préfères entendre mes critiques que des mots gentils de ma part, crois moi. » Sans rentrer dans les détails, et parlant de son enfant, elle avait confiance en Ji Hun pour la croire, peut-être, et il avait toujours été à l'écoute quand elle parlait de ses problèmes. Elle se leva et partit se mettre devant lui, lui faisant les yeux doux et revenant mettre son visage près du sien, comme il venait de le faire, avant de sourire. « Tu me fais mon omelette maintenant ? » Car elle serait incapable de plus se confier sur ses raisons d'être si méchante que ça – et elle voulait changer de sujet. Et elle avait faim.