souvenirs du néant

01 — dans les rues froides de séoul alors que les premiers flocons de neige atteignent le sol, les sirènes de police retentissent. elles sont là pour eux, cet homme et cette femme que jamais personne n’avait réussi à séparer et que personne n’avait réussi à attraper non plus. le couple courrait les rues, les rendaient dangereuses : c’est ce qu’ils disaient tous. peut-être que vouloir s’émanciper du monde, de la société et de toutes ses règles était un crime. grands escrocs, manipulateurs hors pair, mais fou amoureux l’un de l’autre.

02 — nombreuses sont les villes de corée du sud et de chine qui les ont vu passer. deux d’abord, rapidement un petit garçon les accompagnait. cependant, tes parents se sont installés de manière plus définitive à séoul depuis quelques années maintenant. ils ont ouvert une galerie d’art, tout à fait normale lorsqu’on se perd innocemment dans les couloirs entre tableaux et sculptures. mais les apparences sont toujours trompeuses, surtout avec les wang. recel et blanchiment d’argent, voilà ce à quoi tes parents consacrent leur vie désormais.

03 — qu’est-ce que ça fait d’être normal ? de vivre une vie normale, avec des parents normaux et des relations totalement saines ? c’est sûrement bien. mieux ? qui sait. il y a eu tellement de fois où tu les as détestés. ils avaient beau t’avoir donné tout l’amour du monde, ils avaient fait de toi un complice direct de leurs crimes le jour de ta naissance. qu’est-ce que ça fait d’être normal ? de pouvoir parler du travail de ses parents ou de son enfance sans devoir maquiller la vérité. c’est sûrement bien.

04 — factice. de nombreuses choses sont factices chez toi. tes émotions : quand tu souries, quand tu ries et même quand tu t’énerves. feindre tout un tas d’émotion, c’est quelque chose de très simple pour toi. ton histoire : quand tu parles de ta famille, du métier de tes parents et de ton enfance. modèle d’hypocrisie et de mensonges. est-ce que c’est l’exemple de tes parents que tu suis ? peut-être que tu n’arrives juste pas à faire autrement, que tu n’arrives pas à t’ouvrir aux autres. peut-être que tout ce que tu sais faire c’est rester sur tes gardes.

05 — lequel tu seras aujourd’hui ? dans cette nouvelle ville, cette nouvelle école. à quel jeu vas-tu pouvoir jouer avec tes nouveaux camarades de classe ? tu as vu de nombreux paysages pendant ton enfance. tes parents ont souvent voyagé, à l’époque ils ne pouvaient pas rester trop longtemps à un même endroit. tu enchaînais les nouvelles écoles, mais tu avais trouvé un moyen de rendre cela plus attrayant pour toi. tu pouvais être qui tu voulais. expérimenter, changer. personne ne te connaissait, tu pouvais construire une nouvelle personne à chaque fois.

06 — c’est triste de ne pouvoir s’attacher à rien, non ? tout fini par s’évaporer, par disparaître, tu finis toujours par partir. au début c’était dur, tes parents ont dû sécher tes larmes des dizaines de fois. et puis elles ont arrêté de couler toutes seules. si tu devais partir dans tous les cas, alors pourquoi s’habituer aux gens, pourquoi être sincères avec eux, à quoi bon ? tu te voyais comme vivre la vie d’un autre, quelqu’un de bavard, de sociable avec beaucoup d’amis. quelqu’un qui rendait le monde triste autour de lui quand il annonçait son déménagement précipité dû au travail de son père ou de sa mère. quelqu’un qui était triste lui aussi. la vérité c’est que tu ne ressentais plus rien.

07 — qu’est-ce que tu veux faire dans la vie, levi ? qu’est-ce que tu rêves d’accomplir ? dans quoi tu voudrais travailler ? toutes ces questions qu’on finit nécessairement par se poser à un moment de sa vie. levi, si tu pouvais avoir le monde, qu’est-ce qui te ferait plaisir ? les études ont toujours été quelque chose de simple pour toi. surtout les chiffres. parce que les chiffres ne mentent jamais eux, les hommes les font mentir. tu as choisi d’étudier la finance à l’université de séoul où tu passes pour un étudiant des plus normaux.  

08 — un rêve d’évasion. pouvoir organiser une mutinerie pour s’échapper de cette prison d’or et de diamant dans laquelle tu es né et dans laquelle tu vies depuis toujours. est-ce que tu t’y sentirais mieux si l’or et les diamants étaient réellement à toi ? si ta famille avait construit cette prison légalement ? les yeux vers le ciel, tu te demandes souvent si une autre planète pourrait vous accueillir. tu es passionné d’astronomie, c’est ton échappatoire. parfois le soir, de ton balcon tu regardes les étoiles et rêves de filer comme l’une d’entre elles.