broken crown - hansol

Elle a troqué sa voiture contre sa moto Baozi. Gamine des rues elle est restée dans son monde. La nuit est son royaume. La nuit est son terrain de jeu. Et les courses de nuit, de rues, son adrénaline. Besoin de vitesse pour se sentir en vie. Pour se sentir libre. Pour oublier. Pour l’oublier. De ces courses qui effraient encore parfois ses amis, leur inquiétude cachée dans des gestes parfois bourrus. Claque dans le dos, remarque sur son accélération, l’assurance que son casque est bien mis. De ces courses qui les effraient parce qu’elle a souvent le regard un peu vide Baozi ces temps-ci. Parce qu’elle sait jamais trop comment exprimer sa tristesse, sa douleur, ses sentiments. Parce que sur son corps se dessinent des histoires stellaires aux fins sombres. Parce que sous ses dessins, constellations autour d’hématomes comme des nébuleuses, elle a flanché un peu. Alors elle s’échappe Baozi. S’enivre de la vitesse, quitte à se perdre. À se mettre en danger. Presque hors de portée. C’est mieux dans un sens. Mieux oui. Alors elle laisse un peu la voiture au garage. Elle vole mieux sur une moto. Et sous les mètres qu’elle avale, lumière floue, elle l’oublie. Se sent libre. Son rire qui s’harmonise avec le vrombissement du moteur. Son rire qui se perd un instant dans la nuit, comme un appel à l’aide qu’elle ne veut pas qu’on attende. Elle enchaine Baozi. Simplement. Course après course, bière qu’elle refuse. Refus d’assombrir son esprit, de l’atrophier. Mais elle gagne aussi. Leurs applaudissements qui ne l’atteignent pas. Le goût de la victoire un peu âpre en bouche. Comme du sang séché. Elle gagne jusqu’à ce que son regard se pose sur ce garçon. Rivalité sans animosité. L’assurance de passer du bon temps. De ne penser à rien. « Na’ … T’en es ? » Le nom de famille comme une sucrerie légèrement acidulée et le moteur de sa moto qu’elle fait ronronner comme un appel. « Quoi que … On sait tous que tu tiens pas contre moi. » Touche d’arrogance, sourire taquin qui étire ses lèvres carmines, mais ses yeux qui ne pétillent pas. « Le ring ? Ou tu as peur de te faire battre encore par une fille ? »

C'est une évidence alors que la ville commence doucement à fermer les yeux. Les voisins s'éveillent autant qu'ils se couchent. Hansol, il décide de faire rugir le moteur par habitude. Destrier de fer, ses yeux rivés sur lui. Il a envie de rouler, il ne sait pas pourquoi. Envie évidente qui se dessine devant lui, plaisir que la route lui procure. Il aime slalommer entre les voitures, les éviter de justesse. On lui dit souvent de ralentir, on klaxonne mais les bruits s'envolent rapidement. Hansol, il ne se retourne pas. Ce soir, il fera comme les autres soirs. Il continuera d'avancer, de rouler peu importe les obstacles. Direction l'endroit habituel. Toujours animé, toujours vivant. Il y a souvent des jolies filles, des beautés aux plus insupportables. Le beau monde défile, des bières souvent gratuites aussi. Il est tenté mais ne cède pas. Il a envie de faire la course. Il entend les applaudissements sans se préoccuper de qui a gagné. Hansol, il veut lui aussi les recevoir. Dépasser quiconque le défiera. Visage d'ange mais envie d'être suprême. Il se perd dans ses pensées, ne sent pas le regard de Baozi sur lui au début. Il ne voit pas les yeux noirs, ni la douce rivale qui s'approche. Son nom de famille est prononcé. Son attention est captée, il la regarde. Envisage sa proposition deux secondes avant d'accepter, cela malgré sa provocation. Il sourit, esquisse animée par l'envie de la battre. « évidemment. » Un mot qui trahit sa confiance, quoiqu'il sache qu'elle est douée. « C'est pas plutôt toi qui ne tient pas contre moi ? J'étais juste pas en forme la dernière fois. » Excuse jetée, comme si elle avait de l'importance. Baozi réveille en lui des envies de se dépasser, encore et toujours. Elle le taquine, l'embrouille légèrement. Il sourit à la mention du ring. « J'ai pas peur de toi, ni de personne. » Il sourit, fait chauffer le moteur. Casque qu'il remet, il avance légèrement pour se retrouver à ses côtés. « Va pour le ring. » marmonne t-il dans son casque. Et parce qu'il aime autant la provocation qu'elle, il laisse échapper quelques mots. « Je te laisserai admirer l'arrière de ma moto, c'est tout neuf. » Il sourit, sait pertinemment qu'elle ne lui fera aucun cadeau. Peut-être que ce sera lui qui observera la sienne.

On lui a mis une couronne sur la tête. Dans ce royaume on l’a couronné Baozi. Reine de la nuit. Elle fait partie des rares qui roulent. Des rares filles qui se jettent dans la course, qui se jettent dans la vie. L’adrénaline qui fait pulser son sang. L’adrénaline qui la fait avancer aussi. Mais reine cabossée, amochée. Sur son corps des nébuleuses aux reflets bleutés, violacés. Sur son corps des astérismes qu’on voit à la lueur des néons, des phares des bolides. Marquées. Et les yeux vides. Baozi qui enchaine les courses. Veut pousser le moteur toujours plus loin. Juste pour continuer à se sentir en vie. Juste. Le moteur rugit sous ses cuisses, camouffle un temps les applaudissements qu’elle entend à peine. Déjà prête à repartir. Déjà prête à rouler toute la nuit sous la lumière des étoiles, confidentes des instants perdus. Jusqu’à ce que son regard s’attarde. Se perde. Sur lui. Rival d’un temps, enfant qui grandit trop vite. Hansol. Hansol qu’elle apprécie dans une taquinerie douce. Pas assez bien pour oser se prétendre protectrice dans ce monde. Il y est entré tout seul, elle n’a pas son mot à dire. Espère juste qu’il ne lui arrivera pas malheur. Elle a déjà trop perdu dans cette course effrénée. Elle se perd aussi. Défi sur ses lèvres, elle s’appuie contre sa moto, un sourcil haussé. Elle sait comment l’attirer dans la course, elle sait qu’il se prêtera toujours au jeu. Et elle pourrait l’en remercier limite. « Oh babe … T’étais pas en forme. La prochaine fois Noona te ramèneras à manger. Tu veux aussi que je te borde ce soir après ta défaite hm ? » Sourire. Sourire qui n’atteint pas ses yeux et son rire que s’échappe dans l’air entre les encouragements, applaudissements et sifflements. Et Baozi qui se remet en place. Ses cuisses qui serrent la carcasse chaude de son engin, le corps qui se penche en avant. Elle remet son casque aussi. Des idées noires mais rien de macabre. Et la remarque d’Hansol qui lui fait hausser un sourcil. « Moui. Je t’attends à l’arrivée surtout. Sois pas trop long. » Regard sur le drapeau qui annonce le départ, elle attend qu’il s’abaisse et elle file. Étoile filante. Elle file. Elle joue dangereux aussi. Sa conduite sans limite, les trottoirs qu’elle frôle jusqu’à sortir de Séoul. Jusqu’à finir sur le Ring. Moment de liberté. Elle ne pense déjà plus à Hansol. Bras ouvert, tête en arrière, elle roule, s’enivre de la nuit. Mais le problème des étoiles filantes. C’est qu’elle ne dure qu’un temps. Mais Baozi se veut éternelle.