I hate kids [Yoon Soo]

J’observe la feuille sous mes yeux encore une fois, j’ai peur de comprendre ce que cela signifie. Non en fait, je n’ai pas peur, je sais déjà que c’est la merde. Et me voilà encore à soupirer et lever les yeux au ciel. Sérieux ? Je suis vraiment obligé de participer à cet événement ? Quand je pense que j’aurais pu l’éviter si j’étais resté à Miami… Ouais, enfin quand je sais ce qui m’attends là-bas je peux tout de même préférer être ici à attendre un… un… lycéen. Je soupire, encore et encore avant de plier le papier et le fourré dans ma poche. Je me suis levé de bonne humeur ce matin mais j’avais oublié que je devais venir à l’université pour ça. Je jette un regard désabusé aux étudiants qui s’agitent autour de moi. Tous me paressent pressés, un peu trop d’ailleurs. Je ne suis pas le genre d’étudiant qui court partout pour aller en cours. En réalité j’arrive bien trop souvent en retard et je pense qu’un avertissement va bientôt atterrir sous ma porte. Je devrais m’en inquiéter ? Oh non, je pense qu’il y a plus important, comme le fait de devoir attendre ce gnome. Je ne sais pas à quoi je m’attends, je sais qu’il s’agit d’un garçon du nom de… Hum, c’était quoi déjà ? Je fronce les sourcils, contrarié et reprend cette fichue feuille. Ok, Yo… Yoo… Yoon… Ah putain, j’ai encore du mal avec le coréen. J’essaie de le cacher comme je peux, mais l’écriture ce n’est pas mon fort. Bon, disons qu’il s’appelle Yoon… Soo. Ouais, voilà c’est ça !

Je suis plutôt fier de moi quand je décide de foutre ce papier une bonne fois pour toute dans mon sac. J’ai soudain l’impression d’être arrivé en avance. Ça ne me ressemble pas, ou alors c’est lui qui est en retard ? Et dire que je dois faire un vieux devoir sur cette rencontre d’aujourd’hui. J’ai presque envie de lui demander qu’on dise que tout s’est bien passé pour rentrer dans ma chambre et glandé devant ma console. Cette fois, je retiens mon soupire en sentant mon téléphone vibrer. Je jette un coup d’œil à l’écran, il s’agit de Ji Eun, la femme de ma famille d’accueil. Elle veut savoir si tout se passe bien et si j’aime l’université. Quelle plaie ! Parfois ça me gave de jouer au parfait petit garçon. Par message c’est plus facile, je n’ai qu’à envoyer un petit « Oui super » suivi d’un smiley et le tour est joué. Je crois pouvoir me débarrasser de cette conversation, mais elle me propose de venir manger chez eux ce week-end. Au secours ! Je déteste ces moments là où je suis seuls avec eux. Ils ne connaissaient pas Jin Kyung, heureusement pour moi mais ils avaient eu des échos de ce garçon si parfait et intelligent. Moi ? Je suis tout l’inverse… je ne me considère pas comme un crétin, mais je n’ai jamais fait d’études de ma vie. Etre ici est compliqué, je dois faire semblant à longueur de temps, je suis largué dans la plupart des cours…

J’espère subitement que le lycéen ne me demandera pas de lui apprendre quoique ce soit. D’ailleurs à quoi sers cette journée ? Est-ce qu’il veut être musicien ? J’en sais rien et ça me barbe déjà, alors je tente d’ignorer mon téléphone et scrute à l’horizon un éventuel gamin. Et enfin j’aperçois la silhouette d’un môme qui m’a l’air perdu. Bon ça doit être pour ma pomme ! Je remets mon sac sur mon épaule, descends les marches et va à sa rencontre « Yoon… euh » merde j’ai déjà oublié. « Le lycéen ? Je suis Young Jin Kyung, c’est avec moi que t’as rendez-vous. » Et qu’il n’aille pas s’imaginé que je suis heureux d’être ici. Je fronce les sourcils en le regardant… je me rends compte que sa tête me dit quelque chose. Est-ce que je l’ai déjà vu ?

Énième soupir de sa part, incapable d'accepter la soudaine idée d'être forcé, une fois de plus, à faire ce qui lui déplaisait. Il n'avait rien demandé, Soo. N'avait souhaité rien d'autre que de s’asseoir sur une chaise à sa table et écrire ses cours, dictés par la douce voix d'un professeur. Seulement ses plans avaient changés et il ne pouvait plus revenir en arrière. Persuadé qu'il n'avait pas sa place dans cet échange scolaire entre établissements lycéen et universitaire, et ce même s'il voulait franchir l'étape dans quelques mois. Elle n'était pas celle qu'il avait choisie. En avait-il même choisi une ? N'était-ce pas pour cette raison qu'il était obligé de participer à cette journée, après tout ? Sûrement. Une idée qui ne manquait pas de le rendre plus silencieux - bien que bouillant à l'intérieur. Fâcheuse habitude.

Un rapide coup d’œil envers ses camarades avant de s'éclipser du groupe, restant à l'écart comme à son habitude. Se serait mentir que de dire que l'Université ne l'impressionnait pas un minimum, parce que c'était bien le cas et parce que Soo ne pouvait cacher l'humidité accrochée à ses iris. Presque éblouis par un rêve à atteindre. Et même si ce n'était pas celle qu'il avait choisi, ou même si cette activité ne l'enchantait pas autant, c'était comme toucher un but du bout des doigts, le frôler jusqu'à se sentir prêt à l'atteindre … L'image d'un père et d'une mère comme réalité. Un sentiment de fuite qui traînait derrière lui tel un boulet à la cheville d'un prisonnier. Prisonnier oui, il l'était. Mais espérait une liberté définitive plutôt que provisoire – une liberté à deux.

Alors il voulait laisser sa chance à cet établissement, Soo. Malgré une envie d'y échapper, le lycéen se laissait guider par des soupçons de sentiments doux qui l'accompagnaient. Le regard étoilé et pourtant vide de sens - maintenant devenu une habitude. Tout était si différent depuis longtemps déjà. « Soo. Yoon Soo. » Une froideur glaciale qu'on lui connaissait tant. Une définition exacte d'un caractère autrefois souriant et chaleureux. L'opposé de ce qui le représentait des années plus tôt. Il se perdait parfois dans les nuances sombres de ses pensées, conscient d'une protection qu'il voulait offrir à d'autres sans comprendre la violence de ses mots, de ses actes. Lui-même coupable de souffrance. Il se faisait autant de mal qu'il en faisait aux autres. Jusqu'à se demander s'il ne méritait pas tout ce qui se passait à la maison, même si son plus jeune frère subissait plus encore que lui … Empli de regrets jusqu'à la mort. Il était voué à vivre dans les mirages éternels des songes noirs.

« Finissons-en vite avec cette visite. » Ça l'énervait bien assez, déjà. Ne voulait pas perdre plus de temps qu'il n'en fallait. C'était une perte de temps, et ils semblaient le savoir l'un et l'autre. Comme deux êtres destinés à se croiser.

Sans savoir vers où le train semblait s'arrêter.

(tenue) ft. @young jin kyung

Je sais que lui et moi on ne s’entendra pas. Ça se voit, il était aussi agacé d’être ici que moi. Je suis à deux doigts de lui dire « casse-toi », mais au lieu de ça un rictus apparait sur mes lèvres. J’ai ce petit sourire narquois, un poil insolent qui me caractérise si bien. Je crois qu’en fait… ça me plait. Me dire qu’il trouve ce moment aussi dur à passer que je l’aurais imaginé, c’est comme avoir une petite victoire. En soit, si il pense qu’il va passer une mauvaise journée, je ne vois pas pourquoi je le décevrais ? Et bizarrement, j’ai déjà tout un tas d’idées qui me vient en tête. Je pourrais lui faire un croche pieds quand il marche, l’enfermer dans les toilettes, lui renverser de l’eau sur son entre-jambes et… Stop ! Putain, Dae tu fous quoi ? Tu crois vraiment que c’est comme ça qu’il faut agir ? Je sais… je dois jouer aux « presque » gentil garçon. Je ne peux pas m’amuser à toujours attirer l’attention sur moi. J’ai déjà bien à faire avec mes mensonges, alors si en plus la direction de l’université me tombe dessus. Je ravale mon sourire malgré-moi, détourne les yeux et tente de reprendre un esprit positif. Comment agirait Jin Kyung s’il était là ? Pour être franc, je n’en sais rien. Lui et moi étions amis, mais nous nous connaissions seulement depuis quelques semaines. Tout ce que j’ai appris sur sa vie c’est à travers ses messages, ses mails avant de tout balancer aux oubliettes.

« Ok ! Alors que les choses soient claires, t’as pas envie d’être ici et je n’ai pas envie de jouer à la nounou. Donc tu vas faire l’effort de sourire et de t’intéresser aux trucs que je te montre. » Ouais, bon c’est une réaction comme une autre. J’avais presque essayé d’être gentil, mais à ma façon. C’est bizarre… j’ai vraiment cette impression de déjà-vu quand je le regarde. Oh, ouais il a une tête banale… ça doit être ça. Du moins c’est ce que je me dis en lui faisant signe de me suivre pour monter les marches. Je n’ai pas envie de parler pour être franc alors je préfère lui dire comment j’envisage la visite « Je me fous de savoir si t’aimes jouer à la Barbie ou à GTA. Pareil pour tes goûts alimentaires, que tu sois végan ou cannibale, peu importe. Donc on marche, je te fais visiter l’établissement et après t’auras quartier libre pour aller jouer au bac à sable. » Pour ce qui est de mon rapport sur cette journée, je pense que je broderais. On inventera qu’on a passé un super moment, qu’on a beaucoup apprit l’un et l’autre et que si il veut un parrain à son arrivée je serais là pour lui. J’ai conscience de ne pas être amical, en plus ce type tire la tronche. Ok, je ne suis pas heureux d’être ici, mais je n’ai pas l’air d’être aussi déprimé que lui.

Je tique ma langue contre mon palais, arrive dans le grand hall d’entrée et ne dit rien. Je n’ai pas besoin de présenter cet endroit, pareil pour les bureaux administratifs. On fait quelques pas, je pense aller lui montrer les salles de cours quand soudain je me souviens de son visage. Ce type ! Je l’ai déjà vu et j’en suis certain. « Attends le môme ! T’es au cours de natation ? » Ouais, j’ai beau être un connard, j’adore le sport et particulièrement la natation. C’est un truc qui me détend, quand j’étais à Miami il m’arrivait souvent de squatter les piscines des richards pour m’y baigner. Je m’arrête en chemin pour le regarder de plus près. Je pose ma main sur son épaule et lui serre un peu « Mais ouais ! Je suis sûr de t’avoir déjà vu là-bas. T’es le gars qui reste tout seul dans ton coin. » Moi aussi d’ailleurs, mais c’est parce-que je déteste parler. Je suis là-bas pour faire une activité pas pour qu’on me raconte si il fait beau dehors. D’ailleurs, je l’ai toujours trouvé bizarre ce mec. Il ne parle jamais, il a toujours l’air de vouloir se cacher. J’ai même cru à un moment qu’il était complexé par son physique. Puis un jour j’avais finis par remarquer des marques sur son corps. Je ne me suis jamais posé plus de questions que ça, mais… il avait l’air de s’être battu. Peut-être que ce gamin est finalement un dur à cuir ? Il n’en a pas l’air pourtant, il me semble juste déprimé. « T’as tué ton chien ou quoi ? » Je crois que j’essayais de faire de l’humour, pour détendre un peu l’atmosphère.

Il n'arrivait pas à retenir le regard noir qui lançait en direction de l'étudiant. Son ton, similaire au sien, ne lui plaisait pas. Une humeur qu'il reconnaissait être sienne, pourtant différente dans l'expression. Soo n'était pas un enfant, loin de là. Peut-être plus mature que d'autres, il détestait l'idée que l'on avait de lui, malgré l'inintérêt qu'il portait à la pensée des autres. Tout avait son importance, ou si peu. Alors il n'avait pas empêché sa mâchoire se resserrer à la suite de ses mots ; tout ce qu'ils voulaient, c'était partir. Pourquoi ne pouvaient-ils pas s'entendre sur ce point ? Deux minutes ensemble et l’apocalypse n'était déjà plus très loin, d'ordinaire, Soo ne s’apparentait qu'au silence et aux songes. Qu'est-ce qui changeait ? … Un tas de colère qu'il accumulait, une possibilité soudaine qu'elle s'amuse à sortir aujourd'hui, en sa présence. Ils étaient tant opposés. Une conclusion que l'on pouvait facilement tirer, en quelques secondes. Il n'y avait qu'à les regarder se détester.

En si peu de temps.

Alors il le suivait, prenait les mêmes escaliers en prenant soin de ne pas s'en approcher de trop près. Soo n'avait pas envie de mourir maintenant, il avait beaucoup trop à faire que de se prendre la tête avec un étudiant aussi aimable que lui. Son frère était plus important que ses propres sentiments en cet instant. L'Université était un pas de plus vers la sortie des enfers pour rejoindre le paradis. « Ne fais pas de ton cas une généralité, plus personne ne joue à ces jeux de nos jours. » Son franc-parler habituel finirait par le perdre un jour, et il savait déjà qu'il allait attirer les foudres de son compagnon du jour. Et même s'il n'avait aucunement envie de se battre avec qui que ce soit, il n'avait pas non plus envie de se laisser faire comme il en avait l'habitude à la maison. C'était l'occasion oui, de montrer qu'il n'était pas aussi lâche qu'il semblait l'être d'apparence. Qu'il était apte à protéger les autres, ou à se protéger lui-même. Jin Kyung n'était qu'un test parmi tant d'autres … Et tant pis pour les conséquences.

L'arrêt soudain, le lycéen écarquillait les yeux. Rictus nerveux qui se voulait hautain sur les lèvres. Soo jouait avec ses mains, faisant craquer certains de ses doigts quand il y arrivait. Il soupirait doucement, reprenant ses esprits. « Oui c'est moi, et ce n'est pas la première fois qu'on s'adresse la parole. » Mais il n'avait pas l'air de sans souvenir. Et c'était peut-être temps mieux, heureux d'être le fantôme qu'il voulait être aux yeux du monde. Alors, il avait devancé le plus vieux dans leur marche arrêtée pour lui faire comprendre qu'il voulait en finir vite – ils avaient tous les deux envies après tout, n'est-ce pas ? « … Non, j'ai tué mes parents. » Une réponse qui se voulait amusante bien qu'effrayante quand on savait ce qui se passait à la maison. Ça faisait froid dans le dos. « Je rigole. » avait-il fini par lâcher. C'était comme s'il essayait de se convaincre qu'il n'y avait jamais songé. Soo n'était pas aussi mauvais … Ou tentait-il de se rassurer ? Rien n'était plus sûr à présent. « Tu voulais me montrer les salles de cours, non ? Alors va s'y, je t'attends. » Et ce n'était pas un ordre – ou presque.

(tenue) ft. @young jin kyung