I missed you ft. Seo Yui

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Min Woo enfila son manteau et mit ses écouteurs. Il ne savait pas trop ce qu’il allait faire dehors mais il étouffait, à l’intérieur, un de ses rares jours de repos. Les stages à l’hôpital étaient déjà assez épuisants, il n’avait pas envie de s’enfermer les rares moments qu’il avait de libre. Il était trop fatigué pour faire du sport aussi. Il se contenterait probablement de se balader dans les rues d’un Séoul qu’il n’avait pas pu regarder depuis longtemps, la musique forte dans les oreilles. Quoi qu’il en soit, l’idée de prendre l’air lui plaisait largement.

Il claqua fort la porte de son appartement. Peut-être parce que les couloirs de cet immeuble habitant des gens pauvres n’étaient pas chauffés, mais il avait toujours l’impression que sa porte ne se fermait pas correctement lorsqu’il faisait froid. Il espérait qu’il pourrait l’ouvrir quand il reviendra de sa ballade, sinon il se retrouverait enfermé dehors comme un imbécile. Vivre dans un appartement plutôt petit et presque insalubre, il en avait assez mais c’était toujours mieux que la rue qu’il avait connu à un trop jeune âge. Il était vers la fin de ses longues études de psychiatrie et il espérait qu’il pourrait vite avoir sa paie, parce qu’il n’en pouvait plus de cette pauvreté. Déjà, il voulait remercier ses parents adoptifs de l’avoir sauvé d’une mort presque certaine en leur offrant de grands et couteaux cadeaux. Et il voulait aussi se racheter une nouvelle moto, parce que celle qu’il avait acheté avec sa premier paie d’un emploi à temps partiel était assez misérable. Il n’avait même pas eu le temps de la monter récemment.

Dévalant les escaliers au rythme de la musique que son téléphone avait lancé dans ses écouteurs, il passa à côté d’une fille qui essayait de monter ces derniers avec une charge bien trop lourde de cartons. Il passa son chemin sans y faire attention au premier abord, mais quelques marches plus tard, il réalisa ce qu’il avait vu. Enlevant un de ses écouteurs, il remonta les marches qui les séparait et se retrouva de nouveau face à cette pile de cartons qui stagnait. C’était évident que c’était beaucoup trop lourd pour une fille, et bien sûr, dans un immeuble qui ne chauffait pas ses couloirs, il n’y avait pas non plus d’ascenseur. « Vous voulez que je vous aide ? », demanda t-il, d’une voix enjouée. Même si Min Woo pouvait être impressionnant à cause de sa grande taille et de ses muscles, il était en fait très serviable. Cette fille allait en plus être sa voisine, alors il ne pouvait pas la laisser galérer – que faire si elle tombait ? Avant même d’entendre la réponse de l’inconnue, il prit aisément deux des trois gros cartons qui bloquaient la vue de la jeune fille et put enfin voir le visage de celle qui serait sa voisine. Son expression souriante fut cependant rapidement remplacée par celle de surprise ; il lui fallut quelques secondes pour se rappeler d’où ce visage lui était familier. Mais bien rapidement, le visage de femme qui lui faisait face lui rappela celui d’une adolescente avec qui il avait été proche avant son déménagement soudain. « Yui ? », murmura t-il, surpris. C’était une coïncidence, un hasard immense. Ça faisait près de cinq ans qu’il ne l’avait pas vue, après tout.

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Séoul. Rien n’avait changé depuis son départ il y a cinq ans à quelques exceptions près – certains building, certaines boutiques, certains parcs avaient disparu, remplacés par d’autres infrastructures. Pour autant, ce n’était pas la ville qui la rendait nostalgique, mais les souvenirs qu’elle avait de chaque recoin qui rendait la capitaine du pays du matin calme si spécial. Des souvenirs précieux, des souvenirs auxquels elle se raccrochait lorsqu’elle connaissait des périodes d’insécurité et de déprime. Maintenant qu’elle était de retour, elle n’avait qu’un souhait, partir à leur recherche, se les remémorer encore et encore pour ne jamais les oublier.

Séoul. De toutes les villes qu’elle avait traversées, c’était la première dans laquelle elle revenait après l’avoir quitté dans la précipitation. La demoiselle avait dû insister pour que sa mère cède, et maintenant que c’était fait, elle se sentait doucement revivre. En y remettant les pieds, elle savait que cela marquait un nouveau départ pour elle. C’était l’occasion pour elle d’affronter de nouveaux défis sur la glace, mais affronter la réalité et notamment, cette ombre du passé qui ne cesse d’hanter ses souvenirs et lui arracher des sourires béats.

« Tu verras maman, nous serons bien ici et puis, je nous ai trouvé un petit appartement bien confortable en plus d’être pas cher. Tu vas pouvoir avoir ta propre chambre et puis, on aura un petit balcon où tu pourras y ranger tes fleurs. Et puis, l’avantage c’est qu’il n’est pas loin de la boutique, tu n’auras plus à marcher longtemps. Ne t’inquiètes pas, je vais tout préparer. Fais attention en chemin, appelle-moi dès que tu arrives à la gare, je viendrais te chercher. Je t’embrasse fort, je t'aime aussi » termina-t-elle avant de raccrocher qu’après s’être assurée qu’elle le faisait avant. Après quoi, elle se concentra sur le trajet. Elle indiquait, tout en discutant avec le chauffeur, du chemin à prendre. Une fois arrivée devant la résidence, ce dernier l’aida à décharger les cartons avant de repartir une fois payé. Soulevant les cartons, après avoir empilé les plus légers, elle s’essayait à un exercice d’équilibre, montant chaque marche avec prudence. Même si elle ne pouvait pas réellement voir devant elle, le bruit des pas dévalant les escaliers la fit ralentir pour laisser passer la personne avant de continuer. Toutefois, cette personne remonta et proposa de l’aider. Les mots se perdirent tandis que son cœur commença à s’emballer. Cette voix. Elle pouvait la reconnaître entre mille. Elle ne se remit à respirer que lorsqu’il l’appela par son nom. Posant les yeux sur lui, même si elle ne pouvait discerner son visage, un sourire étira son lèvre. Un sourire qu’elle n’avait pas eu depuis longtemps. « Ahjussi» répondit-elle en articulant les deux syllabes. Ce n’était plus au petit bonhomme qu’elle dessinait sur la buée des vitres qu’elle s’adressait, mais à celui qu’elle avait essayé d’invoquer maintes fois depuis ces cinq dernières années. Oppa. Elle se gardait bien de le dire. « Ça fait longtemps » ajouta-t-elle en penchant la tête sur le côté. Il ne pouvait pas s’imaginer à quel point, elle avait rêvé de cet instant. Et puis, elle se réjouissait d’avoir fait attention à sa tenue car elle avait été hésitante, mais par précaution, elle avait opté pour la jupe et les talons. Son choix fut le plus judicieux, elle le rencontrait ainsi sous l’un de ses meilleurs jours.

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 Yui était une existence très particulière pour Min Woo. Dès le début, il avait reconnu ses cicatrices à travers cette adolescente. À travers elle, il se voyait lui dans son adolescence. Quand il forçait les sourires pour dissimuler un nombre incroyable de blessures encore bien ouvertes en lui mais dont il n’a jamais parlés. Même à ses parents adoptifs, qui savaient qu’il avait été dans la rue, il n’avait jamais clairement formulé ce qu’il avait enduré à cette époque-là. Il jugeait inutile de les inquiéter alors qu’il était déjà un poids assez lourd pour ce couple dont les revenus du restaurant n’étaient pas immenses. Puis, il ne pensait pas forcément que la parole était la meilleure solution pour oublier un mal. En parler tout le temps, ne faire qu’y penser, ça le faisait revivre cette époque-là. Ça n’arrangeait rien. Alors il avait pris sur lui, et ainsi il avait réussi à continuer sa vie comme si de rien n’était. Mais ces choses-là avaient toujours, et faisaient toujours parti de lui. Par conséquent quand il avait remarqué cette adolescente qui lui rappelait toutes les souffrances de sa jeunesse, il n’avait pas pu rester en retrait.

Ainsi, s’il l’avait aidée, il était indéniable qu’elle aussi avait été d’une grande aide pour lui. De la même façon qu’il voulait devenir psychiatre pour aider des personnes aux grandes souffrances, il s’était soigné en aidant Yui à aller mieux. En faisant à quelqu’un ce qu’on ne lui avait jamais fait, il s’était un peu réconcilié avec son lui du passé qui avait tant pris sur lui pour ne pas inquiéter les gens autour. Yui n’était donc pas juste une enfant qu’il avait aidé. Il était la première enfant en laquelle il s’était à ce point reconnu, celle qui l’avait aidée indirectement à devenir l’homme qu’il était devenu et sans aucun doute une des principales motivations de Min Woo pour devenir psychiatre. Pour aider d’autres enfants comme lui et elle.

Quand elle avait disparu, il était évident que ça avait laissé un grand vide dans sa vie. Pourtant ils n’étaient pas restés l’un avec l’autre pendant 5 ans – mais c’était tout comme. Leur lien avait été si fort, elle représentait tant pour lui, que sa disparition lui avait mis un grand coup et pendant longtemps, il n’avait cessé de penser à elle, priant pour qu’elle et sa mère aillent bien, priant pour qu’ils se revoient un jour. Quand il entendait des amis parler de leurs petites sœurs ou d’amies filles plus jeunes, il repensait à elle et se disait silencieusement qu’il souhaitait de tout coeur qu’elle aille bien, peu importe où et peu importe comment.

Les années passants, il avait bien entendu abandonné la possibilité de la retrouver. Il s’était contenté d’espérer qu’elle soit heureuse. Et pourtant, le destin venait de provoquer un hasard immense – ou bien n’en était-ce pas un ?- puisqu’ils se revoyaient d’une manière étrangement naturelle. Yui avait indéniablement changé et lui aussi. Mais elle l’avait reconnu au seul son de sa voix et il n’avait pas mis plus de temps pour savoir qui il était. Aussi différente soit-elle, pour lui elle restait cette jeune lycéenne si précieuse à ses yeux. Il eut un rire et hocha la tête. « En effet, ça fait longtemps. Comment tu vas ? Comment se sont passées ces années ? Ça allait ? » Et autant qu’il était un homme souriant et léger, il ne pouvait pas retenir toutes ces questions qui avaient tourné dans sa tête une bonne centaine de fois. Parce qu’elle lui avait manqué Yui, bien plus qu’il ne le pensait.

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Jusqu’à présent, elle n’avait jamais eu assez de courage de le revoir. L’idée lui avait effleuré l’esprit plus d’un milliard de fois et davantage lorsqu’elle venait pour des compétitions se déroulant dans la capitale, mais elle n’avait jamais osé. La peur la paralysait et les questions qui fleurissaient sur le tapis de ses doutes lui faisaient perdre confiance plus qu’autre chose. Contrairement à ce que pouvait dire certains médecins qui l’avaient suivi, il n’était pas qu’un simple premier amour embelli et idéalisé par le temps. Il l’avait sauvé d’une certaine obscurité, d’un mal-être profond qu’elle n’exprimait jamais, qu’elle taisait par peur de s’en souvenir, par peur de libérer des démons ou de les invoquer. Si avec ces médecins, il lui fallait parler pour qu’elle comprenne, cela n’avait jamais été le cas avec lui. Il comprenait, il lisait dans son silence et en ça, il était unique. S’il n’avait pas été là pour elle, aussi optimiste qu’elle pouvait être, elle n’était pas certaine de pouvoir faire face au monde de la même façon qu’elle le faisait présentement. Alors elle avait hésité d’aller à sa rencontre. Elle avait peur qu’il l’ait oublié, elle redoutait surtout, que tout cela ne soit le fruit de son imagination. Maintenant qu’elle était là, elle ne regrettait que ses doutes, son manque de confiance.

« Ça en fait des questions ! » fit-elle remarquer en riant doucement, sans que cela soit pour autant un reproche car elle-aussi elle en avait des questions à poser, plus qu’il ne pourrait se l’imaginer en vérité. Elle continua d’une voix tout aussi enjouée, « avant d’y répondre, je propose qu’on monte ces cartons au moins car je ne suis pas certaine de pouvoir y répondre sans devoir les poser ». Musclée, elle l’était sans aucun doute pour pouvoir effectuer sur la glace des prouesses techniques qui lui a valu de nombreux éloges et des médailles. Pour autant, elle n’était pas certaine qu’elle pourrait discuter sans que le poids des cartons ne la pèse et sans que le déconfort, d’être en deux marches, éveille de petits fourmillements.  En ce qui concernait Minwoo, s’il ne l’avait pas interpellé, elle aurait sans doute eu du mal à le reconnaître car il avait changé. Du moins, il semblait beaucoup plus costaud qu’il y a cinq ans, ses épaules notamment, plus robustes. « Et puis, je pense qu’on gêne un peu le passage » ajoute-t-elle en levant le regard avant même qu’un voisin fasse son apparition, descendant les marches d’un pas lourd.

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Il sourit à la remarque de la jeune fille – non, de la jeune femme, se corrigea t-il silencieusement. Il l’avait en effet inondé de questions mais il était si curieux qu’il n’avait pas pu choisir la plus importante et ne poser que celle-la. Il voulait autant savoir combien elle allait dans l’immédiat que comment elle s’était porté pendant cinq ans. Il voulait savoir comment allait sa mère aussi. Il ne l’avait que très rarement vue mais il savait combien c’était important, d’avoir une mère. Lui avait perdu la sienne et le cadavre de cette dernière le hantait encore dans les plus horribles de ces cauchemars. Le regard mort et vide de sa mère qui le regardait fuir, alors qu’il la laissait là, comme un vulgaire objet cassé. Il avait prié des nuits entières pour que ce qu’il ait vécu ne se reproduise jamais pour Yui et sa mère. « C’est vrai, pardon, répondit-il en souriant. Tu as beaucoup de cartons ? Je vais te les transporter, ce sera fait rapidement comme ça. » Min Woo était sportif depuis tout petit mais il avait pris des muscles d’un coup après avoir dépassé la vingtaine. Il ignorait où avait été le déclic et il n’avait jamais vraiment cherché à être musclé, sauf que quand on faisait du sport, ça venait tout seul. Sans parler de sa taille – il avait toujours été très grand. Et si Yui avait indéniablement grandi, il y avait toujours une vingtaine de centimètres qui les séparait.

Il se mit à marcher et se retourna vers elle. « Tu habites où exactement ? » Il s’arrêta pour la laisser passer devant, se doutant qu’il serait sans doute plus intelligent qu’elle le mène à l’appartement elle-même. Min Woo ne put s’empêcher, d’ailleurs, de détailler du regard Yui. Ça lui semblait assez fascinant de voir combien elle avait grandi et changé. Elle était la même et en même temps elle était si différente. Déjà, son corps était devenu celui d’une femme. Ça n’avait plus rien avoir avec la morphologie d’adolescente qu’elle avait, qui se mélangeait autrefois très mal avec le maquillage qu’elle mettait et les habits qu’elle portait quand elle venait le voir. Elle était définitivement devenue une adulte en si peu de temps. Lui n’avait pas l’impression d’avoir vieilli et pourtant, la dernière fois qu’ils s’étaient vus, il n’était qu’au début de ses longues études. Désormais, il en voyait clairement et enfin la fin. Alors oui, cinq années, cinq longues années étaient passées. Indéniablement. Et Min Woo était loin de se douter d’à quel point elle avait changé.

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Le calme dont elle faisait preuve dans cette situation la surprenait puisqu’à chaque fois que l’idée de le retrouver ou de lui faire face l’effleurait, son imaginaire se retrouvait bloqué. Impressionnée mais étrangement déçue, par quoi ? La demoiselle n’en était pas certaine et n’arrivait pas à mettre le doigt sur ce sentiment qui lui laissait un arrière-goût d’insatisfaction. « Pas beaucoup, il doit en rester peut-être six ou huit » répondit-elle sans être pour autant certaine du nombre qu’elle avançait. Mais de toute façon, chaque fois qu’elles déménageaient elles emportaient très peu de choses. Souvent parce que c’était manque de temps et de moyen, mais par la force des choses, c’était devenu une habitude de ne jamais trop acheter puisqu’elles ne savaient jamais quand est-ce qu’elles devaient partir. En revenant à Séoul, elles avaient pris un risque, elles en étaient conscientes, surtout depuis que Yui s’était engagée officiellement sur les glaces. « Il me semble au troisième étage », cette fois-ci, elle calla ses cartons contre la rampe des escaliers pour libérer sa main et chercher son téléphone dans la poche de sa veste brune. « Le numéro trois cent quarante-sept pour être plus exacte » dit-elle avant de ranger son smartphone, un ancien modèle datant d’il y a quatre ans. Elle prit toutefois les devants, de toute façon, elle était celle qui disposait des clefs. Elle sentait le regard de Minwoo posé sur elle, mais elle ne dit rien. Concentrée sur ces cartons, enthousiasmée par d’autres pensées, impatiente de voir ce que l’avenir lui réservait. Pouvoir s’installer à Séoul avait pris du temps et elle espérait pouvoir y rester longtemps, ne plus avoir à partir. « Je suppose que tu vis toujours ici.. ? » Pure question qui ne demandait pas réellement de réponse. Elle le savait, le jour où elle était venue signer le contrat, elle s’était attardé devant les boîtes aux lettre du hall pour confirmer la présence d’une famille Ha. Rien de plus. Arrivée devant le pallier, elle ne posa pas immédiatement ses cartons. « Tu crois qu’on peut les laisser devant, ou vaut-il mieux les mettre à l’intérieur ? »

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Six ou huit cartons seraient vite transportés, surtout avec l’aide de Min Woo. Il était réputé pour être musclé, après tout. Toujours plus que Seo Yui de toute évidence. Il observa avec un peu plus d’inquiétude la jeune fille – non, la jeune femme – poser le carton le temps de trouver son téléphone. Sans doute était-il beaucoup trop protecteur envers elle alors qu’elle était maintenant adulte, mais il ne pouvait songer à quel point c’était dangereux de faire ça. Le carton pouvait à tout moment tomber sur ses pieds. Il écouta avec peu d’attention le numéro de l’appartement mais réalisa un peu plus tard : troisième étage, numéro trois-cent quarante sept. Ce n’était pas la porte à côté de la sienne mais c’était le même étage. En effet, son voisin avait déménagé il y a quelques mois, maintenant qu’il y pensait. Mais bon, à Séoul, on ne faisait pas trop attention à ça. Min Woo n’était pas très proche de ses voisins. « Oui je vis toujours ici, et ton appartement n’est pas loin du mien ! » releva t-il enfin, en souriant. Si Yui avait une très bonne mémoire, il était possible qu’elle se rappelle, puisqu’elle avait déjà mis les pieds dans son appartement dans le passé. Cinq ans étaient passés mais il n’avait pas déménagé ; il avait toujours trouvé compliqué de déménager. Il n’avait pas le courage de fouiller dans tout le bordel des choses inutiles qu’il avait achetées pour les mettre dans des cartons. Pourtant, le jour où il aurait sa paie de psychiatre, il déménagerait dans un appartement de luxe.

Min Woo ne le montrait pas vraiment, mais au fond il était vraiment heureux de retrouver Yui. En la voyant, c’était comme si un poids entier était enfin tombé, celui de l’inquiétude qui l’avait habité tous les jours sans exception pendant cinq ans : comment allait-elle ? Si ça n’avait pas été pour les cartons, il l’aurait sans doute pris dans les bras sans se soucier une seule seconde des derniers mots que Yui lui avait dits avant de partir soudainement. Pourtant, ces mots étaient quelque part ancrés en lui, même s’il semblait les avoir oublié. Il faisait juste semblant, parce qu’il se rappelait clairement de la surprise de les avoir entendus de la bouche de celle qu’il n’avait jamais vu autrement que comme une petite sœur. Sans doute, comme il lui avait dit, n’avait-elle fait que confondre deux sentiments. Mais malgré tout, de tels mots ne s’oubliaient pas facilement. «  Il vaut mieux les rentrer, on n’est jamais trop prudent. » Min Woo ne connaissait pas tous les habitants de l’immeuble et il ne voulait pas qu’une mauvaise aventure arrive à sa protégée le premier jour de son retour à la capitale.

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Bien sûr qu’elle s’en souvenait, car elle se rappelait comme si c’était la veille encore, de toutes les fois où elle foulait ses marches quatre à quatre pour rejoindre Minwoo et faisait les cent pas devant la porte en essayant de trouver la bonne salutation pour ne pas paraître trop excitée ou pour vérifier que sa tenue, ses cheveux, son rouge à lèvre étaient irréprochables. Rien qu’en y repensant, elle ne pouvait pas s’empêcher de lâcher un petit rire, la petite Yui du passé était vraiment amusante tout en étant exaspérante avec le recul. « Ah vraiment ? Soyons bons voisins dans ce cas » fit-elle en riant intérieurement. En revenant à Séoul, elle avait espéré pouvoir vivre dans le même immeuble que lui et elle n’avait pas cru qu’une place, aussi proche, s’était libérée. C’était comme un signe du destin pour elle, alors elle avait signé sans hésitation et l’esprit emplie d’arrière-pensée. Elle avait les moyens de vivre dans beaucoup mieux mais pour autant, il la retenait alors même qu’il ne lui avait rien demandé aujourd’hui comme par le passé.

« Hmm, d’accord ! » fit-elle en posant le carton qu’elle tenait au sol pour chercher dans ses poches ses clefs car elle ne savait plus où est-ce qu’elle avait rangé. Fouillant les poches de sa veste, elle manqua de patience et ouvra son sac au sol. Accroupris, elle inspecta ses affaires avant de finalement trouver ses clefs.  « Ah ! C’est bon ! Trouvé » s’exclama-t-elle en se retournant vers lui, réjouie de sa trouvaille. Se relevant et enjambant le carton qu’elle avait posé à même pas un pas de la porte, elle ouvrit la porte accueillie par une étrange odeur de renfermer qui lui arracha une quinte de toux de surprise. Depuis combien de temps les lieux étaient vacants pour sentir ainsi ? Elle ne s’y attendait pas du tout.

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« J’espère que tu ne tiens pas trop à ton intimité parce que dans des appartements comme ici, tout l’étage entendre la moindre fête ou la moindre discussion un peu trop mouvementée. » releva t-il en souriant. Min Woo ne faisait jamais la fête chez lui principalement parce qu’il n’y avait pas assez d’espace – et que le peu qu’il y avait était si mal rangé qu’il peinait à trouver des espaces pour marcher. Entre les livres pour réviser et tous les emballages de la vie quotidienne, son appartement était dans un état misérable. Il n’avait jamais été un homme des plus organisés mais ça s’était empiré avec les années de stage dans son cursus. Rentrant épuisé chez lui après plusieurs jours, il se revoyait se coucher immédiatement pour essayer de gratter ne serait-ce qu’une minute de sommeil en plus. Désormais, il avait plus de temps qu’à l’époque : malgré les stages qui restaient présents dans son quotidien, ils étaient moins prenants que ceux qu’il avaient effectués avant de se spécialiser en psychiatrie. Quoi qu’il en soit, il avait pris l’habitude de ne plus du tout prendre soin de son appartement à l’époque puisqu’il passait très peu de temps chez lui. Maintenant qu’il devrait essayer de prendre un peu plus de temps pour le faire, il n’en avait tout simplement pas la motivation. Cela dit, il sentait que les choses allaient changer maintenant que Yui était sa voisine. Ce n’était qu’une question de temps avant qu’il ne l’invite chez lui comme il le faisait avant leur séparation et de toute évidence, il ne pouvait accueillir personne avec un appartement dans un tel état.

Avec un sourire nostalgique, il observa Yui chercher ses clés impatiemment. Elle avait sans doute grandi mais elle avait toujours ce côté pressé. Elle avait changé mais il semblait toujours dans une sorte de déni de ce changement, pensant à tort qu’elle était toujours la même. Le carton en main, il s’apprêtait à rentrer après que la porte soit ouverte. Il ne remarqua même pas l’odeur de renfermé : c’était une odeur à laquelle il s’était habituée quand il revenait de ses stages et qu’il avait laissé l’appartement fermé tout ce temps-là. Dans des taudis pareils, l’humidité arrivait vite, ce qui n’arrangeait rien. En revanche, il fut bien plus surpris par la quinte de toux de Yui et ses réflexes de grand-frère reprenant le dessus comme s’ils ne s’étaient jamais séparés. Il tint le carton d’une seule main pour frotter le dos de la jeune adulte, comme si ça allait soulager sa toux. « Ça va ? Tu es tombée malade ? »

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Aveuglée par les spectres du passé, ses choix ne reflétaient qu’une série d’impulsion où, plutôt que chercher le confort de ce qui serait son logis pour les mois et peut-être année à venir, elle avait préféré sur le chemin qu’une Yui, plus jeune, avait foulé. À sa remarque, elle eut un sourire amusé, par son inquiétude et son impulsivité qui l’avait conduite jusqu’ici. « J’imagine que je vais devoir m’y faire », ce n’était plus comme si elle avait le choix, l’encre du contrat venait à peine de sécher et si elle voulait partir, un préavis de trois mois s’imposait à elle. « Au moins, on n’a pas l’impression d’être trop… seul ? », elle essayait de voir les choses sous un angle positif, même si elle se doutait que ce ne serait pas l’avis de sa mère. Sa mère n’aimait pas forcément les appartements spacieux et luxueux, mais elle tenait bien à une chose, le confort et, au vue de l’immeuble, c’était un mot qui devait s’improviser, ou s’apprécier sur des standards différents revue drastiquement à la baisse.

« Tout va bien, c’est juste… que je ne m’attendais pas à ce qu’il soit dans cet état » confessa-t-elle, réalisant qu’elle aurait peut-être dû faire cette visite des lieux que lui recommandait l’agent. Posant les deux cartons au sol, son premier geste vu d’ouvrir les fenêtres pour aérer l’appartement. « J’imagine, que défaire mes cartons n’est plus ma priorité… il va falloir dépoussiérer tout ça » murmura-t-elle doucement. Un grand ménage s’imposait et dans l’esprit de la demoiselle, ce n’était pas simplement passer un coup de serpillère et rendre les vitres claires, il s’agissait d’entreprendre de grands travaux. « Sais-tu si dans le coin, il y a un magasin de décoration, d’aménagement ? Pas question de garder ce papier peint… moisi et de laisser ce plancher aussi… délavé ». Si les murs étaient fins, les voisins seraient avertis, elle allait entreprendre un petit chantier.