Yoo Se Yoon ₪ Looking at you like a star, from the place the world forgot

« Père ?
- Hm ?
- Je ne comprends pas. Les adultes n’ont pas le droit de jouer ? »

Le-dit père sourit tendrement et souleva le petit bonhomme qui faisait ses six ans aujourd’hui. Il le regardait comme tout bon père regarderait son fils – restait seulement à savoir s’il voyait en Se Yoon un simple fils, ou avec lui la preuve de la survie de son entreprise. Il a été une figure paternelle présente et aimante, et sa femme avait rempli le rôle de mère à merveille. Evidemment, qu’ils aimaient leur fils, évidemment, qu’ils souhaitaient son bonheur, mais évidemment, que ce fils allait leur servir. Ils n’avaient pas de mauvaises intentions, ni sadisme ni manipulation, ça leur était naturel. Leur fils était à eux, et il allait les aider et suivre leurs traces, comme eux ont suivit celles de leurs parents. Le petit Se Yoon avait son avenir déjà écrit et aucune route de secours ou plan B n’était ne serait-ce qu’imaginable. Il fera les plus grandes écoles, et sera le prochain CEO de l’entreprise, et sera mariée à une femme belle, riche et parfaite ; mais qu’il n’aura pas choisi.

« Les adultes n’ont pas le temps de jouer, mon coeur. Et tu en seras bientôt un, donc tu ferais mieux de t’y habituer. Mais on n’est pas malheureux pour autant, tu verras ! Le travail c’est la santé. »

L’enfant hochait la tête, peu rassuré, une moue sur le visage. Aujourd’hui, jour de fête, dix-sept mars, il prenait une année de plus. Et pourtant, il ne savait pas trop s’il devait être heureux. Ses parents commençaient déjà à se débarrasser des rares jouets qu’ils avaient du lui acheter pour les remplacer par des livres de plus en plus gros. Il savait déjà lire, il avait apprit tôt ; il savait écrire et compter aussi – ces facilités encouragées par ses parents qui se vantaient d’avoir déjà un génie dans la famille. Et il aimait ça, mais peut-être que ses petits soldats lui manqueront un peu. Mais ses parents avaient sûrement raison, père et mère avaient toujours raison. Alors il acquiesça, sourit pour la photo, et souffla les bougies sur le petit gâteau hors de prix qui suivait le restaurant cinq étoiles.

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Il a toujours été le premier de classe. Depuis ses premières années d’école, il levait toujours la main, l’expression neutre, donnait la bonne réponse. Il a sauté deux classes et continuait pourtant à dominer tout le monde de notes que même les professeurs n’attendaient pas. Pourtant, il n’était pas dans n’importe quel lycée, et presque tous les élèves avaient un cadre à peu près similaire au sien, mais lui avait cette sériosité imperturbable, il avait cette concentration que rien ne pouvait entraver, et il n’avait rien d’autre à faire que travailler, et se documenter sur divers sujets. Ses seules pauses parmi tous ces devoirs que la plupart considéraient d’infaisable tant ils étaient nombreux étaient ces livres sur divers sujets de plus en plus compliqués qui occupaient ses étagères.

Et il n’avait pas à se plaindre, parce que pour lui c’était tout bonnement naturel. C’était normal, c’était la vie, et ça lui convenait, il ne se posait pas plus de questions ; ses parents ne lui ont pas appris à se poser les questions. Ils lui ont dit que ces jeunes de son âge qui traînaient par groupe dans la rue étaient de ceux qui n’avaient rien compris de la vie, qui allaient la rater, et qu’il n’y avait rien d’intéressant en l’amitié parce qu’elle n’apportait rien financièrement et culturellement parlant. Et Se Yoon hochait la tête sans se demander si au fond de lui il enviait ces personnes libres. Il était d’un autre environnement, il n’avait même pas à les regarder, pour être honnête. C’est comme ça qu’il a appris à se détacher de tout ce qui ne le concernait pas. C’est aussi comme ça qu’il a laissé des concepts de sociabilité qu’il ne comprenait pas pour se plonger dans ses études – encore et toujours. Et il n’a jamais été expressif, parce qu’il n’a pas grandi dans un environnement où il avait des raisons de l’être, et c’est resté. Il n’a jamais eu de raisons de sourire, de rire, de pleurer ou de se mettre en colère. Il regardait tout sous un œil professionnel et pensait au travail qui l’attendait.

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La nouvelle du mariage ne lui a pas de choc. Il s’y attendait, et, comme tout le reste, ça lui semblait normal. Ses parents l’utilisaient encore mais lui ne voyait tout simplement ce qu’il y avait de malsain là dedans, alors il acquiesça – encore et toujours. Sa future femme s’appelait Meena, et à l’époque, il ne l’avait vu que quelques fois lors de ce genre de dîners, mais, il ne savait pas grand-chose d’elle, et ça marchait certainement dans l’autre sens aussi.

Et pourtant, les choses se sont curieusement bien passées. Ils ne s’étaient pas choisis, il ne s’étaient pas connus, ils n’étaient relié que par les liens du mariage et par cette alliance sur le doigt. Et pourtant, Meena, elle était fascinante. Elle était calme et sage, mais pas autant que lui, elle avait quelque chose de plus énergique, de plus expressif, de plus humain, et il ne lui avait jamais été donné de voir un comportement tel aussi proche, au quotidien. Elle avait quelque chose de terriblement attirant, et Se Yoon ne pouvait pas s’empêcher de la regarder avec attention à chacun de ses gestes, chacune de ses paroles. Aujourd’hui comme avant, si on lui demande s’il l’aime, il répondra très certainement oui. Mais est-ce vraiment le cas ? Difficile à dire. Il est si possessif envers elle, mais, on ne peut pas réellement dire que ça vient de ce sentiment. Il ne le connaît pas et croit le découvrir avec elle, mais sauf cette fascination qui tourne peu à peu en obsession, qu’y a-t-il d’autre ? Ils vivent comme un couple, un vrai, et s’entendent bien l’un l’autre, c’est indéniable. Ils sont très fusionnels, nuls doutes mais – quelque chose cloche. D’un côté, ou, peut-être des deux. Mais Se Yoon ne le voit pas. Il se met juste à penser à Meena souvent, peut-être un peu trop. Il a juste bossé sans relâche pour avoir un boulot stable de quelques mois à Séoul, pour la voir plus souvent, sans être traîné à droite et à gauche par ses voyages d’affaires – même s’il l’est toujours. Il regarde juste un peu plus chacune de ses manière, chacun des meubles de leur maison, il vérifie juste que les coussins soient bien exactement symétriques sur le canapé et que le lit soit à 3,8cm du mur. Juste ça.