)( sirène du bitume )(

Panthère noire déambulant dans des couloirs de briques, y avait rien que la nuit pour la faire grogner. Des balles tirées à bout portant quand elle parlait, quand elle faisait claquer ses crocs, y avait que la brutalité des mots qui la démarrait. Couleur de peau plus foncée, un soupçon de criminalité dans la manière dont elle avait de gémir, y avait que leur haine pour l'emballer. Que leur peur pour la faire frémir de plaisir.
Après elle en riait, la tête balancée en arrière, ses cheveux s'ébouriffant dans le vent de la séoulite cosmopolite. Enfant citadine, elle a été créée dans le bitume, a chanté avec les moteurs rugissants, y avait pas d'étoiles dans ses yeux juste des phares. Que des caisses en feu, fumée noire couronnant les immeubles, les grattes-ciel augmentés qui venaient décrocher les avions, ouais ses commettes filantes à elle c'était des bouts de métal qui transportaient d'autres fous. Son habit de religieuse, c'était un hoody gris, capuche rabaissée sur le front pour imiter les saintes cornettes.
Son encens était d'l'herbe.

Jungle urbaine, Tarzan au féminin s'accrochant aux jambes des plus grands, se faisant traîner dans les rues anthracites. Ses frères se faisaient poursuivre par les sirènes rouges et bleus, ses sœurs ouvraient les cuisses en balançant leur cul près d'un pole dance. Y avait des rats et des chats de gouttières quand elle traînait ses baskets dans l'downtown. Y avait des grillages qui striaient le ciel bleu. Quelques gouttes de sang tâchant son t-shirt quand elle l'ouvrait trop, puis les fous rires pré-adolescents au gout d'la première cuite.
Orpheline américaine, payée entre un turc et une coréenne paumée, une partie d'la famille dans la capitale japonaise. On n'avait pas vraiment voulu d'elle, pas vraiment désiré qu'elle rende visite à la Corée. Coincée, les billets avalés dans des excès dont elle ne se souvenait même plus de la teinte...
Sans abris, dans la poésie édulcorée des artistes de rue. Elle les avait trouvé, ces ptits jeunes propres sur eux, qui parlaient mal avec des airs princiers. Y avait rien que des ricanements sur sa couleur de peau et son accent d'la rue. Elle prononçait rien joliment, cette singe. Cochonne pour certains. Pourtant, Nana, elle défilait dans leurs fantasmes à ces couillons.

réalité augmentée.

01 — famille modeste à qui on préférait la pauvreté à la richesse, Nana a dévalé les quartiers, les connaissait par cœur, a grandi avec la violence policière et la stupidité peinte de blanc. Ça la rendu amère, Nana. La brutalité, ça l'a creusé, au final. 02 — a fait partie d'un groupuscule qui avait prévu de braquer une banque après quelques crimes dans des petits commerces. La mission a avorté avec la descente d'un autre gang. 03 — loin de l'illégalité mais proche à la fois, elle sait où chercher, où trouver, a les contacts mais ne se mouille pas quotidiennement. Y a rien à prouver, pas de faux-semblants de "baddie" à former. Les ptits bourgeois coréens, vierges de leurs premières expériences, viennent souvent à sa station essence pour lui demander des services, elle répond jamais sans consommer dans ses rayons d'abord. Elle a un job à garder, la clope au bec. 04 — insupportable adolescente, elle s'dit qu'elle a déjà fait toutes les conneries que la jeunesse et l'inexpérience pouvaient lui offrir. Elle s'est pas rangée, se rangera jamais, même entre les quatre murs de leurs diverses maisons de bonnes sœurs pour enfants difficiles (ou trop encombrants, qui sait). 05 — pas d'amour, juste du charnel. Les mots doux l'emportent pas, les cadeaux luxueux l'ennuient, elle se possède et s'aime, c'est suffisant. 06 — grossière, basanée, étrangère, combo gagnant pour tous les culs pâles et leur crâne pété. Des remarques, elle a reçu, des critiques elle en a essuyé, des moqueries et autres bouffonnes la pointant du doigt elle connaît. Y en a même qui pensent que son corps, son identité, est une invitation perverse. Nana est armée. Juste au cas où. 07 — elle a fait le tour de la Corée avant d'atterrir à Séoul, a dépensé ses premières lasses dans une moto qu'elle a fait rouler sur toute la contrée. Son bijou et sa grande fierté. Une Harley Davidson d'occasion qu'elle a eu à moitié prix après de nombreuses négociations et quelques mensonges. 07 — croyante par défaut, des choix jamais initialisés, jamais vraiment choix. C'était par nature et habitude. God bless America. Une chaînette pendant le supplice du christ en argent, elle ne la quitte jamais, par peur d'être apocalypsée.