yoon jihwan (( happy days ))

y o o n, patronyme familiale autrefois porté avec fierté, maintenant porté avec peur et douleur. le même que papa et maman, anges devenus démons qui le hante chaque jour, chaque soir. j i h w a n, coréen, pas très original, rappelant le prénom même de la mère de famille. c’est pas qu’il n’aime pas, c’est que ça pèse lourd au cœur à chaque fois qu’il entend ces syllabes criées entre les murs de la maison. né un jour d’orage, le 2 9   a o u t   2 0 0 2. il y avait la chaleur ambiante, étouffante, mais l’eau tombant du ciel bénissait le sol, le tonnerre résonnait au loin, en communion avec les cris et les pleurs de joie et de douleur dans la chambre d’hôpital. c’était il y a s  e i z e longues années. c’est bien l’air de s é o u l qu’il a eu l’audace de respirer dès les premiers instants de sa vie, qui lui a rempli pour la première fois les poumons. quoi de plus classique pour un garçon appartenant à la jeunesse s u d - c o r é e n n e ? peut-être y a-t-il d’autres sangs dans ses veines, mais si c’est le cas, il n’est pas au courant. un cœur qui a été bel et bien v o l é une fois, mais qui n’a abouti qu’à de la haine pure, qu’à des problèmes douloureux qui le maudiront peut-être à jamais. il essaye de mentir, revenir sur ses pas pour limiter la casse, se dire, se sentir hétérosexuel, mais l’espoir est déjà mort dans la tête décidée des vieux. c’est pourtant clair que les courbes trop féminines ne l’ont jamais intéressées et que ses yeux s’attardent toujours bien trop souvent sur les autres garçons. h o m o s e x u e l. simple l y c é e n sans prétention, possédant une moyenne valsant d’un extrême à l’autre depuis deux ans. l’école, ce n’est pas ce qui le passionne le plus, mais ça lui permet de rester occupé, loin des tracas, des malédictions. il y reste le plus longtemps possible, de l’ouverture, à la fermeture. les professeurs ne voient pas le problème, ce n’est qu’un gamin souriant avec des résultats sans aucune logique sur les bulletins. le gamin qui des fois arrive avec un bleu sur le poignet, une marque étrange au niveau de la joue, mais tout le monde se tait. il doit juste être maladroit, il doit juste être tombé dans les escaliers. il vit toujours chez les parents, avec un de ses deux grand-frères. c’est une famille de la classe m o y e n n e. pas forcément de problème d’argent, mais pas forcément un pouvoir d’achat trop élevé non plus. on fait attention, mais on se permet quelques écarts de temps à autres. le dernier, il n’en bénéficie pas, de ces écarts. il attend le peu d’argent de poche que papa et maman lui donnent pour qu’il paraisse totalement normal aux yeux des autres jeunes de son âge, ou ce sont les aînés de la fratrie qui se sacrifient pour lui. le d e s s i n dans un petit carnet, la p h o t o g r a p h i e avec son téléphone à l’écran cassé qu’il ne sait pas quand il va remplacer, l’ é c r i t u r e de toute ses pensées dans des coins de cahiers. des passe-temps simples, qu’il ne partage pas avec tous le monde. un style sombre, presque morbide, qui contraste avec la bonne humeur qu’il laisse entrevoir à l’école. ses manches toujours tirées avec le bout de ses doigts, faisant de son mieux pour ne pas laisser apercevoir ses poignets. c’est devenu un véritable réflexe, un toc. une véritable obsession qui le ferait presque porter des pulls en été. un style s i m p l e, rien d’extravagant, tel l’ado le plus normal du monde, mais toujours des manches longues, toujours. peau vierge de toute encre, mais ce n’est pas les idées qui lui manquent. oreilles percées, un trou à l’oreille gauche, deux à l’oreille droites ; les premiers faits correctement chez un professionnel, le dernier forcé à l’aiguille un soir dans sa chambre, sur un coup de tête.  il y a une époque, pas si lointaine que ça, où seulement les gros insectes et la hauteur, ainsi que les sensations fortes, pouvaient le faire flancher. maintenant il suffit d’un bruit sourd, une voix forte, un peu de vaisselles qui s’entrechoque et il se sent mal, il sursaute, il serre les poings. le garçon attend douloureusement, rêvant du jour où peut-être la liberté lui ouvrira les bras malgré les galères. jour qui ne viendra peut-être jamais, ses secrets partant alors en fumée avec lui.