chrysanthemum ;

Les jours passaient, les semaines derrière lui n’étaient qu’un doux songe tandis qu’il reprenait doucement goût à la vie. Un goût de nostalgie, une mélancolique tandis qu’il se savait prisonnier de ses erreurs à jamais. Il respirait à la liberté mais son cœur était encore emprisonné de la culpabilité de ne pas encore être allé rendre visite à sa tendre. Il peinait à trouver le courage, la force de luis faire face pour la deuxième fois. Cette cage grise et froide dans laquelle on l’avait enfermée, dans le noir le plus total, sous terre…il sentait son cœur se serrer à cette idée. Oh, qu’il aurait aimé pouvoir la libérer, disperser ses cendres dans la mer qu’elle aimait tant, laisser ses dernières traces dans le ciel, en liberté, là où elle méritait d’être et non pas emprisonnée loin de lui, dans cet endroit effrayant où elle était, seule à jamais. Sehyun avait fini par craquer, enfilant une tenue sombre et sacrifiant son argent pour acheter les plus belles fleurs ornementales de la boutique mais ça ne suffirait pas à le consoler, ni à satisfaire son besoin de chérir à l’éternité celle qu’il aime.

Il se souvient à peine du trajet, de ses pas qui l’amenaient jusqu’au cimetière de la ville. Il sent à peine la fine pluie tomber sur la peau de son visage et de ses mains, ni le froid qui lui arrache pourtant de violents frissons. Il voit à peine ce qui l’entoure, si ce n’est la tombe de sa bien-aimée dont il se rapproche lentement mais sûrement. Il s’accroupit à côté, sourit tristement en voyant que la tombe est soignée. Sa famille doit récemment lui rendre visite et il se dit qu’elle doit déjà être un peu moins seule. « Je suis désolé de t’avoir fait attendre, Lisa. » Sa voix est douce, il retient tant bien que mal les sanglots noués dans sa gorge tandis qu’il dépose les fleurs sur la tombe et vient poser son front contre la pierre froide, murmurant doucement, comme si elle était capable de l’entendre de là où elle était. « Tu me manques tellement…tellement… » Il reste comme ça, se promet de revenir, encore et encore, jusqu’à ce que ses jambes ne puissent plus le porter. Il ferme les yeux, se laisse conforter dans l’idée qu’elle était là, près de lui et qu’il n’était juste plus capable de la voir, de l’effleurer.

prélude de l'aube. aurore du nouveau jour, aurore trompeuse. en ces lieux, tout semble figé par le temps. les croix de pierres des tombes neuves vibrent hélas, toujours sur ce même ton anormal composé de bruits sourds qui font mal ; et la glaciale lumière berce de ses immuables lueurs l’esprit des vivants de chants quantique ; la mort rodant sans relâche près des âmes égarées aux yeux ternis de douleurs. un triste tableau qu'elle traverse seule : elle marche seule en ce désert immense, sur cet obscur chemin lentement elle s'avance ; mais pour guider ses pas dans ces sombres détours, de la main qu'elle aimait elle n'a plus le secours. l i s a, celle dont l'amitié savait consoler les pénibles tristesses, celle qui la soutenait le jour des grandes détresses, qui d'un coeur agité savait charmer les maux. en vain nombreux ont été les sanglots versés, nombreuses sont les douleurs encore étouffées ; et sa cendre sous ses pleurs ne s'est pas réchauffée. exister et souffrir, voilà donc son partage ! vivre le coeur rempli de ce vide immense ! et ce cœur, accablé par le poids des douleurs, fixe sur le tombeau des yeux mouillés de pleurs. contre la désolation, elle lutta, pleine de courage. contre le chagrin, elle continua son chemin, ivre d'une invincible fermeté. mais devant cette silhouette en deuil, son âme, souffrante et malheureuse, se mit à gronder de rancoeur. « sehyun ! » reiko hurla son prénom comme dans l'angoisse d'un rêve. un mauvais rêve. lui ici. impossible. elle refuse !

l'heure sonne. enfin elle va pouvoir exhaler son ressentiment, vomir sa haine, expectorer son fiel, éjaculer sa colère, déterger son indignation. reiko n'est plus. seuls subsistent la colère et le mépris. lentement, elle sent une haine invisible l'envelopper ; et l'esprit, affligé et accablé, ne contrôle plus les mots, ni même les gestes, qui sont susceptibles d'être blessants. « espèce d'assassin ! tu n'as pas le droit ! tu n'as pas le droit de te tenir devant elle ! »

Le contact glacé de la pierre contre son front n’a rien d’une consolation et doucement, le damné se laisse submerger par les souvenirs encore trop douloureux pour que son cœur le supporte. Les souvenirs trop flous, les visages et les moments passés, un regret amer de ne même pas être capable de se souvenir correctement. Pourtant, Sehyun est certain de se souvenir de son parfum, de la chaleur qu’elle lui procurait lorsqu’elle le prenait dans ses bras et qu’elle lui souriait, rayonnant plus fort que le soleil. De là-haut, était-elle heureuse ? La vie avait été un calvaire pour elle, il connaissait ses problèmes, l’avait laissée les mettre de côté en lui offrant un doux poison qui l’emporta loin de lui. Il ne sait toujours pas aujourd’hui, si elle l’a souhaité, si elle avait eu peur, si elle lui en veut. Les souvenirs de cette soirée où sa vie s’envola étaient trop troubles encore. Seul le remord persistait et la cruauté d’une destinée qu’il maudissait du plus profond de son cœur.

Doucement, avec précaution, il laisse les larmes couler, s’autorise à pleurer dans une exception douloureuse. Pleurer ne faisait qu’accentuer sa culpabilité mais aussi proche de sa bien-aimée, il voulait pouvoir en être capable. Il voulait pouvoir se libérer de toute cette tristesse qui le rongeait, pouvoir crier et pleurer tout simplement, comme l’être humain vulnérable qu’il était. Une voix gronde à côté, son prénom déformé dans un cri de haine et lorsqu’il lève ses yeux embués de larmes, le visage qu’il croise le ramène à la réalité, son cœur se tordant douloureusement, un vertige l’empêchant de se relever. Reiko lui crie dessus, prononce ces mots qu’il a déjà tellement entendus. Assassin. Meurtrier. Sehyun se mord la lèvre, se sentant perdre la tête car les émotions qui se bousculaient dans sa tête névrosée faisait naître une colère douloureuse purement dirigée sur sa personne. Et mélangée à la peur, mélangée à la tristesse, il devient fou, ne se contrôle plus, se relève trop vite pour lancer un regard noir à celle qui pourtant portait le même visage que sa bien-aimée ; il ne se laisserait pas piéger.

« Je…je suis désolé... »

On ne lui a même pas laissé présenter ses excuses avant de l’envoyer en prison et ces mots sortaient plus facilement sans pour autant le libérer de tous ses remords. Il serre les poings. Ses excuses ne doivent pas paraître sincère car la colère prédomine. Il poursuit fermement.

« …mais peu importe si je n’ai pas le droit, je contrerai toutes les interdictions pour me tenir devant elle. »

C’était tout ce qu’il lui restait, sa seule punition mélangée à un certain devoir qu’il voulait accomplir, non pas pour apaiser ses remords mais pour le bien de Lisa. Il est persuadé que c’est ce qu’elle aurait souhaité.