really small gang (suhee)

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Échange de services, tu y tiens à cette promesse de repas gratuits cuisinés par les soins de celle qui partage ton milieu de vie. Part d'explication de ce que tu fais encore debout aux petites heures du matin, non pas que tu sois enclin à dormir énormément lorsque livré à toi-même. Mains plongées dans l'évier, remuant l'eau savonneuse pour faire le peu de vaisselle qui persistait, musique qui résonne depuis le petit appareil bluetooth posé à l'extrémité du comptoir. C'est un supplice que de faire le moindre effort sur le ménage, trop habitué de jouer le prince du lieu que tu occupes, mais il s'agit d'un mince prix à payer afin de demeurer à distance des fourneaux au risque de faire flamber l'habitation. Tu termines avec la dernière assiette que tu poses à sécher avant de faire évacuer l'eau de l'évier. L'horloge accroché sur l'un des murs indique trois heures du matin légèrement dépassée et peut-être que tu devrais aller au lit, mais la fin de semaine vient à peine de se lancer et ta soirée en vue s'annonce longue donc autant chercher à te lever le plus tard possible. Tu considères passer au salon où se trouve ta console xbox, observant à la hâte ton téléphone pour y voir une absence de messages autant de tes amis que ton boyfriend - en même temps, vu l'heure, tu es certainement le dernier encore éveillé. Ton choix est tranché par le bruit particulier des clefs dans la serrure de la porte principale et l'arrivée tardive de Suhee. « Si j'étais ta mère, je te ferais des remontrances sur l'heure à laquelle tu reviens à la maison. » Sauf que tu ne l'es pas et tu n'as pas ton mot à dire puisque tu es encore debout avec aucun projet de filer vers ton lit avant encore un moment.

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Les mains dans les poches, elle n’est pas vraiment sereine en tournant la clé dans la serrure de la maison. La lumière qu’elle aperçoit sous la porte provoque un mélange d’appréhension et d’agacement chez elle. Quelqu’un est encore debout et ça ne sert pas ses affaires. Elle fait glisser sa capuche sombre en arrière ; elle ne sait pas exactement quelle heure il est, mais suffisamment tard pour que ça soit indécent. Surtout si on considère ses vêtements bien éloignés de son style classique et rangé de d’habitude. Refermant rapidement la porte, elle resserre son autre main toujours dans sa poche autour des billets brûlants récoltés cette nuit. C’est avec presque une pointe de soulagement qu’elle découvre Noah dans le salon ; il est plus facile de s’inventer des excuses avec lui qu’avec le reste de la maisonnée. Les débuts ont été difficile, mais le fébrile arrangement qu’ils ont conclu tient toujours miraculeusement la route. Un regard vers l’évier de la cuisine et elle note la vaisselle propre avec une légère satisfaction. Si elle peut s’éviter quelques corvées ménagères en échange d’une activité qu’elle affectionne bien plus, alors elle saute sur l’occasion. Loin d’avoir imaginé ce genre de vie en quittant le palace et le confort familial, le retour à la réalité a été assez brutal quand elle a mis les pieds ici pour la première fois. Pas de domestiques, pas de pièces excessivement bien rangées et propres ou luxueuses ; juste quelques colocataires un peu bordéliques et pas franchement débrouillards. Mais elle veut bien admettre que grâce à elle, tout le monde mange à peu près correctement ici. Un sourire ironique flottant sur ses lèvres quand elle entend sa remarque l’air de rien, elle doit se retenir de ne pas lui renvoyer la balle plus directement. « Si tu étais ma mère, tu serais probablement fière que je passe autant de temps à la bibliothèque. » Il lui est devenu si facile de mentir avec la manière qu’elle en aurait presque honte si elle n’était pas persuadée que c’est nécessaire. Heureusement pour elle, il ne doit pas y passer assez de temps pour en connaitre les horaires d'ouverture. « Mais tu manques un peu de fond de teint et d’un brushing, je dois dire. » Sans lui accorder un regard malgré sa voix qu'elle garde basse et douce, elle finit par enlever ses chaussures pour les laisser à l’entrée. « Et si j’étais la tienne, qu’est-ce que je devrais penser ? »

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À défaut de traîner à la bibliothèque dont tu ignores même la localisation, tu n’as d’autres choix que d’accepter la raison pour revenir si tard. De toute façon, le chemin qu’elle trace ne te regarde pas et vous n’êtes pas exactement assez proches pour que tu développes l’aspect possessif qui teinte chacune de tes relations d’amitié. « J’imagine. Faut que tu révises si tu veux un jour faire au moins la moitié du salaire d’un homme ayant le même emploi. » Pointe aux effluves encore un peu sexiste, la vérité sociale qui s’y cache est pourtant un peu triste. Au moins, il est trop tard - ou trop tôt - pour chercher à en faire un enjeu entre quatre murs. Surtout qu’il est impossible de remporter n’importe quel argument contre ton esprit encore étrangement trop fermé - le miracle se fait toujours attendre, même après un an. La comparaison avec sa mère suffit à te faire rire sans parvenir à feindre l’indignation puisque tu ne t’imagines pas dans une telle situation. « Si un jour tu me vois porter du maquillage, tu pourras te poser de sérieuses questions. » Parce que, comme tu dirais si bien, ces trucs sont réservés aux femmes et aux gays (ironie quand tu nous tiens). Tu te hisses sur le dossier plat du grand canapé, recevant le retour d’interrogation sur le jugement parental. « Tu serais réjouie que j’aille à mes cours, déjà. Et tu me demanderais probablement quand est-ce que je viens manger à la maison avec Zhifeng parce que je suis convaincu à quatre-vingt-dix pourcent qu’il est plus aimé que moi. » Ce n’est pas une remarque pour te plaindre, loin de là. Simple constatation du quotidien qui se fait amusante et c’est agréable de pouvoir en parler ouvertement. De pouvoir glisser quelques mots au sujet de celui qui fait palpiter l’organe au fond de ta poitrine. Faut dire que tu n’as pas vraiment eu le choix de révéler certaines informations à ton sujet à celle qui partage littéralement ta chambre. « J’ai pas des parents très strictes. » Haussement d’épaules, l’esprit ne manque pas de revenir sur certains souvenirs plus marquants. « Juste pour te dire, une fois, je devais avoir quelque chose comme quatorze ans, j’ai essayé de me sauver par la fenêtre pendant la nuit pour aller rejoindre des potes. Ils m’ont entendu et ils m’ont filmé. Donc, quelque part chez eux, y’a une vidéo de moi qui se claque la gueule en voulant sortir en douce et on les entend très clairement se moquer de mon imbécillité. »

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Le sourire hypocrite encore crispé sur ses lèvres, elle serre un peu les dents en entendant sa réponse malheureusement empreinte d'une triste réalité. Malgré la douceur de l'argent qui n'a jamais manqué de couler à flot dans son compte en banque autant que dans ses poches, elle en est consciente : il n'a pas tout à fait tort. Sans jamais en avoir fait l'expérience de cette façon, elle sait à quel point la vie est dure pour les filles. Mais un peu moins pour les filles comme elle. Loin de vouloir lancer un débat à l'issue probablement stérile et courue d'avance, elle hausse seulement les épaules en gardant la tête haute - du moment que l'excuse lui suffit, elle ne cherche pas plus. Toujours digne, jamais ébranlée. Assoiffée après cette soirée, elle erre dans la cuisine à la recherche d'un verre de quelque chose sans interrompre la passionnante conversation sur l'évidente ressemblance entre son colocataire et sa mère. Bien plus drôle que ça, l'imaginer avec le visage maladroitement barbouillé lui tire un petit sourire qu'on pourrait presque croire amusé, bien caché. « Tant que tu ne prends pas mon highlighter... » La phrase en suspens, il peut bien deviner la suite lui-même : il fait ce qui lui chante, ça ne la regarde pas et ça ne l'intéressera pas non plus au point qu'elle se pose des questions. Souriant aux hypothèses et s'imaginant pendant une seconde à la place de sa mère, elle se dit que la barre n'est pas très haute mais que ça doit quand même être reposant. Au moins, il ne risque pas de décevoir ou d'être une honte pour la famille à chaque faux pas, à chaque seconde où il aurait le malheur d'être lui-même. Un peu surprise de son aisance à parler de son compagnon malgré le fait qu'elle soit au courant depuis un moment, elle est un peu mal à l'aise avec le sujet mais ne relève pas ; étant elle-même incertaine de la direction qu'elle prend depuis quelques mois, il serait mal venu qu'elle fasse une remarque là-dessus. « Ça a l'air d'être une invitation sympa quand même, tu devrais y aller. » Incapable de déterminer si son propre destin amoureux est déjà tout tracé ou si ses parents ont déjà prévu de rejeter toutes ses futures rencontres, elle envie un peu la simplicité des gens qui peuvent se contenter d'apprécier leur gendre. Se laissant délicatement tomber à ses côtés sur le canapé, elle soupire légèrement et se laisse sourire sincèrement cette fois. Oui, vu l'état de la chambre avant qu'elle ne débarque, elle aurait pu se douter que ses parents n'étaient pas très strictes. L'anecdote qui suit, presque bête, étire encore un peu plus ses lèvres. On ne peut pas dire qu'elle soit là depuis très longtemps mais ça lui semble cohérent avec le comportement de Noah de manière générale. Avec l'attitude parfaite qu'elle s'est si longtemps appliquée à avoir, c'est clair que ce n'est pas elle qu'on verrait faire ce genre de choses. « J'espère au moins que la sortie en douce valait le coup d'en garder ce souvenir. » Réponse faussement inquisitrice, elle aimerait pouvoir se contenter d'endormir sa vigilance afin de le laisser faire toute la conversation, juste pour qu'elle n'ait pas à trop en révéler sur elle. « En tout cas, autant te dire qu'on serait probablement plusieurs ici à être prêts à payer pour voir ça. »

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Sujet rapidement mis de côté sans même y réfléchir plus longuement, esprit trop étroit pour s’égarer bien longtemps sur un point qui ne t’intéresse pas. Probablement aussi pas assez intelligent pour te lancer sur un tel débat social, aisance de ton côté que tu ne cherches pas à modifier. Te battre pour les droits des autres ; très peu pour toi. Fait assez ironique quand on connait ta situation, mais tu n’as pas réputation d’être l’humain le plus logique que la Terre ait porté. De toute façon, le simple fait de t’imaginer arborer la moindre trace de maquillage suffit à te faire grimacer du haut de ton perchoir. Tes mains viennent doucement tapoter tes joues en arborant une légère moue. « Mon teint est excellent. J’ai pas besoin de crème pour être absolument magnifique. » Part de moquerie, ton ego se porte bien et tu n’es pas du genre à te croire irrésistible. Les hauts et les bas d’une vie ordinaire, rien de plus. Des opinions bien tranchées sur certains points qui se font sentir, mais tu lui exposes toujours un peu plus sur ta personne. Confiance aveugle qui se tisse à vivre sous le même toit, à partager un espace restreint où certaines mentions n’ont d’autres choix que de se faire. « Ah, mais t’inquiète pas. C’est impossible de leur dire non. » Au point qu’il t’arrive parfois de devoir dormir dans ton ancienne chambre d'enfant pour mille et une raisons - tes parents sont doués, capables de te servir juste assez d’alcool pour indiquer que tu ne peux prendre le volant. Au fond, tu admets et sais que tu possèdes une chance unique d’avoir des parents aussi exceptionnels, qu’ils sont nettement mieux que tu ne le seras jamais. Bien sûr, tu restes un merveilleux mélange de ces deux individus, ce qui a souvent donné lieu à des anecdotes d’une beauté rare dont tu te fais un agréable plaisir de raconter. « Honnêtement, je me souviens pas. Ça devait être un truc stupide comme une sortie au parc avec les gars. Mes parents ont probablement encore l’enregistrement. » Les gens s’étonnent quand ils entendent parler de tes figures parentales, de cet exemple qui détonne avec le reste de la société au point qu’il en devient étrange pour ta propre personne de concevoir que l’on puisse avoir une relation négative avec ses parents. « Ils sont pénibles, les tiens? » Question curieuse, intérêt à en découvrir un peu plus petit à petit sur Suhee.

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Presque attendrie quand il tapote ses joues, comme pour prouver sa peau de bébé, elle lève un sourcil amusé. Ah, si elle pouvait avoir une telle confiance en sa propre apparence, peut-être que ça lui aurait évité bien des soucis – à elle, comme à d’autres. Sans pour autant rougir devant le miroir, il y a des choses dont elle ne peut jamais être vraiment certaine quand elle vise la perfection. « Je vois ça. » D’humeur à le laisser avoir raison, elle joue le jeu sans trop se poser de questions et hoche légèrement la tête. « Tu pourrais faire fortune sur Instagram si tu daignais partager ta routine beauté du matin. » Combien d’âmes en peine s’arracheraient le moindre conseil futile, même de la part de quelqu’un comme lui ? Voilà quelque chose qui serait intéressant à savoir.
Si au moins une chose est universelle, c’est l’impossibilité de refuser quelque chose à ses parents. Ça a quelque chose d’un peu rassurant, de savoir qu’il peut compter sur eux pour en rire, malgré toute la stupidité dont il semble presque fier. Un moment de silence assez brusque vient casser la conversation, elle doit se contenir pour ne pas simplement éluder sans répondre comme elle l’aurait fait dans un autre contexte que celui-ci. La question a l’air si simple, anodine et pourtant elle a tant de mal à y répondre immédiatement. « Mh, pas forcément pénibles… Mais je crois que ça dépend à qui on demande. » Au début songeuse, elle finit par laisser la pensée de son frère et de sa sœur lui arracher un rictus énigmatique. Eux toujours si revêches et peu enclins à suivre les règles tacites de la maisonnée, eux ils doivent probablement trouver leurs parents pénibles. « Pour moi, ils sont surtout… je dirais, occupés ? » Il n’y a pas vraiment de bons souvenirs de famille et elle admettrait sans honte avoir plus souvent côtoyé sa fratrie, ses gouvernantes et ses professeurs que ses parents. Il y a des familles qui fonctionnent ensemble, d’autres qui fonctionnent autrement ; ça ne l’a jamais empêchée de se sentir redevable, d’avoir cette envie de conserver l’honneur et la gloire du nom. « Et exigeants, je suppose. » Les lèvres pincées, elle ne peut pas oublier l’obligation d’excellence qu’elle a tant internalisé qu’elle est devenu la sienne plus que la leur. Chez les Ahn, il n’y a pas de place pour les erreurs et les déceptions n’existent pas. Le souvenir des visages agacés des parents face aux bêtises des aînés a été suffisant pour l’en convaincre. « Parfois conciliants, aussi. » On ne peut pas dire qu’ils lui aient mis des bâtons dans les roues jusqu’à présent – l’inverse même. La liberté illusoire dont elle jouit en tant que dernière née lui a déjà fait miroiter monts et merveilles ; elle ne s’en est pas privée non plus. Tant que les apparences sont sauves, elle a une marge de manœuvre assez impressionnante en réalité. Restée vague au possible, elle s’efforce de laisser la discussion couler naturellement, de noyer les choses qui deviendraient trop personnelles. « Un peu comme tous les parents, j’imagine. En tout cas, c’est sûrement comme ça que je serais si j’étais mère. » Dix-huit ans, c’est un peu tôt pour parler d’une descendance. La vérité, certes un peu brodée, qui sort de la bouche de la menteuse. En voilà une surprise. La question implicite retournée, elle scrute sa réaction avec la sage retenue habituelle.

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Commentaire quant à la popularité que tu pourrais toucher s’il te fallait devenir une de ces personnes qui passent tout leur temps à donner des conseils de vie sur Instagram, tu es vite confronté à la réalisation que tu n’es pas le plus assidu de ses utilisateurs. À vrai dire, tu ne sais même plus à quand remonte la dernière fois que tu y as posté la moindre photo, oubliant parfois l’existence de cette plateforme si ce n’est que pour y suivre différents comptes - la plupart étant orientés vers les sports. « Merde. J’ai raté ma chance d’être un influenceur. » Blague à part, tu ne te verrais que très mal en devenir un. Trop d’attention, trop de regards qui cherchent à juger. Manque de patience et délicatesse afin de jongler avec les mauvais commentaires  qui ferait de toi la personne la plus appréciée ou la plus détestée. Ta petite vie tranquille te suffit, après mince réflexion en cette heure de sagesse. Le délai de sa réponse à ta question est rejeté sur la faute de cette heure précise qui s’affiche sur l’horloge et les écrans de téléphone. Et il en faut peu pour comprendre encore une fois que ta vie familiale est bien différente de la personne devant toi, que tes parents détonnent sur plusieurs points. Ils sont ouverts, autoritaires sans être étouffants, protecteurs sans brûler les ailes. Ils t’ont laissé faire tes folies, commettre des centaines de faux-pas où tu es tombé pour ensuite te relever. Ils ne sont jamais bien loin, même encore aujourd’hui. Figures douces, aimantes et présentes. Une chance en or qui repose sur le portrait qui t’a élevé. La vision de ses parents à elle découle au compte-goutte, petit à petit. Point par point. Définition qui tire la moue avant que celle-ci ne se transforme en sourire sur sa conclusion. « Ah, parce que tu imagines déjà comment tu serais si tu devenais maman ? » Une réalité sur laquelle tu ne t’es jamais penché, encore moins au cours de la dernière année pour des raisons évidentes. Aussi parce que tu te considères encore toi-même comme un enfant qu’il faut parfois surveiller du coin de l’oeil quand il vagabonde trop loin. « Je crois pas que je ferais un aussi bon père que le mien. » Affirmation assez convaincue, tu n’as pas l’ouverture d’esprit de cet homme admirable. Tu n’as pas sa patience et sa facilité à alléger une situation tendue. Tu n’es pas comme lui, mais tu ne détesterais pas le devenir, progressivement. « De toute façon, c’est pas comme si c’était à risque de me tomber dessus par surprise en ce moment. » Haussement d’épaules auquel s’accompagne le mouvement de mains dans le signe international de l’évidence sous-entendue. Tes chances de grossesse surprise sont inexistantes considérant la relation que tu entretiens et ta fidélité est trop pesante pour aller fouiner ailleurs pendant qu’il a le dos tourné. « T’en veux des enfants? Enfin, plus tard. Pas maintenant, évidemment. » Drôle de conversation à avoir avec sa colocataire quand le soleil menace de se lever avant que vous ne pensiez à aller dormir, mais il n’y a pas de mauvais sujet pour apprendre à connaître autrui.

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Haussant les épaules, elle se résigne. C’est vrai qu’aujourd’hui, il vaut mieux commencer jeune si on veut être connu sur internet. Sans vraiment comprendre pourquoi quelqu’un voudrait de cette factice popularité, elle peut envisager à quel point ça doit être rassurant d’être validé, adulé par des centaines ou des milliers de personnes au quotidien. Mais avec tous les avantages qu’il y a à être quelqu’un, elle sait tout ce que ça implique pour en voir si souvent les ravages invisibles auprès de sa fratrie. « T’auras ta chance dans une autre vie, peut-être. » Mais au fond, elle ne lui souhaite pas vraiment. L’anonymat a quelque chose de rassurant, de protecteur.
Analyse incomplète mais pas forcément fausse, elle se lance dans une description succincte et pourtant si lente de ses parents. Étrange milieu, étrange famille dont elle vient ; impossible d’en faire un portrait dénué d’amertume, mais pourtant pas capable de les descendre de manière absolue non plus. Un juste milieu, probablement comme dans beaucoup de familles – c’est ce qu’elle suppose innocemment. Surprise par sa question, elle lève légèrement un sourcil en le dévisageant. Sûrement une conséquence incontrôlable du jour qui commencera bientôt à pointer, elle réalise ce qu’elle vient de dire. « Pas vraiment. Enfin, habituellement non. Je disais ça comme ça. » Elle fronce un peu les sourcils, prise au dépourvu. Ce n'est pas comme si elle avait à s'en inquiéter non plus, elle n'est même jamais sortie avec personne. Sans qu’elle n’ait à lui retourner la question, il y répond avec un naturel désarmant. La tête penchée sur le côté et le visage un peu étonné, elle l’observe comme si elle se rendait compte de beaucoup de choses à l’instant. Faire aussi bien, ou mieux peut-être. C'est bizarrement envisageable. « Tu penses ? J’ai pas l’impression qu’on puisse vraiment savoir avant de l’être. » Un éclair de lucidité ou de sagesse, qui lui fait dire que peut-être, leurs géniteurs si différents ont à un moment donné connu les mêmes questionnements. D’une honnêteté inhabituelle qui fait écho à la sienne, elle s’engage dans la conversation comme si elle n’avait rien à craindre. Sans pouvoir retenir un soupir amusé à sa remarque lancée sans aucune gêne, elle hésite et admire sa façon d’assumer d’être avec un autre homme – tout le monde n’en ferait pas autant. Même si on ne peut pas dire qu’elle lui ait vraiment laissé le choix pour ce qui est d'être dans la confidence, étant donné leur chambre partagée. Elle détourne les yeux, pudique et peut-être aussi un peu mal à l’aise – ce n’est pas chose évidente pour elle. « C’est sûr. »
Rattrapée in extremis, elle réfléchit à la nouvelle question sans s’étonner. « Mh, je sais pas. » Le menton posé dans la paume de sa main, elle s’installe un peu plus confortablement dans le canapé. « Je pense que je vais être occupée un moment avec mes études alors c’est clair que ce sera pas pour tout de suite. Mais plus tard, peut-être. » Une moue incertaine sur le visage, elle semble peu convaincue de ses propres paroles. Avec le luxe de pouvoir s’affranchir de devoir produire une descendance pour la famille en tant que petite dernière, ce serait bête de s’en priver – mais tout aussi stupide de prendre une décision maintenant. Il serait poli de lui retourner la question, mais le doute l’assaillit. On ne peut pas dire que le pays soit très avancé en la matière, et elle ne s’y connaît pas vraiment non plus. Sujet délicat, même s’il ne donne l’air de rien. Emportée par la fatigue et la nuit, elle laisse un peu tomber sa réserve et laisse la curiosité l’emporter. « Ça t’arrive d’y penser aussi ? Ou d’en parler ? Avec lui, je veux dire. »

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Tu n'aurais jamais pensé prendre part à une conversation à propos de tes parents aux petites heures du matin, encore moins t'imaginer dans le rôle paternel. Une étiquette que tu te vois mal arborer, peut-être simplement encore trop jeune ou véritable réalité. Fibre parental absente au fond de toi, n'ayant pas d'intérêt pour la norme sociale de fonder une famille. De toute façon, tu es convaincu que tu ferais un piètre père. Sujet pourtant léger, parce que tu ne t'attardes pas plus que la surface, parce que tu ne considères pas valable de chercher à creuser plus loin considérant ton âge et ta situation. « Ah ? Mais y’a des gens qui naissent avec la fibre maternelle. Je suppose que ceux-là ils savent qu’ils s’en sortiront plutôt bien. » Instinct parental dont le terme se fait dans une distinction plus féminine au verbal, tu englobes toutefois la gent masculine dans le lot. Certains touchent à peine l’adolescence qu’ils sont déjà conscient de cette envie d’avoir une famille plus tard, une idée qui ne t’a jamais frôlé et qui semble presque étrangère à ton mode de vie. Ouverture qui se veut dû au fait que vous partagiez un espace de vie relativement étroit, cloîtré ensemble dans une même pièce pour dormir où il est préférable de bien s’entendre afin d’éviter de dormir avec un oeil ouvert de peur de se retrouver étouffé par un oreiller - un mystère que Suhee ne l’ait pas encore fait considérant tes ronflements. Tu écoutes sa réponse, pensant à toi-même que cette idée peut encore changer avec les années bien qu’il s’agisse souvent d’une préférence qui se glisse tôt et le hasard se charge du reste. Un enfant, ça change une vie. Tu le vois bien avec tes parents qui ne restaient jamais bien longtemps au même endroit avant de t’avoir. Explorateur du monde, main tendue vers autrui dans les pays moins chanceux jusqu’à ce que tu viennes t’imposer et les obliger à prendre un pied à terre plus sécuritaire que les quatre coins de la planète. La question qu’elle retourne se fait sérieuse, assez pour tirer une moue pensive tandis que tu changes de position, te calant dans le coin opposé du canapé en fixant le vide un moment. « J’en veux pas vraiment, donc ça règle le sujet s’il fallait en parler. On parle pas vraiment de trucs comme ça, de trucs sérieux. » Peut-être parce que tu sais que la Chine menace de te le reprendre à tout moment, que rien n’est certain - même si ce ne l’est jamais. Personne ne sait prédire l’avenir avec précision. Le pays actuel aide à clore bien des options, aussi. Fermant la porte au nez avant même d’y toquer parce que même se marier est encore impossible. Non pas que ce soit davantage dans tes projets. « Je suis même pas certain que j’arriverais à m’occuper d’un chien, imagine me confier un bébé. » Concept étranger, étant enfant unique tu n’as pas la chance d’avoir de neveux et nièces. Sans oublier que tes cousins et cousines ont également plus ou moins ton âge, ce qui fait que ton univers est sans trace d’un être fragile dont il faut prendre soin, nourrir et changer la couche.

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Le sage soupir amusé qui s'échappe d'entre ses lèvres la trahit, si facilement. S'est-elle montrée plus transparente qu'elle n'aurait du avec lui ou est-il simplement plus perspicace qu'il n'en a l'air ? De détails en détails, de fil en aiguille, il se brode comme un doux portrait d'elle bien plus vrai que tous ceux qu'elle a pu faire auparavant. La nonchalante conversation suit son cours, et comme un écho discret à sa propre situation, il semble avoir presque deviné qu'elle ne fait pas non plus partie de ces gens qui l'ont, l'instinct maternel. Il n'y a pour le moment pas de place dans sa vie ni pour une descendance probablement utile, ni pour une progéniture sûrement épuisante. « Je ne suis pas certaine que ça soit eux, les chanceux. » Elle hausse les épaules avec un sourire résigné, hochant légèrement la tête - elle doit bien admettre qu'il n'a pas tort, nombreux sont ceux dans son entourage qui y pensent déjà.
Traces discrètes d’une curiosité longtemps gardée pour elle, par politesse et par convention, elle se hasarde à poser une question dont la réponse ne la regarde pas plus que le reste. Mais loin de s’imaginer qu’elle obtiendrait une autre réponse qu’un mur, elle est à la fois surprise et un peu décontenancée que son colocataire semble y réfléchir pour de vrai. Il y a un instant incertain où, les yeux dans le vide et l’air songeur, il impose un silence qu’elle n’ose pas briser même pour faire marche arrière. Bizarrement intéressée, elle accueille la réponse avec un sourcil doucement relevé. Des détails sur leur façon de communiquer visiblement pas beaucoup mieux que la sienne, elle regrette quand même d’avoir demandé ça. Ce n’est pas comme si elle avait quelque chose à répondre, ou une quelconque expérience à partager pour continuer la conversation sur ce sujet. « Oh. Je pensais que c’était sérieux. » De la simplicité enfantine de sa déduction à la complexité des relations amoureuses qu’elle n’a même pas encore touché du doigt, elle s’égare à prendre les choses de façon trop terre à terre. S’ils ne parlent pas de choses sérieuses, c’est que ça n’est pas sérieux entre eux ? On ne peut pas dire que son partenaire soit là tout le temps, mais elle l’a croisé suffisamment régulièrement pour le penser. Levant délicatement les mains comme pour prouver sa bonne foi, elle admet volontiers son erreur de jugement comme pour désamorcer un potentiel moment de malaise à venir.
Un rictus moqueur, bien éloigné de sa courtoisie habituelle, s’étire sur ses lèvres tandis qu’il s’expose à des situations censée être plus facile que s’occuper d’un enfant. « Tu devrais te laisser une chance. Commence avec des poissons rouges. » On ne peut pas dire qu’un chien, ça soit une simple affaire non plus – à la limite un chat, c’est plus indépendant. Avec un peu d’entraînement, elle est certaine qu’il finirait par se débrouiller. Ou par noyer ses enfants dans un aquarium, on est jamais à l'abri de rien.

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Thème réfléchi qui se construit à des heures loufoques, à travers tes lèvres qui ne savent que rarement faire part d’une once d’intelligence distinguée. Des réflexions plus ou moins légères qui se brodent autour des anecdotes concernant vos milieux familiaux qui se différencient sur bien des points. Tu fronces les sourcils à sa réponse, cherchant à découvrir toi-même ce qu’elle sous-entend de par ses mots, mais tu ne la connais pas suffisamment pour en capter la subtilité. « Au moins, ils évitent les questions classiques aux soirées de famille. » Exception évidente, tes propos se font davantage généraux que précis envers tes propres expériences. Encore trop jeune pour te mériter les questionnaires de vie adulte sans compter que ça ne colle pas avec la personnalité de tes parents. Ce qui importe chez toi, c’est l’épanouissement quel que soit sa forme. Il n’y a pas de pression, alors tu ne t’es jamais arrêté à te poser les interrogations existentielles, la conclusion étant finalement plutôt simple. Non. Tu ne te vois pas devenir père, même si le contexte s’y prêterait à merveille. Pas maintenant, probablement pas dans quelques années non plus. Tu n’y vois pas d’attrait, pas d’intérêt. Sans pour autant rejeter la faute sur une crainte de ne pas être à la hauteur du rôle, l’image traditionnelle d’une petite famille ne te séduit pas plus que ça.

Les sourcils se froncent de nouveau sur ton visage suite à son court ajout. Tu n’avais pas vu ta relation sous cet aspect, mettant soudainement en doute des mois entiers à savoir si elle a tort ou raison. Expérience limitée sur les relations, passé qui ne permet pas de faire des comparaisons - de toute façon, à ton âge, tu n’es pas certain que le futur soit la plus grande priorité. Ou si. Comme un petit conte de fée personnel que tous cherche à chérir naïvement au moins une fois dans son existence avant de découvrir le côté plus amer de la vie humaine. « J’avais pas vu ça comme ça. » Tu l’admets devant son retrait évident à ne pas vouloir lancer de débat sur ce point même si ce n’est pas ton intention.

Des mises en scène qui ne laissent rien de rassurant ne serait-ce que pour l’imagination. À peine apte à t’occuper de toi-même, l’éventualité de t’ajouter une responsabilité sur les bras est risible. « Tu vois, même ça je sais même pas par où commencer. » Apparemment, un simple bocal rond est insuffisant - tu as lu ça quelque part sur internet. « Peut-être qu’un cactus serait plus au niveau de mes capacités. » Encore là, tu serais capable de le noyer.

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Si sa famille semble bien différente de la sienne, il est surprenant de les voir se raccrocher à des constatations universelles pour se trouver des points communs et de quoi faire la conversation. Et malgré l’heure, elle ne s’arrête pas. Fausse intimité créée par des hasards bienheureux, elle se contente de sous-entendus et se rassure en se disant qu’il ne les aura probablement pas compris. C’est mieux comme ça. Mais avec un cynisme qui ne lui ressemble pas, elle ricane presque à sa naïveté. Elle n’arrive pas à déterminer s’il parle de lui, ou d’elle. « Ouais, on peut dire ça comme ça. » Encore une preuve du monde auquel elle appartient, bien différent de celui duquel il semble venir. Les questions, les interrogatoires, elle s’en est toujours bien sortie mais le poids des mots se fait d’autant plus lourd avec les années et les secrets. Sans avoir d’autre conclusion à faire sur l’avenir, elle fronce un peu les sourcils.
Le regard fuyant, il est rare pour elle de s’en vouloir mais elle a l’impression d’avoir brisé un couple sans même faire exprès. Et si elle avait eu plus de délicatesse ou d’empathie, peut-être que ça ne serait pas arrivé. Une pointe d’amertume et de remords quand il lui répond avec un naturel déroutant. Jamais la bonne épaule sur laquelle pleurer, elle s’est pourtant enorgueillie de toutes ces années à prétendre, comme si ça lui avait vraiment apporté quelque chose d’utile pour ce genre de situations. Mais non, rien qu’une maladresse de plus dont la culpabilité se fait déjà envahissante.
D’abord des enfants, puis des chiens et maintenant les animaux décoratifs. Elle laisse échapper un rire léger en s’imaginant l’aider à jeter son poisson rouge dans un aquarium approximativement décoré, tout ça pour oublier de le nourrir au bout d’une semaine. « Oh je te rassure, moi non plus j’en ai aucune idée. » Aveu d’ignorance à peine dissimulé, elle a de la chance que le sujet ne lui importe pas assez pour ressentir le besoin de camoufler une éventuelle faille. Un sourire un peu mutin sur les lèvres, rare expression d’une puérilité souvent invisible, elle sort son téléphone pour accéder à l’application du calendrier. Si un cactus peut lui permettre de faire face aux responsabilités de la vie avec un peu plus d’entrain, elle ne va pas se priver de lui en offrir un. Peut-être même plusieurs, au cas où. « C’est quand ton anniversaire ? » C’est bizarre de se rendre compte qu’elle ne connaît même pas cette information de base sur celui avec qui elle partage sa chambre et son quotidien, mais elle en est là. Peut-être qu’elle aurait du plus s’intéresser à son colocataire, faire un effort.