(( happy little pill ))

ahn, synonyme de pouvoir, nom murmuré sur le passage, qui fait frémir par sa puissance. un idéal oppressant, un standard inhumain à maintenir. le poids du monde sur les frêles épaules de la cadette. somi, le prénom qui s’accorde à ceux des deux autres venus avant. l’enfant docile aux prouesses académiques, la fierté de la famille, l’ange aux mille et un secrets dix-huit ans à peine, et le monde déjà à ses pieds. dix-huit ans depuis le seize janvier, et déjà désenchantée, le monde aux couleurs ternes et aux injustices rampantes, la pression auto-imposée d’être meilleure que ses frères et sœurs, souhait étouffant d’être l’enfant ahn parfait. séoul la belle et sa pollution qui encrasse les poumons depuis la naissance. le frémissement de la capitale qui sert de berceuse, le temps qui s’écoule trop vite et trop lent à la fois pour la multitude d’activités offertes, aucune qui n’attire l’attention de la belle à la chevelure de jais. les questions qui germent dans ton esprit, ton regard plus facilement attiré par les chevelures soyeuses et les lèvres coquines des demoiselles, l’absence de papillon dans ton ventre lorsque des baisers hésitants avec la gente masculine. cette incompréhension qui grandit, la peur de la réalisation, du point sans retour. première de classe, enfant douée qui passe son temps le nez dans les bouquins afin de surpasser ses limites. princesse intouchable, inatteignable ; sa valeur définie par ses notes.  l’opulence, la corne de jouvence. la cadette Ahn n’a jamais manqué de quoi que ce soit financièrement ; l’amour, l’attention de ses parents peut-être, mais les fonds sont sans limites ; les billets qui remplissent son porte-feuille plus rapidement qu’elle ne peut les dépenser. le masque qui s’effrite, la corrosion des poisons qu’elle concocte, puis teste dans la solitude ; les effets néfastes qui commencent à prendre forme. la chimie est sa seule passion, dr. frankenstein du 21e siècle en devenir. pristine, la demoiselle a l’apparence soignée, chevelure parfaite, maquillage délicat, vêtue de la tête aux pieds par les grands noms de la haute couture, mais toujours à la fine pointe de la mode. aucun tatouage ni piercing – outre ceux à ses lobes. mademoiselle est le modèle même de la belle-fille parfaite. les substances illicites, son poison et son échappatoire, cachées dans un coffre-fort dans sa chambre. les émotions qui s’entassent dans son corps, le poids de cette façade imposée qui lui plie l’échine. et son entêtement à continuer, à ne rien dire à personne. aucun rêves pour remplir ses journées, un futur déjà tout tracé.