star-crossed - huifan

Dans le confort de sa chambre, il se perd Ilhoon. Ses affaires de danse, abandonnées dans un coin de la pièce. L’excuse d’avoir attrapé froid pour ne pas aller pratiquer. L’excuse pour ne pas faire face à ces miroirs qui lui glacent le sang. La peur de s’effondrer encore. De ressentir encore cette douleur. Maintenant sourde comme un rappel encore plus fort que la maladie est présente. Qu’elle le ronge. Les rendez-vous médicaux qui se sont enchainés. Et son monde qui semble s’écrouler encore plus. Sourire fendu. Bancal. Comme un éclat de miroir manquant. Il ne sait même pas comment il tient la comédie. Il ne sait plus. Il s’échappe juste Ilhoon. Sait qu’il ne devrait pas. Il s’échappe. Fumée qui brouille ses sens. Présence de Suhee, la seule qui sait au final, pour l’empêcher de tomber. De s’éclater au sol en un millier de larmes cristallines. La seule qui sait. La seule. Et elle est cruciale Suhee, comme une présence indispensable. Et il l’a dans le sang. Amour qu’il a gardé pour lui. Transformé en une affection sans borne. Suhee qui le retient quand ses gestes s’affaiblissent, se brouillent. L’injustice qui pulse dans ses veines. Et sur son lit, son avenir qui s’affiche en des notes médicales et frais qui s’entassent. Mots, maux qui l’agressent. Dialyse, traitement long, coûteux, taux de réussite bas, greffe, diabète, trop tard, trop tard, espérance de vie minime. Il en perd la raison. Et son sourire s’étiole. S’effiloche. Comme son rêve là dans ce sac. Énième paire de chaussons. Encore trop neuve pour être délaissée. Et pourtant le cœur en morceaux, il n’a pas été danser depuis une semaine, deux même. Parce qu’il faut qu’il arrête. Et son sourire peine à cacher cette peur qui le bouffe, le dévore de l’intérieur. ’Je ne veux pas mourir’. Les mots se meurent dans ses ébauches de sourire et il accuse le travail qu’il doit fournir pour la fac quand Yuna s’inquiète, quand on s’inquiète à son travail. C’est facile d’accuser ses dossiers plutôt que d’accepter son corps qui a déraillé encore une fois. Une fois de trop. Et quand il s’injecte de l’insuline, c’est toujours les doigts tremblants. Il s’en veut aussi. De tout cacher à Yuna. Se refuse de l’inquiéter. Veut préserver son innocence. Veut préserver ces rêves qu’elle a. Qu’il n’a plus. Pas quand il compte ses dépenses à l’hôpital en rendez-vous et examens. Pas quand les bilans n’ont rien de beau et qu’ils détruisent son optimisme. Pas quand il assure que tout va bien au téléphone à sa mère, alors que ses doigts tremblent et que son pouls s’emballent. Pas quand il sourit juste à son frère, le laissant s’éloigner, vivre sa propre vie. Pas quand il commence à craindre de ne pas joindre les deux bouts, et se refuse à demander de l’aide. Et c’est la sonnette qui vient le tirer de ses idées sombres, la couverture qu’il rabat sur toutes les notes qu’il a pris, sur les derniers résultats de l’hôpital. La porte qu’il ouvre, légèrement étonné, son visage qui peine à s’illuminer dans un sourire, capuche d’un sweat rose rabattu sur ses cheveux blonds qui commencent à ternir. « Fanfan. » Il est surpris Ilhoon. Ça doit bien faire trois, quatre semaines qu’il n’a pas vu son frère. Et c’est difficile de retenir ce besoin de se jeter dans ses bras, de lui dire qu’il a peur, tellement, qu’il crève de peur. C’est difficile, mais Ilhoon il sait sourire. Oublier un peu quand il faut. « Ça fait longtemps ! Entre ! Comment tu savais que je ne travaillais pas ? Ne me dis pas que tu as mes horaires accrochés sur ton frigo ou quelque chose du genre ?! » Il s’écarte, un éclat de sourire, ses doigts cachés, tremblants, retenus, par ses manches trop longues.

Il a des excuses au bord des lèvres et des sermons qui s’y ajoutent, contre lui-même et Ilhoon aussi. Il leur en veut à tous les deux, mais peut-il vraiment leur reprocher de vivre leur vie ? Il s’est satisfait des messages et appels occasionnels, des tout va bien quand de son côté, il avait daw à rassurer. Ce dernier mois a été si crucial, il a même déménagé et bien des choses ont changé pour lui – évolué – et il n’a plus vu le temps passer. Sans appel de détresse, il ne s’est pas alarmé. Pourtant lorsque leur mère l’a contacté il y a deux jours, dans l’espoir de confirmer son optimisme, Huifan s’est rendu compte qu’il n’en savait pas plus qu’elle. Il ne lui en veut pas de s’être énervée, il l’était aussi et elle a bien failli prendre le premier train pour Séoul, mais il a su leur éviter cette peine. Ilhoon lui en aurait voulu à vie, il le sent. Ils sont aussi têtus l’un que l’autre, mais Huifan peut le devenir bien plus lorsqu’il prend les choses en main et aujourd’hui, il est temps pour lui de les reprendre. Il est venu sans prévenir, par choix et c’est un peu calculateur de sa part, mais il sourit à l’apparition du plus jeune. Il sourit et entre quand on l’invite, son regard qui inspecte l’appartement avant de laisser trôner sa veste sur le dossier d’une chaise. « ça fait trop longtemps, même. » il est calme et son sourire est compréhensif, parce qu’il remarque la fatigue et l’incertitude dans le regard de son petit frère. Il accepte de l’ignorer, pour l’instant. Il accepte de faire semblant, comme pour daw. Juste prétendre pour apaiser, jusqu’à se lancer avec un filet. « figure-toi que si ! pas sur le frigo, mais là-dedans. j’espérais que ça n’ait pas changé. » il agite son téléphone et le range aussitôt pour s’approcher d’ilhoon. Il pose les mains sur ses épaules avec douceur et l’attire contre lui dans une étreinte légère. « tu m’as manqué. Tu pensais t’être débarrassé de moi, j’suis sûr ? pardon de te décevoir. » il rit, mais ça n’a pas la même énergie qu’avant. Il y a quelque chose de différent dans l’air, aujourd’hui. Il y a les remords de Huifan et quelque chose d’imperceptible chez Ilhoon, des non-dits qu’il ne saurait lui reprocher. Il abaisse la capuche de son pull et ramène ses cheveux blonds en arrière jusqu’à y mettre le désordre, volontairement. Ils ont poussé et terni, en un mois. déjà, mais depuis les fêtes, il a regardé ailleurs. Rien d’inquiétant de ce côté, il pensait juste que ça allait. Il a oublié sans doute, que sa maladie pouvait être traître. « je te dérange, tu faisais quoi ? ça va, toi ? dis-moi comment tu te sens, en ce moment ? » il recule et attrape le visage d’ilhoon pour mieux le regarder, tenter d’y déceler ce que le plus petit ne lui dit pas. c’est bientôt son anniversaire et bon dieu ce qu’il s’en veut, de ne pas avoir été si souvent là pour lui, ces derniers jours. Son cœur s’emballe à l’idée que son état ait pu empirer et il pense le voir plus pâle qu’avant, constat ou pure paranoïa ? « c’est un peu le bazar, non ? » ou est-ce juste lui et ses critères de propreté ? ou une façon d’alléger la conversation sérieuse qu’il aimerait avoir avec lui, éventuellement ? Il y a bien trop longtemps qu’il ne s’est pas intéressé à ses résultats en personne et son regard doit déjà en dire long, lorsqu’il l’intensifie sur Ilhoon. Il n’a pas fait un pas vers la cuisine ou le salon, il n’a pas bougé du petit coin de l’entrée, comme s’il attendait quelque chose. Des vérités, avant de devoir aller les chercher lui-même. Il lui laisse une chance de s’exprimer, comme toujours, avant d’endosser le mauvais rôle.

Surprise. Huifan à sa porte. Il a du mal à y croire Ilhoon. S’est presque fait une raison. Aucune rancœur, aucun remord. L’âge où on commence à accepter qu’on ne peut pas dépendre éternellement l’un de l’autre. Soutien émotionnel qu’il laisse partir. Vivre sa vie. Appels à l’aide qu’il a tus. Gardés pour lui. Et pourtant il sourit. Bonheur évident de l’avoir chez lui. Refoule les idées sombres et les peurs dévorantes derrière un sourire. Et les tremblements de ses mains derrière les manches longues de son sweat. Il le laisse rentrer, regard qui passe un instant vers la porte de sa chambre laissée ouverte avant de cacher le tout avec une boutade. Et un faux air indigné lorsqu’il parle de son emploi du temps non pas sur le frigo, mais dans le téléphone. Étreinte acceptée, il s’alanguit contre son frère. Profite simplement de l’avoir là, ses petites mains qui viennent s’agripper à instant au plus âgé. Juste un instant. « Toi aussi tu m’as manqué. » Voix étouffée contre le torse du plus grand, il ne s’indigne même pas lorsqu’il sent sa capuche être rabaissé, ses cheveux mis en avant. « Urg, ne regarde pas, il faut que je refasse ma couleur … Mais j’avais pris froid, donc je me suis laissé aller. » Moue boudeuse, il tente cependant d’échapper à la poigne qui attrape son visage, ses sourcils froncés délicatement. « Tu me fais mal … On dirait maman. Je travaillais mes cours. Je dois rendre tous mes dossiers tu sais … » Il tente de balayer les inquiétudes de son grand frère. Mais c’est dur. Difficile. Bien plus qu’avec Yuna, qu’avec les gens de son travail. Et ses non-dits pèsent. Mais c’est toujours moins pesant que la réalité qui le ronge. Que cette maladie qui le ronge. « Avec les révisions … J’ai moins rangé qu’à l’accoutumé. N’ose même pas rentrer dans ma chambre, tu hurlerais. » Et il lui condamne l’accès de sa chambre. Ilhoon qui s’éloigne un instant pour fermer la porte de la dite pièce, la peur que Huifan voit ce qui le ronge. Il ne veut pas l’inquiéter. Il n’a pas besoin de ça. « Je te sers quelque chose ? Il nous reste du thé, des jus de fruits bio aussi. Pas de café ici tu connais les règles. » Sourire. Enfant solaire qui devient lunaire. Mais qui se force à rayonner, encore et encore. Enfant solaire qui décède. Mais qui cache ses peurs derrière un grand sourire. « Tu sais ce qui arrive bientôt ? » Il chantonne l’air de rien, air espiègle sur ses traits pâles tandis qu’il tente de cacher ses tremblements en attrapant de quoi préparer le thé. « Mon anniversaire. Je serai officiellement majeur ici. J’espère que tu as prévu le coup ? » Il ne demande pas grand chose en vrai Ilhoon. Il n’a aucun cadeau à demander. Rien qu’on ne puisse lui offrir. Un corps moins défaillant. Qu’on arrête le compte à rebours. Plus de temps. Juste plus de temps. « Comment ça se passe de ton côté ? Avec ton petit ami ? Raconte moi un peu. J’ai l’impression de ne plus rien savoir de mon grand frère. Ça me dérange. » Ton doux, les demandes sont réelles. Le besoin de savoir comment va Huifan. Si lui au moins il est heureux.

Il n’a pas fait attention, l’habitude d’avoir été séparé d’ilhoon pendant des années et de s’être contenté de ce qu’ils pouvaient. Aujourd’hui, ils ne vivent pas si loin l’un de l’autre, mais leur vie prend des chemins différents. Huifan a été assez naïf de penser que son petit frère le contacterait en cas de problème ou mieux, que son état s’améliorait, mais il est forcé de constater que ce n’est pas le cas. Ilhoon serait rayonnant, moins distant. Il le sent malgré l’étreinte et les taquineries, trop légères pour leur tirer de vrais rires. Il y a de la réserve des deux côtés. « maman serait pire, elle ne te laisserai pas le temps de parler. » dit-il en rigolant, mais il laisse son frère s’échapper. Il l’observe un temps avant de prendre un peu plus ses aises dans le studio. Il ne relève pas la remarque du désordre parce qu’il n’est pas ici pour l’embêter avec ça, même s’il pourrait. Il a déjà l’impression de déranger. « quel bon élève tu fais, je suis fier de toi. » il espère que ses dossiers et révisions sont les seuls sujets qui l’inquiètent, mais il sait pertinemment que non. Ilhoon peut lui trouver toutes les excuses du monde accroché à un sourire, huifan voit clair à travers son regard. il y a des années qu’on lui a appris à mentir et à déceler le mensonge dans l’attitude des autres. Ilhoon évite le sujet sur sa santé et c’est tout ce qu’il lui faut pour savoir qu’il lui cache des choses. Il le laisse faire en le suivant dans la cuisine. « un jus de fruit, merci. » il est heureux de le voir sourire et il pourrait s’imaginer leur vie sans cette maladie qui le menace, comme une épée de damoclès au-dessus de la tête. Il sourit de le voir ainsi, mais c’est léger. Il n’y a pas de véritable enthousiasme chez l’un comme l’autre, mais huifan joue le jeu. « non dis-moi ? » répond-il, taquin alors que bien sûr, il ne pouvait oublier l’anniversaire de son petit frère. Ça l’amuse cependant de jouer l’étonné. « ton an-anni quoi ? » il s’éloigne avant de se prendre un coup, même doux, et s’esclaffe dans un rire plus spontané. « comme si j’avais oublié ! hé, ce n’est pas parce que tu seras majeur que je te laisserai tranquille. Ne compte même pas là-dessus. » c’est peut-être mieux de ne pas brusquer les choses, mais quand Ilhoon l’oriente ailleurs, pour qu’il oublie ses questions, huifan n’y croit plus vraiment. Le plus jeune ne parlera pas à moins qu’il ne l’y pousse. Cela dit, les mots le touchent d’une certaine manière. « oh ça va pour moi, rien de bien excitant à raconter. je suis désolé ilhoon, je ne pensais pas.. » il ne s’est jamais vraiment confié à lui, jamais sérieusement et toujours un peu sur ses périples considérés ‘normaux’ à l’époque. ses relations de passage, son ‘boulot’ au port, ses études. Il n’est pas mieux à lui cacher une partie de sa vie, mais ça ne l'empêche pas de partager le reste. il a raison, il ne lui dit plus grand-chose parce qu'il ne peut pas trop le faire, si ce n'est en surface. « daw est tellement mignon, tu le verrais.. je l'aime beaucoup. il est, disons timide, la vie ne l’a pas gâté. » tout comme ilhoon, même si les choses sont différentes. « je veille sur lui comme je veille sur toi, vous êtes ce que j’ai de plus précieux. » et il croit juste de pouvoir rebondir sur ses premières questions. Celles qui le rongent d’inquiétude depuis qu’il a passé la porte. « ilhoon… je suis sérieux. Tu es retourné faire des analyses ? comment c’est ? je n’ai pas pu être très… présent, mais je prendrai toujours soin de toi. Comment tu vas ? » il scrute le studio et jette un œil dans le couloir, pensif. « elle l'ignore toujours, n'est-ce pas ? » son frère a le droit d’être heureux lui aussi, pourtant.

La mascarade ne prend pas. Supercherie ratée. Il le sait. Ses distances sont mal vues. Son rayonnement moins solaire. Pourtant Ilhoon, il tente. De faire comme d’habitude. Ce n’est pas grave. Ça va s’arranger. Il n’y a rien de mortel dans le diabète. Rien. Quand il est découvert à tant. Quand il n’est pas si avancé. Mais ça va aller. Promesse silencieuse qu’il se répète. Encore et encore. Juste pour y croire. Juste pour reléguer la peur dans un coin. Celle qui secoue ses os, secoue son âme. Celle qui rend ses yeux trop flous. Celle qui le ronge au même titre que la maladie. Il relègue tout. Derrière des sourires. Derrière des taquineries, derrière la situation. Éphémère. Comme vu à travers du verre coloré. Pas assez vrai. Pas assez crédible. Mais il se cache. Ne veut pas déranger. Trouve des excuses à tout. Ferme la porte sur ses problèmes. Là sous la couverture, les notes de médecines qui s’allongent, les ordonnances, les résultats. Et ses comptes. La finalité morbide aussi qui s’annonce dans les résultats. Il cache tout, compare Huifan à leur mère. Espoir que le sujet se tinte de notes joyeuses. Espère. Morceaux d’espoir auxquels il s’accroche. Jus de fruit servi sans dégât de ses doigts tremblants, et il change encore de sujet. Girouette. Trop léger. Rappel que son anniversaire approche. Rappel inutile, mais il n’ose pas lui dire à Huifan. Qu’il crève de peur. Avec des pensées encombrantes. Envahissantes. Si c’était son dernier anniversaire ? Non. Que le temps s’arrête. Qu’on lui donne un corps plus résistant. Il n’a qu’un seul souhait au final. Juste d’aller mieux. Juste. « Me laisser tranquille ? Ah mince, il me faudra un autre cadeau alors. » Espièglerie dans sa voix qui n’atteint pas ses yeux, et son sourire toujours plus lunaire qu’autre chose. Mais son rire résonne, et il change de sujet. Encore. Girouette. Les questions pourtant réelles. Besoin de savoir ce qu’il se passe dans la vie de son grand frère. Ilhoon un peu trop lucide. Conscient qu’il va se faire tout petit dans les mois à venir. Qu’il va vouloir disparaître de la vie des gens qu’il aime pour ne pas les inquiéter. Le besoin presque vital de savoir que Huifan au moins va bien. « Je suis content vraiment. Que tu l’aies trouvé. Il a l’air de te rendre heureux. Vraiment. » Sourire. Sourire qui se fane, la luminosité qui s’éteint dans ses yeux, étoiles qui se meurent. Il ne sait pas mentir Ilhoon. Pas vraiment. Pas à son frère. Et le temps d’un instant la détresse sur son visage peut se lire. Juste un instant. Avant qu’il ne réponde. En partie seulement. « Je ne veux pas l’angoisser. Ce n’est pas si grave après tout. » Elle n’a pas besoin de le savoir Yuna. Pas besoin. Parce que jamais il ne lui avouera ses sentiments. Encore moins maintenant. Pas alors que la bombe s’est enclenchée en lui. Pas alors qu’il se demande combien de jour il lui reste à vivre. Pas là. « Je vais bientôt reprendre la danse. Quand j’ai pris froid, le médecin m’a déconseillé les activités physiques. Mais maintenant ça va aller mieux. » Promesse. « Avec un peu de chance en Mars je pourrai tenter de rentrer au ballet national. Ça ne sera pas comme à Paris mais … » Il s’agite Ilhoon. Ses mots se mélangent. Et il n’a qu’une envie. De tout dire à son frère. Mais il ne veut pas l’inquiéter. Ne pas lui dire qu’il crève de peur. Que ça va pas si bien. Mais il ne dit rien. Parce qu’il est un enfant solaire. Mais l’astre céleste refuse de lui sourire ces temps-ci.

Ça ne devrait pas être vu comme un fardeau, quand Huifan s’inquiète. Il ne veille pas sur ses proches par obligation, mais parce qu’il le veut de tout son cœur et les réactions qu’il obtient le déroutent un peu plus à chaque fois. Il n’y renonce pas, mais s’il y a bien un sentiment qui le dérange, c’est celui de se sentir inutile. Il ne pouvait rien faire lorsqu’ilhoon était à l’étranger, sa maladie dévoilée bien tard et il n’a pas pu se rattraper après non plus. Pas souvent à la maison, toujours les mains sales qu’il prétendait mettre aux services des artisans, mais offraient plutôt aux délinquants. Il a toujours veillé pourtant, à ce qu’il prenne ses repas de la bonne façon et qu’il ne manque jamais un rendez-vous médical. Il l’accompagnait quand il pouvait et même ici à Séoul, il a essayé de reprendre leurs habitudes. Il a essayé de rester le bon ange gardien et même si un autre jeune homme demande son attention, il a essayé de partager. Mais, il avait plus confiance en son frère pour le tenir au courant qu’il n’en avait en Daw ; il aurait dû mieux partager. Il aurait dû faire plus attention, car ilhoon voudrait lui échapper. Ils plaisantent et rattrapent un peu les semaines perdues, ce qui le distrait quelques temps, mais huifan connaît déjà l’issue de cette visite. Il ne peut s’empêcher de sourire quand daw est mentionné, de baisser les yeux d’embarras et de cacher au mieux le rose qui teinte ses joues. « c’est le cas, oui. J’aimerais le rendre heureux aussi… » c’est presque un murmure, comme une pensée lointaine qu’il ne réservait à personne d’autres que lui-même. il voudrait s’enfermer dans une bulle et prétendre que tout va bien pour eux comme pour lui, mais ça n’arrive pas. ça n’arrive plus depuis qu’il s’est obligé à grandir trop vite. « pas si grave ? » le ton est ironique, mais assez posé pour ne pas impliquer de quelconques reproches. L’aîné se laisse prendre au jeu pour écouter les récits de son petit frère et les ambitions qu’il nourrit toujours malgré son état. C’est l’optimisme dont il a besoin pour continuer à supporter son traitement, mais huifan n’a pas le choix que de s’y mettre en travers. Ilhoon ne lui laisse pas le choix, il se sent repoussé et ça ne lui plait pas tellement. « si ça va aller mieux, si tu projettes même de reprendre la danse … pourquoi je n’en sais rien ? pas un coup de fil, pas même un sms pour me dire que c’est bon, que ça s’améliore. Si tu avais eu de si bonnes nouvelles, j’ose espérer que tu te serais pressé de me les annoncer. » il n’a toujours pas de ton accusateur, comme des réflexions qu’il partage à voix haute, mais son regard ne laisse aucun doute et l’air s’alourdit. « je ne suis pas ton ami, je suis ton frère ilhoon. » il le fixe encore un peu avant de soupirer et de boire son jus de fruit. Il réfléchit et pendant ce laps de silence, refuse d’affronter le regard de son cadet qu’il devine timide dans tous les cas. Il ne comprend pas ce qui leur passe par la tête. « j’ai promis de m’occuper de toi et je le fais autant parce que je t’aime que parce que j’en ai envie. J’aurais pu rester à busan, alors je ne comprends pas pourquoi tu me tiendrais à l’écart maintenant. Je sais que tu le fais. » c’est presque injuste d’être plus dur avec lui que son compagnon, mais c’est plus facile de libérer sa frustration en sachant qu’ilhoon ne pourra pas lui échapper. « écoute… je suis heureux pour toi, si tu peux vraiment reprendre la danse. Je le suis et je t’y encouragerai, mais seulement si c’est sûr. Ilhoon… tu n’es pas- » à mesure, il réalise ce que implique ses mots et des vérités plus graves. Plus que des omissions, cela impliquerait que l’état d’ilhoon ne s’améliore pas et il s’est assez bien renseigné pour savoir que ça va souvent en se dégradant. « est-ce que ça s’est aggravé ? » dans tous les cas, il s’en veut déjà de ne pas avoir été assez présent. Il se donne l’air pessimiste alors qu’il est juste inquiet, mais c’est ça ou laisser son propre optimisme le trahir avec de sacrées désillusions ensuite.

Il y a le poids du mensonge entre eux. L’omission, les non-dits d’Ilhoon qui pèsent un peu. Il sait. Mais il veut s’en charger seul. Capable de bien faire. Sûr de bien faire. Il peut s’en sortir. Il le sait. Il trouvera un moyen pour les factures, trouvera un moyen. Il ne cédera pas face à la maladie. Et pourtant la fatigue est là. La peur aussi. Surtout. Et des appels au secours tus dans des sourires lunaires. Ne peut que sourire en voyant Huifan être heureux. C’est le principal. C’est ce que veut Ilhoon. Le bonheur de ses proches. Alors si Huifan est heureux avec Daw c’est bien. Même s’il s’éloigne de lui un peu au final. Ce n’est pas si grave, il reste son frère. C’est un lien qu’on ne peut pas briser facilement. Mais voilà qu’on parle d’elle. Sa princesse. Son joyau. À qui il cache les piqures quotidiennes. À qui il cache tout, plus encore qu’à Huifan. Yuna. Tendre amour pour qui ses sentiments sont forts. Tendre amour qu’il camoufle en une amitié forte, un haussement d’épaules lors que Huifan reprend ses mots. Pas si grave. Non. « Ce n’est que du diabète après tout. De nombreuses personnes vivent avec. » Mais pour eux sans doute que le temps ne s’est pas affolé. Sans doute que leur corps ne s’est pas détraqué. Sans doute. Et il enchaine Ilhoon. Girouette toujours. Parle de ses projets. Parle de la danse. Parle du ballet national de Séoul, l’envie d’y rentrer, l’assurance que ça ira mieux. Et il peint sa vie à coups d’optimisme pour ne pas voir cette finalité sombre qui se dessine sur des résultats médicaux. « Je ne voulais pas déranger, tu le sais non ? Puis je n’ai pas vu le temps passer. » Moue boudeuse, air adorable, il sait que son frère passera par dessus. Parce qu’il lui fait confiance. Et le mot sonne amer. Il abuse de la confiance de Huifan. Pour ne pas l’inquiéter. Pour ne pas se briser de son côté. Il sait bien Ilhoon. Que s’il laisse passer les appels au secours derrière la barrière de ses lèvres, tout ne sera que plus réel. La maladie. Son corps qui l’abandonne. Ses reins … La dialyse … Huifan je vais mourir. Sourire. « Cesse de t’inquiéter Fanfan. Je vais bien vraiment. Je sors juste d’un mauvais rhume. J’ai dormi quasiment toute la semaine. Promis je demande au médecin avant de reprendre la danse. Je fais attention. Et puis … Tu avais qu’à m’envoyer des messages non mais ! Frère ingrat ça va dans les deux sens, je vais le dire à maman ! Je suis sûre que tu l’as pas appelée depuis longtemps. » Je vais mourir Huifan. Sourire. Et il tire les joues de son frère sans honte. Sourire. Et sa langue tirée comme une provocation enfantine, il enterre le sujet sans y répondre. Ne veut plus y penser. Le temps d’un instant juste profiter du moment. Alors en douceur il tire Huifan vers le canapé, et tel le chat collant qu’il est avec lui, Ilhoon se cale contre lui, leurs verres sur la table basse. « Raconte moi un peu. On ne parle que de moi, je veux savoir Fanfan. » Nouveau sourire, et le glas qu’il étouffe dans ses airs lunaires. Soleil terne, mais soleil. Qui brille pour ne pas montrer qu’il brûle de l’intérieur. Raconte moi Huifan, fais moi oublier un peu tu veux ?