underwater (daw)

please don’t slip away
cause i’ll just keep breaking
don’t let this be the end

⋈

Pourquoi. Les nuits s’enchaînent, de plus en plus sombres, toujours sans rêve. Pourquoi eux parmi un million d’étoiles, pourquoi les leurs qui s’abîment, leur lien autrefois solide désormais fragile. Une rivière salée ruissèle sur ses joues à chaque pensée vers lui et il se répète, pourquoi à tue-tête. Pourquoi l’abandonner une seconde fois, répéter la faute et fuir les coups, la douleur… s’y rendre insensible sous les narcotiques où l’illusion paraît réelle. Tout semble aller mieux lorsqu’il ne ressent plus rien et les questions s’estompent, les autres aussi, leur jugement et leurs mots durs. Il ne se sent plus haï, juste… là, présent sans raison. Parfois les caresses de velours sur ses jambes le ramènent vers le vrai, les pleurs d’une princesse poilue qui ne le laisse jamais seul et dieu sait ce qu’il aurait fait sans elle, pour le ramener vers le réel. Toutes ces fois où il a songé à partir parce qu’il n’en peut plus de supporter le poids de ses erreurs. Il est de ceux qui se font prisonnier du passé, hanté par des visages oubliés – plus jeunes, ignorants, plus heureux. Tourmenté par de vieux démons, leur roi celui de la colère qu’il devait appeler père. et de ses yeux noirs, il se souvient encore. de ses vérités crachées entre deux coups, il se remémore. accusé d’avoir pris la vie de sa mère, il s’accuse aujourd’hui d’avoir volé la jeunesse de son ami d’enfance. il aimait croire qu’ils étaient faits pour se rencontrer, différents mais si complémentaires – âme-sœur qu'il ne mérite pas. Il avait juré de le protéger, de lui épargner sa noirceur, il se l’était promis et il en aurait vendu son âme pour sauver la sienne. le psy ne l’a pas aidé, retrouver ses souvenirs n’a fait que l’enfoncer et il a menti, juste pour ne plus devoir parler. il a menti, pour les ordonnances et plus les nuits passent, moins son sommeil ne trouve repos. Traitement prolongé, des conseils longtemps jetés par la fenêtre et le manque a fini par se montrer – avec lui la dépendance, une, deux, trois doses de trop. une, deux, trois cigarettes consumées et une, deux… presque trois bouteilles de soju vides sur le parquet. Un, deux, trois. les coups contre sa porte. comment est-il arrivé là ?

« hé… hé !! ouvre, je sais qu’t’es là… » il ne voulait pas revenir ici, pas tout de suite, pas avec les idées si peu claires. il aurait dû se contenter d’un verre et admirer le ciel en se foutant de sa misérable existence. Il aurait dû continuer de prétendre que c’est mieux pour tout le monde, mais récemment… dernièrement, une main a été tendue vers lui par un cœur trop pur. Il aurait dû le fuir, lui aussi, mais sa présence se fait persistante et elle a quelque chose de rassurant. Elle ne l’a pas rendu plus brave s’il doit sa présence à son état d’ébriété, mais c’est un effort comme un autre, un petit pas de fait. Daw lui manque. Atrocement, mais il ne voulait rien empirer. Daw lui manque et son message l’a déchiré, pour son anniversaire, celui qu’il a passé bien trop seul. A qui la faute ? « s’il te plait, ouvre. » les coups sont légers contre la porte, sa voix est rauque et sa respiration accélère. Qu’il ouvre avant qu’il ne perde pied dans ce couloir trop froid. Tout lui est étranger ici jusqu’à même la personne qu’il vient déranger. Daw qu’il pense ne plus si bien connaître, aujourd’hui. Tant de choses ont changé… deux adolescents devenus adultes (ou l’ombre d’eux-mêmes, à regret.) « ouvre putain, ouvre-moi !! je me sens…… ne me laisse pas, comme ça. » pitié qu’il soit seul, pitié qu’il soit là. il a les yeux rouges, éclatés sous la fatigue et ses abus, sombres sous le manque de sommeil. Il respire le stress, pue la panique à plein nez et sa voix finira bien par alerter quelqu’un.

Et c’est nerveux lorsqu’il rit, lui qui a tant fait pour ne jamais lui ressembler. ses mains tremblent lorsqu’il les regarde. Son cœur est douloureux. Il se sent déchet, aussi lâche que son paternel désemparé, qui se réfugiait dans les mêmes rituels. Alcool, cris, violence. ce n’est pas la première fois qu’il s’effraie, ce n’est pas la première fois qu’il aimerait mieux faire. « pardon, pardon. » il les a tant répété, mais jamais ces mots n’ont perdu leur sens. pourquoi est-il venu ? pour se rattraper, dirait-il. Et par détresse, aussi.  

please don’t slip away
cause i’ll just keep breaking
don’t let this be the end

⋈

Un jour. Deux. Dix. Cent. Il ne sait plus. Ça s’enchaine. Simplement. Ça s’enchaine. Et il sombre. Plus rien pour le retenir. Ça s’enchaine. Confiance brisée. Égo piétiné. Fautif. Responsable. Responsable. Pas comme s’il méritait de vivre. Juste pas assez de cran pour mettre fin à ses jours. Juste pas assez. Jamais assez. Jamais. Ce n’est pas grave. Il ne doit pas se plaindre. On lui a toujours dit Daw. Donc il prend sur lui. Comme un grand. Parce qu’il veut pas inquiéter les autres. Il ne veut pas déranger. Alors il se tait. Sa voix déjà murmure qui se meurt derrière un sourire bancal, derrière des mains nouées, derrière un visage baissé. Daw absent. Il a du mal à aller travailler. Se dit que ce n’est pas grave si on finit par le virer. Ce n’est pas comme si il était important. Indispensable. Plutôt le contraire. Garçon invisible. Banal. Garçon non-désiré. Présence dérangeante rappelée par le père. Présence dérangeante rappelée à toute heure. Tais-toi Daw. Fais-toi discret. Si seulement tu n’existais pas. Du regret. Toujours du regret. Et sa propre personne haïe. Tellement. La compréhension sordide que Chulhei en soit venu à l’abandonner. À regretter. La compréhension au final que c’était normal. Il n’était pas quelqu’un de bien. Pas assez bien pour lui. Ni pour ceux de son entourage. La question n’étant pas s’ils l’abandonneraient un jour, mais quand. Quand est-ce qu’on se lasserait de lui ? Quand est-ce qu’on serait déçu ? Daw fragile. Déjà brisé. Qui doucement s’évapore de la vie des autres. Se terre. Disparaît. Sursaute pourtant lorsque sa porte subit les assauts d’un poing contre le bois. Sursaut pour mieux se recroqueviller. L’angoisse, les crises, les larmes, le tout qui se mélange. Passé et présent aussi. Jamais d’avenir. Mais tout qui se mélange. Voix qui lui demande d’ouvrir, et le garçon qui se cache derrière ses genoux. L’impression d’entendre son père au début. Lorsque sa mère était encore là, lors qu’il l’avait assez fait pleurer et qu’il se rappelait de son bon à rien de fils, celui qui pleurait dans le noir, celui qui était trop présent dans cette maison. Celui qu’il finissait par enfermer un jour ou deux, juste pour lui rappeler. À quel point il gênait, à quel point il dérangeait. Pour l’humilier aussi. Torture psychologique qui l’avait laissé détruit. Même s’il faisait comme si de rien n’était. Parce qu’il est idiot Daw, on lui dit souvent. Avec son sourire triste, il encaisse les remarques, les insultes sans rien dire. Et les coups qui s’acharnent contre la porte, qui résonnent dans tout l’appartement, nulle part où se cacher. Flashbacks douloureux, l’impression d’être encore entre leurs griffes. Lorsqu’il pensait qu’il pouvait se cacher. Juste un peu. Lorsqu’ils avaient trop bu et qu’ils passaient leurs nerfs sur lui. Lorsqu’il n’était qu’une proie. Comme maintenant. Mains contre sa bouche, sanglots retenus, il tente de se faire invisible, de faire croire qu’il n’est pas là. Perdu dans les méandres d’un passé violent. L’impression d’être de retour en enfer. Comme s’il ne pouvait pas s’en échapper. Et il connaît la finalité Daw. Connaît sa fin. Sait qu’il n’est qu’une marionnette entre ses, leurs, mains. Sait aussi quelles punitions l’attendent pour avoir osé les faire attendre. Sait à quel point il peut attiser leur colère juste en respirant. Alors hagard, les yeux dans le vide, il s’avance. Rampe à moitié vers la porte. Prie n’importe quel dieu d’avoir pour une fois pitié. Compassion absente. Mais c’est à genoux au sol, mains tremblantes. À genoux au sol, doigts abimés, qu’il déverrouille la porte. La laisse s’ouvrir. Soumission abjecte. Ses mains sur ses jambes dénudées, tête basse, larmes silencieuses qui coulent. Carnage de son apparence, son tee-shirt trop grand, qui dévoilent une épaule osseuse, squelettique. Carnage de son apparence, le short ne cache rien des lignes rougeoyantes, cicatrices asymétriques qui se croisent là sur ses cuisses, l’intérieur sanguinolent de les avoir sans doute rouvertes de ses ongles angoissés. L’envie de s’excuser. De supplier. La crainte que les coups ne se fassent plus violents si il pleure, émet un son. Alors Daw silencieux, soumis, emprisonné par un passé. Agenouillé devant une silhouette qu’il ne reconnaît pas dans la fièvre de son angoisse. L’impression vivace, trop réelle, d’être de nouveau là-bas. Attendant les coups comme un animal apeuré. Brisé. Ça fait bien longtemps qu’il a cessé de fuir.

please don’t slip away
cause i’ll just keep breaking
don’t let this be the end

⋈

Les secondes paraissent des heures et toujours le silence pour réponse, il n’a plus aucune notion du temps. ses doigts finissent par tracer des lettres contre la porte pour se distraire et ce n’est peut-être qu’un rêve. Une vilaine hallucination éveillée et il sentira bientôt le carrelage froid de sa salle de bain où il a dû ramper, à peine conscient de ce qu’il faisait. Pourtant quand la porte s’ouvre et qu’il vacille vers l’avant, son équilibre rattrapé juste à temps, c’est bien réel. daw est agenouillé sans le regarder, sa peau marquée révélée pour ses yeux voilés et il reste un peu trop longtemps sans bouger. Mutisme face à la scène, il ne trouve plus ses mots. oh daw, pourquoi ? il reste figé et s’il tremble, ce n’est pas de sa faute. il a ses propres souffrances, différentes. Ses propres abus, plus sournois. Puis lentement, il entre et referme la porte pour leur intimité. « c’est- ça…va aller. » quand il veut lui donner une veste, il se rend compte que ses bras sont gelés et qu’il ne porte ni pull ni manteau. il s'est si hâté ? Ils n’ont jamais été dans leur pire état ensemble et il espère, quelque part au fond de ses idées claires, que ce sera la dernière fois. il s’agenouille à côté de lui, pose ses mains fébriles sur ses jambes nues et sur les traces rougeâtres, son regard cherchant le sien quelques secondes. il se sent terriblement coupable de ne rien avoir remarqué et d’avoir juste pensé, que la souffrance appartenait au passé. Il lève une main pour dégager ses yeux et ses racines devenues sombres lui rappellent les jours écoulés depuis leur dernier tête-à-tête. il se mord la lèvre jusqu’au sang pour rester calme, le plus lucide possible en dépit du brouillard épais qui entrave ses pensées. Il n’a plus la notion de rien. la main contre la nuque du plus jeune, il se penche pour caler son front contre son épaule et constater une fois de plus, qu’une certaine expression lui sied hélas un peu trop bien. mais le monde bouge autour de lui et ça lui donne mal au cœur. Daw va mal et ça le brise de l’intérieur. de le voir à présent, lui qui cherchait tant à entendre ses réponses. les voilà, partout sur son corps, dans ses yeux, ses gestes, ses silences. daw a peur et il n'est pas le seul. Il voudrait se lever et aller lui chercher une couverture, soigner ses blessures et lui imposer un repas chaud. mais il n’a plus la force de rien et ses bras retombent lâchement entre eux. C’était son devoir de protecteur et il a tout gâché. Il n’est plus assez fort pour deux. « faut.. te soigner. » il faudrait, mais son corps ne veut plus l’écouter. Il peut entendre son cœur battre au milieu des sifflements et ça devrait l’affoler, de ne plus si bien respirer. Ça serre à l’intérieur comme un étau qui se referme autour de ses poumons – ou de son cœur. tout marche au ralenti et il n’entend plus sa propre voix. Il ne sait plus ce qu’il dit et ce qu’il tait lorsqu'il bouge les lèvres, tentatives pour s'exprimer. Il panique en silence. « -connerie.. j’ai peur. » tout s’amplifie, tous les effets indésirables de son addiction et les mélanges n’étaient pas conseillé – l’abus non plus. radical, comme une envie de tout arrêter ce soir. Il aurait pu monter sur le toit, s’il le voulait vraiment. inutile, personne n’a besoin de lui. remplaçable, pourquoi s’acharner à rester. La coupe est pleine, il ne sait plus ignorer sa culpabilité ou y donner de grands coups d’pieds. Il ne sait plus passer à travers ni la surmonter, il n’a plus envie de se relever. et il pleure, chul hei. De ne pas savoir quoi faire. il pleure. et son corps aussi lourd qu'un roc, ne veut plus fonctionner.

please don’t slip away
cause i’ll just keep breaking
don’t let this be the end

⋈

En proie aux griffes du temps. Et même s’il se refuse à le voir s’écouler, celui-ci s’échappe, immuable, glissant entre ses doigts comme le sable d’une mer de désespoir. Désespéré. Habité de sentiments négatifs, il a abandonné Daw. Il a abandonné. Parce qu’on l’a abandonné. Et en proie au temps il se perd dans son passé. À genoux, tête basse. L’impression que tout n’a été qu’un rêve. Qu’il n’est jamais parti de Busan. Comme si on avait pu le laisser partir. Enchainé à être sous leur emprise. Alors il attend. La sentence. La punition. Pour les avoir fait attendre. Pour ne pas avoir ouvert à l’instant même où ils avaient commencé à tambouriner contre le bois. À genoux, tête basse. Les mots d’excuse morts au fond de sa gorge. Le silence pour seule explication, il sait bien qu’il ne doit jamais parler. Jamais faire un bruit. Il en connaît les répercussions. Daw, incapable de voir derrière les brumes de l’angoisse, derrière la fièvre qui le perd dans ses souvenirs morbides. Incapable d’entendre les mots de l’être. Juste la porte qui se referme. Et ses yeux qui restent clos. Seul des larmes pour sillonner ses joues creuses. Juste le bruit de la porte. Le bruit de l’enfer qui se referme sur lui. Aucune évasion possible. Il n’avait jamais pu s’en sortir. N’avait rien fait pour. Parce qu’au moins il était sûr que jamais ils ne s’approcheraient de lui à nouveau. Tout pour sauver l’ange. Même quand celui-ci s’était détourné de lui. Et c’est dur. De ne pas sursauter en sentant ces mains sur ses jambes. La crainte évidente qu’on le bafoue plus encore, qu’on ne le souille jusqu’à l’âme. Des remarques salaces, des gestes déplacés, pourtant jamais ils n’avaient osé porter l’acte jusqu’au bout. Juste assez pour le traumatiser. Juste assez pour lui rappeler qu’il n’était même pas leur égal, même pas digne de mériter une étreinte. Et il tremble Daw. Les yeux fermés, paupières closes, crispées, il tremble. Craint le pire. Jusqu’à cette main là, qu'il sent contre ses cheveux, son visage qu’on met à jour. Et l’impression qu’il ne passera pas la nuit. Main contre sa nuque, et il est raide. Sans pour autant émettre le moindre son, le moindre geste de recul, il est raide. Craint la suite. S’attend au pire. Et cette présence là dans le creux de son cou le dérange. Mais Daw il n’a pas voix au chapitre. Jamais. N’y a jamais eu droit. Mais sans doute qu’il n’est toujours pas assez bien pour qu’on l’approche. Sans doute qu’il n’est toujours qu’une gêne, un déchet, qu’il n’en vaut pas la peine. La remarque qui le brise, conscience qu’il doit donner un triste spectacle. La crainte qu’il se fasse punir de ses propres cicatrices, conscience qu’il blesse un corps qui ne lui appartient pas. Et ce corps contre le sien se fait lourd. Et les mots entre ses lèvres également. Des supplications de ne pas lui faire ça. Des excuses d’être aussi ignoble et d’oser se présenter ainsi. Et ses mains qui n’osent s’animer. « S’il … S’il vous plait. » Murmure. Il n’ose pas. Craint de se prendre un coup pour avoir osé parler sans en avoir la permission. « Ne faites pas ça … S’il vous plait. » Raide Daw. Triste Daw. Et sa voix qui peine à se faire entendre. « Je sais … Que je suis détestable … Vous allez … vous souiller … Je ne veux pas. » Il s’en moque. Il s’en moque d’eux. Il connaît juste sa place. Aux pieds des hommes. Loin de Chulhei. Loin des gens qui importent et qu’il fait souffrir. « Vous … Vous pouvez me frapper … Vous pouvez me punir … Comme d’habitude. » Habitude. Triste habitude. Mais Daw il préfère ça. Parce que vous savez l’ange, il ne méritait pas de finir comme ça, comme lui. Pour le salut de son ange, il s’était vendu. Ce n’était pas grand chose. Pas comme si il était utile. Pas comme s’il avait son importance. Daw, étoile assassinée dès la naissance.

please don’t slip away
cause i’ll just keep breaking
don’t let this be the end

⋈

il perd ses repères lorsque le temps s'arrête et que la chaleur remplace le froid. les voix s'éteignent tout comme les lumières et ses paupières sont lourdes, il voudrait ne plus avoir à les rouvrir. il croit sourire quand il entend sa voix même s'il n'en comprend pas les sons, il tremble mais il n'a pas froid. son corps pèse lourd, mais il ne sent plus rien si ce n'est la douceur contre sa joue et cette chaleur qui le berce, le perd toujours plus dans l'obscurité. il pourrait se laisser tenter, comme une envie d'abandonner. il aurait pu se résigner et attraper cette main tendue depuis les abysses, salvatrice. ou perfide. « je sais … que je suis détestable … vous allez … vous souiller … je ne veux pas. » voix lointaine comme un écho de son âme et pourtant, il sait qu'elle ne vient pas de lui. son cœur réagit et se serre pour une raison qui lui échappe. la main disparaît dans l'ombre et il retrouve ses sens endormis, d'abord l'ouïe puis le toucher, la certitude d'être affalé sur quelqu'un et les frissons sur sa peau lui rappelle qu'il avait froid. un goût métallique sur la langue, âpre au fond de sa gorge sèche et il a du mal à déglutir. il peine à se réveiller, encore plus à se souvenir mais la voix revient. la voix caresse son oreille et les mots sont tristes, brutaux. et les mots font mal, plus que les coups reçus pour ses fautes. il ne sait comment, ni combien de secondes filent avant qu'il ne réagisse, mais il a quitté le confort d'une épaule pour faire face à l'homme qu'il est venu supplier de son pardon... avant de réaliser, qu'il n'était pas le seul à sombrer. il se souvient être arrivé ici sans prévenir, sans veste non plus et sans réel courage. il se souvient de ce qu'il a fait avant et il panique un peu, énormément. « comme d'habitude ? » il a peur de comprendre et il pose ses mains partout sur daw, son buste, ses cuisses et enfin son visage. « c'est moi, c'est... chulhei, ton... ton... » la honte le retient, la culpabilité aussi et il se dit qu'il ne mérite plus le titre de meilleur ami – parce qu’il a été le pire et ses yeux sont toujours humides. à l’idée de frapper daw, à l’image de lui sans défense et battu sans raison, il pleure encore. il l’a laissé avec un monde trop cruel pour lui et il s’en veut toujours, de lui avoir tant pris. C’est lui qu’on devrait frapper, ne serait-ce que pour être parti la dernière fois. il voulait juste du temps – pour disparaître ou se reprendre en main, c’est un peu flou – mais il ne voulait pas le blesser. il est persuadé que c’était mieux comme ça, parce qu’il ne se fait pas confiance et encore maintenant, son cœur vacille. « c’est fini. » tout ira bien je serai là, je te protégerai. Tout ira bien, je ne t’abandonnerai plus jamais. tout ira bien… ce serait bien dur à croire, alors il les tait, tous ses mots bourrés d’espoirs. Tout ira bien, mais lorsqu’il se lève, ses genoux cèdent et il se rattrape contre un meuble comme un enfant qui apprendrait à marcher. La pièce tangue et les maux de tête apparaissent. il cherche les toilettes en rasant les murs et c’est devenu une habitude, un geste presque quotidien qui ne le rend pas si fier – mais ce soir, c’est pour son bien qu’il le répète. réellement, parce qu’il n’a rien dans l’estomac si ce n’est bien trop de conneries toxiques. Il perd du temps pour se rincer le visage, translucide sous les néons blancs. ses yeux sont rouges et si sombres, il est terrible. il se détourne de son reflet et revient dans le salon après avoir trouvé ce qu’il est venu chercher. il pose la trousse de soin sur la table basse et puise dans ses dernières forces pour aider daw à se lever, maintenu par la taille pour le guider jusqu’au canapé et les installer là avec quelques hoquets et reniflements de sa part, des sanglots éteints mais des larmes qui s’en vont et reviennent aléatoirement. C’est dans le silence qu’il désinfecte les marques récentes et s’applique comme pour éviter de le regarder. il ne parle pas non plus, ne saurait quoi dire à part plus d’excuses, mais même une centaine ne pourrait les aider à avancer, ce soir. Alors il réfléchit, il arrête de se morfondre pour chercher de vraies solutions à leurs situations, individuelles et commune. à leur amitié qui s’effrite et qu’il laisse faner malgré son cœur brisé, parce qu’il souhaiterait tout sauf ça… le perdre, le faire partir de sa vie. ce n’est pas ce qu’il voulait. il enveloppe ses cuisses de bandages pas trop serrés, mais il espère qu’ils feront barrière quelques temps… quelques jours, une semaine peut-être. Mais son petit sourire trahit ses pensées, il n’a pas l’air convaincu parce qu’il sait ce que c’est. ça soulage sur le moment et les conséquences viennent après, puis on recommence. « je ne voulais pas que tu me vois comme ça. j’ai juste eu peur, mais j’ai eu tort et ce n’est pas à cause de toi. » il lui prend une main pour entrelacer leurs doigts et ça lui donne une certaine assurance. il pose leurs mains sur son propre cœur en prenant une inspiration. « s’il te plait… excuse-moi. tu comptes énormément, vraiment vraiment vraiment. je t’aime daw et ça ne changera jamais. tu le sais ? j’te le répéterai encore et encore si tu en doutes. » pourtant il peine toujours à le regarder et ses yeux restent baissés.

please don’t slip away
cause i’ll just keep breaking
don’t let this be the end

⋈

Paradoxes en étincelle. Ils crépitent sous ses paupières closes. Ils crépitent dans ses entrailles. Mélanges étranges. L’impression de ne jamais être parti, et en même temps la sensation de l’abandon réelle, glaciale. Chulhei est parti. Et lui il se perd. Sans doute qu’ils l’ont retrouvé. Oui ça doit être ça. Daw marionnette entre leurs mains, il n’a pas su s’enfuir. Comme si de l’argent suffisait. Comme si sa vie valait quelque chose. Ils étaient venus. Le chercher. Le récupérer. Et il ne lutte même pas Daw. Pourquoi faire ? Même Chulhei ne voulait plus de lui. Et dans la fièvre du mal être, de l’angoisse, il voit trouble. Ne le voit pas, ne le reconnaît pas. Parce qu’il ne peut pas être là. Ça ne peut-être qu’un de ses démons. De nouveau entre leurs griffes. La supplique en sentant des mains sur ses cuisses. La crainte aussi. Pas ça. Tout sauf ça. Et cette étreinte le brise. Parce qu’il n’y ressent aucune chaleur. Juste du dégoût. Bon à rien. Et entre ses lèvres, dernières armes, il se rabaisse. Les mots coulent comme une vieille habitude. Il ne s’est jamais bien vu. Jamais eu en haute estime. Il sait ce qu’il vaut. Pas grand chose. En dessous des autres. Être non désiré, gênant. Il sait. Il ne sait que trop bien. Mais il y a des affronts qu’on ne peut supporter. Celui-là. Ces mains contre lui. Il ne peut pas Daw, alors il supplie. Quitte à se prendre un coup, il ne devrait pas parler après tout, il supplie. Prétend que c’est pour eux. Tenter de sauver sa dignité, ou ce qu’il en reste. Préfère encore se faire battre. C’est à peine s’il n’offrirait pas le bâton. À peine. Et lorsque que le corps se recule, lorsque que la chaleur disparaît, il ne peut s’empêcher, tête baissée de laisser passer des murmures. Des ‘merci’ qui n’ont pas lieu d’être. Non. Mais il est perdu Daw. Dans son enfer il s’est perdu. Parce qu’il n’a plus de lumière pour le guider. Plus aucune. Et le rire est proche d’un glapissement animal lorsqu’il entend la voix. Sa voix. Parce qu’il ne peut pas être là. Et c’est l’hystérie des sens. Parce que Chulhei ne le verra jamais comme ça. Il a tout fait pour. Et ces mains contre son corps le crispent. Tentative de se reculer sans oser le faire. Son plus grand tabou. Ce qu’il est. L’impression d’être profané. L’impression d’être détruit. « Chul … n’est … pas là. » Plus. Et les mots sont comme sa propre sentence. Condamné. Il tue la moindre étincelle d’espoir. C’est fini. Les mots sonnent délicatement, comme de la porcelaine qu’on détruit. Et toujours à genoux devant la porte, les yeux baissés, les yeux fermés, il ne peut qu’acquiescer douloureusement. C’est fini. Chulhei est parti. Il l’a laissé derrière. Il est parti. Et avec lui tous ses efforts pour rester en vie. Et avec lui tous ses sourires, toutes les choses pour lesquelles il aurait pu se battre. Plus envie de rien. Pourquoi faire ? Ce n’est pas comme s’il avait pu s’échapper. Et dans ce moment où la temporalité s’échappe aussi, la main là contre sa taille le brise plus qu’elle ne devrait. Mouvement de recul, il tente de fuir l’étreinte avant de se rappeler qu’il n’a pas voix au chapitre. « … Dé … désolé. » Il sait qu’il ne doit pas se débattre. Sait qu’il doit se laisser faire. Mais les derniers gestes l’ont secoué. Plus qu’il ne veut le montrer. Il se brise Daw. Il se brise. Poupée morcelée il se laisse faire, entrainer sur le sofa. Il se laisse faire, grimace à peine en sentant le coton s’activer sur ses plaies. Étincelles de douleur pour lui rappeler qu’il est en vie. Sauf qu’il a plus envie. Et la pensée le terrorise. Plus que le reste. D’habitude trop craintif, couard pour oser vouloir regarder la mort dans les yeux. Voilà qu’il l’envisage. C’est effrayant. Presque autant que d’avoir sa main contre un cœur qui bat, d’avoir le sien qui chante en harmonie le nom de son meilleur ami, premier amour, et d’oser croire ne serait-ce un instant qu’il est là avec lui. « Je comprends … Vous savez ? … Il est parti … Et … Ce n’est qu’une illusion … » Sanglots qui s’accumulent aux bords de ses lèvres, et pourtant elles sont étirées dans un sourire. Parce qu’il ne veut pas leur montrer à quel point Chulhei avait compté, comptait pour lui. Encore maintenant. « Il m’a … aimé un temps … C’est suffisant. C’est pas comme … si je méritais plus. » Sourire. Tragique. C’est pire qu’une tragédie. Mais il l’accepte Daw. Il ne peut faire que ça. Et il voudrait juste en profiter de cette illusion. Avant que le premier coup ne tombe, avant que le fantôme de Chulhei ne le délaisse lui aussi. « Est-ce … que … Vous … pouvez me prendre … dans vos bras ? Juste … une fois ? Comme ça … » J’aurais l’impression que c’est lui. « Après … Je ferais ce que vous voulez. Promis. »

please don’t slip away
cause i’ll just keep breaking
don’t let this be the end

⋈

Il ne le voit pas. Il l’entend, mais ne le reconnaît pas et si Chulhei ne s’en rend pas compte dans l’immédiat, il le réalise après lorsqu’il revient. Il ne comprend pas les excuses, les ignore et les aide à s’installer sur le sofa. C’est moins froid que le sol, mais l’air est toujours aussi glacial entre eux. Il y a des mots qui se perdent avant même d’être trouvés, chulhei est muet, encore choqué sans doute et désorienté peu importe son sang-froid retrouvé. Tout ce qu’il veut, c’est que daw aille mieux, alors il s’applique sur ses jambes pâles – colorées par endroits et ça lui donne la nausée. Il tente de lui donner un peu de chaleur et d’assurance, de tendresse pour combler le manque de mots, mais daw ne le voit toujours pas. daw et ses réponses étranges que chulhei ne comprend pas. comme s’il était en état de choc, comme s’il était perdu dans son passé. son passé et non le leur. Il y a une partie de sa vie qu’il ne connaît pas – qu’il croyait connaître. illusion, comme lui aux yeux de daw aujourd’hui. Il baisse leurs mains liées pour les poser entre eux et son regard les suit. « non tu ne comprends pas … je t’aime toujours, mais ça ira dans l’oreille d’un sourd. » c’est sans doute ce qu’il mérite, pour l’avoir ignoré lui et ses souffrances tout ce temps, mais il n’en avait aucune idée. Il ne pouvait pas le deviner comme on ne peut voir au-delà de ses propres sourires, s’il ne le souhaite pas. aujourd’hui il s’en fiche, il laisse ses émotions parler à sa place et ses larmes ne cessent pas. c’est trop tard pour réparer, il réalise. C’était peut-être déjà le cas à son arrivée, il y a plusieurs mois. Chulhei ne sait pas jusqu’où il devrait retourner pour mieux recoller les morceaux qui ont été brisés, parce qu’il y en a qu’il ne trouve plus. il secoue la tête à la demande de daw, confus. « à qui tu parles ? » il est doux, posé. Il ne le brusque pas, son erreur apprise. il porte ses mains au visage délicat, y caresse la peau fragile et les joues creuses quelques secondes, plusieurs, trop et le temps file. Chulhei essaie de sourire lorsqu’il s’approche et il voudrait se retenir aussi, mais il n’en a plus la force. Il ferme juste les yeux lorsqu’ils deviennent douloureux, trop humides et que sa vue dans tous les cas, se brouille. Il joint leur front et ses mains se décalent contre la nuque du garçon. « je suis réel … je suis revenu. je ne te demanderai rien en retour… tu aurais pu me laisser dehors. je l'aurais mérité. » sa voix n’est plus qu’un murmure entre eux, mais le silence est tel autour d’eux, qu’il en devient même trop fort. « s’il te plait, écoute ma voix daw … suis-la, regarde-moi. » il tremble toujours un peu, il pleure toujours trop et ses yeux restent clos, mais il ne veut pas laisser tomber. Il masse la peau tendue sous ses doigts, souffle sur ses lèvres sèches et finalement il cède à l’étreinte qu’on lui a réclamé. Il lâche tout pour se coller contre le corps frêle du plus jeune, une main dans son dos et l’autre dans ses cheveux. Il l’attire dans son propre cou où il espère lui offrir un peu de sûreté, et il laisse ses lèvres parsemer quelques baisers sur le sommet de son crâne. Il l’aime, son daw. Il aurait voulu être présent pour lui, pour ses anniversaires et ses bons moments ; il voulait le voir mûrir après l’avoir vu grandir. Des envies si naïves autrefois qui désormais deviennent des remords. Il aurait voulu revenir en enfer pour l’en protéger, se sacrifier pour qu’il puisse sourire librement et s’aimer comme il aime les autres, daw. « merci… merci… de m’avoir protégé tout ce temps… mais ça fait mal aussi. Tu peux le comprendre ? je suis désolé… je t’aime, je t’aime, je t’aime. J’aurais tout fait pour toi, tu sais. Tout. » les larmes se mêlent de sanglots et de nouveau il craque. Il ne sait pas faire autrement, chulhei. C’est ainsi peu importe l’émotion, de la colère à la joie, mais la douleur lui soutire ses plus grandes crises. Sa fierté n’est plus de mise, ce soir. Mais il s’en veut de lui infliger ça, aussi. D’être aussi faible face à lui, face à eux.

please don’t slip away
cause i’ll just keep breaking
don’t let this be the end

⋈

Il ne le voit pas. Ne le voit plus. Mots déformés. Il ne sait pas ce qu’il entend. Passé et présent mélangé. Il divague. Perd pied. Se perd. Il se perd Daw. Craint le pire. Les images de ses démons sont tellement réelles qu’il ne peut qu’y croire. Forcément qu’on est venu le chercher. Forcément. La liberté, il ne peut qu’y toucher du bout des doigts. Mais jamais elle ne sera sienne. Jamais. Il reste prisonnier Daw. Prisonnier de ce monde qu’il a tant cherché à fuir. Prisonnier de son absence. De ce trou béant qui se creuse là au niveau de son cœur. Au point de le voir partout. De l’entendre partout. Au point de vouloir y croire. Au point de le sentir dans une étreinte étrangère. Mais il est lucide Daw. Assez pour savoir que Chulhei ne reviendra pas. Non. Il l’a abandonné. Laissé derrière. Alors il abandonne lui aussi. C’est plus facile. De s’abandonner. De rester une poupée docile entre leurs doigts, leurs mains. Moins douloureux. Et entre ses lèvres des acceptations qui l’ont laissé exsangue avant. Dans une hystérie douloureuse. Mélancolie violente. Entre ses lèvres lasses, des excuses aussi. Entre ses lèvres juste l’acceptation que Chulhei avait arrêté de l’aimer. Et il n’entend pas la réponse. La négation. Trop plongé dans l’angoisse. L’attente des coups aussi. Des vieilles habitudes qui ont la vie dure. Des vieilles habitudes inscrites dans ses os, réflexes dont il s’excuse. La peur de subir pire. La peur de les énerver. De souffrir encore. D’avoir cette menace sous-jacente de voir son corps abusé aussi. Chose dont il se relèverait pas. Non. Mais les mains passent sur ses cuisses sans s’attarder. Mais les doigts ne redessinent pas sa peau avec envie. Non. Et il sait qu’il ne devrait pas. Se laisser aller au geste. Le visage qui se cale contre cette main, ces mains autour de ses joues. L’illusion préservée que c’est vraiment Chulhei. Belle illusion. Tendre illusion. Autant que le sourire fragile qui nait sur ses lippes. Parce que c’est plus facile d’y croire. De croire qu’il est vraiment revenu. Même si c’est impossible. Pas après l’avoir vu partir. Pas après s’être laissé étouffé, mangé par l’angoisse. « Je … Je ne veux pas me réveiller … Si tu es là … Ne me réveille pas. » Murmure. Voix secouée de sanglots. Murmure. Qu’on n’arrête pas ce rêve. Qu’on ne le ramène pas à cette cruelle réalité où son tendre ange n’est plus là. Et il se crispe pourtant en sentant ces doigts contre sa nuque. Réflexes. Habitudes. Il se crispe avant de se détendre de nouveau. Poupée docile. À la seule demande. À la seule supplique. Qu’on le prenne encore dans ses bras. Qu’il l’enserre comme si c’était l’ange. Juste un instant avant que ne le rêve ne s’achève. Acceptation de revenir marionnette entre leurs doigts. Juste pour ce dernier instant d’affection. Cet instant où Chulhei est de nouveau là. Où il est revenu. Et lorsque les bras l’enserrent, ça lui semble tellement vrai. Et la douceur de la voix contre sa peau, également. Et sa chaleur. Son odeur. Tout pour rendre la chose un peu plus réel. « Chul ? » Sanglots. Mots humides. Et larmes qui tracent des sillons sur ses joues. « Ne me laisse pas me réveiller … Ne me laisse plus … J’ai … tellement eu peur ... » Respiration erratique et ses mains qui se serrent dans le dos du plus âgé, serrant le tissu entre ses doigts fragiles. « J’étais seul … Et … » Tout le monde était parti. Tout le monde. Même le garçon entre ses bras. Tout le monde. « Maman n’est … » Plus là. Dans une tombe. Par sa faute. « Et … » Il s’était retrouvé seul. Face au monde. Sans soutien. Si ce n’est l’assurance que Chulhei était loin de tout ça. Sanglots déchirants. Et ce mal être qui passe en des râles hors de sa gorge malmenée. Il pleure Daw. Ne sait pas si c’est réel. Ne sait pas ce qui est réel. Il pleure. Parce qu’il déraille. Parce que Chulhei est parti. Parce qu’il ne sait pas pourquoi il vit. Pour qui. Il ne sait plus. Et les larmes sont acides. Et les sanglots finissent dans des silences assassins. « Je ne veux … pas me réveiller. » Mais il s’endort Daw. Dans l’étreinte réconfortante il s’endort. Et il craint le pire. Craint le réveil. Le fait d’être seul. Avec ses démons. Avec son dégoût, sa haine. Seul. Si seul.