(event) bal masqué

« la soirée est plutôt sympa. » souffle-t-il entre deux soupirs abyssaux, ennuyé par le mutisme de son compère, encore plus froid qu'à ses nobles habitudes. entre eux s'était installée une ère glaciaire; il n'y avait plus aucun flux, aucune vie. pourtant, nombreuses ont été les tentatives pour faire fondre l'iceberg qui les séparait. mais namgi, étant ce qu'il était, avait frigorifié tout espoir de faire renaitre la flamme de cette nuit passée. « regarde, les gens ont l’air de bien s’amuser — bien plus que nous en tout cas. on devrait peut-être... se joindre à eux ? je sais tu n'aimes pas particulièrement danser, et que tu ne peux pas danser dans cet état... mais j'ai une idée ! »

en catimini, il avance au ralenti vers cette silhouette au corps meurtri; aucun bruit, aucun mot, juste un geste, cette main glissée vers lui. « accepte cette danse, et si tu n'aimes pas ma façon de faire, on arrête, tout simplement. laisse-moi juste une chance pour me rattraper... »

l’œil disparut ne voit pas le feu follet qui file dans sa direction et céleste ne peut l’éviter. tout va si vite. elle n’a pas le temps de réagir ni de parler. on la bouscule. on la rattrape. on s’excuse. et céleste se retrouve à suivre du regard une jeune femme qui prend la fuite. cendrillon vêtue d’émeraude. son œil la quitte difficilement. envoutée par cette trop rapide apparition. elle reste en suspend quelques secondes quand la belle a quitté son champ de vision. céleste se retourne vers la salle, rêveuse. comme si elle était victime d’un enchantement. d’un mouvement mécanique elle vient recoiffer sa frange brune. elle se sent enfin prête à affronter la bulle luxuriante dans laquelle est plongé l’assemblée.
son petit monde se fissure lorsqu’un inconnu (@jin dohwan) lui tend la main. réflexe enfantin. la gamine regarde à gauche et à droite. pas vraiment certaine qu’il s’adresse à elle. et pourtant si. un petit rire aigue lui échappe. témoin d’une gêne difficile à contenir. « je… avec plaisir. » souffle-t-elle. après tout ce n’est qu’une danse. ainsi qu’une nouvelle rencontre. son sourire se veut enfin plus détendue lorsqu’elle glisse sa main gantée dans celle du jeune homme.
 

sa princesse du soir ; pureté enfantine qui ne peut retenir la surprise de se voir invitée par un inconnu. les lèvres du voyou s'étirent en un sourire amusé, teinté d'un charme calculé. il aurait pu choisir n'importe qui, mais c'était elle qui avait su attirer son regard. sa robe noire, rayonnant comme l'obsidienne au milieu des couleurs vibrantes. son rire crystalin résonne et sa main gantée se place au creux de la sienne. gamin éduqué, gamin bien élevé enroule le bras de la belle autour du sien et l'escorte au centre de la piste de danse. il l'entraine dans une valse s'agencant à la perfection à la mélodie. gamin 2e place, gamin parasite. il a jamais eu droit aux cours de danse, mais il a appris comme il pouvait en regardant son jumeau répéter, ses prunelles copiant, volant, mendiant le savoir qu'on lui refusait. ils virevoltent sur la scène, mais il n'a rien à lui dire à sa belle. sa pureté évidente qui contraste avec son absence d'honnêteté. alors il ne dit rien, se contente de la faire valser jusqu'aux dernières notes de violon.

il ne répond pas aux invitations à discuter. il préfère le silence, les soupirs et les esquisses qui ne sont que des grimaces. taeho fait de son mieux pour prendre soin de lui, réparer ses 'erreurs'. l'accident est visible dans sa démarche peu élégante, silhouette cabossée. ses yeux viennent se poser sur taeho lorsqu'il reprend la parole, l'interrompt dans ses pensées. une part de lui hésite à répondre mais il préfère regarder. acquiescer de la tête suffira. il espère que taeho se taise, le laisse s'énerver seul dans tous les recoins de son esprit mais il n'en est rien. il parle, encore. et namgi entend, finit par écouter. c'est vrai. ils sourient tous, bien loin de la mine d'enterrement qu'il affiche. et namgi pense halluciner en entendant la suite. vérité sur vérité, quelle idée avait-il ? pas le temps de réfléchir qu'une main se tend devant lui. des paroles insensées mais il y a comme son cœur qui l'oblige à accepter, froideur du bout des lèvres. « juste une danse alors. »

sa main rejoint la sienne et il se laisse entraîner par taeho. et sans qu'il ne dise un mot, il se retrouve (( trop )) proche de lui. à s'appuyer contre son corps, à sentir son être contre le sien. fuyant son regard, namgi laisse sa tête reposer contre celle de taeho. « c'est bizarre d'être proche de toi. » proximité dont il ne sait que penser, seuls quelques souvenirs semblent s'être ravivés. « autant maintenant que la dernière fois. » celle où ils se sont embrassés.

ses joues se teintent sous son masque. ses lèvres s’humidifient dans un réflexe mécanique. l’appréhension et l’incongru de la situation se mêlent dans sa poitrine. les battements de son cœur résonnent entre ses oreilles. se mêlent à la musique. percussions intimes qui vient s’ajouter à l’orchestre. dans un silence presque monacale céleste se laisse guider. la gamine sait à peine danser. elle est bien loin de leur salon toulousain quand son père la faisait virevolter devant l’être de la cheminée. ses orteils frôlaient à peine le parquet. là ses talons sont bien ancrés au sol. un départ maladroit. une main timide sur l’épaule du garçon masqué. c’est comme ci son corps ne lui appartenait plus. céleste se retrouve poupée de chiffon guidée par son bel inconnu. ses yeux s’accrochent maladroitement aux siens. elle se mort la lèvre alors que ses jambes suivent difficilement le rythme. un soupire de soulagement lui échappe lorsque la musique se termine. « je suis désolée, je suis une piètre danseuse. » elle appuie deux doigts sur son masque comme s’il s’agissait d’une paire de lunettes. « j’espère que vous ne regrettez pas de m’avoir choisie comme cavalière. »
 

sa main frôle la sienne ;
il frémit.
leurs doigts s’entremêlent ;
survient l'étincelle.

leurs corps, étreinte voluptueuse, tournent, se balancent, et le parquet ploie ; sur le chêne poli glissent légèrement leurs pas moelleux. peu à peu, fond le mur de glace qui les séparait.

son âme près de la sienne, taeho se sent renaître ; dans son coeur, brûle un sentiment nouveau, une menteuse douceur, qu'il doit faire taire à nouveau. alors, il profite de ces derniers instants avec namgi ; de la caresse de cette valse qui cache en elle son languissant aveu d'amour ; mais les quelques mots de son partenaire provoquèrent le malaise. « bizarre ? qu'est-ce que tu entends par-là ? » taeho voulait sourire, comme il avait l'habitude de le faire lorsque namgi se montrait cruel et froid, mais contre son corps, que ses bras enserrent, il n'a plus la force de rien ; non, il s'abandonne. « tu sais namgi, je ne regrette rien. mais j'ai agi égoïstement, je n'ai même pas pris en compte tes sentiments..., enfin j'espère qu'on restera au moins ami. » 

et ce vague émoi, commencé sur son coeur, progressivement, s'achève.

il ne sait pas ce qui le fait accepter cette danse. il devrait décliner, s'indigner de cette proposition qui n'est qu'une idée scandaleuse de taeho. mais non, namgi ne fait rien. leurs mains se trouvent, leurs corps aussi. celui de taeho est chaud, semble contraster avec le sien. et les mots trouvent leur chemin, confession, cette proximité au goût que namgi ne sait pas définir. seul un mot l'illustre (( bizarre )) -- et il sent l'atmosphère changer, la voix de taeho résonne étrangement dans son oreille. « je ne sais pas. c'est toi, toi et moi. » des mots voilés, namgi qui ne peut pas expliquer à quel point taeho et lui sont censés être incompatibles, s'éviter comme la peste et non pas s'aimanter.

il ne s'attend pas à la réponse qu'on lui offre. à vrai dire, il n'est pas sûr de comprendre. « si tu voulais juste embrasser un garçon, il fallait le dire. » namgi, stupide. il continue de tourner mais les mots eux aussi tournent dans sa tête. pourquoi rester amis ? ne rien regretter. sans savoir pourquoi, il arrête leur valse. ses pieds s'ancrent dans le sol et il cesse d'appuyer sa tête contre celle de taeho. namgi vient plonger dans son regard dans le sien. « ou alors est-ce que c'est moi que tu voulais embrasser ? » aussi imbus de lui-même soit-il, cette phrase ne lui est qu'étrange. il cherche toutefois à ce que taeho lui réponde, attendant patiemment un geste ou un mot. ses yeux scrutent et il ne se rend même pas compte qu'ils sont trop proches, que son cœur en est presque troublé.

bal masqué. une occasion d'observer, de faire des rencontres intéressantes. kitae aux yeux qui scrutent, lui qui se dissimule derrière un masque. il aime voir des scènes chaotiques; le beau et le cabossé qui dansent. il se demande ce qu'ils se disent mais son attention est vite emportée ailleurs. et alors qu'il sourit sans trop savoir pourquoi, il décide d'attraper une main. d'attirer la première personne à ses côtés pour danser. kitae, roi du bal sans couronne. mais il s'en fiche. ses mains se fondent dans celles de sa victime. et il danse comme il le faisait enfant, lorsque les adultes le poussaient à le faire. les bonnes manières, les soirées mondaines. un passé qu'il a enterré avec sa mère. ce bal lui rappelle ce qu'il a rejeté, mis de côté lorsqu'elle s'est jetée dans le vide; que leur nom fut un nid à scandale. « avec qui ai-je l'honneur de danser ? » demande t-il à l'inconnu. il se fiche de qui est en face de lui, ne veut que s'amuser ce soir. se mêler aux riches et aux pauvres dans le décor. tout n'est qu'un jeu.