See you never - Tyler and Jae Kyung

L'air était frais, une légère brise salvatrice s'étant perdue au milieu de la canicule estivale balayait l'herbe grasse du parc de la résidence.
La richesse ne connaissait pas la sécheresse ou les concepts aussi ridicule que celui de saisons ou d'environnement et, tout naturellement, l'herbe était aussi verte et luxuriante qu'au printemps, soigneusement arrosée par les jardiniers du complexe.

Jalouse de ses rideaux se balançant au gré du vent alors qu'elle étudiait dans sa chambre, bien moins attrayante que l'extérieur aujourd'hui pour une raison obscure – le chapitre particulièrement rébarbatif sur la régulation de la pêche selon la salinité des eaux pouvant être un indice – Jae Kyung avait refermé son livre avec un claquement sec et était sortie prendre l'air.

Elle déambulait à la recherche d'un coin d'ombre qui l'inspirerait plus qu'un autre, lorsqu'elle l'avait vu un peu plus loin.

Tyler.

Elle n'arrivait pas à croire qu'elle allait même ne serait-ce que penser les mots qui allaient suivre, et pourtant, ils étaient là. Un automatisme après une unique rencontre ridiculement brève et en même temps qui lui avait paru une éternité.

Tyler, son fiancé.

Même à peine pensés, les mots lui laissaient une impression étrange.

Elle ne pouvait dire qu'elle avait été surprise d'apprendre la nouvelle. Elle avait toujours su que ça arriverait.
Mais l'étonnement avait tout de même pointé son nez.

Être appelée pour un dîner par son père ne sortait pas de l'ordinaire. Il aimait donner une belle image de leur famille, soudée, et il aimait parader sa fille, parfaite en tous points à l'oeil nu, face à ses collaborateurs ou amis.

La vieille dame et son petit-fils attablés avec eux ce soir là, avaient été l'élément inhabituel.
La conversation, elle, avait été surréaliste.

A demis mots, on les avait laissé faire connaissance.
Sans subtilité, ouvertement, on leur avait annoncé un futur mariage.

Elle n'avait pas encore totalement digéré la nouvelle, et si celle-ci la laissait perplexe, elle savait bien moins quoi penser de celui avec qui son père voulait l'attacher.

Autant rester polie avant de s'être fait une opinion.

« Hey... Surprenant de se croiser ici... »

Si ses costumes ne coûtaient pas trop cher pour ça, et s'il avait été capable d'éprouver la honte nécessaire pour une telle action, elle se serait demandé si son père ne se tenait pas caché en embuscade derrière un buisson, orchestrateur de la rencontre.

Awkward.

La conversation commençait bien.

Le complex dans lequel ils habitaient avait pas mal d’avantages, et l’un deux était définitivement le parc qui s’y trouvait. Tyler n’était pas quelqu’un qui passait beaucoup de temps à l’extérieur (sauf si l’on considérait le fait que son garage était techniquement un espace ouvert et donnait sur l’extérieur), et encore moins dans la journée. Trouver des espaces verts à Séoul n’était pas si compliqué, mais lorsque l’on avait la flemme de se déplacer, le parc de la résidence était la solution parfaite. Aujourd’hui était une de ces journées, il n’avait rien de particulier à faire, et un peu de vitamine D était sans doute une bonne idée.

C’est pourquoi il s’était dirigé vers le parc et avait pris place dans l’herbe, ne faisant rien de plus qu’apprécier le paysage et la douce brise d’une journée d’été.

Il fut dérangé par une voix derrière lui.
« Hey... Surprenant de se croiser ici... »
Qui va la ??

Il se retourna et pu voir sa future épouse. Enfin, du moins c’est ce que leurs parents pensaient, union fruit d’un arrangement interfamilial. Les parents de Tyler espéraient le calme et une vie de famille tranquille, les parents de Jae Kyung quant à eux, il n’était pas sûr de leur motivations pour vendre leur fille à quelqu’un comme lui. Une chose dont il était sûr était qu’il ne voulait pas se marier, et certainement pas pour faire plaisir à ses parents. Jae Kyung avait l’air gentille, mignonne, un peu awkward mais elle n’avait sans doute pas envie de finir sa vie dans ce genre d’union.

Il se releva, il lui devait au moins ça.
« Ouais… on habite dans la même résidence et c’est le parc de la résidence…  ». Awkwaaard.
« Si tu veux parler préparatifs de mariage, je te le dis tout de suite, compte pas sur moi ! » lâcha-t-il avec un petit rire nerveux. Il vallait mieux en rigoler non ?

« Mais sinon, sérieusement, tu vas bien ? Qu’est-ce qui t’amène ici en cette belle journée ? »

Ils n’avaient pas vraiment eu le temps de discuter après l’annonce de leur mariage et le moment n’avait sans doute pas été opportun non plus, c’était le genre de nouvelle qu’il fallait digérer. Peut-être que se rencontrer ici leur donnerait l’occasion de mettre les choses au clair, et de trouver une solution.

Apparemment elle l'avait surpris, à moins qu'elle ne l'ait tout simplement dérangé.
Errrr... le mal était fait désormais, elle voyait mal comment repartir sans passer par la case "conversation malaisante".
Honnêtement, elle ne savait pas ce qui lui avait pris.
Elle n'avait pas réellement digéré tout ce qui s'était passé, incapable encore de prendre position face à la tournure des événements.

Était-elle ravie ? Non.
S'attendait-elle sincèrement à une autre situation que celle-ci concernant son avenir relationnel ? Non plus.

Dans une certaine sagesse, et une grande indécision, elle avait choisi de ne pas trop s'avancer pour l'instant, attendant de voir comment tout s'enchaînerait.

Elle ne faisait pas l'autruche, pas vraiment, peu importait ce que la voix critique dans sa tête, qui ressemblait ici étrangement à celle de son frère, lui disait.
Elle n'avait d'ailleurs toujours pas annoncé la nouvelle à son frère et, sur cette question, elle faisait clairement l'autruche.

Elle n'était pas certaine d'être prête à accepter sa réaction, quelle qu'elle soit, et ne voulait pas être influencée par ses actions, le risque de réaction virulente étant non négligeable.

Son "futur époux" prit la peine de se relever pour la saluer, précédemment installé tranquillement dans l'herbe grasse.
« Ouais… on habite dans la même résidence et c’est le parc de la résidence…  ».

Cette conversation craignait, c'était officiel. Où était passée sa sociabilité mondaine ?

« Si tu veux parler préparatifs de mariage, je te le dis tout de suite, compte pas sur moi ! »

Le rire nerveux échappant à Tyler augmenta son malaise, celui évident de son interlocuteur s'ajoutant au sien.

Faisant mine de tourner les talons, elle ajouta, l'expression rendue sérieuse par le malaise ambiant:

"Ah. J'y vais alors, on se revoit à l'autel."

C'était peut-être l'occasion de fuir cette conversation.

"Haha..."

Heureusement pour elle, Tyler poursuivit avec un sujet bien plus abordable pour elle dans ces conditions: les banalités.

« Mais sinon, sérieusement, tu vas bien ? Qu’est-ce qui t’amène ici en cette belle journée ? »

Se décidant à se reprendre, après tout, cette attitude ne lui correspondait pas vraiment, hors cas de stress ou de gênance extrême, et, plus posément, elle lui répondit avec un sourire affable:

"Je vais bien, merci, et toi ? Ma chambre et mes révisions m'étouffaient un peu donc j'ai choisi de prendre l'air me changer les idées et m'aérer au soleil."

Elle aurait dû prendre ses livres et une serviette pour s'allonger dans la verdure et travailler.

"Je n'aurais jamais cru que nous étions voisins... étonnant que l'on ne se soit jamais croisés..."

Bien qu'il s'agisse d'un étonnement sincère, ce n'était pas le véritable problème ici, elle le savait et elle rechignait à la tache.
Mais, comme pour son père, et son frère, elle prit une bonne inspiration et se décida à aborder la question, de front:

"Honnêtement, qu'est-ce que tu penses de cette situation ? Je pense que tu n'étais pas plus au courant que moi, je me trompe ?
Et quelque chose me dit que tu ne comptes pas obtempérer..."

Ça commençait bien.