past beats - huixi

La ville qui défile. Et son regard qui se pose sur les lumières d’une Séoul nocturne. Animée. Pas si différente d’il y a un mois. Pas plus joyeuse. Pas plus triste. Seoul qui continue sa routine. Le monde qui continue de tourner. Et lui qui ne voulait pas rentrer. Ne sait toujours pas si c’est une bonne idée. New York comme une bouffée d’air frais avec Chulhei. La fashion week et les photoshoots enchainés dans un tourbillon coloré. Puis un retour au source. Le Japon, Osaka. Sa maison. Il a une maison au nom de sa mère. Un nid douillé. Vide de présence. Le côté traditionnel qui l’emporte. Mais toujours vide. Et le cœur lourd à aller la voir à l’hôpital. Elle ne se souvient toujours pas. Crise d’hystérie. Les mots du médecin. Elle ne se souviendra sans doute jamais. En partant son père lui a pris son cœur. Mais pas seulement. Son âme. Sa vie. Et ça ne fait que le conforter sur son aromantisme. Personne pour le faire souffrir ainsi. Lorsque les gens auxquels il tient partent, c’est déjà assez douloureux. Autant ne pas en rajouter. Non. Et le cœur serré quand sa mère lui demande qui il est. Et le cœur serré lorsqu’elle annonce qu’elle n’a pas d’enfant. Et le cœur en miette quand elle lui hurle de partir, parce qu’il lui rappelle sans doute trop l’homme qu’elle a aimé. Des envies de tout abandonner parfois. Des jours à se demander pourquoi il continue le mannequinat, vu qu’elle ne le reconnaitra pas. Jamais. Pourtant il est revenu Shina. À Séoul, un peu plus calme, le masque reconstruit. Il a même pris des photos à l’aéroport. Un sourire offert à chacun, avant de s’éclipser. Et dans le taxi, il n’aspire qu’à rentrer. Huixi l’attend à la maison, il lui a confirmé par téléphone. Ça ira. Il fera tout pour ne pas pleurer quand il parlera d’Osaka, de sa mère. Ça ira. La valise qu’il traine derrière lui, les clefs dans la porte du loft, il jette à peine un regard du côté des chambres souvent inoccupées ou aux occupants changeants. Son attention sur la porte de la chambre de Huixi. Il est tard. Pourtant le plus grand lui a assuré d’être là à son retour. De l’attendre. Alors sans attendre, il pousse la porte, la valise encore à l’entrée et ses bras viennent se passer autour de son cou. Étreinte douce. Aux sensations nostalgiques. Et ses lèvres viennent se poser sur celles de Huixi comme une habitude. Un « I missed you. » contre la pulpe de ses lippes.

Papillons qui se logent au creux de ton ventre, tu ne sais trop pour quelle raison. L’appréhension, peut-être, ou la peur de décevoir, tu ne pouvais dire. C’est cette conversation téléphonique qui t’avait sorti de tes pensées, qui avait fait naître cette nervosité. Et pourtant, Shina, tu ne le connaissais par cœur. Depuis les années à cohabiter, à partager tout et rien, à partager un peu trop de votre vie commune, tu n’avais rien à craindre. Tu ne savais juste pas comment il réagirait à la nouvelle. Vie chamboulée par ton couple nouvellement né, proximité à proscrire, ou du moins à réévaluer. Heure qui défile lentement et Shina qui ne se présente toujours pas. Toi qui a l’habitude de veiller tard ou de dormir à peine, ce sont les bras de Morphée qui t’appellent et qui te réquisitionnent, et tu te laisses aller au sommeil sans même poser de questions. Porte qui grince, matelas qui s’affaisse et qui te tire de ton sommeil en un instant. Chaleur diffuse qui s’accapare de ton corps et qui t’arrache un geignement. Tu clignes plusieurs fois des yeux pour t’habituer à la noirceur et enfin distinguer le visage du nippon. Visage qui se rapprochent, lippes qui s’accrochent aux tiennent comme pour te dire bonjour, baiser auquel tu ne réponds pourtant pas. « i missed you too, shina. » Tu te contentes de murmurer, tendant les mains pour les glisser à sa taille, l’attirant dans une étreinte avant de te redresser, frottant ton visage d’une main avant de repousser tes cheveux vers l’arrière. Aucun surnom particulier, outre son nom, hors de tes habitudes. « what took you so long? » Voix rocailleuse qui s’élève, se réverbère entre les murs de la chambre. Représailles qui n’en sont pas vraiment, juste curieux de savoir ce qui a pu le retenir si longtemps.

Il rentre à la maison. Enfin. La fuite est terminée. Shina qu’on a mis à mal. New York comme une évasion. Osaka comme la fin d’un rêve. Les retrouvailles avec sa mère qui ont le goût d’une fin. Ces retrouvailles qui finissent toujours dans les hurlements de celle-ci, et avec son cœur en miette. Le masque qu’il a mis du temps à refaire. Seoul vu comme une cage. Endroit étouffant. Pourtant il y retourne. Parce que c’est là où il vit. Là où il y a ses amis, ceux qui importent. Ce n’est pas pour autant que c’est facile. Et dans un besoin de soutien, il a appelé Huixi. Supplique sous-entendue entre ses lèvres qu’il soit là à son retour, qu’il l’attende. Mais l’appartement est dans le noir. La valise laissée à la porte, Shina qui s’avance vers la chambre de Huixi. Territoire connue dans lequel il s’avance serein. L’étreinte du garçon comme ce qu’il pourrait appeler son chez-soi. La porte qui grince tandis qu’il l’ouvre et se ses yeux qui se posent sur le lit occuper. En douceur, il vient contre lui. Le corps qui se serre contre celui du plus grand lèvres contre les siennes. Le baiser qui n’est pas rendu, mais il ne s’offusque pas Shina. Met ça sous le compte du sommeil. Morphée un amant possessif.  Mais les entrailles qui se serrent, un peu lorsque son nom de scène est murmuré. Pas de surnom affectif, pas même son prénom qu’il est en droit d’utiliser. Non. Juste ce nom de scène et l’étreinte qui se brise facilement. Il est un peu perdu Shina, le cœur déjà bancal, il tente de faire comme si ce n’était pas grave, comme si ça ne l’affectait pas. « My flight was delayed … And lots of people at the airport … I’m sorry, I shouldn’t have asked for you to wait for me … » Le surnom qu’il lui offre d’habitude se bloque dans sa gorge, la crainte de le prononcer s’il n’est pas d’humeur. Pourtant le mot qui s’échappe comme une question tintée d’appréhension. « Daddy ? »

Il rentre enfin à la maison et toi, tout ce que tu as à lui offrir, c’est un air de déception. Affection mise de côté, réserve imposée pour ne pas blesser l’être aimé. Dynamique qui change du tout au tout, moment que tu aurais probablement préféré éviter. Mais Shina, tu n’avais jamais pu lui dire non. Il savait tirer tes ficelles comme nul autre ne savait le faire. Il arrivait à trouver les mots pour contourner les barrières de ton cœur et y mettre la main sans que tu ne t’en attendes. C’était ça, Shina. Une amitié compliquée que jamais tu n’avais su qualifier, distance et non-dits créant un climat non propice à un quelconque label. Tu sens la douleur dans sa voix. Tu n’as même pas besoin de le regarder pour savoir à quel point ta distance le blesse. Tu connais Shina depuis si longtemps que ce serait mentir que de dire que tu le connaissais pas sur le bout de tes doigts. « You know i would always wait for you. I was just too tired. » Chose qui n’arrive que peu souvent, toi qui à l’habitude d’errer dans l’appartement une majeure partie de la nuit. Paupières qui se referment, frisson que tu réprimes. Soft spot incontestable pour le surnom que le jeune homme vient d’employer. Tu sais qu’il revenait dans l’espoir d’épancher ses maux sur ton âme et jamais, au grand jamais, tu n’aurais su lui résister. Sauf aujourd’hui. « I can’t, baby boy » Surnom qui quitte tes lèvres malgré toute ta volonté, yeux qui s’ouvrent de nouveau pour trouver les siens. « Not anymore. » Mots qui écorchent tes cordes vocales, pour une raison que tu ne comprends tout simplement pas. « I’m not sending you away, or casting you out of my life. I… have a boyfriend, now. » Que de changements, en son absence.

Besoin d’affection corrosif. Le premier à prendre la fuite dans les moments tendus, difficiles. Mais Shina le premier à revenir dans les bras de ceux qui importent. Dans ceux de Huixi. Le plus jeune comme une évidence dans sa vie. L’amitié qui dure depuis son arrivée à Séoul. Colocation qui aurait pu ne pas marcher, mais entre les deux une attirance tendre, entre sexualité et besoin primaire. Shina il a besoin de Huixi. Il ne l’a jamais caché. Et sous le masque de cette amitié, les contours se sont effacés. Alors il essaye de trouver des explications. Morphée responsable de son baiser non rendu. Il essaye de trouver des justifications. À son nom de scène employé. À cette distance palpable qu’il y a soudainement entre eux. Il hume légèrement à l’assurance que lui donne Huixi. Conscient que oui il l’attendrait, mais il y a comme autre chose. Autre chose qui l’effraie plus qu’il ne le montre. Vulnérabilité dans sa voix lorsqu’il ose prononcer ce surnom. ‘Daddy’. Appellation à la limite de l’acceptable dans la société. Pourtant habituel entre eux. Mais le mot sonne fragile entre ses lèvres, goût âpre dans la bouche lorsqu’il le prononce. Dynamique soudainement bancale. Presque affable. Et le refus comme une déchirure. Le corps qui se tend, son regard qui cherche le sien, une explication qu’il n’a pas envie d’entendre même s’il en a besoin. Dynamique brisée, et des contours que Huixi pose soudainement à ce qu’ils sont. Non. « Ah … Of course. » Il comprend Shina. La raison apposée sans douceur, il comprend. Regrette presque d’être parti au final. Mais incapable de rester sur Seoul à ce moment là. La raison apposée violemment contre son cœur, et le sourire fragile qui vient étirer ses lèvres. « I understand Huixi … No problem … I shouldn’t sleep here tonight. For your boyfriend … » Et il est déjà prêt à s’enfuir Shina. Cœur gardé. Les barrières qu’il érige en silence. En urgence. Et même si Huixi dit le contraire, assure qu’il ne le chasse pas … Shina il voit ça comme un abandon. Le gamin qu’on laisse toujours en arrière. Celui qui n’est jamais assez bien. Sa peur de l’abandon qui le ronge. Autant que cette réalité, où Huixi ne peut plus être un support émotionnel. Ne peut plus être un des piliers de sa vie. Et le mannequin qui rabat les draps. L’envie de pleurer qui lui brûle les yeux. « But I’m happy for you. » Ce n’est même pas un mensonge. Même si sa tête est basse. Même s’il est debout dans le noir, heureux que Huixi ne puisse pas voir son visage, les émotions bien trop brutes pour ne pas s’afficher sur ses traits. « You deserve to have someone in your life making you happy. »

Monde tourné à l’envers dans lequel Shina ne sait plus trop où se placer. Monde à l’envers dans lequel tu as toi-même du mal à trouver ta place. Que de changements en si peu de temps. Tu es conscient que ça en fait beaucoup à avaler, surtout d’un coup. Tu es conscient que tu aurais dû lâcher la bombe à un moment plus opportun qu’à vos retrouvailles. Le moindre faux pas était toutefois à éviter, et tu n’avais absolument pas l’intention de te mettre les pieds dans les plats. Shina qui se referme dès que tu prononces ce mot en particulier, Shina qui devient le reflet de lui-même. Et toi, il y a ton cœur qui se fissure un peu plus, à le voir ainsi sourire de façon amère. Tu bronches à peine lorsque les draps se referment, lorsqu’il se relève et s’apprête à quitter. Tu le connais, le nippon. Peut-être un peu trop bien. Tu sais qu’il se sauvera dès qu’il en aura l’occasion, silence radio en office de réponse à toutes tes questions. C’est probablement pourquoi tu te redresses et que tu tends la main, s’accrochant à son poignet pour le ramener tout près de ton lit. « I said I was not sending you away. You are still sleeping here tonight. You need it. » Et tu le tires lentement, jusqu’à pouvoir passer tes bras à sa taille, visage niché au creux de son cou. Et tu le serres contre toi, peut-être plus fort et plus longtemps que nécessaire. « You know I love you, right? » Murmure au creux de son oreille tandis que tu redresses la tête, iris qui cherchent les siens au milieu de la noirceur. Sourire qui se veut rassurant, mais qui, tu le sais, n’est probablement pas suffisant. « You know how much you make me happy, Shi’. Don’t you? » Main qui remonte pour caresser son visage, relâchant ses hanches après un moment pour se rasseoir normalement sur le lit. « You deserve the world. You also deserve someone who will make you happy for the rest of your life. » Voix qui tressaute sur la fin de la phrase, tête qui se baisse à son tour. Gorge qui se serre contre ton gré tandis que tu tentes de chasser les émotions. C’est tout un pan de votre histoire qui se tourne. Un bouquin complet qu’on place sur l’étagère, parmi tous les autres, et qui finira par prendre la poussière. Douleur qui finira par s’estomper, peut-être même à complètement s’effacer, mais amitié qui à tout prix se doit d’être préservée. Pour lui. Pour toi. Pour vous.