four-leaf clover.

Elle se doute probablement déjà de la situation. Tu n’as rien de bien subtile ou discret, encore moins lorsque l’on te permet de glisser quelques mots sur le sujet. Le langage corporel ne ment pas quand tu mentionnes où tu vas et avec qui tu te défiles pour passer quelques heures loin de l’appartement partagé, étoiles au fond du regard qui déclarent l’état du cœur. Pourtant, tu n’as encore rien dit pour poser officiellement de ce qui se trame dans ta vie, de la mettre au parfum des risques dans lesquels tu décides de patauger, l’entrainant involontairement dans le danger de tes décisions. L’heure affichée sur ton téléphone signale que tu devrais prendre la direction de ton lit puisque tu travailles demain, mais tu viens de terminer ton travail de correction et il te reste encore un peu d’énergie avant de devenir membre à part entière de la famille des patates. Papiers rangés en vitesse dans ton sac, tu prends la direction de la pièce où elle vaque à ses occupations pendant lesquelles tu évites normalement de la déranger. « Cherry? You have a minute? I have something important to tell you. » Propos qui pourraient inquiéter si ce n’était pas du sourire qui s’immisce sur tes lèvres dans une évidence qu’il ne s’agit aucunement d’une mauvaise nouvelle. Du moins, pas sur le coup. Ses répercussions, en revanche, ne présagent rien de bons, mais tu n’en es pas encore à ce tournant fatidique. « Also, can we move to the living room? Being near your stuff still makes me nervous. » Tu n’entretiens pas une bonne relation avec ses projets personnels, vivant trop souvent des accidents avec ceux-ci au point de préférer rester le plus éloigné possible de l’endroit où elle conserve son attirail.

Nouvelle année scolaire qui a commencé tranquillement. Cherry pour une fois mieux organisée qu’à l’accoutumée. Son armée de post-it un peu partout dans la maison, et des bonnes résolutions à la pelle aussi. Des choses qui s’arrangent quand on y pense. Ses fiançailles avec Taeho qui commencent enfin à s’annuler, c’est qu’il est borné le patriarche Moon, mais sans doute pas autant que Chaeryeong qui a l’appui de son père. Il ne faudrait pas rendre son joyau malheureux. Elle est presque heureuse. Dans sa vie étrange, elle est heureuse. Ne se plaint pas. Sa chambre transformée en atelier où se côtoie mannequins de couture et toiles encore inachevées. Elle travaille tranquillement. Le tissu entre ses doigts qu’elle transforme au fur et à mesure en quelque chose de superbe. Mains agiles, elle n’est pas maladroite. Elle a juste la tête en l’air. Et ses patrons devant les yeux pour ne rien oublier. Elle est heureuse, ne manque de rien. Se satisfait de ce qu’elle a. Cherry et ses passions. La peinture, le dessin. Créature délicate mais vibrante. Pleine de vie. Et les heures qui défilent sans qu’elle ne les voit passer. À peine rentrée de l’université elle s’est mise à son atelier, morceaux de tissus dans tous les coins de la pièce, futur costume en préparation. Concentration totale elle sursaute pourtant en entendant la voix d’Ilseong, heureuse de ne pas avoir ses ciseaux en main. Sourcil qui se fronce délicatement à la remarque, l’inquiétude qui colore ses yeux. Même s’ils ne sont mariés que sur papier et ne partage le lit conjugal, celui d’Ilseong, que pour dormir et rien d’autre, le garçon reste toujours son ami d’enfance et meilleur ami. Une des personnes qu’elle a de plus chères au monde. « Something happened ? » Ses mains qui reposent délicatement son ouvrage, rire arrachée à sa remarque tandis qu’elle se lève pour sortir de sa chambre qui n’a que ça du nom vu qu’elle dort plus souvent avec Ilseong qu’ici. « If you want to divorce, you know we will be able only after visiting the underworld. » Blague légère, elle se demande bien pourquoi Ilseong à l’air si sérieux. Pourquoi il y a cette inquiétude qui la tient au ventre aussi. L’angoisse et les situations d’attente n’ont jamais été son fort, et aujourd’hui encore n’est pas une exception à la règle.

La scène s’est déjà imaginée des millions de fois dans ta tête, rejouée en boucle dans divers scénarios sans parvenir à découvrir le meilleur moyen d’emmener le changement à ton quotidien. Elle en sait trop sur le sujet qui s’annonce, en ayant déjà partagé longuement sur la relation empoisonnée entretenue avec un individu dont elle ne connait que le prénom et n’en a vu le visage que sur photo. « That’s one way to put it. » Réponse qui n’aide pas à éclairer, ce n’est pourtant pas forcément quelque chose de lourd à emmener. Des décisions stupides pour quelqu’un avec un peu de recul, mais tu n’as pas cette vision extérieure. Nez plongé dans les émotions, part de toi qui préfère jouer les aveugles et fermer les yeux sur ce qui ne te plait pas. Sa remarque sur le divorce tire sur ton sourire, grimace subtile puisque tu sais que tôt ou tard il vous faudra en venir au fait avec cette histoire puisque vous ne pourrez entretenir le mensonge jusque dans vos vieux jours en espérant que ses parents périssent à un jeune âge. Tu l’entraines vers le salon, loin de ses projets, l’invitant à s’installer sur le canapé tandis que tu restes debout quelques instants, considérant la situation. Finalement, tu capitules et prends place à ses côtés, oubliant les bagues et les papiers pour faire face à ta meilleure amie. « I… » C’est étrange à avouer, le poids des conséquences qui restent à l’arrière de la tête en compagnie de la crainte de sa réaction parce que l’homme que tu choisis n’a pas le profil de l’être idéal que l’on souhaite à la personne la plus importante de sa vie. « You remember that guy, Huixi? » Introduction sur le sujet, tâter le terrain pour mieux estimer la manière dont elle prendra la nouvelle. Pourtant, il n’y a pas trente-six façons de glisser la nouvelle, alors autant y aller directement plutôt que de vous faire perdre tous les deux du temps. « I’m cheating on you even harder now since we’re together. » Tentative de blague implantée davantage pour toi que pour elle, tu poursuis avant que Cherry ne puisse prendre la parole. « Well, it’s not official-official, since, you know. He has a fiancée and I’m married. »  

La réponse angoissante. Et toute l’attention de Chaeryeong tournée vers son meilleur ami. Elle le connaît assez. Trop bien même. Depuis l’enfance. Familles voisines. Les enfants amenés à se côtoyer. Cherry pourtant plus jeune, mais déjà entichée d’Ilseong. Comme une évidence. Les deux faits pour s’entendre. Et cette complicité entre eux. Entente naturelle. Son ouvrage posé, elle accepte sa requête. Non il vaut mieux ne pas parler ici. Si elle n’a pas de mémoire, Ilseong est une catastrophe ambulante avec ses projets. Aussi bien ses cosplays que ses travaux pour l’université. Mieux vaut être loin d’ici.  La porte de son atelier, chambre, fermée derrière elle, elle prend place sur le canapé le regard suivant le manège d’Ilseong. Il est stressé. Va savoir pourquoi. Il n’y a jamais eu de secret entre eux. Le laissant prendre place à ses côtés, c’est dans un automatisme tendre que ses mains viennent attraper celles de son époux, l’envie de le rassurer. L’impression qu’il n’arrivera pas à parler sinon. Et peut-être qu’il n’aurait pas du. Moue délicate qui se fronce à l’entente du nom de Huixi. Elle ne l’aime pas. Comme une évidence mauvaise, Cherry ne le porte pas dans son cœur. Loin de là. Les histoires sur ce garçon comme des attaques personnelles. Les éclats de tristesse dans les yeux d’Ilseong comme du fuel pour animer sa rage. Et elle devrait rire. Face à sa remarque. Couple sur papier, ils se trompent dans leurs diverses aventures. Ils se trompent lors que leurs cœurs s’éprennent de quelqu’un d’autre. Mais celui de Chaeryeong il se serre violemment à l’entente qu’il est officiellement avec Huixi. Et le rire qui passe ses lèvres est amer. Le regard tout autant. « You are sure about it ? Seongie … Huixi ? Really ? » Et elle a presque envie de lui rappeler à quel point il lui fait du mal. Huixi et son amour forceur. Huixi qui vient et qui va. Elle aurait préféré qu’il ne s’installe pas dans la vie d’Ilseong. Non. « Can’t he break his engagement ? Not like he’s married … » Et son regard qui reste inquiet, ses lèvres pincées. L’inquiétude qu’elle ne sait camoufler. « Not the best news in my life to be honest. »

Nervosité qui picote sous la peau, tu sais à quoi t’attendre. Tu ne te fais pas berner par de faux espoirs qu’elle soit ravie pour toi. Du moins, pas dans l’immédiat puisqu’elle ne connait pas tous les détails, toute la complexité de l’être aimé. Ta femme, ta meilleure amie, n’en connait pratiquement que les défauts. Que les récits horripilants que tu es parvenu à lui confier dans le creux des confessions secrètes, parce que c’est honteux pour toi d’admettre une part moins luisante de ce qui te rattache à l’homme étranger pour qui le cœur retrouve vigueur de vivre dès qu’il est dans les parages. Ses mains dans les tiennes une fois installé au salon suffit à te convaincre une fois de plus de tout avouer, de vider ton sac en sa compagnie pour éviter les secrets qui n’ont pas leur place dans votre relation. Réaction prévisible qui ne te surprend pas, mais qui n’en reste pas moins douloureuse puisque son opinion compte. Elle compte tellement que tu crains d’avoir commis une erreur tout en sachant pertinemment que tu ne regrettes pas, que tu aimes Huixi malgré les défauts de ce-dernier exposés aux petites heures du matin. Tes doigts se serrent entre les siens, regard qui s’évade vers le plancher plutôt que dans ses prunelles difficiles à affronter, n’ayant pas le courage nécessaire pour y parvenir. « Yeah ? » Il y a de l’incertitude dans le fond de ta voix, coupable de se laisser teinter par le comportement de la jeune femme partageant ton existence. « You are well placed to know sometimes parents decide for their kids. » Cherry ne l’aime pas, le déteste peut-être même alors qu’elle ne le connait pas personnellement. Pas comme tu le connais, n’a pas les nuances du personnage qui s’est imposé dans ton univers au cours des cinq dernières années et il y de la tristesse qui se glisse en dépit de tout à l’entendre affirmer que ça n’a rien d’une bonne nouvelle à ses yeux. « You should get to know him. » Invitation lancée, regard qui se soulève à nouveau dans sa direction. « I love him, Cherry. It won’t change. »

Elle n’est pas heureuse Cherry. Pas pour lui. La nouvelle qui ne la fait pas sauter de joie. Et pourtant. Pourtant elle aimerait tellement. Sourire. Être heureuse parce qu’il a quelqu’un dans sa vie. Quelqu’un dans sa vie pour le combler d’amour. Ce qu’elle ne peut pas faire. Ce qu’elle ne fera jamais. Mais le nom de Huixi sonne comme le glas à ses oreilles. Le nom de Huixi fait serrer ses mains autour de celle d’Ilseong. Comme un sursaut d’angoisse qui lui étreint le cœur. Et sa question comme une évidence. Teintée d’inquiétude. Est-ce qu’il est sûr ? Sûr de son choix. Sûr de vouloir s’impliquer avec Huixi. Huixi qui aime trop fort, trop vite. Qui s’impose. Comme un ouragan qui s’impose. Et ce qu’elle a entendu de lui comme des sirènes d’alarmes. La demande presque idiote qu’il lui donne l’exclusivité à Ilseong. Pas qu’il soit l’amant derrière une fiancée. Alors qu’au final, elle le fait dans la même position en ayant la place légitime d’épouse. Et la raison qui la fait sourire. Légèrement amère. Oui les parents choisissent parfois le destin de leur enfant. Mais elle ne veut pas qu’Ilseong soit l’amour dans l’ombre. Celui qui attend qu’on lui donne de l’attention. Il mérite mieux. Tellement mieux. Mieux que Huixi qui se fait forceur. Mieux que Huixi qui va voir à droite à gauche comme le suppose Ilseong. Mais si c’est officiel … Si c’est officiel, alors elle espère que le cœur de son meilleur ami, époux, sera protégé des écueils d’un amour bancal. « I know you love him … But what you said about him … I’m scared ? For you. For your heart … » L’aveu qui se fait en douceur. Et les mains de la jeune femme qui reste autour de celles d’Ilseong. « I want to meet him of course. Need to be sure he’s a good guy. Good enough for you. »

Situation délicate, cœur froissé devant les réactions attendues qui font douter de la conviction de tes décisions parce qu’elle seule sait faire vaciller tes certitudes dans la précarité. Elle a toujours été le phare de ton existence, présence réconfortante envers qui tu peux te tourner à tout instant pour retrouver ton chemin lorsque tu t’égares. Et, en ce moment, ta femme nourrit en toi cette impression que tu as perdu le sens vers lequel tu allais, troquant toute rationalité pour succomber aux charmes du premier venu qui sait donner une nouvelle dimension à ton quotidien routinier. Hésitation évidente, pourtant tu ne veux pas l’exprimer. Pas considérer que la relation puisse être une erreur : tu ne peux te résoudre à la voir ainsi. Le côté sentimental l’emporte, connaissant trop bien la citation disant que l’amour rend aveugle pour ne pas en prendre conscience. « I haven’t really told you about the good parts, kind of only the bad ones… » Au fond, l’opinion que ta femme s’est construite sur Huixi est de ta faute, repose entièrement sur les anecdotes aucunement glorieuses que tu lui a racontées, n’ayant souvent fait mention que des points négatifs en mettant de côté les bons coups. Réalité qu’il n’est peut-être pas trop tard pour être rattrapé avant qu’elle n’essaie de le faire fuir à la moindre rencontre en chair et en os – action dont tu l’en sais capable. « He’s good enough. » Tu l’espères. « He’s sweet, with me at least. » Tu n’es pas certain de pouvoir en dire autant de tous et chacun, mais les autres t’importent peu. Capacité égoïste à voir la situation, voile assez stupide pour se croire différent, plus important. Tu espères surtout que ça ne reviendra pas te frapper en plein visage d’une réalisation amère te forçant à revenir éventuellement sur tes mots.

Elle sait pas faire semblant Cherry. Pas quand ça la touche. Pas quand ça concerne Ilseong, son meilleur ami, son ami d’enfance. Et elle ne peut que s’inquiéter. Elle n’a pas son mot à dire au final. La bague qu’elle porte comme une mascarade, qui ne pèse que de l’affection qu’ils ont l’un pour l’autre. Et si elle est l’épaule contre laquelle il se confit, elle n’a toujours pas ce choix de lui dire qui voir, qui aimer. L’amour est aveugle dit-on. Et elle s’inquiète de le savoir dans l’étreinte de Huixi. La remarque correcte entre les lèvres de son époux quant au fait qu’elle ne connaît que les mauvais côtés de leur relation. Que les bas, jamais les hauts. Que les moments où elle a récupéré Ilseong, l’impression qu’il pourrait s’effondrer d’un instant à l’autre, le calant contre elle dans le canapé, son espièglerie habituelle laissant place à cette douceur qu’elle a toujours eu pour lui. Comme maintenant. Comme maintenant alors que les mains du plus âgé sont dans les siennes, un soutien émotionnel qu’elle lui offre. « Good enough uh … » C’est ce qu’elle espère. Dans le fond elle ne lui souhaite que ça. Un amour heureux. Et si Chaeryeong plaisantait avant sur leur mariage, elle serait prête à faire face à son père, à expliquer la mascarade, quitte à cet homme si fort qu’elle admire tellement lui en veuille. Elle serait prête à tout avouer, juste pour qu’il soit heureux Ilseong. Amour platonique qui les lie depuis toujours ou presque. « At least … You will have to be more convincing darling. At least … He had to! If he loves you, he should be the sweetest with you! » Ses sourcils qui se froncent joliment, elle n’aime pas la façon dont il parle Ilseong. Elle n’aime pas cette façon qu’il a de se contenter de peu en amour, de si peu, alors qu’il mérite le monde. C’est presque cruel de l’entendre parler comme ça. « I agree to meet him … I agree to not judge him on the stories you said … But I want the best for you Seongie. »

Son inquiétude est légitime, ne pouvant lui en vouloir de remettre en doute cette décision amoureuse épineuse pour laquelle tu es pourtant convaincu de faire un pas dans la bonne direction. Pour toi, pas pour les autres. Dérogeant dangereusement de ce droit chemin que la famille dresse depuis le berceau pour ta personne, ne voulant pas voir l’image de la famille se salir. C’est pour ça qu’ils ont rejetés ton frère, c’est pour ça qu’ils feront la même chose avec toi et il te faut être absolument certain que c’est ce que tu es prêt à affronter. Que c’est également un foutoir dans lequel tu es prêt à jeter ta meilleure amie, directement liée à toute cette histoire. Mariés sur papier, si le sérieux se fait plus évident avec Huixi il te faudra un jour choisir entre vérité et mensonge. Tu n’en es pas encore là, vous n’en êtes pas encore à ce point tournant, mais tu n’es pas stupide. Pas assez pour croire que tu puisses passer ton existence dans une double-vie. Elle s’offusque plus que toi, laissant bêtement croire que tu survis sur des miettes de retour amoureux quand c’est tellement plus. Tu ne sais pas étaler l’entière importance qu’il t’accorde, un peu comme si tu cherches encore inconsciemment à garder cette partie secrète, confort qui t’es réservé. Les souvenirs plus positifs suffisent à remonter le coin des lèvres, se voulant aussi rassurant pour Cherry que tu ne veux pas inquiéter inutilement lorsque tu pars passer du temps avec ton cadet. « He is, okay? Believe me. Love makes you blind, but I’m still not completely stupid and masochist. » Tu ne veux pas qu’elle vieillisse avant l’âge à se faire du soucis pour toi, tentatives d’apaiser ses appréhensions que tu comprends. Tu voudrais la même chose pour elle, probablement en colère s’il fallait que quelqu’un la traite de la même manière que l’homme dépeint dans les sombres histoires racontées sur l’oreiller. « Don’t be too harsh on him. He’s trying and learning, so am I. » Personne n’est parfait, comme le veut le dicton.