five years ago ft. seo yui

five years ago ★ you were just a child
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Avril 2013.
Quatorze-heure sept. Min Woo n’était pas vraiment surpris du retard de la jeune fille, il aurait été plus surpris qu’elle arrive à l’heure. Elle trouverait probablement une excuse pour justifier sa dizaine de minutes de retard et elle lui sourirait pour qu’il ne puisse pas lui reprocher. Il n’était pas vraiment agacé de devoir l’attendre – si c’était le cas, cela ferait bien longtemps qu’il aurait cessé de la côtoyer – mais il se disait que pour plus tard, ce n’était pas une bonne habitude à prendre d’arriver en retard.
Seo Yui n’était pas une petite fille. Elle n’avait que quatre ans de moins de Min Woo, ce qui faisait d’elle une lycéenne de seize ans. Cependant, à ses yeux, elle restait une enfant parce qu’il avait l’impression de voir l’ancien Min Woo à travers elle. C’était d’ailleurs pour cette raison qu’il était venu vers elle. Parce qu’il avait vu que quelque chose n’allait pas dans cette famille et parce qu’il connaissait mieux que n’importe qui les cicatrices que pouvaient faire un père violent. Il les avait vécues, il les avait subies et elles étaient encore présentes, bien plus qu’il ne voulait le croire. Il ne pouvait pas supporter l’idée de voir une jeune fille victime des mêmes choses que lui et il voulait à tout prix éviter que ce qui s’était passé pour lui arrive de nouveau. Certains auraient dit que ça ne le regardait pas, mais il ne pouvait pas fermer les yeux sur ça. Il avait été la voir, il s’était ouvert à elle, sur ce passé dont il ne parlait presque jamais, afin qu’elle s’ouvre à lui aussi. Et le temps passant, les deux s’étaient rapprochés. Pour lui, elle était comme une petite sœur, quelqu’un qu’il devait à tout prix protéger. Il ne pouvait pas intervenir directement dans la famille mais il savait combien le simple fait d’avoir quelqu’un à qui parler, quelqu’un à qui se confier, quelqu’un qui nous prenne dans ses bras quand ça ne va pas était nécessaire et réparateur. Lui n’y avait pas eu le droit. Alors il serait cette personne. Au fond, peut-être qu’il soignait le petit-garçon traumatisé qui sommeillait en lui, en soignant les plaies de la jeune fille.
Le jeune étudiant se réveilla de ses pensées quand il vit la silhouette de la lycéenne rentrer dans la bibliothèque et s’approcher de lui en souriant. Seo Yui n’était pas qu’une jeune fille victime de violences familiales. Elle était avant tout une fille, une lycéenne. La réduire à son statut de victime était une grande erreur et Min Woo ne comptait pas faire cela. Il n’était pas seulement là pour l’écouter quand elle en avait besoin – ce jour-là, il avait prévu une journée révisions pour elle. En licence de médecine, les devoirs du lycée de l’adolescente lui paraîtrait simple. Il fit un grand sourire en la voyant, et fit un geste pour qu’elle le repère. « Comment ça va, Yui-ya ? » demanda t-il en la regardant. Il ne se faisait pas beaucoup de soucis parce qu’elle avait l’air d’aller très bien, vu son grand sourire.

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Avril 2013.
Le temps lui manquait cruellement, elle le voyait chaque fois que son regard se posait sur la montre serrant son poignet droit. Ses pas essayaient d’être plus rapide à défaut de pouvoir faire de grandes foulées, du fait de ses talons, mais rien n’y faisait. Il était quatorze heure précisément et elle était définitivement. Ce n’était pas son maquillage qui rehaussait avec naturel son visage qui l’avait retenu, ni même au final cette tenue choisie avec attention pour lui donner des airs de jeune étudiante (même si son sac à dos la trahissait), mais c’était encore et toujours son manque de l’orientation qui lui jouait un tour. Chaque fois qu’elle pensait se rapprochait de son lieu de rendez-vous, la bibliothèque, elle tournait une rue avant ce qui la faisait faire un grand détour puisqu’elle enchaînait les ratés. Même son téléphone ne pouvait supporter ses dérives infernales et avait usé tous ses gigas en plus d’avoir rendu l’âme. La demoiselle était désespérée, mais sa nature optimiste l’empêchait de baisser les bras ou de se frustrer, elle continuait à aller de l’avant même si l’heure tournait et ne l’attendait pas.

Son cœur battait à tout rompre, non pas parce qu’elle courrait du haut de ses talons de six centimètre menaçant de lui faire perdre le déséquilibre, mais parce qu’elle allait enfin le revoir. Chaque fois qu’elle y pensait, elle ne pouvait s’empêcher de sourire bêtement, si bien que les passants qui croisaient son regard étaient perplexe et davantage lorsqu’elle leur rendait un sourire égayé. Pour autant, son sourire se figea lorsqu’elle arriva aux marches du bâtiment. Dans quelques minutes, elle le verrait. Forcément, son premier réflexe est de chercher son reflet pour arranger son chignon, tout en faisant ressortir deux petits mèches, avant de vérifier que son rouge à lèvre était toujours impeccablement posé. Après quoi, elle poussa la porte vitrée pour pénétrer dans ces lieux où le silence régnait en maître absolu. Ils avaient rendez-vous au premier étage, près des grandes vitres qui donnaient sur le parc public mais elle n’eut pas besoin d’aller bien loin. Elle reconnue très vite Minwoo à sa silhouette et pressa le pas pour le rejoindre. « Oppa ! » fit-elle une fois qu’un seul pas les séparait. Elle aurait voulu surmonter cette distance, si petite, mais pour le moment insurmontable. « Désolée du retard, j’ai raté le bus » mentit-il pour ne pas avouer son incapacité à s’orienter non pas parce qu’elle ne pouvait pas l’assumer, mais parce qu’elle ne voulait pas l’entendre dire, qu’elle était une enfant, oubliant sans cesse son chemin. « Tu es arrivé depuis longtemps ? » demanda-t-elle, tout en chuchotant pour ne pas trop attirer de regard noir.

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Avril 2013.
Il aurait pu relever une énième fois la dizaine de minutes qu’elle avait de retard. Il aurait pu la gronder comme un grand-frère aurait grondé sa petite sœur qui l’avait fait attendre. Mais Min Woo était observateur et bien qu’elle le cachait très bien, il remarquait qu’elle était un peu essoufflée. Elle avait sans doute marché longtemps et vite avant de se rendre ici. Ce n’était sans doute pas qu’une question de bus - elle avait dû se perdre encore une fois, songea t-il. Mais puisqu’elle n’en dit rien, il se tut aussi. « Ne t’en fais pas, tu n’as pas une heure de retard non plus ! » répondit-il en souriant. Il n’aurait pas aussi aisément accepté qu’elle ait une heure de retard, parce qu’il aurait passé cette heure-là à se demander si elle allait bien, s’il ne s’était pas passé quelque chose sur le chemin ou si elle avait pu prendre le chemin. « Non ne t’en fais pas, je suis arrivé au dernier moment aussi. » Et il ne mentait pas pour lui faire plaisir. Il était arrivé à quatorze-heure pile. Min Woo n’était pas le genre de garçon à arriver à l’avance, c’était très rare qu’il y arrive même quand il le voulait. Il arrivait pile à l’heure et c’était parfait ainsi.

Il bougea une chaise pour inviter l’adolescente à s’asseoir et se redressa, parce qu’il savait une chose, c’est que s’ils s’éternisaient à parler ainsi, ils ne se mettraient jamais au travail. En ça, Yui était une adolescente totalement typique : si elle pouvait éviter d’étudier, elle le faisait. Ils étaient là pour qu’il l’aide à faire ses devoirs mais si elle pouvait détourner le sujet, elle le faisait aussi souvent que possible. Il savait qu’il allait devoir la rappeler à l’autre plusieurs fois mais il prenait toujours plaisir à être avec elle et à l’aider. « Bon. On commence par quoi ? Tu as besoin d’aide en quoi ? » demanda t-il en la regardant s’asseoir en souriant.

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Avril 2013.
Même si dans les apparences, cette rencontre avait des airs de rendez-vous, entre un homme et une femme, la réalité était bien plus âpre pour la demoiselle qui ne se décourageait pas pour autant. La preuve, pour ce qui pouvait être de simple heure de tutorat pour l’étudiant, elle avait passé sa soirée à choisir minutieusement sa tenue, et s’était levée aux aurores pour se maquiller et finir seulement avec de simple traits d’eyeliner et un rouge à lèvre qui ne faisait que rehausser simplement la couleur de ses lèvres. Si aujourd’hui, c’était un simple rendez, peut-être que la prochaine fois, ça pourrait être différent et pour que cela se passe, il fallait qu’elle y mette les moyens. Pour autant, elle avait voulu arriver à l’avance, mais son sens fin de l’orientation l’avait perdu plus qu’autre chose alors qu’elle avait quitté son appartement deux heures avant le rendez-vous. Si elle se maudissait intérieurement, elle passa rapidement à autre chose à l’entente de la réponse de Minwoo. Tant qu’il ne lui en tenait pas rigueur, cela suffisait à effacer sa morosité qui l’avait englouti quand son regard s’était posée sur le cadran de sa montre argentée. « J’avais surtout peur que tu partes » avoua-t-elle avec mou, rien qu’évoquer cette hypothèse suffisait à lui baisser le moral, mais son expression changea du tout au tout, et d’une vois déterminée, tout en lui attrapant le poignet de ses deux mains, elle affirma résolument « mais jamais j’oublierais nos rendez-vous ! Donc… si jamais j’arrive en retard, attends-moi, même si je prends des heures »

S’installant sur la chaise tirée par l’étudiant, la lycéenne y prit place avec joie bien qu’elle savait qu’elle allait devoir faire de patience par la suite et qu’elle n’aura plus qu’une envie, de la quitter. Elle sortit ses affaires une à une, les posant proprement sur sa table, « l’anglais » dit-elle en lui tendant son cahier d’exercice où un marque page, fait par ses soins (un simple trèfle à quatre feuille desséché), marquait la page des exercices qu’elle avait réalisé. « J’ai ramené des fruits » chuchocha-t-elle en posant la boîte à bento où était fraichement découpé des pommes en lapin, et contenant aussi des oranges, du raisin et des fraises.

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Avril 2013.
Min Woo savait qu’il n’était ni le père de la jeune adolescente, ni son vrai grand-frère. Il n’était donc pas en position de lui faire la morale. Pourtant il avait parfois envie de le faire quand il la voyait arriver ainsi habillée et maquillée. Il n’était pas vieux jeu, il comprenait que les femmes aiment prendre soin d’elle – certains garçons aussi d’ailleurs – et il ne les jugeait pas, elles étaient libres. Ça les rendait parfois très belle, en plus. Mais tout le souci était là : Yui, elle, n’était pas une femme. C’était encore une adolescente et il ne comprenait pas pourquoi elle passait de l’uniforme sobre à des robes plutôt courtes avec un maquillage prononcé. Ça la rendait plus adulte qu’elle ne l’était et ça ne lui allait pas vraiment encore. Min Woo pensait qu’il ne fallait pas grandir trop vite. Yui était très jolie et très féminine, il ne serait pas étonné que plusieurs garçons de sa classe l’apprécient, mais il trouvait juste que cette apparence n’était pas totalement correcte pour son âge. Il sourit à la jeune fille. « Je ne partirai pas, même si tu arrives trois jours après, d’accord ? » Il faisait la promesse un peu à la légère parce qu’il ne comprenais pas vraiment l’intérêt d’une telle promesse. Ça n’allait de toute façon pas arriver, non ? Puis si elle arrivait un jour avec plusieurs heures de retard, il serait tellement inquiet pour elle qu’il aurait tout fait pour l’appeler.

Il hocha la tête. L’anglais. Il n’était pas bilingue mais il était doué. Il fallait de toute façon être doué dans les études pour être en fac de médecine. L’anglais n’était d’ailleurs pas très difficile à étudier, il suffisait parfois de regarder des séries ou d’écouter des chansons pour l’apprendre. C’était bien plus difficile pour chimie, par exemple… regarder un documentaire sur les centrales nucléaires ne faisaient pas de quelqu’un un scientifique. Il regarda les exercices, qui lui rappelèrent le bon vieux temps – cet à dire seulement quatre ans avant – quand il faisait les mêmes. Ça lui paraissait extrêmement simple mais il savait qu’au lycée, ça l’était moins. « Merci pour les fruits. » lui sourit-il. Mais il n’allait pas se laisser distraire par les fruits. Il regarda de nouveau le cahier et leva la tête vers elle. « Qu’est-ce que tu n’arrives pas à faire concrètement ? » C’était difficile pour lui de se rappeler ce qui bloquait dans les exercices de ce niveau-là.

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Avril 2013.
La réponse que lui donna l’étudiant suffisait à la rassurer même si elle préférait ne pas avoir de retard pour deux raisons. La première était qu’elle ne voulait pas le faire attendre, la seconde était qu’en arrivant avec du retard, elle ne faisait que raccourcir le temps qu’elle passait avec lui. Pour autant, elle n’était pas si heureuse que ça d’entendre cette promesse car sa famille n’était pas comme les autres, du jour au lendemain elle pouvait disparaître. Elle voulait qu’il l’attende, mais en même temps, s’il le faisait réellement… serait-ce égoïste de sa part de lui demander autant ? « Tu exagères, ou alors, ce serait ta façon pour me dire que tu ne m’attendras pas » reprocha-t-elle en prenant un air vexé tout en croisant les bras, avant de rire et poursuivre sur un ton plus dramatique « et puis, si j’arrive au bout de trois jours et que je ne te vois pas, je risquerais d’être extrêmement déçue ».

Yui était loin d’être une mauvaise élève, et les difficultés qu’elle avait était davantage lié à un manque de motivation. Si elle faisait des efforts, elle pourrait facilement se hisser en tête de classe mais maintenant qu’elle connaissait Minwoo, sa motivation était concentrée sur les heures de tutorat. C’était après tout son seul prétexte pour le voir. Ou du moins, le plus crédible. « La conjugaison et surtout le gérondif » répondit-elle avec moue, avant de se pencher vers son cahier d’exercice, ramenant derrière son oreille ses mèches « Je n’ai pas fait trop de fautes ? » Juste suffisamment pour qu’ils restent assez longtemps à la bibliothèque mais pas une éternité non plus. Il faisait beau dehors, ce serait dommage de passer la journée, le nez plongé dans les bouquins avec un silence quasi-religieux en guise d’ambiance. Sa première tentative de déconcentration n'avait pas fonctionné : les fruits, pour la prochaine fois, c'est non. Cela n'avait eu aucun effet malheureusement.

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Avril 2013.
Il sourit en voyant Yui faire son cinéma d’enfant vexée. Il ne mentait pourtant pas, même s’il ne prenait pas cette promesse aussi sérieusement qu’il ne le devrait, il était prêt à attendre des jours entiers pour elle. Yui était vraiment importante à ses yeux, sans doute plus que n’importe qui d’autre qu’il connaissait, en dehors de ses parents adoptifs. Il était parfois plus inquiet à l’idée qu’il arrive quelque chose de mauvais à Yui et sa mère qu’à lui-même. Après tout, il était passé par tant d’épreuves dans sa tendre enfance, Min Woo, qu’il avait l’impression que plus rien ne pouvait l’atteindre. Yui, c’était différent. Même si elle était sans doute passée par de nombreux obstacles, Min Woo détestait l’idée qu’elle puisse de nouveau souffrir comme le soir où ils s’étaient rencontrés. « Je t’assure que je t’attendrai trois jours, Yui. Trois semaines, trois mois, trois ans si nécessaire. » Il exagérait, bien sûr. Il ne pouvait pas attendre sans bouger pendant trois ans, il avait des études, des choses à faire. Pourtant il ne mentait pas en affirmant que si elle disparaissait soudainement, il attendrait des années jusqu’à la revoir et savoir combien elle allait.

La conjugaison anglaise était en effet très différente de la coréenne et c’était normal qu’elle ait du mal avec ça. Il observa avec attention le cahier pour essayer de voir les fautes de la lycéenne. Les exercices étaient assez basiques. Il fallait dire que l’anglais, en Corée, il était enseigné mais pas très approfondi, ce qui justifiait le niveau de la majorité des coréens. Min Woo était peut-être doué scolairement mais loin d’être bilingue pour autant. Il tendit la main vers Yui en relevant les yeux vers elle. « Stylo. » demanda t-il en souriant. Il n’avait rien prévu, comme à chaque fois. De toute façon, elle venait avec une trousse remplie de stylos, ça ne servait à rien qu’il en amène une deuxième.

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Avril 2013.
Une partie d’elle espérait qu’il tienne parole car ce ne serait qu’une preuve supplémentaire, du lien spécial qui les liait. Tandis qu’une autre, beaucoup plus rationnelle, y voyait l’exagération et ne pouvait pas contenir un pincement de cœur. La gentillesse et patience dont faisait preuve Minwoo la rendait souvent confuse sur les sentiments de ces derniers, la traitait-il comme toutes les filles ? Ne la voyait-il que comme une petite sœur ? Ou bien, était-elle, au final, spécial à ses yeux tout comme lui l’était pour elle ? Si la lycéenne voulait en avoir le cœur net et ne souhait qu’une chose, lui poser la question, elle redoutait en revanche la réponse et le comportement de l’étudiant. Que ferait-elle si jamais, elle essuyait une réponse négative ? Que pourrait-elle faire si jamais, il commençait à l’éviter ? Toutes ses interrogations qui ne trouvaient d’écho que dans ses doutes et incertitudes freinaient son impulsion et ne la fixaient sur qu’une seule chose, si elle voulait que les choses changent, elle devait y mettre les moyens pour. « Hmm, si tu le dis ! Fais gaffe, je te testerais vraiment pour voir si ce ne sont pas que promesse au vent » répliqua-t-elle, un sourire amusé, le défiant presque.

Assise à côté de lui, tenant son visage entre ses mains, elle regarda le cahier d’exercice qu’elle lui avait donné à corriger mais passa la plupart du temps à le dévisager du coin de l’œil. « Stylo ? » répéta-t-elle, surprise car dérangée de ses rêveries, elle ouvra son sac posé sur la table pour en ressortir sa trousse, fouiller entre les dix-mille stylos inutiles avant de lui en tendre un. « Tiens » fit-elle, en se penchant vers lui pour lire ce qu’il lisait « il y a des fautes ? ». Pour le coup, elle avait essayé de faire un sans-faute histoire de l’épater et qu’il la complimente. Elle s’était lue et relue, est-ce vraiment la fin de sa petite fantaisie ? Angoissée à cette idée, la demoiselle commençait à balancer ses pieds dans le vide.

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Avril 2013.
Min Woo eut un léger rire au défi lancé par l’étudiante, puis leva les sourcils en regardant. « Je pense que je te manquerai beaucoup trop pour que tu arrives à te passer de mois pendant trois semaines. », releva t-il avec un ton taquin. C’était avec la plus grande des innocences que Min Woo disait ça, bien loin de se douter de comment pouvaient résonner ses mots chez Yui. Il ne l’avait jamais considérée comme quelque chose d’autre qu’une petite sœur, quelqu’un de très précieux à ses yeux certes, mais une enfant. Une enfant avec qui il passait de bons moments, mais une enfant. Ce n’était ni par pitié ni par sens du devoir qu’il passait du temps avec elle, c’était parce qu’elle était amusante et qu’il se reconnaissait à travers elle. Elle représentait vraiment une famille pour lui, puisqu’ils avaient les mêmes blessures. Quoi qu’il en soit, il était bien loin de s’imaginer que l’adolescente ne le voyait pas comme un grand-frère mais bel et bien comme un homme. Bien sûr qu’il trouvait étrange qu’elle vienne toujours trop maquillée pour le voir, qu’elle porte toujours des vêtements plutôt révélateurs, mais il voyait ça comme une phase de l’adolescence, un moment où les filles avaient envie d’être vues comme des femmes par le monde et non plus comme des enfants. Il ne pensait pas que ça lui était destiné particulièrement.

Cela faisait plusieurs secondes qu’il avait fini de lire l’exercice mais il restait immobile, les yeux dirigés vers le cahier, mimant une concentration maximale. Il sentait que Yui avait fait des efforts cette fois-ci – déjà parce qu’il n’y avait aucune faute, mais aussi parce qu’il entendait une sorte d’angoisse dans sa question – et il avait envie de jouer un peu avec ça. Il faisait juste durer le suspens plus longtemps que prévu, il gardait un air grave comme s’il avait vu quelque chose de très déplaisant, une faute inexcusable. Puis finalement, il leva la tête vers Yui, penchée vers lui, et fit semblant de réfléchir. « Mmh… » Il suspendit sa phrase et la dévisagea de longues secondes. Il voulait voir sa réaction, juste pour plaisanter.

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Avril 2013.
Si elle ria à sa remarque se fut pour cacher ce sentiment de tristesse qui la prenait subitement et l’accabla quelque peu face à la véracité de ces propos, qui n’était que pour lui, simple taquinerie. Elle ne pouvait lui avouer ce qu’elle ressentait, car à ses yeux, elle n’était qu’une enfant sur lequel il ne faisait que veiller et accompagner. Il prenait à cœur ce rôle de grand-frère qui n’était pas le sien et même si elle essayait, tant bien que mal, de quitter ce rôle de dongsaeng qu’il lui imposait sans en réaliser les conséquences, elle peinait bien. Si elle pouvait profiter de cette attention qu’il lui portait, beaucoup de chose pressait la demoiselle. Le premier était le fait qu’elle ne savait pas combien de temps, ces jours heureux pouvaient durer. Le second concernait les autres étudiantes qui entouraient le garçon, il semblait indifférent mais pour combien de temps ? Elle n’était pas confiante de pouvoir gagner à ce jeu, pas tant qu’elle portait d’un handicap qui l’empêchait de fouler ne serait-ce la ligne de départ.

Il lui avait demandé un stylo, mais la pointe resta à l’air tandis que son expression devenait indéchiffrable. Le regard de la lycéenne passa du bic à son tuteur improvisé, d’un air intrigué. Mais sous la table, elle commençait à se triturer ses ongles alors qu’ils étaient parfaitement soignés. Elle était nerveuse car il ne disait rien. Pas un mot. « Mmmh quoi ? » implosa-t-elle en cognant la table du poing, faisant sursauter leurs voisins. Elle avait son tempérament à elle Yui. Aussi féminine et délicate pouvait-elle paraître, elle ne tenait pas toujours face à la pression, à la curiosité. « Tu m’angoisses avec tes silences » murmura-t-elle cette fois d’une voix calme mais teintée de reproche. Sans compter le fait qu'elle était embarrassée d'avoir attiré l'attention des autres. Il s’amusait à ses dépens, elle en était certaine car… il ne pouvait pas s’en empêcher.