somebody else (m&n)

attention particulière portée aux produits, les yeux de nami qui suivent scrupuleusement la liste. elle achète soigneusement tout ce qui est écrit sur le bout de papier. après-midi libre, misa qui ne reviendra que le soir. nami sourit rien qu'en pensant à elle, au sourire qu'elle portera lorsqu'elle verra la surprise. elle pense aussi au baiser qu'elle posera sur ses lèvres, à toutes ces choses futiles. misa, reine - plus forte que l'as dans son jeu. nami n'a jamais été une cuisinière hors pair, ni même particulièrement intéressée par les arts culinaires. pourtant, elle se prend à suivre les recettes choisies. plats traditionnels, de ceux que sa propre mère ne lui avait pas appris à faire. les préférés de misa, les siens aussi ce soir. elle a tout prévu de a à z. le temps défile rapidement, nami abandonne les fourneaux pour la salle de bain. temps qu'elle consacre à elle-même, que ce soit du maquillage à la tenue. elle a tout assorti, tout porté avec fierté. robe noire décolletée, fente qui laisse apercevoir la peau de ses jambes sans trop en montrer. ses lèvres sont rouges mais d'un rouge qui s'accorde à ses yeux noirs. ses doigts se glacent en touchant la bouteille de champagne qu'elle vient poser dans le seau. elle sourit en voyant la table. les bougies sont allumées, les assiettes installées. pétales de fleurs éparpillés, son sourire s'agrandit à leur vue. ses yeux dérivent sur l'horloge. misa ne devrait pas tarder. l'attente commence. dix minutes qui s'écoulent, le doute l'envahit mais l'espoir subsiste. et puis vingt autres minutes passent. trente, quarante. puis une heure, puis deux heures. puis bientôt trois. les bougies ne sont brûlantes. elles sont aussi froides que les plats préparés avec soin. le rouge à lèvres s'est éparpillé sur le bord du verre de vin blanc, aussi sur la cigarette que nami s'est offerte en lot de consolation. assise pitoyablement sur leur canapé, ses pieds peu confortables dans les talons qu'elle n'a pas enlevés. leur chatte vient à sa rencontre, miaulements qui lui réchauffent le cœur mais n'en effacent pas la rancœur. ses yeux fixent l'horloge, en vain. la bouteille de vin arrive à sa fin. nami veut un autre verre, un pour oublier ce désastre. un pour oublier qu'elle sait, que tout ne fait que se concrétiser. elle croit halluciner lorsqu'elle entend le code de la porte. la pendule sonne trois heures, son regard sonne une dispute alors qu'elle se lève pour aller à la rencontre de misa. « un imprévu je suppose ? » elle porte une nouvelle fois son verre à ses lèvres. elle n'est pas saoule, juste touchée dans sa fierté. atteinte dans son amour propre et dans ses sentiments infaillibles; du moins ils l'avaient toujours été.

L’eau brûlante glisse sur l’opale de sa peau, l’espoir de voir toute évidence de sa tromperie s’écouler jusqu’à ses pieds de la même manière. Misa ose un regard vers le miroir à sa droite, elle est incapable de soutenir son reflet dans la glace, et elle laisse plutôt ses yeux dériver sur son corps, à la recherche de la moindre marque que Nami ne lui aurait pas fait. Comment aurait-elle pu de toute façon, Misa ne sait plus de quand date leur dernière fois. Elle soupire, à la fois soulagée et honteuse, de voir son épiderme dénué de la moindre tâche. Il se faisait tard et elle avait promis de rentrer en début de soirée quand elle avait quitté leur petite maison au réveil. Tout s’était déroulé normalement, des heures passées à dessiner au parc puis elle avait rencontré quelques clients qui lui avaient demandé des portraits, de simples commandes postées sur internet. C’était dans l’appartement de l’un d’eux qu’elle avait fini justement – une cliente. Des regards lourds tout le long de l’après-midi, quelques paroles suggestives alors qu’elle traçait les courbes de la femme sur sa toile. Puis elle avait fauté. Elle n’a pas su dire non quand l’autre s’est approché et lui a ôté le pinceau des mains pour le remplacer par sa hanche. Prise ferme. Misa s’est laissée aller. Elle n’a pas réellement ressenti de plaisir, tout au long de l’échange. Quelques soupirs et le regret qui vient la dévorer toute entière. Elle se dégoûte. Elle quitte la salle de bain après s’être séché les cheveux et habillé. Elle comptait partir silencieusement mais la propriétaire des lieux se réveille, elle demande si elle ne compte pas rester pour la nuit et Misa hoche négativement de la tête. Elle n’arrive pas à la repousser quand la femme vient glisser un baiser d’adieu sur ses lèvres et une dernière étreinte – trop lente. Elle espère que son parfum ne restera pas sur elle, l’effluve différente du gel douche qu’elle a utilisé risque bien assez d’attiser la suspicion de sa petite-amie.
Elle entre le code de la porte, maudit le bruit claire que l’appareil émet à chaque tapotement. Elle ne s’attend pas à voir Nami encoure débout, pourtant elle est bien là. Magnifique dans sa robe noire et les lèvres poudrées d’un résidu de rouge. Nami sur ses hauts talons la dépasse plus que d’habitude et elle se retrouve à lever la tête pour croiser son regard vitreux et las. « Tu as bu ? » Elle esquive la question, pas besoin de réponse quand Nami trempe ses lèvres dans le verre à sa main. « Nami. » Deux syllabes tremblantes. Elle s’enfonce davantage dans le sentiment de honte en réalisant que Nami s’est fait belle pour elle et a préparé le dîner. Et elle, que faisait-elle à ce moment, à part enlaidir un peu plus leur amour ? Elle malmène nerveusement sa lippe. « Je suis fatiguée. » Sa voix trop faible – coupable. Elle se déchausse au pied de la porte (ça ne la fait se sentir que plus petite) et marche lentement, effleurant l’épaule de sa belle.

Ses pieds lui font mal mais cette douleur n'est rien comparé à celle dans son coeur. Organe malmené par les multiples scénarios qui se sont dessinés au fil des heures. Au début, c'est innocent. C'est Nami qui se dit que Misa a dû avoir un problème. Oui, un simple problème. Et puis les heures passent, défilent lentement - le temps n'étant que torture. Il faut se rendre à l'évidence, reconnaître que l'on a été oublié. Nami ne pouvait s'empêcher de se demander avec qui Misa était. La nature de ses activités ne lui semblait pas difficile à deviner. Des semaines qu'elle ne l'a pas touchée, peut-être même désirée. Ego qui en prend un coup, les sentiments qui semblent stupides dans ces moments-là. Nami qui envie presque Misa d'avoir si peu de scrupules. Elle, elle se berce d'illusions. Croit encore leur amour infaillible avant de revenir à la lucidité. Le bruit de la porte ne fait que confirmer que Misa a brisé leur promesse. Il cristallise aussi ce que Nami sait mais peine à admettre. Perchée sur ses hauts talons, sa fierté couche avec le sol. Son rouge à lèvres fait corps à corps avec le bord du verre et elle ne peut s'empêcher de fixer Misa. De la regarder, de lui poser une question inutile. Misa lève la tête pour la regarder en retour et Nami ne sourit pas. Nami ne se précipite pas pour la serrer dans ses bras non plus. ça fait trop mal. Un peu plus quand Misa ne répond même pas à sa question. Mille gestes parlent plus. Nouvelle gorgée que Nami s'offre et Misa lui paraît plus qu'insensible ce soir. « et toi alors ? tu avais l'air bien occupée ce soir. » Elle voudrait lui demander ce qu'elle a fait, si elle a bu mais surtout si elle a touché d'autres corps. Si elle l'a trompée alors qu'elle l'attendait chez elles. Pour la première fois, Nami déteste son prénom entre les lèvres de Misa. Cela sonne comme un énième caprice auquel elle ne peut pas céder. Je suis fatiguée. Nami sourit amèrement, repose son verre sur la commode alors que Misa se déchausse. Elle la regarde passer à côté d'elle, Misa qui lui effleure l'épaule. Mais cette fois-ci Nami ne peut pas rester immobile. Sa main vient attraper le poignet de Misa, assez fort pour lui faire tourner la tête. Pour qu'elle la regarde, pour qu'elle ose lui faire face. Elles ne sont pas des étrangères. « Moi aussi je suis fatiguée, Misa. » Quelques secondes de silence, tous les mots qu'elle n'avait cessé de fuir depuis tout ce temps étaient prêts à sortir. « Fatiguée que tu me mentes sans arrêt. » Elle appuie sur les syllabes. Et ses yeux ne transpirent pas les habituels sentiments; il y a cette colère, cette frustration qui s'illustre en eux. « Tu crois que je ne sais pas ce que tu fais ? » Ses doigts relâchent le poignet de Misa pour soulever quelques mèches de ses cheveux. Nami vient les humer. Elle dérive aussi dans le cou de Misa. D'ordinaire, elle y déposerait un baiser mais l'envie n'y est pas. Elle sent un autre parfum, encore différent des autres fois. Elle se recule finalement, reprend ses distances après avoir confirmé la réalité de ses craintes et de la situation. Son regard croise à nouveau celui de Misa. Elle n'a pas envie de fermer les yeux.

Misa aurait préféré être accueilli par le beau visage endormi de Nami, espérant bercer ses nombreux remords entre ses bras, oublier le dégoût qu’elle ressent envers sa propre personne en insufflant le parfum sucré de sa petite-amie, se dire que le lendemain tout serait derrière elle et que ses sentiments reviendront avec la même ardeur du début. Revenir à cet avant, quand ses yeux de lycéenne ne savait se poser que sur la silhouette de Nami, quand son cœur s’affolait à la moindre syllabes échangée avec son ainée. Elle s’est souvent demandé quand est-ce que tout s’est ainsi essoufflé entre elles. Nami n’avait pas changé au cours des années, toujours si douce et concilliante à son égard, aimante sans limites. Seulement plus belle encore que les premiers jours, les courbes plus enchanteresses. Alors comment Nami avait fini par ne plus être sa priorité, tout en demeurant la personne la plus importante de son existence. Parce que malgré tout, Misa ne se voyait pas donner fin à leur relation, la pensée même d’une rupture l’horripilait. Elle détesterait imaginer Nami avec une autre personne, que son cœur ne batte plus pour elle seule. Egoïste, elle la forçait à s’accrocher encore. Ce soir encore, elle ne sait quel mensonge devrait quitter ses lèvres pour apaiser les doutes de Nami. La beauté de Nami la perturbe, cette nuit égale à toutes les autres, seule chose immuable dans ses sentiments. Elle restera sa muse, ses doigts tremblants à l’envie de tracer la tristesse qui habille ses traits sur ses grandes toiles blanches. « J’aurais dû prévenir, désolée. » Boudeuse, elle n’est pas habituée à ce que la plus vieille lui tienne tête, Nami n’a jamais fait que céder à ses caprices. Misa s’est toujours gorgée de ce pouvoir qu’elle semblait avoir sur sa belle, mais elle le sent lui filer d’entre les doigts, est-ce que ça durera encore ? Elle tente de la devancer mais elle est rattrapée, la prise sur son poignet assez ferme pour la forcer à s’arrêter et se tourner. Misa garde farouchement les yeux fixés sur le parquet, comme une gamine prise en flagrant délit, incapable de soutenir ceux de la brune. Elle écoute mais ne répond pas, elle serait irrespectueuse d’ouvrir la bouche pour en extraire une série de mensonge. Nami méritait mieux mais Misa se refusait à le lui offrir, elle était à elle ; sa femme. Misa sent son regard lourd et un mélange de colère et de frustration dans sa voix. Elle garde toujours le silence malgré les attaques, frisonne quand Nami s’approche un peu plus, si proche pour humer un parfum qui lui sera étranger. « Arrête. » Sa main remonte pour attraper à son tour le poignet de Nami, ce n’est ni violent ni brusque, seulement désespéré. « Tu ne sais pas ce que tu dis. Allons dormir, il est tard. S’il te plait. » Ça ne peut pas continuer comme ça.

Nami ose les sous-entendus qu'elle aurait tus il y a quelques mois. Elle questionne, plus ou moins implicitement Misa sur ses activités. Elle n'obtient bien sûr pas de réponse, à part une simple excuse qui semble si faible. Si fausse. Misa ne devait pas penser que Nami poserait la question, pas à ce stade de leur relation mais ce cercle vicieux ne peut pas continuer indéfiniment. Elle attrape son poignet, la retient contre son gré. Sa voix n'a jamais sonné si froide, si emplie de colère. Misa ne soutient pas son regard, elle ne fait que baisser les yeux. Nami voudrait pourtant les croiser, pour savoir à quel point elle a raison. La jeune femme reste silencieuse, ne fait qu'écouter les mots de Nami. Elle ne peut que la sentir venir humer les mèches, l'odeur étrangère. Pas la sienne, pas celle de Misa. L'autre ne revient à la vie que pour lui demander d'arrêter mais Nami n'a pas envie, plus envie de le faire. Rien ne semble l'empêcher de dévoiler au grand jour ce qu'elles savent déjà. Tout a changé. La main de Misa attrape son poignet, supplication qu'elle n'a pas envie d'entendre. Nami croit rêver aux mots de la cadette. « Non Misa. » Elle se défait de sa prise comme elle le peut. C'est la première fois depuis longtemps que le prénom de sa petite-amie et le mot non s'associent. Nami a toujours cédé, Nami a toujours tout donné mais ce soir, elle ne peut plus. « Comment tu voudrais que je dorme alors que tu me trompes ? » Comment peut-elle fermer les yeux alors que Misa a encore confirmé ses écarts. Ce n'est pas la première fois, ni la dernière. Nami est certaine que si elle laissait encore passer cette fois, ce triste manège continuerait. Sa voix trahit sa tristesse, cela malgré la colère. Ses yeux cherchent ceux de Misa. Nami n'a pas envie de détourner le regard. Ce n'est pas elle qui devrait avoir honte; pourtant ce sentiment vient étrangement la hanter. « Je préfère que tu dormes sur le canapé. » Elle n'a pas envie de la voir. Elle veut s'écrouler seule, avoir mal sans la regarder. Sans penser à elle; sans qu'elle salisse leurs draps de sa simple présence. « On ne peut pas continuer comme ça. » Elle se repose contre le mur. Ses yeux balayent la pièce, ce moment est enfin venu. Pointe de désespoir; elle aurait voulu qu'elles soient éternelles mais la fin leur pend au nez. Elle ne sait même pas si elle veut que Misa lui dise qu'elle a tort. Un énième mensonge serait pire que ce qu'il se passe. Il lui prouverait encore plus que Misa n'est plus la même. Elles doivent prendre la décision qui s'impose; cette situation semblant catastrophique et impossible à résoudre autrement. Pourtant, son coeur se serre dans sa poitrine.

Soutenir le regard de Nami devient inconcevable, il lui rappelle sa culpabilité et la force à un peu plus s’y plier. Nami n’a été rien d’autre que de l’amour, de la tendresse et du soutien. Depuis plus jeunes, elle a courbé l’échine face à elle et ses caprices, au simple nom de leur amour, qui excusait les moindres dérives. Elle avait tout laissé au Japon pour la rejoindre ici, simplement sous le coup de tête de Misa qui s’était envolée la première en direction de Séoul. Elle avait toujours été là et Misa était incapable de lui rendre le centième, incapable de seulement manifester la reconnaissance face à tout ce que Nami lui offrait. Et elle restait là, les pieds fixés au sol – les yeux aussi. Les lèvres mutines, hésitantes quant aux mensonges qu’elle finira par balbutier une énième fois. Elle est fatiguée aussi, bien que ce soit différemment de Nami. Elle s’épuise à contempler la laideur de son âme, elle lui fait du mal mais n’arrive pas à agir autrement. Elle s’enfonce un peu plus dans ses tromperies pour oublier ses actes, jusqu’à devenir prisonnière de ce cercle vicieux. Elle n’a pas envie d’avoir une réelle conversation avec son ainée, elle ne peut qu’imaginer les conséquences que cela pourrait avoir sur elles, sur leur couple. Misa ne peut pas accepter que la distance se crée. Elle est déjà là, du moins physique, comment pouvait-elle la toucher ? Misa refusait de souiller sa peau de la sienne, qu’importe à quel point elle lui manquait. Elle doit fuir l’imminente altercation. Vite.

Non Misa.

Deux mots qui la figent sur place, encore plus le ton de la voix qui les utilise. Froide, dure, colérique. Nami n’a jamais été ainsi avec elle. Misa a conscience que Nami n’est pas que douceur, elle l’a déjà vu en société, une femme fort et indépendante. Et au fond, la plus jeune avait toujours senti un triomphe certain à la voir toujours plier face à elle, la faisant passer en premier sans la moindre exception. Elle ne pensait pas qu’un jour Nami prendrait ce ton avec elle ; elle réalise qu’elle l’avait poussé à bout. La fuite sera impossible. « Tu sais pas ce que tu dis. » tente-elle encore, le poids des mots de Nami bien trop lourd, trop douloureux. Elle n’accepte pas la vérité, plus douloureuse entre les lèvres de sa belle. « Non, non, non…tu peux pas dire ça. » Elle comprend le sous-entendu et donnerait tout pour ne pas être rentrée ce soir, simplement pour retarder ce moment.

« Tu peux pas dire ça, tu n’en as pas le droit. Tu peux pas simplement le décider, tu n’as même pas de preuves. Juste parce que je suis rentrée tard ? Ça ne veut rien dire. » Des mensonges, encore et toujours, ils sont si faciles à diluer contre son palais. C’est effrayant l’aisance avec laquelle elle ment et s’injurie des propos de sa petite-amie, les yeux grands ouverts sous la déception et le désespoir. Nami est encore le mur et elle se rapproche d’elle, le visage levé bien haut pour capter son regard. A présent, la culpabilité n’existe plus, la peur d’être délaissée y fait ombre. Sa priorité devient de garder Nami à ses côtés et non de cacher le trouble que lui cause ses méfaits. « T’as pas le droit de dire ces mots-là, tu comprends, tu peux pas me laisser. Je deviens quoi sans toi ? » Elle hausse la voix. Jouer la carte de l’enfant perdu, de l’avenir impossible à percevoir sans elle à ses côtés. Et si elle y réfléchit totalement, ce n’est pas si faux. Nami fait partie de son quotidien, qu’importe si dernièrement elle fait presque plus office de trophée à ses bras. Ses mains remontent doucement pour encadrer le visage de la belle brune avant qu’un « Tu m’aimes non ? Tout peut s’arranger. » plus doucereux ne résonne.

Non. Elle l'avait dit. Elle l'avait finalement laissé sortir; (la monstrueuse évidence). Misa la trompe. Misa va voir ailleurs. De multiples façons de le dire mais toutes plus douloureuses les unes que les autres. Nami est en colère, frustrée car elle ne comprend pas. Comment Misa a pu leur faire ça, à elle et elles deux. Elles étaient heureuses, pas vrai ? Nami a toujours tout accepté. Elle a tout fait pour combler Misa, pour voir un sourire sur ses pulpeuses, pour être digne d'avoir sa main dans la sienne. Erreur fatale. « Si Misa, je sais très bien ce que je dis. » Elle aimerait avoir tort, n'être qu'une menteuse mais l'évidence est là. Impossible de l'ignorer plus longtemps, de se taire. Elles ne peuvent pas continuer comme ça. Misa devrait le savoir, l'accepter aussi facilement qu'elle ment, qu'elle trompe. Qu'elle trahit. Nami aurait aimé qu'elle soit un peu honnête, qu'elle assume pour une fois. « Tous ces parfums étrangers, tous ces clients, tous ces soirs où tu ne rentrais pas. Tu pensais vraiment que je ne savais pas ? » Elle crie plus qu'elle ne parle. Sa voix résonne plus fort qu'elle ne l'a jamais fait. Nami se laisse emporter mais elle ne peut plus garder les choses sous contrôle. Pourquoi Misa continue t-elle de lui mentir, de les salir toutes les deux. Elle aimerait le savoir, le comprendre même. Elle voit sa douce les yeux grands ouverts, qui s'offusque de ses paroles mais elle devrait avoir honte. Misa se rapproche, ose le faire après leur échange. Elle lève la tête trop haut pour une traîtresse. Nami peine à croire ce qu'elle entend. Misa cherche son regard et elle voudrait l'ignorer pour toujours mais impossible. Elle est trop proche; elle et sa sale odeur inconnue narguent ses narines.

Si elle n'était pas en colère, Nami pleurerait. Nami crierait encore, Nami s'enfuirait. Mais elle ne peut pas, c'est trop tard pour reculer. Misa hausse la voix, tente de lui faire pitié mais rien n'y fait. « C'est cruel de me dire ça. » Nami la regarde droit dans les yeux. « Et moi alors ? T'as pas le droit de mentir, de baiser toutes ces filles et de revenir dans mes bras. » C'est comme un venin qu'elle crache, qu'elle libère. Ses yeux brillent mais elle retient les larmes. Nami est fière, elle l'a toujours été devant quiconque alors ce soir ne devrait pas faire exception. Misa ne mérite plus qu'on cède à ses caprices. Nami sent les mains si familières venir encadrer son visage. Elle ne sourit pas. Misa lui fait vivre un calvaire; ses mots lui sont pénibles. Elle voudrait lui crier d'arrêter mais ce serait vain. Misa n'est qu'une égoïste qui se révèle ce soir. « ça n'a pas d'importance. » Ses mains se posent sur celles de Misa. Nami les déloge abruptement. Elle ne veut plus sentir sa peau contre la sienne, pas maintenant. « Toi, tu ne m'aimes plus. » Sourire qui se brise, se fissure. Misa ne peut pas l'aimer et la tromper. Non, on ne fait pas de mal à ceux qu'on aime. La seule conclusion logique est qu'elle ne l'aime plus. « C'est trop tard pour tout arranger. T'aurais dû y penser avant. » Ton sévère. Elle voudrait la serrer fort contre elle, tout oublier mais elle en est incapable. La trahison résonne encore trop fort. « Let's break up. »

Non.

On peut pas continuer comme ça.

Non. Non, non, non. Elle refuse. Elle veut être ailleurs, qu’importe où mais pas ici, pas en face de Misa. Elles ne peuvent pas continuer comme ça ? Est-ce que c’était si facile à dire ? Effacer les années d’amour par quelques pauvres syllabes, oublier le premier amour comme s’il n’avait jamais existé ? Non. Misa ne l’accepte pas. Nami est la sienne. Elle ne peut appartenir à aucune autre, pas même à elle-même. Son cœur, son corps, même ses pensées ; ils ne sont faits que pour lui être destinés. Aucun droit d’exister en dehors d’elle, et, pourtant, c’est bien ce que Nami suggère. Misa sent son sternum se serrer, bourdonner d’agonie tout bas sous sa poitrine. L’air lui manque alors que les conséquences de ses dérives lui reviennent en pleine figure. Ce n’est pas la perte de son amour qui lui fait du mal, c’est la perte de Nami, de l’ascendant qu’elle avait toujours sur elle. Sublime poupée prêt à tout pour elle. Mais elle l’aime, peu importe de quelle manière, elle l’aime et Nami n’a aucun droit de l’abandonner. Leur histoire est éternelle, à l’image des murmures d’amour dont Nami lui a tant cajolé l’oreille. Des âmes-sœurs, transcendant le temps et l’espace. Elles ne peuvent pas rompre.

Nami crie.


Des années qu’elles se connaissent et Misa ne l’a jamais entendu crier. Elle ne penserait pas qu’elle serait le réceptacle de ce premier crie. Et elle sursauter sur la surprise, tout son frêle corps tremble sous la réalisation. Elle allait la perdre et elle ne pouvait que s’en bouffer les doigts. Tout avait des limites, même l’incommensurable dévotion de Nami. « Je n’ai baisé personne d’autre. » Et c’est minable à quel point ses mensonges semblent réels. Depuis quand arrive-t-elle à si bien mentir, les iris fixant ceux de sa petite-amie. Elle ne cille pas, fronce même les sourcils. Peut-être que si elle continue de cette façon, elle fera entendre raison à Nami et oublier sa culpabilité. « Non, non, ça a de l’importance. » qu’elle bredouille, paniquée, apeurée, les mains contre le visage de sa belle. Nami lui tient tête, imperturbable. Misa sait à quel point Nami est forte ; elle a toujours été son exception. La Japonaise ne s’est jamais laissé mener par aucun autre,  reine de toutes les danses, en dehors de la leur où elle cédait aux moindres caprices de la plus jeune. Là où l’amour l’a rendu faible, la déception lui a fait rouvrir les yeux. « I can fix it. I can fix us. »

Elle se sent comme une enfant qu’on réprimande. Comme une gamine pourrie à qui l’on enlève sa peluche préférée. Elle argumente mais ça ne marche pas. Elle doit trouver un autre moyen. Let’s break up.

Let’s break up. Nami n’en a pas le droit. Personne ne le lui a donné.

« Don’t, i’m begging you… » Ses pupilles brillent, les bordures de ses yeux s’humidifient et les sillons de larmes ne tardent à glisser le long de ses joues, intarissables. «  I’ll be good, I swear. » Elle s’approche de Nami et glisse ses deux paumes autour de la main de la jeune femme, la caressant tendrement. Nami avait toujours aimé ce geste. « Je sortirai plus jamais de la maison sans toi s’il le faut pour te le prouver. » Elle ne la laissera jamais partir.

Soirée de peine. Nami qui décide pour elles ce soir. La comédie ne peut plus durer. Elle ne veut plus de cette mascarade insupportable à l'odeur nauséabonde des parfums inconnus. Nami, elle veut que Misa disparaisse. Que Misa ne soit plus dans son champ de vision, la bouche remplie d'excuses et de mensonges. Elle ne peut plus le supporter. Tout d'elle la répugne, un peu plus ce soir que les autres. Nami, elle crie. Elle libère le poids trop lourd sur ses épaules, elle a besoin de respirer un air plus pur. Et Misa, elle continue à jouer le rôle de la parfaite. Nami voudrait encore la secouer, lui faire cracher ses erreurs plutôt que ça. Elle ose encore lui mentir face à face, elle ignore à quel point c'est pire que la vérité. « arrête de mentir. » Dialogue de sourds, Nami qui reste sur ses positions - quitte à se répéter des millions de fois. Elle la regarde dans les yeux, elle n'est pas en tort contrairement à Misa. Et l'autre persiste dans ce jeu malsain. Dit que ça a de l'importance alors que ce n'est pas vrai. Les sentiments de Nami n'importent pas lorsque Misa la trompe sans cesse. Qu'elle l'aime ou non, qu'est-ce que ça changerait. Nami n'a même pas envie de l'avouer, étouffée par sa fierté. « Plus maintenant puisque t'es qu'une menteuse. » Elle ne veut plus entendre sa voix, ni de sa panique. Encore moins avoir ses sales mains sur son visage. Qu'elle ne la touche plus, c'est tout ce que Nami espère.

Elle se rebelle, la repousse comme elle ne l'a jamais fait. Et la cadette résiste. Ment encore sans aucune gêne, Nami le sait. Elle la fusille du regard autant qu'elle arrive à le faire, sachant que son cœur peine à suivre le mouvement. « We can't be fixed, it's over. » Elle n'a pas envie de brûler de rage en repensant à toutes ces femmes et toutes ces aventures. Nami mérite mieux, certitude qui l'habite. Elle veut rompre et personne ne pourra lui faire changer d'avis. Même pas Misa et ses grands yeux de poupée. Don't, I'm begging you. Nami croit halluciner une nouvelle fois. Misa pleure et d'ordinaire cette vue la torture mais pas aujourd'hui. C'est différent.

« It's too late to beg. » Ses promesses ne valent rien, elles sont comme leurs années ensemble. Misa vient entourer sa main de ses paumes mais Nami ne ressent qu'un pincement au coeur, pas la frénésie habituelle. Elle se défait de sa prise une nouvelle fois, ne voulant que de la distance entre elles. Sourire amer sur ses lèvres, Nami qui ne supporte plus le faux désespoir dans la voix de Misa. « If you don't leave now, I will. » Elle se fiche de ses mots, des vaines promesses qui s'échappent des lèvres qu'elle a tant aimées autrefois.

« Get out. Now. » ajoute t-elle, ses yeux retrouvant ceux de Misa. Elle ne voit que sa trahison, ses larmes n'existent pas.

Misa contemple les conséquences de ses propres actes, tornade qu’elle se pensait assez maligne pour éviter éternellement. Elle avait sous-estimé Nami, pris son amour pour acquis, sa faiblesse envers elle illimitée. Peut-être qu’une partie d’elle pensait qu’elle éviterait jusqu’à la fin la sentence, il suffirait de larmes et d’excuses, de supplication sur son visage de poupée pour Nami cède encore et encore.

Elle lui avait toujours cédé, s’était effacée pour ses désirs égoïstes. Pour ce soir devrait être différent ? Nami avait quitté sa vie au Japon, son quotidien bien ficelé simplement pour la suivre.

Elle est avide, Misa, elle désire tout. Les yeux trop grands, le ventre davantage. Nami aurait dû lui suffire, jamais elle ne connaitra une meilleure personne, jamais on ne l’avait traité avec autant d’attention. Et si elle perdait tout, parce qu’elle était certaine que ce soir elle sortira perdante, elle souhaite ramasser les quelques miettes qui resteraient d’elles. Seulement, Nami dépoussière le tout. La froideur de sa voix est glaciale, elle lui mord les membres et le cœur ; elle n’en a pas l’habitude. Elle n’est plus qu’une menteuse pour son ainé, chacune des syllabes qu’elle lui accorde souffle sa trahison. « It’s not, it’s not, it’s not ! » répète-t-elle encore et encore, disque rayé qui refuse de se lasser changer, we are not over. Elle a toujours tout eu avec Nami, et ses larmes certainement son arme la plus fatale. Jusqu’à ce soir.

Nami lui résiste encore et à chaque seconde qui défile, Misa entend les craquements irréversibles de leur amour. Longues fissures qui continuent à avancer qu’importe ses tentatives. Le contact est rompu et les menaces fusent. « Alright. » souffle-t-elle finalement derrière les larmes. Elle baisse les yeux un instant, compte les secondes comme si elle laissait une dernière chance à Nami de changer d’avis et la garde. Rien. Elle pense à monter à leur chambre pour prendre quelques vêtements, hésite et s’en dissuade finalement. « I’m sorry. » trouve-t-elle encore la prétention d’articuler en tournant la poignée de la porte.