ryū → I was a broken rose

Il a perdu à des jeux auxquels personne ne lui avait jamais expliqué les règles. Il n'était qu'un pion. Et il s'est longtemps détesté pour ça. Il s'est souvent trouvé en trop, souvent senti trop différent, trop ceci et pas assez cela, trop imparfait, pas à la hauteur. Alors il trouvait toujours réconfort dans les bras de sa mère. Un peu de Busan et un peu de Tokyo; Ryu avait toujours apprécié la plage de Haeundae et le pont de Gwanganli. Plus que la frénésie de Shibuya et la superficialité d'Omote Sando. Petit, il attendait toujours avec impatience l'été. Une saison entière dans la maison de sa grand mère, trois mois entiers sans pressions, sans comparaisons, sans règles. "Rei a tout réussi, pourquoi tu n'es pas un peu plus comme lui?" Il n'avait pas à entendre cette phrase quand il était loin de son père. Il détestait son père, mais il détestait encore plus Rei. Aux yeux de Ryu, Rei était le coupable de sa misère. Et il ne pouvait pas changer ça, il ne pouvait pas effacer son grand frère. Combien de fois avait-il désiré disparaître? Ou que Rei disparaisse? Ou alors que son père disparaisse?

10 août 2008. Ryu était sur un canapé, dans un local en sous sol. Il avait encore séché aujourd'hui. Il prenait plus plaisir à raquetter les collégiens qu'à se tenir derrière un bureau. Son téléphone affichait déjà plusieurs appels manqués de sa soeur Ran. Et puis soudain, c'est sa mère qui appelle. Elle n'appelle jamais. Elle le laisse toujours faire ce qu'il veut. Elle ne pose pas de questions. "Viens à l'hôpital". Ce jour là, son père et son frère étaient au mauvais endroit au mauvais moment. Ce jour là, un rêve d'enfant se réalisa. Mais à quel prix?

Les choses qu'on ne peut changer, sont celles qui finissent par nous changer.


Déménager n'avait pas arrangé les choses pour Ryū. Il n'arrivait pas à oublier. Il se sentait coupable. Il pensait que c'était de sa faute. Il se répétait qu'il aurait peut-être pu faire quelque chose pour éviter cette fusillade. Les femmes de sa vie se reconstruisait; et lui, alimentait une soif de vengeance.

Ce sont des coups de feu qui avaient volé la vie de son frère et de son père. Une situation qu'on ne pouvait imaginer. Ce n'était pas juste; et pour Ryū il fallait rendre monnaie de sa pièce. Ran pouvait le voir, elle voyait la rage prendre possession de l'esprit de son petit frère. Elle aurait voulu le retenir, elle avait essayer de l'arrêter, mais il avait fait son choix. Il était retourné au Japon, seul. Il avait cessé de donner des nouvelles; il ne contactait personne.

Ran commençait à le détester, de les avoir quittées. Ce qui lui prouvait que son frère était vivant, étaient les entrées d'argent sur son compte bancaire.

La fin justifiait les moyens; il avait apaisé sa peine et il avait gagné un nouveau rang dans sa quête. Ce qui était important pour lui, ce n'était pas ce qu'il était devenu, ou comment il l'était devenu. L'essentiel pour lui étaient que les deux femmes de sa vie ne manquent jamais de rien, quitte à damner son âme.

Ne pas se battre pour ce que l'on désire ne porte qu'un nom: perdre.