fantasy + reality (( rio

Visage difficile à déloger de l’esprit, sans qu’elle ne puisse réellement dire pourquoi, il ne lui a suffi que de quelques mots, de vulgaires banalités murmurées ici et là pour que l’attrait naisse. Ce n’est pas comme avec Nami, rien ne pourrait être aussi fort. Mais les traits de Rio lui paraissent si souvent que ça en devient agaçant. Misa se rassure, se répète les pensées qu’elle sait n’être rien de plus que des illusions – l’attrait est artistique seulement,  elle ne désire que peindre Rio, voir ses traits se colorer dans le blanc de ses toiles et préserver pour des décennies leur harmonie. Elle se refuse, Misa, à croire qu’il pourrait y avoir autre chose, que ses mains désirent dériver ailleurs que sur la peinture. Elle soupire. Pathétique. Le sentiment s’éprend d’elle, la cloue un peu plus au sol tandis que son regard divague sur son poignet meurtri, rouge et de plus en plus gonflé. Elle a mal. Elle a de la chance de toujours avoir le réflexe de tendre sa main gauche en premier à la moindre chute afin d’en réduire le choc – elle serait incapable de dessiner pendant des semaines si c’était la droite qui avait connu ce sort-là. Ça aurait été plus agaçant encore que les nombreuses réflexions qu’elle se fait envers Rio.

Le visage de la Japonaise ne tarde d’ailleurs pas à lui apparaitre dans la chambre d’hôpital où elle est assise depuis moins d’une quinzaine de minutes. Le docteur l’avait rassuré sur la faible gravité de son petit accident avant de lui demander d’attendre l’arrivée de l’infirmière qui continuera à s’occuper d’elle. Et au fond, elle a prié pour que ce soit Rio, tout autant qu’elle n’a espéré que ce ne soit pas elle. « Bonjour. » Elle sourit, un peu coupable en montrant son poignet, mais toujours cette satisfaction de laisser rouler sa langue natale sur le bout de sa langue. Elle ne s’habitue pas au coréen et elle est heureuse de pouvoir parler simplement avec la belle brune.

la journée semble interminable. à croire que toute la misère humaine a décidé de se manifester aujourd’hui. rio n’arrête pas de courir depuis tôt ce matin. en plus du fatigue, son moral n’est pas au beau fix. impossible alors que les mauvaises nouvelles semblent s’enchaîner. des blessures bénignes en apparence  qui cachent de vilaines infections. de sombres maladies diagnostiquées. des familles qui pleurent. et le cœur de rio qui se serre à chaque mauvaises nouvelles. avec toujours la même question. est-ce qu’elle a bien fait ? peut-être qu’elle n’est pas faite pour se métier. qu’elle est trop fragile pour supporter la vie en hôpital. que l’odeur de désinfectant lui rappelle sournoisement le parfum qui venait s’accrocher au col de ses chemises. et la fatigue laisse trop facilement entrer le doute en elle.

rio soupire malgré elle lorsqu’on l’appelle. elle a envie de pleurer. que cette journée se termine enfin. supplie silencieusement pour que ce ne soit qu’une broutille. un bandage. quelque chose qui lui ferait perdre du temps. qu’elle puisse se cacher au calme. juste le temps de se reposer un peu. un simple poignet foulé, lui dit le médecin en lui donnant le dossier. son cœur rate un battement. et elle s’en veut. culpabilise à l’instant même où elle lie le prénom de misa. espérant de tout son cœur que ce n’est pas celle qu’elle connait. qu’il s’agit d’une autre ito misa car après tout elles ne sont pas les seules japonaises à vivre à séoul. oui ce doit être ça. elle n’a pas souhaité indirectement de mal à une amie. elle n’est pas si horrible.

elle pousse doucement la porte de la salle de consultation. un nouveau pincement à la poitrine. c’est bien elle. la jolie peintre l’attend. « bonjour. » elle la salut avec un sourire coupable. comme si ses pensées égoïstes avaient causé l’accident de misa. c’est idiot mais rio n’arrive pas à penser autrement. « on m’a dit que tu étais tombée. tu vas bien ? » l’inquiétude se reflète instantanément sur le visage de rio. peut-être parce que s’est misa, elle n’ose pas toucher son poignet meurtri.  

Les longs couloirs de l’hôpital l’obligent malgré elle à faire dériver ses pensées vers la belle japonaise qu’elle a rencontré dernièrement, elle n’arrive pas à en stopper les flots, bien plus en sachant qu’elle était quelque part ici, dans l’une des chambres certainement au chevet d’un patient. Misa soupire, chasse les pensées du mieux qu’elle puisse, sans succès. Elle superpose les traits de Nami à ceux de Rio, tente de reprendre son bon sens, mais cela ne la fait se sentir que plus honteuse et méprisable. Elle observe le médecin la quitter avant de reposer son regard sur son poignet foulé, le moindre mouvement lui force une grimace sur ses lèvres boudeuses. Il l’avait rassuré qu’elle ne ressentira plus la moindre douleur à la fin du mois, son poignet retrouvera toutes ses forces, mais un mois à supporter ça lui semble bien long. Elle n’est pas du genre à pouvoir rester en place sans rien faire très longtemps.

La porte s’ouvre et c’est comme si tous les clichés de l’univers s’enchainent face à elle pour l’enfoncer davantage. Rio se présente en face d’elle, le même visage poupon et les lèvres pulpeuses qui lui font détourner le regard à mesure qu’elles se meuvent pour prononcer une réponse à son bonjour. Un sourire vient éclairer le visage de la plus jeune alors que Rio se rapproche doucement d’elle. « Je sais pas trop comment s’est arrivé, je me suis juste retrouvé par terre et mon poignet a amorti le choc. Ça fait pas mal si je ne le bouge pas. » explique-t-elle doucement, elle relève les yeux vers la jeune femme, un léger rire contre les lèvres. « Ne t’en fais pas, je vais bien. » Elle ne cesse de penser que Rio est bien trop gentille, bien trop bonne, pour être son amie. Misa n’avait pas une âme comme la sienne. Elle tend finalement le bras vers elle, faisant attention à ne pas bouger son poignet pour autant. « Tu m’aides ? »

elle se mord la lève inférieure. ose à peine regarder misa, seulement des regards en dessous. fuyant et terriblement coupable. malgré une inquiétude à mesure que ses yeux se posent sur le poignet meurtri de son amie. et elle ne peut s’empêcher de bouger discrètement le sien. regrette presque qu’aucune douleur ne vienne brûler son articulation. ses poignets à elle ont bien moins d’importance que ceux de misa. rio pourrait facilement survivre quelques jours à l’hôpital avec une blessure comme celle-là. et si sur elle la jeune femme se dit que c’est bénin, sur sa cadette cela sonne comme une tragédie dans son cœur. « tu devrais faire plus attention. » elle quitte sa contemplation douloureuse pour se pencher en profondeur sur le dossier médicale de la jolie japonaise. rio doit aussi faire son travail. elle n’a malheureusement pas le luxe de se complaire dans sa culpabilité naïve. et tout ce qu’elle peut faire pour réellement aider misa, c’est de faire ce qu’on lui demande. sois professionnelle pour une fois, rio. elle ne peut s’empêcher de se réprimander une seconde fois. « un poignet est fait pour bouger. » elle fronce les sourcils en relevant la tête vers misa. elle hoche la tête alors que la jeune femme lui tend son poignet. « il n’est pas beaucoup enflé, ça devrait vite guérir. » elle se force à enfin toucher misa pour procéder à l’examen. avec toute la délicatesse du monde elle palpe la peau rougie de la jeune femme. on lui reproche trop souvent de ne pas être incisive lorsqu’elle examine un patient. parce que rio n’ose pas trop toucher. trop occupée à vouloir faire le moindre mal possible. « une compression devrait suffire. » elle hoche de nouveau la tête comme pour se répondre. « je vais aller en chercher je reviens toute de suite.» et elle quitte la petite salle d’examen, le temps de trouver son bonheur dans un chariot dans le couloir.

Rio se présente face à elle, heureux ou perfide hasard qui se dresse pour l’éloigner davantage de Nami. Misa la scrute doucement, des œillades silencieuses et discrètes. Rio aussi belle que le premier jour, avec sa cascade de cheveux ébène et ses lèvres vermeilles, elle fait battre son cœur étrangement. Après Nami, elle en avait trouvé des filles jolies, c’était dans sa nature, mais aucune avant Rio ne lui a donné envie de tendre les mains vers elle. Nami avait toujours suffi, mais Nami est à des centaines de kilomètres d’elle, Rio est toute proche. Elle pourrait l’effleurer du bout des doigts, sans aucun mal. « Promis. » Elle sourit doucement, couvrant son ainée de son regard tandis que cette dernière lit son dossier médical. Misa ne s’y est même pas penché, l’argot médicale, encore plus en coréen, ne prendrait aucun sens à sa lecture. « J’espère. Heureusement, ce n’est pas ma main droite mais c’est embêtant quand même. » Elle s’aide parfois de sa main gauche pour ses dessins même si elle n’était pas la dominante, elle préférait en retrouver l’usage total le plus rapidement possible. Les doigts de Rio viennent délicatement se poser sur son poignet, la douleur est présente au moindre effleurement mais elle n’y pense pas sous cette douceur qui l’envahit. « Je me sens déjà mieux quand tu me touches. » ajoute-t-elle, aussi taquine que rieuse, elle lui lance un petit clin d’œil ; l’impression de poser ses marques, détailler ce qui serait possible et ce qu’il ne l’était pas. Nami toujours dans un coin de sa tête mais c’est Rio qu’elle a en face d’elle, c’est elle qui cause cette accélération à son organe vitale. « Je t’attends. » souffle-t-elle simplement, traînant son regard sur la silhouette de la japonaise jusqu’à ce qu’elle quitte la salle. Misa lève les yeux un instant, fixe distraitement le plafond. La même question en boucle, que fait-elle ?