complainte du cœur.

01 — pluie froide teintée de regrets, se mélangeant aux larmes salées et la transpiration de l'accouchement. femme seule qui voulait pas compter les infirmières autour d'elle. c'était la première fois qu'elle avait détesté le boulot de son mari. parce qu'il aurait dû être là et il était parti. sa main aurait dû agripper la sienne au lieu de celle d'une employée. Il aurait dû être là.
02 — petites billes chocolat fixant intensément les autres enfants riants aux éclats. les mains collées à la vitre en espérant naïvement pouvoir les faire disparaitre. l'envie de savoir ce que ça faisait de jouer dehors avec les autres enfants de son âge sans sentir la présence constante de son père. trop proche, si protecteur que la première fille song ne pouvait vraiment s'amuser qu'à l'école.
03 — retenant un rire euphorique, les mèches couvrant la majorité de son visage encore marqué par l'innocence de la jeunesse, le regard pourtant trop malicieux pour être naïf. les cris se rependant dans la maison comme une alarme faisait accélérer son cœur déjà bien rapide. "S'il te plait Yvel, sors de ta cachette et peut-être qu'on ira dehors, mais surtout ne dit rien à tes parents ok ?" prunelles scintillantes d'un bonheur à peine contenu, on peut voir un petit corps sortir d'un endroit improbable, le sourire charmant qui fit fondre la mine contrariée de sa babysitteur.
04 — la passion qui l'anime, qui la fait vivre. c'est ce qu'on aime le plus, c'est ce qui la rapproche de son père. les sentiments qui explosent, les émotions qui se lisent directement sur le visage, c'est trop facile, c'est trop dangereux. avec eux c'était tout ou rien. le père song a apprit à faire la part des choses, à refréner les émotions qui tordent parfois ses entrailles ou qui le chauffe jusqu'au sang, pour son métier il avait appris. yvel c'était le vent rempli de douceur, parfois trop violent, celui qui fait s'envoler les chapeaux et remonter les robes. la fraicheur qu'on pensait pas attendre et qui nous claque au visage joyeusement.
05 — emprisonnée dans une boite en verre, l'envie de s'échapper et de courir sans but lui serre la gorge comme c'est souvent le cas. se mélange à ça la peur de mal faire, de décevoir, de s'embarquer dans un inconnu qui la fait tant rêvé. la curiosité, celle-là même qui a tué le chat l'empêche d'abandonner toutes ses résistances pour en même temps la pousser à le faire, mais jamais assez pour passer à l'acte. les poils de la nuque qui s'hérissent, le froid glacial de l'automne qui la force à refermer la fenêtre et de faire comme si rien ne s'était passé cette nuit encore.
06 — le cœur lourd, ses bras qui se resserrent sur ce qu'elle appelle un petit ange tombé du ciel et qu'elle va devoir laisser derrière elle. petite sœur dont elle était assez proche pour se raconter les pires secrets et partager les plus grandes peines. pourtant au fond son organe reprend vie alors que ses valises trainent au sol derrière elle au fur et à mesure que ses pas l'éloigne de la maison familiale. libre, libre, libre. elle l'était.