(flashback : date ?) ft orpheo

Sentiment plaisant dans cette attirance insoupçonnée, le regard qui attend de le voir entrer. Incapable d’y coller des mots pourtant évidents, une rencontre du destin ou un intérêt naissant, Haeil avait bien souvent apprécié les courts échanges partagés, les instants à discuter avec ce gars devenu un client régulier quand il y travaillait. Encore une fois, au cours de la soirée il eut le plaisir de le voir passer, un sourire discret, mais un cœur enthousiasmé par cet inconnu ne le laissant pas aussi indifférent qu’il le voudrait. Son regard suivait son exploration des rayons dans l’établissement en profitant de l’absence de gens, il rangeait les produits et à la fermeture récupérée les invendus périmés, c’était un bon moyen pour ne pas dépenser et avoir des repas équilibrés, lui qui n’avait pas le loisir de gaspiller.

« Tu as trouvé ce qu’il te fallait ? » Abordage enclenché, il cherche un sujet, curieux de pouvoir peut-être l’aider ou juste communiquer. Travailler ici demandé beaucoup de temps, d’implication depuis tellement d’année. Haeil connaissait cet endroit par cœur, mais à partir d’une certaine heure c’était seul qu’il tuait son temps jusqu’à ce qu’il puisse fermer.  

Quartier ô combien complet de ses services. De ceux qu’on apprécie, et de ceux qu’on apprécie plus que d’autres – sans grandes raisons au départ, puis mûrissant petit à petit dans un coin de la tête, l’idée qui murmure doucement le pourquoi, le comment. Que l’on entend, d’autrefois l’inverse ; mais les pieds ramènent indéniablement là où le cœur se déchaîne d’une vitalité qu’on ne lui connaissait en rien … Orpheo découvre. Orpheo explore. Traverse dangereusement cette rue qu’il aime tant. Entre dans ce même lieu, moins symbolique pour d’autres, si important à ses yeux. Et alors il se sent devenir l’enfant qu’il a cessé d’être – trop tôt. Pourtant droit de ses mots. « Pas vraiment. » Il n’est que le discret client qu’il a toujours été ; celui dont on ne sait pas même le prénom.

Haeil. Haeil. Haeil.

L’étiquette lui a appris ce qu’il aurait été normal de demander. Seules les phrases timides se dévoilent à eux dans les discussions qu’ils commencent. Un client de tous les jours – rien de plus, rien de moins. Mais un semblant de quelque chose s’accroche d’une évidence qu’il préfère taire de sous-entendues – et seul son visage explique ce que les lèvres ne prononcent pas, il n’a pas le temps pour ce genre de chose. Il ne sait pas réellement ce qu’il représente. Ni ce qu'ils sont l'un envers l'autre. L'amitié étrange. « La pharmacie d’en face est fermée. Vous auriez des bandages et du désinfectant ? » Jamais il ne s’habituera aux formalités qu’ils ont retirées,  quelques fois, comme celle-ci, il en oublie la permission qu’ils ont échangée. La demande est pourtant importante, elle est la raison de sa venue. Plus que cette envie de croiser son regard, comme un enfant regarde une peluche tant désirée du coin des yeux.

Et peut-être qu’un jour, les regards seront différents.

Les clients passent et repassent, les visages s’effacent sans qu’il n’y porte d’attention, tandis que l’un d’entre eux demeure tenace. Le sien. Il le cherche et l’attend, espère sa présence dans cette solitude nocturne, quelques minutes ou plus, il aimerait simplement l’entendre et croiser se regard qui le rend faible inconsciemment, attirance incontrôlée vers un inconnu capable de le désorienter, de le perturber. Le voilà présent désormais et Haeil l’aborde, maladresse, tentative de communication, juste une envie de briser le silence entre eux sans savoir ce qu'il pourrait gagner à l’aborder.

L’innocence dans le manque d’assurance qui se joue entre eux les rendrait presque attachant, Haeil pèse ses mots, cherche ses phrases, il réfléchit en espérant trouver le sujet pour le retenir et lui parler, mais c’est dans la voix du garçon qu’il trouve la force de s’imposer en l’entendant énoncer la pharmacie fermée, se laissant emporter par la curiosité, cherchant la blessure qu’il doit dissimuler. « Tu es blessé !? » Formalités oubliées, il laisse tomber toute la complexité, il est subitement inquiet, un peu trop pour un simple client régulier… Haeil croise son regard avant de l’inciter à s’asseoir, le temps qu’il aille chercher ce qu’il est venu acheter. Bandages, désinfectant, il ramène tout ceci devant lui, mais voudrait faire plus… « Je peux t’aider ? Montre-moi ta blessure. » Demande osée, mais il ne veut pas reculer une fois lancée, il n’y a personne ici à part lui, eux. Le brun veut se sentir utile, s’impliquer dans ce petit quelque chose qui les attire l’un à l’autre sans savoir quoi, ni pourquoi.

Le visage reste le même, et les mots ne sont que similitude dans des airs doucereux. Le teint rosé sur la peau montre les non-dits des actes délicats ; nul ne sait où ce jeu ira, ni combien de temps il durera. Instant subjectif, les sentiments tournent autour de lui, autour d’eux sans qu’ils n’y comprennent un traître mot … Tout n’est que vent face à la tempête, et la douceur se voile légèrement, petit à petit, d’une couche fine et délicate de rouge – si beau, et si violent. La joie incontrôlable d’y croiser un regard, la supérette s’amuse quand la porte est franchie. Pourtant la limite du comptoir suffit à elle seule pour y laisser une trace d’interdit, le silence faiblesse significative de lâcheté. Jamais il n’en aura le courage ; de le regarder dans les yeux et le lui demander clairement. D’apaiser son envie parfois tant brutale qu’il voyagerait la nuit pour le retrouver – non, lui préfère les notes nostalgiques à la caisse, la timidité. Parfois la réalité est brusque.

De celle qui diverge de l’imagination.

Impassible expression cachant différentes émotions, lisible entre les lignes dans l’échange d’un regard ou l’effleurement discret dans un geste maladroit. Mettre des mots serait trop tôt, ce qu’il sait vrai pourtant, c’est qu’il est différent. Ce client sort du lot et Haeil ne peut démentir ce regard qui l’analyse, le suit, parfois même inconsciemment le désir. Il veut lui parler, le connaitre, arrêter le temps de s’écouler pour que les minutes passées dans cette supérette deviennent des heures ou des journées. C’est idiot, il est idiot, qui voudrait une telle chose ? Lui seul surement, mais sa réaction devant une blessure du concerné remet tout en question, il saute sur l’occasion sans réfléchir, pas besoin d’excuse ou de faire bonne impression. Il veut sincèrement l’aider et ça doit se sentir dans sa façon de se comporter, son empressement à vouloir le soigner, c’est sincère et vrai. Haeil a déjà ramené tout ce qu’il faut pour s’en occuper qu’il regarde le garçon retirer son haut avec un soudain retour sur terre qui crée ses rougeurs sur son visage. A-t-il était trop imprudent ? S’est-il montré insistant, l’autre garçon se sent-il obliger d’accepter sa proposition ? Il ne sait plus trop, mais son regard attiré par la blessure, il ne peut reculer et il ne veut pas renoncer.

Moche ? Haeil ose croiser son regard et secouer la tête. « Ne dit-on pas que ça fait viril d’avoir des cicatrices sur le corps ? » Il sourit à sa remarque avant de se sentir encore plus bête, il aurait dû se taire, quel abruti fini, il se racle la gorge en se concentrant sur les soins, un peu déstabilisé car il ne s’attendait pas à une telle avancée, un tel progrès au cours de la soirée. Une belle occasion de lui parler, une opportunité qu’il pourrait ne pas voir se renouveler, crainte d’échouer, de la voir s’échapper, il…

« Je peux demander autre chose alors ? » Concentrer sur le bandage qu’il prodigue avec sérieux et douceur, prenant le temps de s’appliquer, mais aussi de ne pas expédier cet instant dont il voudrait profiter. « Comment tu t’appelles ? » Est-il un adolescent puceau pour sentir son cœur battre la chamade pour une question aussi banale ? Il faut croire en effet, parce qu’il se sent incroyablement gêné et si curieux à la fois de le connaitre enfin. C’est pourtant un regard fuyant qu’il émet dans sa direction, le regardant discrètement, changeant son objectif avant de croiser le sien, craintif d’être jugé, démasqué, peur que ses sentiments soient transparents.

Il se berce d’illusions tant il est effrayé par la réalité que la relation peut devenir plus tard. Orpheo est effrayé. Effrayé à l’idée que ses illusions ne soient qu’artifices, et qu’une fois lancée en quête de réponses, elles ne soient que déceptions. Il ne veut pas être déçu. Et Haeil n’est alors plus qu’une idylle qu’il ne se sent apte en rien à toucher. Indigne de ces effleurements qu’ils ont parfois … Enfant capricieux. Gamin troublé de variations sentimentales incomprises. Son âme ne contrôle rien, pas même ses jambes volatiles, l’emmenant toujours en ce même lieu. C’est une soif de découverte vers l’inconnu qui engendre l’adrénaline constante en cette même direction. L’anxiété dans son âme génère cette même envie de comprendre où le chemin s’arrête. Jusqu'où ils iront.

Remarque enfantine qui fait doucement sourire. Orpheo est charmé par cette maladresse qui a toujours enveloppé le garçon. Peut-être est-ce la chose qu’il a d’abord appréciée ? Tout n’est que complicité. Deux adolescents éprit l’un de l’autre dans un silence qu’ils taisent volontairement. Après tout, que savent-ils l’un de l’autre ? Une permission parfois oubliée au nom d’un vouvoiement qu’ils ne souhaitent plus qu’invisible. De quoi se rapprocher suffisamment, mais une barrière s’immisce entre eux. « Ce n’est pas la virilité qui me manque dans ce cas. » L’échancrure de ses lèvres annonce un sourire délicat. Il aime cette simplicité.

Cette douceur qui émane de lui.
« Orpheo. Eogeum Orpheo. » Qu’il a le temps de dire avant de se tendre légèrement. C’est la froideur des doigts du caissier qui le rend fragile de la sorte, et il se sent bientôt idiot de réagir sur un coup de tête. Il a envie de s’excuser pour chaque frisson parcourant son corps, mais se serait comme s’excuser d’avoir le cœur battant à la chamade. Et parfois, il aimerait que le plus jeune entende … Peut-être alors les choses avanceront différemment. Mais paradoxalement, il en est horrifié. « Et, Haeil je présume ? Je l’ai deviné à ton badge. » Enfin c’est un grand mot. Il a lu. Mais peut-être est-ce une couverture ? Âme de policier, sors de corps ! … « Merci pour les soins, et le bandage. Je … Je devrais peut-être me rhabiller avant qu’un client nous surprenne et se pose des questions. » Il pourrait avoir des problèmes par sa faute.

Jamais il ne lui souhaite.

Haeil se sentait clairement vulnérable devant lui, son cœur chaviré comme sur une mer agitée, il ne savait que penser de tout se trouble qu’il ressentait, ce n’était pas la première fois et surement pas la dernière, mais dans ses prières il espérait chaque jour le voir passer la porte de cet endroit qu’il affectionnait davantage depuis qu’il pouvait l’y rencontrer. Cette faiblesse il la faisait passer à travers ses mots, un peu maladroit de surcroit, Haeil se sentait idiot. Pourquoi tant de fébrilité, d'innocence incalculée, il ne savait pas lui-même comment gérer l’état dans lequel il le mettait. La moindre occasion de lui parler, de s’en approcher, Haeil la saisissait, sa remarque sur les cicatrices était certes un peu déplacée, mais il n’était pas inquiet pour les traces qui resteraient sur son corps, seulement des blessures qu’il devait supporter. Cette complicité il l’appréciait plus qu’il ne pouvait l’exprimer, ce quelque chose qui les liés, semblant faible et pourtant si fort. « Je vois ça. » Il sourit faiblement, ce n’était pas tant pour plaisanter, juste qu’il pouvait le remarquer en laissant son regard le détailler, c’était surement gênant, mais il n’avait pu s’en empêcher.

Dans cet élan de courage il avait osé l’interroger, demander enfin ce prénom qu’il souhaiterait appeler, un échange d’identité, un lien évolué, il ne savait plus comment supprimer cette frustration lorsqu’il le voyait quitter les lieux sans lui parler… Aujourd’hui il prenait le dessus, une occasion sur laquelle il sautait sans hésiter pour pouvoir effacer cette distance qui semblait toujours s'imposer entre eux, d’inconnu à connaissance, il rêvait d’une évolution avec ce garçon dont il ne savait pour rien de plus que désormais son nom. Orpheo. Tandis qu’une esquisse se dessinait sur ses lèvres, il répéta ce prénom plusieurs fois sous silence. Il n’avait de cesse pourtant de s’occuper de la blessure du garçon, prenant son rôle à cœur pour apaiser sa douleur. Il sent qu’il réagit et se montre plus tendre dans ses gestes, alors que le garçon le surprend à l’appeler par son prénom. Ah ! Oui, quel idiot. « En effet, Byun Haeil. » Il avait presque oublié son badge.

« Il est rare de voir des clients à cette heure-ci. » Ce n’était pas un mensonge. « Enfin, je ne te dis pas de ne pas te rhabiller ! » Il s’enfonce un peu plus, se tapant la tête contre un mur mentalement… « Je ne faisais que t’aider… il n’y a pas vraiment de questions à se poser pas vrai ? » Il ne sait pas trop ce qu’il attendait de cette affirmation ou qu’importe ce que c’était, il se piéger lui-même dans ses pensées, effrayé de faire des faux pas et en même temps il avait l’impression de ne faire que ça. « Est-ce que tu avais besoin d’autre chose ? » Il ne voulait pas qu’il parte déjà, mais il comblait le vide pour éviter la gêne de s’emparer de lui, professionnalisme oblige il revint vers le service au client.