stranger things (saean)

stranger things

L’immensité du mur créé par les multiples boites contenant la vie de la poupée la pousse à soupirer. Le sentiment de rien avoir et pourtant la preuve qu’elle a beaucoup trop sous les yeux. Mais il faut commencer pour terminer, et malgré le voyage de Busan à Séoul qui a épuisé son corps comme son esprit, l’enfant musique se met au travail, plonge ses bras dans les boîtes et commence à excaver les restes de sa pauvre vie. Elle travaille sans cesse jusqu’à ce que les boites vides trainent ici et là, plus nombreuses que celles encore pleines, donc les secrets restent à découvrir. Assez peu nombreuses pour donner un regain d’énergie à la belle qui replonge à nouveau, déterminée à en terminer une bonne fois pour toute. Les contenus familiers qui s’enchaînent jusqu’à cette boîte. Apparence qui passe inaperçue, semblable à toutes les autres, c’est le contenu qui sème la confusion chez la poupée. Les livres s’empilent, des titres inconnus sous ses yeux ébahis : Ne plus être timide en 15 leçons, Vaincre sa timidité, La musculation pour les nuls. Soudainement inquiète pour le reste de ses maigres possessions, les boites restantes sont rapidement éventrées dévoilant leur contenu familier. Il y a une boite qui manque cependant à l’appel, la plus importante, celle qui contenait les mémentos de sa gloire passé, les traces d’une célébrité fugace et l’explication de la déchéance de la violoniste Lee Sian. La chambre est retournée dans sa quête de la boîte perdue, mais elle continue à lui échapper alors la belle se rabat sur le carton inconnu. La chance qui lui sourit peut-être dans un lien trouvé entre le playboy édition 1995 et la pochette d’un vieux porno : to Min Saewan, hoping you can unlock your full potential. Tony Robbins. Une chose menant à l’autre, la gamine déchue a trouvé son chemin, s’accrochant à l’espoir que ce garçon saurait où était passé ses effets personnels. Son poing qui cogne contre la porte et ses paroles qui s’élèvent alors qu’elle s’ouvre à peine, pas le courage de regarder qui la manipule. « Je crois que les déménageurs se sont trompés… Je crois qu’ils m’ont donné quelque chose à vous. » Qu’elle dit à toute vitesse en tendant le livre à l’inconnu, le reste de la boîte resté dans sa chambre ; otage né de la force manquante de l’artiste.

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ce sont les rougeurs qui s'étendent et enflamment ses joues opalines ; c'est la surprise qui sème la poussière-terreur à ses pupilles voilées. les lippes qui s'entrouvrent misérablement pour en laisser échapper le plus enfantin des couinements. et ses deux mains remontent jusqu'à ses mèches noires pour les agripper, les fourrager, y noyer son incrédulité. « non, non, non... tout, mais pas ça... » le palpitant s'emballe, le tocsin résonne à ses oreilles aux lobes carmins, et ce sont finalement les premières buées d'humidité qui poussent ses prunelles chocolat à luire finement. le souffle erratique se fait pourtant long par série de secondes interminables dans l'optique de canaliser les tremblements de son être (mais la honte est bien trop présente). entre ses mains, le carton semble fardeau, mais pas le sien. et là réside tout le problème : ça n'est pas le sien. envolés, ses précieux livres de thérapie, disparus, ses trophées personnels, volatilisés, sa dédicace dont il se montre si secrètement fier. entre ses doigts incertains, ce sont des bribes du passés d'un inconnu, s'il s'en fiait aux années - des notes, des prix, et ce qu'il identifie sans certitude comme un ancien modèle d'appareil auditif (bien qu'il ait tout d'abord confondu le modèle avec une paire d'écouteurs sans fils, et que l'idée fugace et éphémère de les dérober s'était logée dans son esprit d'adolescent). toutefois, ce qui le terrifiait le plus dans cette histoire n'était non pas d'avoir sous les yeux des affaires qui n'étaient pas les siennes, mais l'idée qu'une personne non identifiée puisse chercher à les récupérer.

ce qui devait arriver, arriva : une demie-heure après, et ce fut la cata. trois coups francs contre la porte, la panique en vagues dévastatrices qui dévore son corps et s'empare de son être. garçon musclé au corps pourtant noyé dans un sweat trop ample, les manches dévorant ses mains et ses doigts qui triturent les lacets, il n'ose regarder la jolie poupée. « non. non, j'crois pas, désolé. » le timbre est plus sec qu'il ne l'aurait souhaité, les orbes n'ont pas osé s'accrocher aux autres, et la porte est sitôt refermée - tout ça, par une foutue timidité. pourtant conscient de son erreur (papa et maman le lui répètent souvent : saewan, fais moins l'enfant), joli-môme rouvre le cadre de bois, ses joues bouffées par le pourpre de l'inconfort - et il en fait, ce qu'il en fait, des efforts. « désolé, j'ai paniqué... je m'attendais pas à voir quelqu'un arriver si vite. tu es Lee Sian ? j'ai tes affaires, je crois... » des mots enchaînés si vites qu'ils en sont presque mangés, non-articulés, et cette voix si peu assurée ; cependant, timidité est masquée sous couvert d'antipathie, et à ses yeux brunis, ce que l'on pourrait prendre pour de l'ennui.

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Les mots qui fusent, secs, coupant court à toute conversation. Et la porte qui claque, qui résonne dans l’esprit confus de la belle. Ses lèvres encore entrouvertes par ses propres balbutiements. Ses prunelles ambrées qui remontent le long du bois pour s’assurer qu’elle n’a pas rêvé, qu’on lui a bien fermé la porte au nez. Elle s’attend pas à ce qu’elle s’ouvre soudainement, s’attend pas au visage bambin qui se retrouve soudainement devant elle. Ses joues s’empourprent, se teintent de carmin ; miroir reflétant l’inconfort du gamin. Le regard de l’enfant musique qui glisse, qui se détourne de l’inconnu pour fixer le décor de son appartement. Les mots qui résonnent, difficiles à séparer ; la voix qui s’emmêle, qui va trop vite pour prononcer correctement. L’enfant céleste qui n’en a pourtant pas besoin, elle peut la voir au fond de l’appartement : sa boîte. Le palpitant qui s’emballe de voir quelques trophées au sol, le carton éventré, le gamin qui a eu un coup d’œil à l’abysse de ton passé. Le secret scandaleux de la violoniste dévoilé à l’inconnu et la réalité désolante qui semble se cimenter, s’imposer à la gamine qui fuit sa vérité. La politesse qui se fait la malle, Sian qui voit pourpre. La poupée qui pousse le roman contre le torse de l’enfant avec une force insoupçonnée avant d’entrer dans le domicile. Ses pas paniqués la mènent au cadavre de carton et elle replace ses quelques effets éparpillés. Les oreilles sourdes aux paroles que le gamin pourrait émettre, surdité sélective, volontaire pour une fois. L’enfant lunaire tente de soulever la boîte désormais complète, mais la force est manquante, elle n’arrive qu’à faire quelques pas avant de devoir la reposer. La brume diaphane des larmes qui vient couvrir ses prunelles, la poupée de porcelaine qui commencer à se fissurer comme si son extérieur voulait refléter l’intérieur. « Aish… » Le jurement au bout des lippes, les fils qui retiennent les pièces de son âme qui semblent s’effiler, l’ange qui menace de chuter une fois de plus.

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et à sa porte, y'a cette fille frêle qui semble friable sur laquelle pourtant ses orbes peinent à s'accrocher. son torse se soulève vite, la respiration se fait erratique et le carmin bariole ses joues d'opale en un chaotique tableau ; ses dents capturent sa lèvre et la font rouler, l'angoisse le dévore. et à cet instant, le môme aimerait pouvoir saisir la manette de sa vie entre ses longs doigts, presser le bouton salvateur et revenir quelques heures en arrière - ne jamais déménager ce jour-là, ne jamais se tromper de carton, ne jamais abandonner le sien entre des mains étrangères, ne jamais claquer cette porte au nez de l'inconnue. palpitant ravagé, myocarde à ses pieds, tempête à son être, ouragan à son derme. saewan entrouvre les lippes, s'apprête à laisser filtre sa voix fluette, mais déjà la femme se précipite dans son appartement ; dans un élan de colère mêlé à la surprise face à ses manières, ses sourcils se froncent : « hé ! » il se précipite à sa suite, ses pieds nus cavalent sur le parquet et ses mains se saisissent des objets tombés de la boîte marronné ; il les range à leur place et ramène le tout contre son torse sculpté. « mais t'es dingue, t'es pas chez toi ! la vie c'est pas comme dans les pubs de kinder bueno tu sais ! » sa voix faible se veut pourtant ferme, mais se casse et s'éteint dans un geignement enfantin - et alors il remarque, enfin, les larmes baignant les astres de la poupée s'étant invitée. « hé, c'est pas parce que j'ai dis ça qu'il faut pleurer... ça va aller ? » saewan-panique, saewan-terreur, saewan-torpeur, saewan qui ne pensait pas, un jour, avoir assez de charisme pour faire pleurer une dame, se sent dépassé par les évènements. alors, presque tendrement, il pose une main sur l'épaule de l'autre enfant, mâche l'intérieur de ses propres joues avec stupeur. « tu savais pas ? t'as pas été éduquée ? tu... tu veux un kinder bueno...? »

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Dans ses oreilles, y’a que le vrombissement de la honte, la peur qui serre son palpitant, la culpabilité de son existence qui fait naître des larmes cristallines aux coins de ses yeux. La gamine qui se retrouve confrontée à tout ce qu’elle fuit, les fragments de son âme brisée offerts à la vue de l’inconnu. Petits poings serrés, les ongles créant des croissants vermeils dans la peau tendre de l’enfant, et sa présence à ses côtés qui se fait sentir. hé, c'est pas parce que j'ai dis ça qu'il faut pleurer... ça va aller ? Enfant musique ramenée sur terre, les sentiments qui la noyaient s’estompent, et une toute nouvelle gêne qui s’installe. Sa main s’élève à ses prunelles chocolat, essuient les larmes du revers de la main. « Désolée… Je ne sais pas ce qui m’a pris. » émotions tsunami, l’enfant qui s’est noyée dans ses ressentis, qui n’a pas pensé une seule seconde au gamin à la vie privée envahie. Gamin paniqué par la beauté diaphane des larmes, gamin terrifié sous les pupilles encore humides de la violoniste. Sian l’intrus, l’impolie, la criminelle. Gamine qui est gênée par ses actions maintenant qu’elle voit clair, qui s’en veut d’avoir été un poids pour l’enfant n’ayant rien demandé. Elle prend un peu de recul pour mieux s’incliner au 90 degré. « Je suis désolée pour l’impolitesse. » Gamine qui agit soudainement comme une adulte sourit à l’enfant avant d’ajouter : « Je suis Lee Sian. » Main tendue vers le gamin, demande de paix, de pardon. Enfant sincère, les lèvres étirées en un sourire bienveillant, mais les yeux éteints. Gamine qui essaie malgré tout de se faire à ce nouveau monde morne, à apprendre à vivre dans ce monde identique, mais complètement différent à la fois.