trust me » eojun

lueurs vespérales qui s’élèvent, colorant le ciel de moirures pourprées. léger sourire qui teinte tes lippes alors que tu t’étires un moment avant de t’allonger de nouveau, sortant ton portable de ta poche. tu fixes l’heure un moment avant d’ouvrir la caméra et de prendre la scène en image. moment immortalisé, autant sur portable que dans ta mémoire. soupir, légère fumée blanche qui s’élève d’entre tes lèvres et qui te rappelle qu’il fait encore froid à ce temps-ci de l’année. lentement tu te redresses et retrouves le confort de ton appartement, pour le quitter quelques minutes plus tard.

rendez-vous important, mais pas assez pour que tu t’y rendes à temps. message envoyé à la va-vite pour dire que tu serais en retard et que tu ne savais trop quand tu pourrais te rendre sur place. travail d’équipe à rendre dans un mois. tu ne voyais pas l’utilité de commencer autant en avance. tu ne voyais surtout pas l’utilité des travaux en équipe, encore moins dans un cadre universitaire, mais tu n’avais d’autres choix. mains dans les poches de ta veste, pieds qui martèlent le trottoir. destination inconnue dans cette nuit noire. lumière au loin qui harcèle tes prunelles et tu t’y diriges sans même y penser à deux fois. attiré pour une raison obscure, prédestiné.

clochette qui annonce l’entrée d’un client dans le magasin. établissement bizarrement vide pour une heure qui se fait tardive. coup d’œil rapidement porté à l’entièreté de la salle et prunelles qui s’accroche à l’unique personne présente. ce ne pouvait être qu’un coup de chance. « oh my… si c’est pas ma vierge effarouchée favorite. » sourire carnassier qui dévoile tes fossettes. tu sors tes mains de tes poches et tu t’avances lentement jusqu’au comptoir, sur lequel tu t’appuies nonchalamment. ton sourire prend de l’ampleur et tu le regardes de haut en bas, du moins, de ce que tu peux voir de lui derrière le comptoir. en un simple instant, tes plans s’envolent et tu sais que tu n’iras pas rejoindre tes collègues. tu as trouvé une proie bien plus alléchante et dieu sait à quel point tu tentes de l’acculer dans un coin depuis un moment. et c’était le moment rêvé. « ça fait un moment que je voulais te poser une question, eojin chéri. » nouveau sourire, un peu moins prédateur, cette fois. tu tends une main, ton index glissant sur le name tag qu’il arbore sur son t-shirt. « pourquoi m’évites-tu? » sourire qui s’efface pour laisser place à une expression un peu plus sérieuse. tu te doutes de la réponse, mais tu veux qu’elle vienne de lui, et non de toi. et tu sais pertinemment qu’il n’a nulle part où se cacher, forcé de rester derrière ce comptoir.  

quotidien ennuyant. malgré les prières désespérées, l'argent ne tombe toujours pas du ciel. eojin s'est résigné à faire ce boulot qui ne lui convient pas. ce n'est pas comme si quelqu'un pouvait le faire à sa place. mère incapable, père inexistant. c'est de ses mains qu'il doit tout construire. il se perd dans le soir qui tombe. il observe le ciel derrière la vitre du magasin, comme pris au piège depuis de trop nombreuses heures. il effectue ses tâches sans grande envie, seulement l'obligation.

ses humeurs varient à la minute mais l'ennui persiste. il ne trouve rien d'intéressant dans les nouveaux arrivages, ni dans la banale caisse enregistreuse. solitude qui n'est pas pesante, eojin manque juste de distraction. ses yeux papillonnent sur les étiquettes, les rayons. il ne s'attend à rien en ce soir ordinaire. eojin a pourtant tort. c'est comme si on se jouait de lui; pensée qui le traverse lorsque la clochette retentit. ses paupières se soulèvent afin de voir le client entrer. son sang ne fait qu'un tour à sa vue. beauté détestable, l'enfoiré. il apparaît comme s'il le devait alors qu'à cette heure-ci, il ne devrait y avoir personne.

moue boudeuse, air dégoûté et soupirs qui s'enchaînent. eojin se sent personnellement attaqué par la simple présence du garçon. tout dans son corps sonne l'envie de le repousser au loin du magasin. que venait-il faire ici. il essaie de retenir une quelconque remarque mais l'autre le provoque. il y a ses mots, son stupide sourire et son air nonchalant. « oh my, si ce n'est pas la personne que je veux le moins voir. » il ne relève rien quant à sa possible virginité. cela n'en valait pas la peine. son visage neutre. eojin regarde le garçon faire. il s'appuie sur le comptoir, dépasse de loin les limites - un peu plus lorsqu'il le dévisage sans aucune gène. ses poings se serrent à la mention de son prénom, à l'index insupportable qui se pose sur le name tag. eojin rit à sa question. il rit aussi de sa propre situation; lui coincé derrière ce comptoir sans aucune possibilité de s'échapper. léger silence, il se décide tout de même à lui donner une réponse. « tu es insupportable et tu embrasses mal. » dit-il, ses yeux croisant fièrement ceux du garçon. « maintenant, si tu permets. » ses doigts viennent repousser ceux de l'inconnu traînant sur le comptoir. sans réfléchir plus que cela, eojin se penche vers lui. c'est toute son irritation qui ressort dans les quelques mots qui sont presque murmurés. « soit tu achètes quelque chose, soit tu sors. »

quotidien ennuyant soudainement devenu intéressant. c’est fou ce qu’une simple personne peut apporter à une existence. c’est impensable ce qu’on pourrait faire pour retrouver une personne, aussi. parce que eojin, il ne t’est jamais sorti de la tête, depuis cette soirée. si lui t’évites comme la peste, pour toi, c’est tout le contraire.

moue joueuse qui teinte tes lippes lorsque tu remarques ses réactions. tu sais très bien à quel point ta présence l’irrite, et toi, ça te fait jubiler. parce que tu sais pertinemment que, pour une fois, tu as réussi à le coincer et qu’il ne peut se sauver. et tu te maudis mentalement de ne pas avoir pensé à cette astuce avant aujourd’hui. tu aurais pu le suivre jusqu’à son travail bien avant. tu aurais pu le faire chier du début à la fin de son quart. « comme c’est flatteur. tu me fais plaisir. » sourire qui reprend de plus belle, mais qui s’efface graduellement au fil des secondes. main repoussée et eojin qui s’avance légèrement. l’irritation qui te frappe de pleine fois et qui fait renaître ton sourire. « je suis en effet insupportable, mais j’embrasse comme un dieu. » réponse à ses paroles précédentes, plutôt que de répondre à ce qui te semblait comme un ordre. c’est à ton tour de te pencher vers lui, visage à quelques centimètres du sien. main qui s’avance une nouvelle fois, s’accrochant au col du jeune homme. « c’est impoli de parler ainsi à un client. » claquement de langue qui démontre ton agacement, tandis que tu te redresses légèrement et pointe l’une des caméras, au coin du local. « ton patron serait heureux de voir comment tu traites sa clientèle. ça ferait une belle tache à ton dossier, non? » sourire victorieux, cette fois-ci. doigts qui relâchent son col, mais qui remontent lentement contre sa gorge, jusqu’à attraper son menton. silence qui s’installe, iris plongés dans les siens. « si je t’invite à manger, tu vas encore te sauver? » ton plus léger, sans aucune once d’arrogance. invitation sincère que tu sais, déjà, rejetée à l’avance. qui ne tente rien n’a rien, apparemment. tu avais beau essayer, tu savais que toutefois que c’était peine perdue.

il voudrait s'enfuir. partir là maintenant car il sent que le garçon ne va faire que l'irriter. il n'est même pas sûr qu'il soit distrayant, ni un quelconque remède à son ennui. eojin, il s'agace dès les premières secondes. l'autre parle, le provoque dès le début. dur de résister, dur de ne pas se laisser emporter par les émotions qui l'habitent. cette moue joueuse, il la hait. il voudrait la voir disparaître. ses mains s'affairent sur le comptoir, n'importe où pour ne pas déraper. il se demande s'il mérite vraiment tout ça. il aurait préféré le silence, le magasin vide plutôt que cet indésirable relativement déterminé. il sourit en retour, fausse esquisse sur ses lèvres. sourire aussi mielleux que celui qui lui fait face; il aimerait le faire fuir facilement mais ça ne semble pas gagné.

l'autre continue de s'amuser, il répond aussi à ses dires. eojin, il laisse une moue de dégoût l'envahir mais elle s'efface rapidement pour un visage neutre, simplement agacé. « désolé de t'apprendre qu'on t'a menti. » comme un dieu, et puis quoi encore. son arrogance, il la déteste. ce qu'il déteste encore plus, c'est de repenser à leur baiser - si c'était assez pour s'appeler ainsi. juste une erreur. il dépasse une nouvelle fois les barrières physiques, eojin voudrait reculer. peut-être même attraper la main qui s'accroche à son col impoliment. « toi, un client ? » il regarde le garçon pointer du doigt la caméra. son agacement ne fait que s'amplifier, ses poings voudraient encore se serrer. « est-ce que c'est une menace ? » il ne baisse pas les yeux, il lève la tête haute alors qu'il continue de le fixer. pour réponse, il a des doigts qui remontent sur lui. ils osent monter jusqu'à son menton. les yeux rivés sur cette main trop intrusive, eojin doit finalement croiser le regard de l'autre. il s'attend à un nouveau sous-entendu, à une menace déguisée comme cet index pointé vers les caméras. il a envie de lui rire au visage lorsqu'il pose sa question. il retient le son à cause de sa confusion. « pardon ? » se sauver. c'est ce qu'il avait toujours fait face à lui. comme une évidence, comme si ses jambes l'avaient toujours emmené bien loin de ce garçon qui l'énervait trop, le troublait tout autant. il se sent presque stupide de poser la question, comme si une invitation revêtait une importance capitale. « est-ce que tu es en train de m'inviter ? » il ne sourit pas spécialement, se surprend juste qu'on puisse réellement s'intéresser à lui - peu importe la vraie raison.

et sans comprendre, il se tait pendant quelques secondes. il vient retirer les doigts lui ayant fait croiser le regard du garçon. son attention se porte sur la caisse; les mots sortent plus vite qu'il ne le voudrait. « je finis dans quinze minutes. »

eojin, il sait parfois te surprendre. lorsqu’il se sauve à toute allure pour être certain que tu ne puisses le rattraper, ça, ça ne t’étonne plus. qu’il réponde à tes piques, ça aussi, ça ne dérange plus. tu en as même l’habitude. c’est une roue infernale entre vous deux, un engrenage duquel vous ne pouvez vous défaire. toi qui le suis, lui qui te fuit. ton âme à un aimant qui cherche à rejoindre la sienne, sans succès apparent.

surprise. autant la tienne que celle que le jeune homme tente de camoufler, et intérieurement, tu jubiles. lancer l’invitation n’était pas planifié d’avance. tu n’y avais d’ailleurs jamais pensé par le passé. tu n’avais pas de plan pour cette soirée, mais ça ne pouvait que la pimenter. tu hoches simplement la tête à sa question, comme si c’était une évidence pour toi. comme si ça coulait de source que les gens veuillent l’inviter alors que tu ne connaissais strictement rien de lui, au final. léger mouvement de recul lorsque ses doigts glissent contre les tiens, retire la prise que tu occupais sur le col de sa veste. nouvelle surprise lorsqu’il marmonne des mots un peu trop vite, bien que tu les captes tous. « je vais t’attendre dehors. » paroles tout de suite plus douce, sourire qui révèle une nouvelle fois tes fossettes. et il ne t’en faut pas plus pour tourner les talons, sortie marquée par le tintement de la cloche à l’entrée. portable que tu sors de ta poche pour noter l’heure, main qui s’enfonce dans l’autre poche pour sortir un briquet, que tu fais tourner entre tes doigts. et les secondes, tu les comptes. elles te semblent être une éternité avant que le fameux quinze minutes ne s’écoule. tu considères faire le tour de la bâtisse pour t’assurer qu’il ne file pas par l’arrière, mais te stoppes lorsque la porte s’ouvre pour le laisser apparaître. « are you ready? » accent british qui quitte tes lèvres alors que tu tends la main en direction de la rue. « tu choisis ce que tu veux. c’est moi qui invite. » libre accès à ce qu’il voulait, aucune restriction. peut-être espérais-tu pouvoir acheter la paix, même temporaire.

il a toujours eu l'habitude de se défiler. s'enfuir est une solution plus que habituelle. eojin n'a jamais cherché particulièrement à voir ce garçon. minjun. il sait que toutes leurs rencontres l'agacent. pourtant, il trouve parfois intriguant de le croiser. il se prend à se demander ce qu'il fera pour l'approcher, pour lui dire ne serait-ce que deux mots. il l'étonne toujours et ce soir ne fait pas exception. les invitations ne coulent pas à flots et ne l'ont jamais fait. eojin, il a un caractère qui fait facilement fuir. il n'est pas des plus doux, ni des plus agréables. lunatique, sarcastique. les défauts s'accumulent et il se fiche de ce que peuvent ressentir les autres. relations compliquées; tout se simplifie avec seulement du charnel. mais cette invitation ne semble mener à rien de ce genre. minjun hoche la tête à sa question. confusion qui continue mais eojin s'est déjà jeté à corps perdu dans le piège. quinze minutes. il l'attendra soi-disant dehors. eojin se demande s'il tiendra puisqu'en ce laps de temps, il pouvait se lasser, réaliser qu'il ne voulait rien avec lui. après tout, ils n'étaient rien et se connaissaient à peine.

il compte silencieusement les minutes, ne sachant même pas pourquoi il le fait. quelques clients viennent, les achats sont rapides. la boutique est de nouveau vide, lui laissant le temps de penser. il revoit le sourire qui paraît sincère, les fossettes qui sont impossibles à manquer. merde. son collègue arrive rapidement et eojin file se changer. il ôte le name tag et l'horrible veste qui va avec. main passée nonchalamment dans ses cheveux, il prend la direction de la sortie. il se sentirait presque anxieux mais il n'a pas de quoi l'être face à ce garçon. il le fera probablement fuir; à un moment ou à un autre. il l'attaque avec une question en anglais. les sourcils d'eojin se haussent. « are you ready ? » réplique t-il en appuyant sur le you, de quoi se moquer légèrement puisque son accent n'est pas des plus parfaits. « t'as vraiment pas peur. » il a envie de lui demander ce qu'il déteste, juste parce qu'il voudrait effacer le sourire qui semble persister sur les lèvres de l'autre. il s'en retient pourtant, lui fait presque une fleur en étant si conciliant. « je suis pas d'humeur à réfléchir commence t-il. surprends-moi. » carte blanche pour le garçon. c'est étrange d'être à ses côtés de façon à peu près volontaire. la trêve est entamée mais eojin n'est pas certain de ce qui l'attend.

Caractère de merde. Tu étais bien placé pour dire que toi aussi, tu en avais un. Minjun, comme il est arrogant. Il est tellement riche, il peut avoir tout ce qu’il veut. Money makes the world go around, c’est ce qu’on dit. Et c’est peut-être ce que tu essayais de faire avec Eojin. Tu avais tout essayé, avec lui. Même la persistance ne portait pas fruit. Si tu pouvais acheter la paix, tu le ferais. Angoisse qui s’installe progressivement au creux de ton ventre alors que les minutes défilent. Et lorsqu’il sort enfin, tu prends le temps de le détailler, d’analyser son nouvel attirail. Ce n’est plus l’uniforme fade de la boutique. Sourire qui peint tes lèvres lorsque le brun te répond en anglais, accent qui caresse tes oreilles. Tu finis par fourrer tes mains au creux de tes poches, haussant tout simplement les épaules à ses mots. « Je n’ai peur de rien. » Mensonge prononcé avec toute la confiance du monde. Et tu y crois presque. Eojin te renvoi la balle et tu hausses tout simplement un sourcil. Carte blanche, littéralement. « Je fais le meilleur riz fris au kimchi en ville, on peut aller chez moi. » Te lancer des fleurs, voilà ce à quoi tu excellais. Et pour une fois, ce n’était pas un mensonge. Caliel aurait pu témoigner, au nombre de fois que tu avais cuisiné pour vous deux. Tu reprends toutefois la route, lui faisant signe de te suivre. Tu avais mangé dans tous les restaurants de cette rue. Tu pouvais dire lequel était digne de fréquentation, et ceux qu’il fallait par-dessus tout éviter. Restaurant japonais, c’est ce pourquoi tu optes. Menu varié, de quoi plaire à tout type de clientèle, surtout que tu n’avais aucune idée de ce qu’il pouvait aimer. Table en retrait au fond du restaurant, lumière légèrement tamisée. Setting idéal pour une première sortie, comme si tu avais tout planifié. C’était trop beau pour être vrai. Tu tends un menu en direction du jeune homme, tête se penchant légèrement sur le côté. « Ça te convient? » Tu demandes presque timidement, voulant t’assurer qu’il ne te filerait pas entre les doigts à la dernière minute. « Want a drink? » Parce que toi, tu en avais besoin d’un. Et vite.

« Je te crois pas, désolé. » Ses yeux dérivent sur les rues, les néons. Il peine à croire que ce garçon ne puisse avoir peur de rien. Pour lui c'est impossible. Si certains pourraient se fier aux apparences, Eojin aime penser que tout le monde a une peur secrète. Un truc qui réside au fond de leurs entrailles, lui-même n'échappe pas à cette théorie. « C'est pas un peu tôt pour tenter de me ramener chez toi ? » Eojin soupire. Minjun ne manquait pas une occasion de se vanter, ni même de chercher à se rapprocher de lui; aller chez lui, ce n'était pas concevable. Eojin avait encore besoin de protéger sa dignité. Il n'était même pas sûr que faire quoique ce soit avec ce garçon serait une bonne idée. Pourtant, l'envie lui vient parfois lorsqu'il le regarde trop longtemps. Putain. Minjun lui fait signe de le suivre et Eojin s'exécute, gardant toutefois une certaine distance entre eux. Il continue de regarder autour de lui. L'enseigne d'un restaurant japonais se dessine et son estomac commence à crier famine. Eojin se trahit lui-même; cuisine japonaise qu'il apprécie beaucoup. Il remarque que leur table est en retrait; ambiance tamisée avec la lumière. Il se sent presque trop peu habillé pour la situation. Cela ressemblerait presque à un rendez-vous officiel. Minjun lui tend un menu, Eojin le réceptionne sans lui adresser de regard. Il se sent étrangement troublé par les lieux. Tout ça semble réciproque. « Pas très risqué comme choix mais ça me va. » Il se moque légèrement, rien de bien méchant. Il a remarqué la voix presque timide du garçon. « J'en ai besoin je crois. » Un verre, peut-être même deux. Eojin se laisse surprendre; la serveuse vient prendre leurs commandes rapidement. Et lorsque les menus ont disparu de la table, il ne reste plus qu'eux. « Alors, qu'est-ce que je t'ai fait pour que tu m'invites ? » Pour qu'il persiste, pour qu'il lui court après après tant de refus; de fois où Eojin s'est dérobé. Il était réellement curieux, assez pour que ses yeux cherchent des réponses dans ceux du garçon.

Il se trahi avant même qu’il n’ait pu dire quoi que ce soit. Grondement qui te parvient parfaitement et qui t’arraches un léger sourire, que tu gardes pourtant pour toi-même. Comme ce sentiment que tu as, celui qui ne cesse de revenir. Ça te semble un peu trop officiel, comme si tu avais planifié le coup à l’avance, alors que ça ne t’aurais jamais passé par la tête. Eojin semble partager ce léger inconfort, regards se fuyant tandis que vous passez vos commandes. Plus de menus derrière lesquels se cacher, et sa langue semble se délier, question te frappant de plein fouet. Ta main se tend pour attraper ton verre d’eau, le vidant presque d’un seul trait. « Rien de particulier. Vraiment. » Haussement d’épaules pour tenter d’avoir l’air nonchalant, ce qui ne fonctionne pas vraiment. Tes prunelles finissent par croiser les siennes, un instant, regard se détournant lorsque la serveuse revient avec vos boissons respectives. Un quart de seconde s’écoule avant que tu n’en prennes une gorgée, soupir d’aise quittant tes lèvres. « Juste. » Silence qui retombe, prunelles qui se relèvent une nouvelle fois pour croiser celles du brun, en profitant pour le détailler, encore. Faciès sculpté à la perfection, douceur qui tire ses traits. Difficile à croire vues les insultes que vous vous étiez déjà échangées. « Tu m’as tapé dans l’œil. » Regard soutenu, lèvres qui s’étirent en une moue taquine. Vérité crue et non retenue, à quoi bon lui mentir. Il était spécialiste lorsque venait le temps de s’enfuir, mais ce n’était pas dans tes cordes. « Et je veux apprendre à te connaître. Mais tu te sauves à chaque fois. » Nouveau haussement d’épaules, sourcil arqué en lui ramenant la situation sous le nez. Chat et souris, course sans fin. Pour une fois que le chat acculait la souris au mur, il fallait en profiter le temps que ça dure.

Regards qui se fuient alors que les commandes sont passées. La situation est étrange, presque ridicule tant elle est improbable. On dirait une mauvaise blague, Eojin qui va au restaurant avec ce garçon qu'il a dû mal à supporter. Il s'est pourtant trahi à cause de bruits disgracieux qu'il aurait bien voulu camoufler. La prochaine fois, il prendra ses précautions. Il n'avait après tout mangé qu'un maigre repas, rien pour le combler. Les menus disparaissent finalement et il se permet de poser la fameuse question. Après tout, ils allaient bien devoir se parler alors autant demander ce qui le hantait. L'autre vide son verre d'eau presque de façon dramatique, laissant le suspens naître. La réponse est presque décevante. Rien de particulier. Réplique banale aux yeux d'Eojin, presque comme si lui ou un autre aurait pu se trouver assis ici. Haussement d'épaules, leurs yeux qui se croisent finalement. « Je vois. » laisse t-il échapper faiblement. Le commentaire aurait presque été vexant mais Eojin ne s'en plaindra plus. Il n'attend après tout rien de lui. Regards qui se détachent, les boissons qui rejoignent la table. Et puis à nouveau l'attente, un mot lancé dans l'air et Eojin qui choisit de boire à son tour. Silence qui se propage mais Minjun finit par le briser à nouveau. Il le regarde; Eojin sent ses yeux qui semblent détailler chaque parcelle de son visage. Tu m'as tapé dans l'oeil. Il manque une gorgée de sa boisson, ses sourcils se froncent. Il repose pourtant son verre comme si rien ne venait de se passer, fierté oblige. Le regard de l'autre qui continue de se poser sur lui, une esquisse qui se peint sur son visage. Eojin le détaille à son tour. Il semble si fier qu'il ne peut répondre qu'un mot. « Cliché. » La pure vérité. Cette phrase toute faite qu'il lui offrait; pourquoi devrait-elle marcher ? Il n'était pas assez niais pour tomber dans le piège. Et je veux apprendre à te connaître. Mais tu te sauves à chaque fois. Nouvelle remarque qui elle a un effet plus certain sur lui. Eojin s'était toujours dérobé; grâce à des insultes ou des ruses. Il avait toujours trouvé le moyen d'aller loin de ce garçon, loin de cette tentation qu'il peinait à accepter ou même à reconnaître. « T'as dû dire ça à beaucoup d'autres avant moi. » Fait à ses yeux, il ne le voyait que comme un coureur. La fameuse soirée où il l'avait rencontré en était la meilleure preuve. « Demande-moi ce que tu veux savoir. » Eojin sourit à moitié, ce n'est pourtant pas de bonheur. Toujours ce sourire à moitié moqueur et surpris. « Vu que ce sera probablement la seule fois où on ira au restaurant ensemble. » Il relève la tête pour croiser son regard, cherchant à déceler s'il était vraiment sincère ou juste en train de jouer.

Cliché. Mot qui t’écorche minimalement, en surface. Certes, c’était cliché, mais c’était lui lancer la réalité en pleine face. Tu n’étais pas passé par quatre chemins pour le lui dire, n’avait même pas hésité en le lui mentionnant. Confiance débordante, parfois un peu trop, la rendant peut-être intimidante aux yeux de certains. Tu as pourtant remarqué sa réaction à ta phrase, cette façon qu’il a eu d’avaler sa boisson de travers et de faire comme si rien ne s’était produit. Image de sportif coureur de jupons, mais tu n’es pas dupe. Tu n’as jamais eu autant de mal à avoir une conversation avec quelqu’un qu’avec Eojin, pour une raison qui t’échappe complètement. Tu n’as pas le souvenir d’avoir fait quelque chose de mal, ou de l’avoir insulté sans t’en rendre compte. Tu ne vois pas pourquoi il t’évite comme la peste. « C’est là que tu te trompes. » Phrase presque murmurée, mais ça n’a pas d’importance. Le jeune homme semble avoir une idée déjà bien faite de ta personne, et peu importe ce que tu ferais, rien n’y changerait. Surtout pas en plein restaurant, dans ce qui semblait être un rencard mal organisé et prêt à foirer. Verre qui se ramène à tes lèvres, la quasi-totalité de son contenu disparaissant dans ton gosier. « Ce que je veux savoir, mh. » Contenant qui est redéposé un peu trop directement sur la table, prenant place un peu plus confortablement, soutenant maintenant son regard sans aucune gêne. « Pourquoi te sauves-tu dès que tu me vois? » Parce que t’es chiant, Minjun, tout simplement. Tu connaissais probablement une partie de la réponse, mais tu voulais l’entendre de la bouche d’Eojin, pas de la tienne « Tu m’embrasserais de nouveau? » Question qui sort plus vite que ton fil de pensées, et que tu regrettes instantanément. Joues qui se teintent de carmin, coloration heureusement camouflée par la luminosité tamisée. « Oublie la dernière question. »

Il ne voit que le cliché, du moins c'est ce dont il se persuade. Peut-être qu'il n'est pas habitué à ce qu'on soit aussi direct avec lui qu'il pourrait l'être. C'est là que tu te trompes. Doit-il le croire ? Le peut-il. Trahisons passées qui lui sont restées, Eojin n'est pas certain de pouvoir faire confiance à nouveau; ni même d'en avoir envie. Avait-il besoin de quelqu'un ? Probablement pas vu les années où il avait pu écumer les bars, seul. Son corps réclamait une présence mais son esprit, lui, reniait ce désir le plus possible. Minjun répète ses propres mots, Eojin se sent presque stupide de l'avoir autorisé à lui demander n'importe quoi. Ses yeux se posent sur le garçon et la première question le surprend. Pourquoi ? Pourquoi pas. « Tu me tapes sur les nerfs. Je te trouve vraiment insupportable. » Mais derrière cette colère palpable ou juste le fait que Minjun l'énerve au plus haut point, il y avait quelque chose d'autre. Une attirance qu'il ne supportait, ni n'appréciait pas lui-même. Il ne comprenait pas comment son corps pouvait vouloir du garçon, ni même pourquoi il se questionnait sur lui. Sur ses envies, sur ses lippes qu'il voulait parfois cueillir - comme ce fameux soir. Mais ça, Eojin il ne peut pas le dire. Il ne peut pas assumer cette attraction qui n'a aucun sens. Il prend une gorgée de son verre, se fait de nouveau attaquer par une question qui lui fait relever la tête. « Probablement, après quelques verres. » Il l'admet amèrement, parce qu'il sait que sa résistance s'affaiblit plus il pose les yeux sur lui. Il ne voit pas le rouge aux joues de Minjun, il ne sent que le sien qui monte. « T'auras qu'à essayer tout à l'heure. » Non, il n'oubliera pas la dernière question. Peut-être qu'il tente le diable, à vrai dire il ne sait déjà plus vraiment ce qu'il dit. Sentiments mitigés qui s'imposent à lui. « A mon tour. Pourquoi t'embrasses des gens alors que t'as une copine ? » Question qu'il se pose vraiment. Il n'est pas sûr de ressentir quoique ce soit par rapport à cette fille mais pourquoi le garçon est-il avec elle, si c'est pour la trompe à tout va.

Plonger dans l’inconnu. Pour un instant, tu avais envie de laisser toutes les barrières de côtés. Laisser cette façade de petit gosse de riche pédant pour pouvoir lui montrer le vrai Minjun. Mais qui est le vrai Minjun. La ligne est si mince entre l’artifice et la réalité que même toi, tu n’arrives plus à en faire la différence. Et cette attirance. Était-ce seulement charnel, était-ce passager? Question repoussée en un instant, sans trop y penser. Ce ne pouvait être passager. Pas après tant de temps. « Commentaire qui revient souvent. Je te l’accorde. » Épaules qui se relèvent légèrement pour accompagner la remarque. Tu avais raison, au final. Tu étais chiant. Tu étais imposant. Tu déplaçais de l’air, prenait de la place dès que tu passais les portes d’une pièce. Et pourtant, à ce moment précis, tu te sentais si petit dans tes souliers. Réponse à ta deuxième question qui te fait relever la tête, réponse notée dans un coin de ta tête. Tu ne manquerais pas ta chance, surtout si elle risquait d’être la dernière. Et c’est sa question qui te prend de court, t’étouffant sur une gorgée de bière, reposant le verre un peu plus brusquement que prévu sur la table. « Oh. Mh. Elle ne le sait pas. » Réponse qui s’efface une nouvelle fois dans l’espoir qu’elle passe inaperçue, peut-être camouflée par le bruit des assiettes qui sont déposées devant vous. Tu attends que le silence retombe, tout comme ta tête, avant de t’aventurer sur une pente abrupte. « Je ne l’aime pas. Mes parents l’adorent. » Peser le pour et le contraire avait toujours été simple. Si les parents étaient contents, c’est que tu avais réussi. Et tu ne pouvais risquer de briser cet équilibre précaire. Baguettes qui s’élèvent tandis que tu prononces un faible « bon appétit », confiance s’effritant au fil des secondes. Minjun pris de court, la corde au cou.

Concession faite, acceptée. Insupportable mais il ne s'en cache même pas. Minjun qui joue la carte de la sincérité, du moins ça y ressemble. Eojin doute toujours des gens de son milieu tant leur propension à mentir est naturelle, presque d'évidente. Tissus de mensonges qui s'échappent facilement, trop à son goût mais ces gens-là ne changent pas. Et Eojin, il regretterait presque ses propres paroles tant il laisse la porte ouverte au chaos, à tout et n'importe quoi. De toute façon, rien avec ce garçon ne pourrait marcher. Intime conviction qui l'anime, sa question qui lui brûle trop les lèvres et qu'il finit par poser. Comment croire un menteur, chapitre un. Elle ne le sait pas. ça Eojin avait cru le deviner. Pas besoin d'être le plus grand des détectives pour comprendre que la pauvre ignorait tout du manège qui se tramait derrière son dos. Il la trouve pathétique pendant quelques secondes avant de poser les yeux sur Minjun. Dur de résister à quelqu'un avec ces yeux-là. Plats posés devant eux, Minjun qui se tait alors que lui l'observe. Eojin manque presque sa respiration lorsqu'il entend un commentaire inattendu. Il n'avait même pas cherché d'excuses, ni rien pour défendre leur relation. Il ne l'aime pas, c'est ce qu'il dit. La conversation devient tout de suite plus intéressante, plus capitale. Mes parents l'adorent. Eojin le fixe, comme incertain de ce qu'il croit comprendre. Il pourrait très bien se rebeller, la quitter pour une autre. Pour quelqu'un qu'il aimerait alors pourquoi est-ce qu'il ne fait rien ? Bon appétit qu'il entend mais son esprit plane encore. Les révélations sont grandes, assez pour qu'il pose un nouveau regard sur Minjun. « Tu pourrais très bien la quitter pour quelqu'un d'autre. » Commentaire peu délicat, Eojin s'en rend compte et essaie de se rattraper, même si l'important est surtout de le dire. « quelqu'un que tes parents aimeraient aussi. » ajoute t-il, ses doigts se crispant autour de son verre. Réflexion trop intense après un soir de boulot. « Qu'est-ce qu'il y a de si difficile ? » La quitter. Arrêter de la tromper. Retrouver sa liberté. Il ne l'aimait pas, il l'avait dit lui-même. Eojin, il ne comprenait pas l'intérêt de rester avec elle. Repas qui continue, les contenus des assiettes qui disparaissent peu à peu. « Peut-être qu'on devrait boire encore. » réplique t-il faiblement, leurs langues se déliraient plus facilement. L'atmosphère étrange s'effacerait, il prierait pour que ce soit le cas.

cartes sur table, comme un livre ouvert. chose qui ne se produit pas souvent, encore moins en la présence de quelqu’un que tu connais si peu. tu as tellement l’habitude de porter ce masque, de lui ajouter maintes fioritures dès que tu en as la possibilité. le dorer de mensonges acidulés, c’est parfois bien plus simple que de faire face à la réalité. et pourtant il craque ce masque, il tombe et laisse entrevoir une part de lumière, qui ne cherche qu’à reconquérir le monde. plats qui se posent devant vous, baguettes qui attaquent sans trop attendre. gorge qui se serrent toutefois lorsque eojin se remet à parler, qu’il énonce son point de vue. tu sais qu’il n’a pas tort. tu sais que cette fille ne te mérite pas, et que tu la mérites encore moins. tu sais parfaitement que tu pourrais mettre fin à cette mascarade et ne rien lui dire de plus. elle le comprendrait. parce que c’était typique de minjun. parce que tout le monde savait que c’était ainsi que tu fonctionnais. fuckboy par excellence, ou du moins c’est la réputation qui te précédait. « tout est difficile. » baguettes qui se reposent contre le coin de l’assiette, main qui vient instinctivement chercher ton verre, que tu finis d’un trait. tu hoches à sa proposition de boire un peu plus et accroches la serveuse dès que tu en as l’opportunité, dite jeune femme qui revient avec les consommations. assiette que tu repousses même si elle est presque pleine, l’appétit s’étant visiblement effacé. « je ne pourrai jamais ramener quelqu’un qu’ils aimeraient comme moi je l’aime. » sous-entendu assez fort qui, tu l’espères, sera assimilé sans que tu n’aies à le dire ouvertement. jamais tu ne pourrais ramener un homme à la maison. jamais tu ne pourrais t’afficher pleinement, sous peine de représailles. « c’est le seul moyen que j’ai trouvé pour que tout le monde soit heureux. » tout le monde sauf toi, au final. sourire triste qui se loge momentanément sur tes lippes, haussement d’épaules tandis que tu t'assois un peu plus nonchalamment sur ta chaise. verre que tu relèves et que tu viens cogner contre celui d’eojin avant d’en avaler son contenu. « toi. pourquoi ça te semble si difficile d’accepter le fait que tu m’intéresses? » nouvelle bombe mise sur la table. autant jouer les bonnes cartes tandis que tu les détiens.