heart attack (kaori)

calepin en main, lunettes sur le nez, la brune parcoura celui-ci à l'aide de ses mains. elle grimaça en voyant plusieurs visages dessinés sur des pages auparavant blanchâtres : des visages qu'elle ne s'autorise plus à voir. elle voudrait les déchirer, ces pages, mais si elle faisait ça, c'était comme si elle s'arrachait une partie d'elle-même en même temps. lorsque la brune peint, elle est dans ce que l'on peut appeler plus communément : état second. elle ne pense plus à rien et tous ses principes se volatilisent aussi rapidement qu'une feuille au gré du vent. pratique, me diriez-vous ? assurément.
la jeune femme se mit à soupirer avant de se lever et de s'approcher de son élément de travail. palettes, tableau assez grand pour pouvoir peindre plusieurs choses en même temps sans empiéter sur une autre oeuvre ; semblable à ceux des professionnels, Kaori ne pouvait pas être dans de meilleures conditions. la moitié de son argent durement gagné : elle avait fait des heures supplémentaires, rentrait à pas d'heure, était passé dans ses instruments de peinture. elle ne pouvait pas vivre sans, c'était indéniable. elle avait besoin de sentir le vent courir sur ses racines brunâtres, de sentir le froissement du papier sous ses doigts lorsqu'elle dessine au crayon de bois sur la toile, de sentir ses sourcils se froncer désagréablement quand elle n'arrive pas à ses fins, tout. elle prit un pinceau avant de le coincer entre ses lèvres qui, elles, étaient légèrement entre-ouvertes pour laisser passer le fin pinceau qu'était celui qu'elle utilisait pour peindre, avant de prendre un crayon de bois de son autre main libre pour pouvoir tracer les zones importantes. plus le temps passait, et plus ses coups de pinceaux se faisaient plus rapides, comme si elle était habituée depuis toujours à tracer des traits, qui à la fin, forment toujours des visages. comme si elle était née pour ça. comme si c'était sa destinée. quand la brune peint, elle a l'impression de devenir quelqu'un d'autre, quelqu'un d'important, qui a du talent et qui sait s'en servir. elle a l'impression de briller a la lumière des projecteurs, même si, honnêtement, elle ne reste pas pour le moins du monde impressionnée de ses travaux ; et ne souhaite en aucun cas en exposer, et pour rien au monde elle n'assumera le fait que ça lui plaît d'être ainsi.

les cris, les larmes, les bruits de verres qui se brisent contre le plancher, non, Kaori n'a rien à se reprocher. elle a préféré fuir son domicile : fuir ses parents aux idéaux contraires aux siens, fuir pour pouvoir enfin goûter au bonheur, fuir afin de vivre d'elle-même, heureuse, ses mains auparavant liées à celle d'une femme. elle ne regrette pas le moment où elle a ouvert la porte de son domicile, les larmes se peignant sur son doux visage, les bras remplis de sacs remplis à la va-vite, hurlant son désespoir à ses géniteurs. elle n'était pas le moins du monde étonnée de leur réaction, non, elle s'y attendait, à vrai dire. ils ont toujours pensé de cette manière : les femmes ne s'imprègnent pas d'une autre femme, c'est quelque chose considéré comme malpropre. les femmes doivent se marier avec un homme pour pouvoir vivre une vie de famille, s'ils ont des enfants dans le futur. elle, elle voulait tout simplement s'assumer, assumer le fait que son cœur ait été malencontreusement pris par une femme, au visage angélique, suppliant la jeune femme pour qu'elle pose pour elle, voulant la dessiner, imprégner son doux visage sur la toile, pour qu'elle ne disparaisse jamais.