tears of my soul feat. huan and siyeon

L'orage, plus grand encore que la tempête qui avait frappé plus tôt dans la soirée. Grimace éphémère sur le visage du garçon, l'alcool qui voyageait dans son corps. Les pieds qui venaient faire basculer son corps en avant, puis en arrière. Il tanguait Si Yeon, dans les mirages du diable et les paroles de sa femme qui résonnait dans tout son être ; plus fort encore que le mal de crâne qui l'assommait. Le coup fatal. Comme la pluie qui s’amusait à tremper son âme, Si Yeon pleurait de l’intérieur mais jamais les larmes ne coulaient. Le plus terrible des supplices ; celui de mourir sous les désirs non accompli. Car ce n'était pas l'envie qui lui manquait, au brun. Au contraire, c'était plutôt l'envie qui ne le désirait pas ; l'eau qui ne voulait émaner seulement du ciel plutôt que de ses yeux. Le cœur qui se resserrait déjà, la gorge nouée. Alors il continuait à boire, un verre puis un autre. À se dire que le prochain était le dernier, qu'il finirait par rentrer en oubliant jusqu'au lendemain. Mais à chaque fois … À chaque fois c'était toujours pire. Un verre, puis un autre. Et soudainement l'éclair – peut-être même forgé comme dans le paysage, au loin. Le visage d'un garçon en tête, l'espoir de l'oubli. La mémoire effacé, joué d'autres souvenirs plus fort encore, plus intense. C'était de ce simple et unique coup de tonnerre  qu'il avait fini ainsi, devant la porte de l'homme qui lui avait volé bien des choses et qui lui en volerait d'autres encore. « Hyung ! Hyung … » avait-il finit par lâcher nonchalamment, le doigt en appuie continu sur la sonnette tandis qu'il frappait la porte de l'autre main. Avachi sur la plaque de bois en gueulant comme un putois … Il était loin d'être beau à voir dans cet état-là.

Douleur,
Ô douleur.

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Ses doigts glissent contre la glace, regard amusé par l’orage qui gronde dehors, il perçoit parfois quelques éclairs. Il est bien content de ne pas être de service ce soir, imaginant péniblement le calvaire que cela aurait été de se déplacer jusqu’à l’hôpital en un temps pareil, s’occuper de stupides patients pendant toute la nuit et ne revenir qu’au petit matin, les yeux bouffis par la fatigue. Huan déteste l’hiver, la saison est longue et glaciale à Séoul, ce sont ce genre de détails qui lui font regretter parfois d’être revenu s’installer pour de bon dans son pays de naissance. Puis la vitre lui reflète son propre visage, des traits qui ne tardent pas à lui rappeler ceux de sa cadette et la raison de son retour ici. C’était pour elle. Pour la protéger et prendre soin d’elle. Il ne ressent aucun regret quant à cette décision, malgré la solitude qui s’éprend parfois de lui, quand Hua est occupé et qu’il est incertain de ce à quoi dépenser le peu de temps libre qu’il lui reste. Entre ses doigts danse l’éternel liquide ambré d’un whisky – son compagnon de la nuit. C’est son deuxième verre seulement, pas assez pour l’enivrer, simplement lui rendre le sourire plus facile. A lui rendre le sommeil plus aisé aussi, plus tard, quand le jeune homme se décidera à rejoindre les bras de Morphée. Derrière lui, un vieux vinyle hors-de-prix tourne quelques mélodies de Chopin. Il ose un regard vers son téléphone posé sur la table basse, résolument silencieux, il réprime l’envie de contacter sa sœur, il se fait déjà tard. Alors les claquements de porte qui résonnent ne peuvent que le faire sursauter, déversant quelques gouttes d’alcool sur ses doigts. Les sourcils froncés. Les coups se mêlaient aux bruits impatients de la sonnette jusqu’à former un orchestre assourdissants. Il se précipite jusqu’à la porte qu’il ouvre entièrement et la vision qui lui fait fasse est inattendue. « Siyeon ? » son prénom soufflé, des images de ces dernières semaines qui resurgissent. Mais il est loin le garçon séduisant et apprêté rencontré dans le cadre luxueux d’un restaurant en vogue. « Viens-là… » il lui tend le bras pour qu’il s’y accroche, les relents forts d’alcool ne tardent pas à s’aventurer jusqu’à ses narines. « Pourquoi est-ce que t’as autant bu ? Si encore tu tenais à l’alcool. » Il soupire, repose son verre et entraine Siyeon jusqu’au salon.

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Nuage d'alcool. Divinité avalée, le diable dans le corps. Ses doigts qui frappaient encore et encore, inlassablement jusqu'à s'épuiser complètement contre la porte. Il n'avait pas vraiment cherché à comprendre pourquoi Huan plutôt qu'un autre. Pourquoi il n'avait pas appelé son meilleur ami, ni pourquoi il n'était pas juste resté au bar jusqu'à ce qu'on le jette à la porte parce qu'il était tard. Non, il n'avait cherché Si Yeon. Le plus vieux lui avait semblé être une évidence à ce moment-là où ses jambes s'étaient mise à trembler pour voyager. Retrouver nez à nez contre la porte avec pour seule prière ; celle qu'on lui ouvre. Besoin de crier, besoin de tout jeter. Mais surtout besoin de tendresse, d'affection. Gorge nouée. Il retraçait chacun des mots de la femme dans les coins de sa tête. Et s'il pouvait perdre la mémoire, ce serait mentir que de dire qu'il ne le voulait pas un minimum.

C'était si dur.
Ça faisait si mal.

Là où il ne serait pas jugé de ses actions.
Sans doute en avait été sa raison. Il était là, finalement. Le regard perdu entre son visage et le bras qu'il tenait fermement pour ne pas sombrer. La douleur plus vive encore, car la réalité qui frappait son âme, son esprit, son corps qui chavirait. Et aucun mot ne sortait. Pas même un sourire sur le visage quand le brun lui avait lancé une réflexion, un soupire de désespoir. Tout lui rappelait Hea et ses paroles. Enclavé de son esprit, de ses pensées. Plus rien ne fonctionnait comme il l'avait souhaité. Pourtant, la berceuse en fond sonore apaisait son âme d'une colère et d'une détresse sans égard. Chopin … Le cœur plus tendre, déjà. « Je veux bien, pour la dernière fois. » Quelques mots évasifs articuler. Incompréhensifs au possible. « Fais-moi l'amour, Hyung. » L'alcool et ses ravages. « Je veux t'appartenir. » Ou oublier … Ses lèvres qui venaient à la rencontre des siennes. Mais il savait que ça ne marcherait pas. Il n'était pas comme ça Huan. Et c'était peut-être ce qui l'autorisait à faire ça en toute confiance, car lui pouvait l'arrêter.

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Les coups incessants, d’abord fort puis de plus en plus faibles, comme si la personne derrière la porte perd de sa force, Huan aurait hésité, si un pressentiment ne l’avait pas fait se précipiter jusqu’au couloir puis tendre la main jusqu’à la poignée. Et le table se dessine lentement devant ses yeux, Siyeon aux yeux bouffis et à la pâleur alarmante, ses vêtements mouillés n’aident en rien à redorer son image. Siyeon est presque méconnaissable, mais sa voix est toujours la même malgré les notes de désespoir qu’il en perçoit, un arrière-goût de colère aussi. Sa curiosité ne tarde pas à se démontrer, désireux de connaitre la raison d’un tel changement, parce que le Siyeon face à lui à tout perdu de sa superbe, il ressemble à un enfant paumé, si loin du garçon charmant et souriant de leur première rencontre. Ce genre de changement, Huan ne pouvait que s’en étonner, malgré lui. Mais avant que la moindre question ne s’épuise sur ses lèvres, il tend son bras en guise d’aide et d’appui, laisse ainsi Siyeon s’y reposer de tout son poids.

Leurs regards se croisent, se dérobent l’un à l’autre avant de se retrouver simplement, sans plus se quitter. Huan hausse un sourcil interrogatif face aux premières paroles décousue du jeune homme, avant qu’un pli confus ne vienne se dessiner sur le haut de son front. « Siyeon… » un soupir, tout autant qu’un remontrance, de celle qu’on offrirait à un enfant qui ne sait pas ce qu’il dit ou ce qu’il demande. Huan n’est pas aussi cruel.

« Arrête, tu sais pas ce que tu fais. » Il glisse ses doigts jusqu’aux lèvres du brun, mettant assez fin à la moindre nouvelle tentative de l’embrasser. « N’essaye plus rien de ce genre ou je te laisse dehors. » Une menace qu’il ne mettra jamais à exécution mais qu’il espérait suffisante pour dissuader Siyeon, il se demande depuis quand il commençait à autant faire attention à lui. Huan l’entraine vers l’intérieur et l’oblige à s’assoir sur le canapé. « Je vais ramener une serviette pour te sécher les cheveux et un pull. Reste-là d’accord ? Et touche pas à l’alcool. » Son regard glisse rapidement vers la bouteille de whisky encore ouverte, il fera vite de toute façon, Siyeon n’aura surement pas le temps de désobéir.

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Minable. Voué à l'échec. Et tant d'autres encore... Tas d'insultes nauséabondes qui s'incrustaient dans son esprit. L'âme condamnée à ressasser des paroles douces qui se voulaient pourtant d'une violence rare pour son cœur. Comme un tragique destin qu'il savait déjà vrai, mais qu'il n'avait jamais accepté. N'avait jamais fait en sorte qu'il en devienne une réalité, pure et dure. Aveuglé par un monde fait de faussetés. Monde qu'il s'était créé seul, à l'aide d'une simple barrière ; frontière détruite d'un battement de cils, d'une révélation si cruelle et pourtant si frêle. Car il le savait Si Yeon, elle n'avait jamais voulu lui faire de mal. Et c'était peut-être ce qui rendait la chose plus difficile à entendre.

Comment en était-il arrivé là ? Au point de frapper à la porte d'un homme qu'il n'avait que rarement rencontré. Là à une heure si tardive... Devenait-il fou ? Ou était-ce né d'un pressentiment qui l'enveloppait dans la poitrine ? Le reflet d'une bienveillance rare. En sécurité, peut-être. Âme en détresse qui attendait d'être aidée. Et c'était peut-être parce qu'ils ne se connaissaient que de formalité et d'une nuit de refus qu'il se sentait si bien avec lui, Si Yeon. Parce qu'il n'y avait pas de jugement - ou s'il y en avait un, ce n'était qu'avec trop peu d'attention qu'il y portait une quelconque importance. Huan avait cette douceur qui l'avait emmené jusqu'ici.

Bêtement souriant en contemplant les lèvres qu'il venait d'embrasser. Lèvres dont on lui refusaient l'accès. Si Yeon n'avait même plus le courage d'être embarrassé par ses propres actions. Sans doute trop inconscient de ce qu'il faisait à présent. Honteux du lendemain. Perdu et désemparé.

Alors il s'était installé nonchalamment sur le canapé de l'autre brun. Pieds posés sur la table, à ses aises ; odeur de l'alcool mélangé à l'humidité de ses vêtements. Pitoyable au plus haut point, Si Yeon. Mais qu'y pouvait-il ? Il ne pouvait plus revenir en arrière. Ne pouvait pas faire comme s'il n'avait rien entendu, comme s'il ne savait rien. Car la vérité l'avait frappé en plein cœur. Ce qu'il avait tant redouté était bel et bien arrivé ... Regard vide qui contemplait silencieusement la bouteille interdite. « Pourquoi est-ce que tu fais ça pour moi ? » Demande lointaine quand l'autre était partie depuis quelques minutes. C'était si difficile à entendre qu'au fond, il n'était pas seul.

Mais Hea représentait un monde pour lui.
Les larmes aux yeux. Plaintif intérieurement de ce monde qu'il voulait rejeter autant qu'il le rejetait. Pourtant conscient que Huan ne l'avait pas mis à la porte - bien que l'heure tardive, et malgré ses menaces. Si Yeon n'osait plus ouvrir la bouche de peur de le faire fuir comme Hea avait semblé le fuir - de son unique point de vue. Sans elle ... Se l'était-il imaginé une seule fois ? Désemparé et pauvre de présence. Il ne savait même plus comme agir en face d'elle. Ignoré ses dires et faire comme si tout allait bien ? Comme s'il n'avait plus peur de la perdre ? De voir Yon lui piqué celle qu'il avait toujours aimée depuis tant d'années ? Car la promesse de ce mariage heureux à deux, tout semblait plus fragile et instable à présent. Et cette idée, cette simple idée, il la détestait terriblement.

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Devant lui se tient la dernière personne qu’il pensait voir au pas de sa porte, si tard le soir alors que la pluie se faisait torrentiel dehors. Siyeon n’a pas besoin de parler pour qu’il comprenne que quelque chose de mal se soit passée. Huan scrute rapidement les contours de son visage. Un problème à l’école ? Non, Siyeon n’est surement le genre à se mettre dans cet état simplement pour ses études, il lui semble d’ailleurs brillant dans son domaine. Un chagrin d’amour ? Tout aussi improbable, Siyeon était marié et bien qu’il lui ait spécifié que sa relation avec sa femme demeurait assez libre, il n’avait pas l’air de s’en plaindre plus que ça. Un soupire silencieux s’extirpe d’entre ses lèvres, le jeune homme finira bien par lui confesser la raison de sa venue, il n’avait pas à se préoccuper de toutes ses pensées.

Ou peut-être que si. Il aurait dû poser les questions avant quand Siyeon le surprend brusquement, s’attaquant à ses lèvres. Un contact auquel Huan se dérobe de justesse. La cause n’était pas Siyeon, le plus vieux n’avait pas caché son attraction envers lui dès le premier soir où ils se sont rencontrés, elle est toujours présente, mais pas assez envahissante pour flouer son jugement. Siyeon est ivre, mal. Et si Huan comprend que se laisser ainsi aller pour être une solution à sa peine, il ne veut pas être le pansement sur une plaie béante. Plus que tout, Siyeon valait mieux que ça. Il n’allait pas profiter d’un instant où il était vulnérable. Alors il espérait que ses mots soient assez sévères pour dissuader le brun de tenter la moindre approche, avant de l’entrainer à l’intérieur de son appartement.

Il hâte le pas jusqu’à sa chambre pour y chercher un t-shirt et une grande serviette. « Parce que personne n’est là pour le faire ? » rétorque-t-il sur un ton nonchalant. « On est quasiment des inconnus et pourtant, c’est à ma porte que tu as frappé. Je ne vais pas te rejeter. » Huan n’est pas si mauvais, la pensée est presque ridicule. Alors qu’il y’avait toutes ces personnes auxquelles il avait fait du mal, ces patients qu’il avait poussé à bout par simple plaisir de les voir craquer. Geon qu’il traine plus bas que terre en prétendant simplement l’aider. C’est une once d’humanité qu’il retrouve aux côtés de Siyeon, offrant son aide sans rien demander en retour. Presque trop sincère.

« Tiens. » Il pose silencieusement la serviette sur les cheveux de Siyeon et dépose le t-shirt à ses côtés. Il a remarqué son regard fixé sur sa bouteille de whisky et lui tourne le dos pour l’enlever de la table baisser et le poser aux frais au côté de ses autres bouteilles. Une fois cela, ses pas le ramènent jusqu’à Siyeon, le jeune homme assis sur le canapé et lui debout face à lui. Sa main se glisse vers la joue du brun, lui fait lever le visage et se retrouve face à ses pupilles humides. « Tu vas pleurer ? » demande-t-il en soupirant, ça n’avait rien d’une situation habituelle. Huan est habitué aux crises et aux larmes de ses patients, mais c’est différent ce soir. Siyeon n’est pas son patient. Sa main descend jusqu’à sa nuque et y presque doucement, de façon à ce que le visage du jeune homme se retrouve pressé contre son ventre. « Tu peux pleurer. » La voix plus douce, réconfortante.

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Il se demandait maintenant, pourquoi ses pas l'avaient guidé jusqu'à lui plutôt que vers un autre. Ses pieds qui l'avaient machinalement emmené à la porte de l'appartement, juste après quelques verres – plus que suffisants. Si Yeon soupirait intérieurement, incapable de trouver une réponse. Sans doute trop saoul pour réellement en chercher une. Au fond, il n'avait pas envie de savoir, et c'était mieux si le doute persistait continuellement. Demain, il en oublierait les tourments de la veille, et tout serait terminé. Alors il souriait, bêtement. Cachant le fond de ses pensées, aussi sombres et nostalgiques pouvaient-elles l'être, semblables à l'orage et la tempête qui se préparait dehors. « Tu pourrais le faire, après tout personne ne se gêne pour le faire, sauf toi. » Il n'était plus certains de ce qu'il disait, mais il le disait. Le pensait, presque. Mais ne voulait pas y croire. Si Yeon n'avait pas envie d'y croire, il avait trop besoin d'ondes positives autour de lui. Sinon il sentait sa fin proche, parce qu'Hea représentait tout ce qu'il n'avait jamais eu. Une présence bienveillante qu'il chérissait plus que tout. Et il avait fui comme un lâche, toutes les responsabilités qu'il n'avait plus assumées, en une nuit seulement. Quelques mots et son monde avait cessé de vivre, écrasé dans la poitrine, incapable de savoir s'il revivrait un jour … Son instinct l'avait guidé ici, sans qu'il n'en sache la raison. Un destin étrange sans goût ni couleur, mais un espoir dans les yeux. Une bouée dans le naufrage.

Ses doigts frottaient doucement la serviette en de délicats massages contre sa chevelure. Il sentait ses bras devenir faibles de mouvement, l'alcool jouant sûrement un rôle. Minable, des sentiments et une attitude qu'il détestait. Si Yeon ne se reconnaissait plus, et s'en voulait presque d'interrompre la tranquillité de Huan. Il n'était même pas certain de pouvoir le qualifier d'ami, pourtant confiant d'une relation nouvelle entre eux. C'était un lien fragile qu'il mettait en jeu. « Je suis désolé... Je suis tellement désolé Huan, si tu savais... » Il avait suffi d'un regard complice pour qu'il laisse couler le flot de ses émotions. Un sentiment brutal dans la poitrine, d'une violence rare. « Je pense que je suis un mauvais mari... » avait-il dit entre deux sanglots. Des mots qu'il s'était répété plusieurs fois, et qui pourtant semblait faire plus mal une fois prononcés à haute voix. Il se détestait plus que jamais.

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Au fond, lui-même ne pourrait trouver la raison de cet étrange attachement. Il dépasse l’intérêt purement physiquement, s’il n’avait eu que ça pour Siyeon, son inquiétude n’aurait pas été aussi sincère. « Tu devrais profiter du fait que je sois là, plutôt que de parler des autres. » fait-il remarquer doucement, sans aucune animosité ou reproche. Huan a toujours été seul, il a choisi cette voie là parce qu’il ne veut pas s’encombrer de relations et des peines qu’elles engendreront nécessairement. Il n’a pas besoin pour autant de ressentir de l’empathie pour avoir parfaitement conscience de ce que Siyeon ressent en ce moment. Ce sont des années d’études et des milliers de pages apprises par cœur qui lui ont permis de comprendre le fonctionnement de l’homme. Il sait qu’il suffit d’un instant de chagrin pour se sentir seul au monde, mal aimé de tous et sans personne vers qui se diriger. Ce soir, cette mélancolie solitaire s’était emparée de Siyeon et c’est à sa porte qu’il est venu chercher de l’aide. Huan doute être la meilleure personne pour ça, mais pour une fois il veut réellement être à la hauteur.

« Ne dis pas ça, tu n’as pas être désolé…Tu ne me déranges pas, en vrai, je m’ennuyais seul. » Le rire léger quitte ses lèvres, un peu moins calculé qu’à son habitude, c’est presque instinctif. Il ôte la serviette de la tête de Siyeon, la trouvant bien assez humide, elle ne servait plus rien. Une confession s’échappe des lippes de son cadet, hachurée par quelques sanglots. « Pourquoi tu dis ça ? » Huan prend finalement place à ses côtés et sa paume vient recouvrir la main du jeune homme. « Je ne sais pas ce qui t’arrives mais je suis certain d’une chose, tu n’es pas un mauvais mari. » Il cherche son regard du sien tandis que ses doigts tracent quelques caresses sur son avant-bras. « Tu serais tombé dans mes bras dès le premier soir si tu l’étais. » ajoute-t-il plus taquin cette fois, désireux d’alléger l’atmosphère entre eux. Il finit par reposer le t-shirt et le bas de jogging qu’il avait ramené de sa chambre sur les genoux de l’avocat avant de se relever. « Je te laisse te changer, tu restes chez moi ce soir. » Ton qui n’accorde aucun lieu au refus. Il doute que Siyeon soit en état d’aller ailleurs, ni qu’il est où aller, puisqu’il s’est rendu à sa porte. Evidemment, l’hôtel restait une option et il en avait largement les moyens, mais là-bas, il n’aurait aucune épaule sur laquelle pleurer. « Je vais te préparer du thé, ça te réchauffera. »

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Aussi étrangement que cela puisse l’être, c’est aux côtés d’Huan que Si Yeon se sent apaisé, ce soir. La pluie rythme les perles qui tombent de ses joues, en mille sanglots de tristesse. Déjà la nostalgie s’installe, émanant alors l’image de sa belle à chaque battement de cils. Il a quitté la maison, prétextant un travail important à régler tandis que l’envie de boire sonnait. A-t-il déjà menti ainsi ? Seule la bonté des mensonges dictées lui a parfois échappé, protégeant alors la femme de quelques mésaventures, quelques sentiments désagréables dans la poitrine ; combien de sacrifice a-t-il fait. Aujourd’hui c’est le mélange de colère et de douleur qu’il a tentée de fuir en vain, rattrapé au passage par l’éclaboussure désagréable de l’intempérie contre ses joues.


Le cœur souffre. L’âme est plongée dans une peine continuelle. Si Yeon ne sait si les réparations sont plausibles ; tant d’années à aimer l’impossible, l’inatteignable. Elle n’est qu’une série d’illusions aujourd’hui détruites, déchirées. Comment pourra-t-il réagir l’air de rien demain, lorsqu’il croisera le visage innocent d’Hea ? A-t-elle seulement conscience du supplice qu’elle lui inflige en aimant ce qu’elle haï tant ? … Il n’est pas certain de lui en vouloir – il l’aime beaucoup trop pour ça. Les années laissent des traces, marque la peau. Les quelques fois où ses lèvres ont effleurées les siennes. Les larmes coulent à l’image de son mariage. De leur union. Aux rayons ensoleillés, il se souvient de chaque sourire qu’elle affichait. Il a imprimé ce jour comme une promesse enfantine accompli. Il l’aime.

« Un mauvais mari. Un mauvais ami, d’ailleurs. » soupire-t-il. « Est-ce égoïste d’épouser la seule femme que l’on n’a jamais cessé d’aimer ? Non, n’est-ce pas ? Mais ça l’est lorsqu’elle ne nous aime pas en retour, pas vrai ? Pas vrai ? … Je suis dingue d’elle, mais ça n’a jamais été réciproque. Pas comme ça. » Il sent la paume chaleureuse de la main de l’homme contre la sienne. Elle apaise doucement son corps tremblant, et les larmes coulent de plus belles à chaque nouveau mot. Il a mal, terriblement mal. « Je ne l’ai pas sauvé des reproches en l’épousant, je lui ai retiré sa liberté. » Ils se sont promis l’un à l’autre, et derrière les regards, discrètement, ce sont d’autres promesses nées encore. Seulement Si Yeon n’y croit plus, et c’est sa propre réaction qui le rend douteux ; lui, jouant de cette émancipation tandis qu’il espérait égoïstement que l’inverse n’existe pas … Tant il aimerait se frapper d’avoir de telles pensées. « Il faut que je rentre, je dois lui parler, et m’excuser pour tout ça… » Sa voix s’efface petit à petit, et le corps ne suit pas les paroles dictées. L’alcool rend son corps faible, et le regard qu’il a trouvé dans celui du plus vieux le calme un peu.

Alors ses doigts s’éternisent à trouver le sens du t-shirt gracieusement offert. Sa tête tourne légèrement, Si Yeon n’a pas l’habitude de boire autant – quelque égarement ravalé. « Merci. » dit-il. Il se change aussi vite qu’il le peut, et déjà le thé arrive.

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L’affection et l’inquiétude qu’il ressent toutes deux envers le plus jeune sont étrangement sincères. Il n’y avait aucun intérêt caché à l’avoir entrainé jusqu’à l’intérieur de son appartement sans poser plus de questions et encore moins le refuser. Pas un seul instant Huan n’avait réfléchi à cette éventualité. Il s’était senti le cœur se serrer sous la vision pitoyable de l’homme en larmes et sans l’expliquer, il désirait éponger ses larmes et chasser la douleur de son regard. Face à un autre, Huan n’aurait senti que de l’irritation à l’idée de voir l’un de ses rares soirs libres gâchés, alors qu’il aurait pu le passer tranquille à siroter son verre de whisky. Au contraire, il était heureux que Siyeon se soit montré à sa porte plutôt que d’errer de bar en bar et finir dans un état pire que celui dans lequel il se trouvait en ce moment. Huan tente doucement de l’apaiser, pour une fois il veut réellement bien faire.

Les réponses commencent à se former entre les lèvres du jeune homme. Des soupirs tristes mais sensés, il comprend à travers les sous-entendus ; peut-être que ce mariage n’était pas si heureux, qui l’amour qui les enchainait n’était pas équitable. Huan détesterait être celui qui aime, ce serait donner du pouvoir à l’autre personne.

Un soupir fuit de ses propres lèvres et il traine les doigts dans les cheveux moins humides de Siyeon. « C’est humain de vouloir être heureux. Commence-t-il doucement, un mot après l’autre, il détesterait le brusquer. Et un mauvais mari n’avouera jamais l’être, alors non, tu ne l’es pas. Elle ne serait surement plus avec toi si tu n’étais pas bon pour elle, si ? » Logique au-delà du sentimental, il n’avait vu de Siyeon que la douceur et la bonté, il doutait qu’il soit autrement avec sa tendre épouse.

Le plus jeune commence s’entraine dans de légers délires, voix effacée et Huan ne tarde pas à poser une main sur son épaule, d’une pression aussi douce que ferme. « Tu le feras demain, tu n’es pas en état ce soir. Elle sera triste de te voir ainsi, non ? » murmure-t-il, soucieux.

Et peut-être, qu’il aimerait aussi profiter de sa présence un peu plus longtemps.

Il s’éloigne dans la cuisine, ce ne sont que quelques courtes minutes avant qu’il ne revienne avec deux tasses fumantes de thé à la vanille, son préféré, lui-même ayant décidé d’abandonné le whisky pour le reste de la soirée. « Ça va te réchauffer. » Il attire les deux paumes de Siyeon autour de la tasse, puis prend finalement place à ses côtés. Il prend une gorgée de son thé et le repose délicatement sur la table basse, son attention est toute portée sur son cadet et il se tourne vers lui, faufilant ses doigts dans ses mèches brunes pour s’assurer qu’ils sont bien secs. Le pire pour Siyeon serait d’attraper un rhume en plus de la gueule de bois avec laquelle il se réveillera certainement demain. « Tu veux dormir seul ? » demande-t-il après des minutes de silence. Il sait que chacun vit la tristesse différemment, certains aiment s’isoler en dormant, d’autres préfères se blottir contre quelqu’un pour fuir la solitude et le chagrin.

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