calm before storm feat. brian

Les yeux creusés par la fatigue, le pas qui se voulait pourtant rapide. Guidé par la sérénité d'une soirée promise aux souvenirs chaleureux – ou presque. Le travail se joue d'eux dans l'épuisement des rencontres moins régulières ; d'autres raisons cachées au milieu des excuses, sûrement. Si Yeon ne se doute en rien de ce qui se trame. De ce qu'il fait vivre au quotidien. Il n'est que de douceur et de volonté au bien-être des autres, sauf d'une peut-être. Son cœur se serre dans l'étouffement d'une imagination qui s'amuse de lui. Tout l'épuise, il a besoin de réconfort … Et ce sont les bras de Brian qu'il s'imagine, celui de personne d'autre, pas même Hea qui est la cause de ses tourments. Est-ce égoïste ? Qu'importe, il en a tant besoin, qui pourrait le lui reprocher ? Certainement pas lui – dans l'espérance d'un rejet impensable.

Il sonne, ouvert dans l'immédiat. Si Yeon connaît le code sur le bout des doigts mais jamais il ne s'est permis d'appuyer sur les touches sans permission. Crainte inconsciente sans doute, oui, de se retrouver devant une situation qu'il trouverait inconfortable … Pire, encore. Il n'en a pas les mots. « J'ai ramené des bières. J'ai besoin de boire. » dit-il en soupirant presque, tendant ses bras et son sac de course dans le vide. Il n'a pas besoin de s'expliquer plus longtemps pour faire comprendre à l'autre que le moral ne joue pas en sa faveur ; et rares causes en sont de conséquence, il le sait.

Combien de temps s'est-il écoulé avant d'en arriver là ? À en venir aux discussions qu'il ne pouvait lancer par téléphone, au coup de fil ou par message. Parce que tout n'avait été que de complexe. Dans l'avancée des difficultés, et déjà ses yeux se bordent des larmes qui ne coulent jamais. « J'ai fait une connerie. Plusieurs fois, d'ailleurs … » avoue-t-il. Ses yeux n'osent plus se relever vers son ami, trop honteux. Ou un autre de ces sentiments, qui pourtant ne devraient pas être de sortie. Ce sont ses émotions qui le perdent.

Plus qu'autre chose.

Est-ce qu’il l’avait sentie ? Lié d’une amitié plus profonde encore, où découle des émotions similaires, guide des gestes, des envies soudaines de retrouvailles ? Il ne sait pas. Toujours est-il qu’il se trouve être là où on espère silencieusement, à son tour surpris des mêmes préoccupations. Le boulot hante l’esprit autant que les sentiments ; mais nul ne sait la raison qui épuise l’autre de la sorte. Élan de curiosité.

Déjà son cœur s’apaise de ses bras. Le parfum qu’il reconnaîtrait entre mille s’éternise au bout du nez comme une odeur magicienne voilée de pureté. Si Yeon calme sa douleur de sa présence – l’amitié guérit les troubles, il le sait. « Tu m’as manqué. » Sa voix glisse les mots d’une légèreté sans égal, d’un naturel transparent qu’il apprécie.

Le temps se joue d’eux un peu plus à chaque nouvelle journée, les jours qu’on ne compte plus sans que les regards se croisent, les visages meurtris de fatigue. Il y a tant de fois où les jambes n’ont plus eu le courage de venir jusqu’ici. Les messages nombreux pour s’excuser d’un manque qui ne fait que grandir en eux … Et les retrouvailles plus belles à chaque fois.

Des paroles qui n’en finissent plus.
« Je suis un mauvais ami, je ne t’ai même pas demandé comment tu allais que déjà j’ai envie de te parler de moi. » Parfois égoïste au possible. Il s’épuise lui-même, mais n’en reste pas moins bon garçon, Brian le sait ; autrement l’amitié se serait arrêté avant de naître. Mais heureusement pour lui, rien n’est de tel – en cet instant, fort bien. « Comment vas-tu ? » demande-t-il simplement. Ce ne sont que de brèves banalités, ils ont dépassé ce stade depuis longtemps, et pourtant la question n’en a pas moins d’intérêt à ses yeux : il veut savoir l’humeur qui embaume l’esprit de son ami.

Il y a la douceur des mots qui apaisent, la chaleur humaine des actes qui soignent. Une brise autour d’eux et les problèmes disparaissent légèrement – au moins le temps d’une soirée. À l’exception de ses fois où pour cause de chatouille sous le nez, les mots sortent et expriment le fond des pensées. D’un voile discret sur les épaules, les conseils mûrissent et les larmes et les rires s’amusent d’eux.

La fatigue s’imagine sur le visage de Si Yeon. Elle lui clame ô combien il devrait prendre soin de lui plus que les autres, et en ses mots l’égoïsme le nargue ; mauvais garçon, le pire des amis. Il se sait ainsi, se berce d’illusions que l’autre ne ressent en rien – et pourtant … Ses jambes guident son corps las en direction du canapé. « Pourquoi est-ce que ça ne m’étonne pas de lui ? Nos pères sont de véritables connards. Des pourritures de la société. » Pas étonnant qu’ils s’entendent bien depuis toujours. Gamins paumés dans un monde constamment en guerre ; le jeu du paraître, beauté éphémère qui s’écrouleraient d’un souffle, un battement de cils. Si Yeon se bat encore et encore, autant que Brian s’épuise à ne rien d’autre qu’obéir, mais qui peut leur en vouloir ? L’avenir entre leurs mains, personne ne peut juger les convictions de chacun. « Tu dois le rendre pour demain matin ? Comment tu vas t’en sortir ? Je peux peut-être aider, tu seras débarrassé. » Ou repasser un autre jour – en ayant en tête l’idée véritable qu’un autre dossier s’immiscera entre eux. Si Yeon n’y connaît que peu de choses en informatique, et il se sent un peu plus idiot d’être passé à l’improviste ; égoïste au possible.

Ses doigts s’empressent d’ouvrir une canette de bière qu’il tend au garçon. En ouvre une autre, la gorgée fraîche entre les lèvres. « J’ai couché avec un homme. » Qu’il balance de but en blanc. « Trois fois. » Mais il est persuadé que Brian ne jugera pas ses actes. Persuadé au fond qu’il n’est en rien homophobe, jamais ils n’ont eu cette discussion. « Hea loves someone else. » Et il est malheureux.

Le cœur est lourd pour eux deux. Chacun le poids d’un fardeau à porter sur le dos – c'est dans les bras l’un de l’autre que l’oppression semble s’alléger de quelques grammes. Généreux au possible, ils ne sont que gentillesse qui épuise petit à petit. Et si le corps suit les actes, le reste s’effrite au passage. La bonté n’est que le diable au milieu d’eux ; fracas d’un monde qu’ils s’éternisent à aimer tandis que la détestation ne fait que grandir sous la colère d’un organe empli de haine. L’image des paternels dans les yeux, et ce sont les poings qui se referment. L’histoire qu’il en raconte n’accroît qu’un peu plus les idées construites. La rancœur pour eux est semblable à la piqûre de la vipère.

La plaie est incurable.
« Je le sais, mais je sais aussi que ça ne nous offre que peu de temps ensemble. » Ce n’est là que la triste vérité, la nuit déjà tombée, Si Yeon n’a que conscience du temps qui s’écoule – autant que celui qu’il perd. Qu’ont-ils fait en ce monde ? La joie des retrouvailles si tôt dissipée en douloureux au-revoir. Il s’en veut presque d’être venue à l’improviste, le travail de l’autre immobilisé à la sonnerie qui retentit. Et ils ne peuvent résister l’un à l’autre. Qu’importe s’il veut partir, tout perdure.

La révélation sonne douloureuse aux yeux de son ami. Peut-être surpris par ses mots mêlés aux actes qu’ils implorent. Est-ce si imprévisible ? Ou est-ce parce que c’est lui ? Pourtant loin d’être une blague, il n’y a aucun sourire sur le visage de Si Yeon. Seul le sérieux est reflet de ses émotions sur le visage. « Ai-je l’air de plaisanter d’après toi ? » demande-t-il avec lucidité. Il ne comprend pas vraiment la réaction du garçon … Pas la sienne, en tout cas. Celle de n’importe qui, peut-être, mais pas celle qu’il obtient de lui. Et il y a comme une cage dans la poitrine. Y a-t-il réellement quelque chose à expliquer ? Il l’a fait, c’est tout. C’est tout ! … Mais il se sent idiot. Son regard change.

« Elle aime la femme que je déteste le plus dans ce monde ! » Il se souvient encore de cette soirée où elle le lui a annoncé. Et de toutes ses journées passées en croisant le regard sournois de Yon ; derrière les sourires, la haine qu’elle porte pour lui, inversement. « Y a ce type que j’ai rencontré un soir, on est allé à l’hôtel mais ça ne s’est pas fait. J’en avais pas envie. » Qu’un tas de larmes sur les draps, et une de ces amitiés fortes qui se scelle dans les pires moments. « Pas sur le moment, mais plus tard. » D’autres fois encore. Qu’est-ce que ça change ? Il n’est pas amoureux. Hea est toute sa vie. Brian le sait, alors quoi ? Le juge-t-il pour avoir été attiré par un homme ? Il a toujours été libre d’aller où bon lui semble, il n’y a d’interdit que s’il s’en impose. Paumé dans la triste nostalgie de la vie.

Le regard s’assombrit, l’incompréhension prône silencieusement. La gorge sèche, ses doigts tremblent presque partant en quête d’attraper la canette délaissée. Liquide sournois à la commissure des lèvres, le diable entre en lui l’espèce de quelques secondes, les oreilles attentives des mots de son ami. Furieux ? En colère ? Si Yeon n’est que plus surpris à chaque nouvelle parole, à chaque action de l’autre. Comme une mouche qui fait mal une fois la piqûre réalisée, il se demande quand l’effet s’estompera – mais il ne le fait pas. Rien de plus qu’une tempête, l’avocat se mange le vent dans la gueule. Tourbillon d’émotions incontrôlables. Il aimerait comprendre l’impossible.

Et il se sent juger,