i'm everything you can't control + tyler

poussière disparate vole et se suspend dans un pan de lumière. des volets entrebâillés s’infiltrent les dernières lueurs du jour, lorsque sawa promène un regard nostalgique sur la pièce vide où miroitent pourtant toujours les souvenirs. ils déferlent, vague de chagrin dans son cœur soucieux et l’ombre d’un instant elle semble oublier les interminables soirées où sawa se faisait calypso, au secret des murs blancs, témoins de ses plus cruelles impudeurs.

enfin elle passe la porte, le cœur lourd, et s’engage dans l’escalier presque à reculons. les récents évènements ne présagent rien de bon, si ce n’est un terme définitif à la vie de débauche qui lui fait si honte. et dans son inquiétude, elle tâche de ne penser à rien ; ni à l’argent qui lui manque, ni aux cartons qui s’amoncellent sur le trottoir sous la garde peu fiable d’helios, ni au toit qu’elle n’a pas encore trouvé. d’un geste assuré — trop sans doute — elle cale son dernier carton sous son bras pour attraper son portable de sa seule main libre, dans l’espoir de voir s’afficher le nom de son ancien petit ami. mais de yu, il n’est rien qu’un silence qui n’en finit plus… jusqu’à ce que son carton lui échappe et dévale l’escalier jusqu’au bas des marches, répandant la majeure partie de son contenu sur son passage.

sawa hausse un sourcil, pousse un soupir empreint d’une lasse fatigue, et entreprend de ramasser un à un les vêtements qui jonchent le sol. comme si rien ne pouvait jamais être simple…

La fatigue le prend et l’assèche. Les journées ont toujours été éprouvantes mais ce sont les moments de calme qui sont les plus difficiles à contrôler. Lorsqu’enfin le temps s’arrête, le poids de la vie s’alourdit sur ses épaules. Le chemin du parking à l’immeuble semble s’éterniser, la porte d’entrée tant attendue semble s’éloigner de plus en plus du jeune homme, dont les jambes lourdes ont de plus en plus de mal à se mouvoir.
Pourtant enfin la porte est là, la clé délicatement enfouie dans la serrure, un coup d’oeil à la boite aux lettres et le lit du jeune mécanicien n’est plus qu’à quelques mètres, plus qu’à quelques marches de là où il est. Les marches sont montées tel l’Everest le serait et alors que la libération est si proche, le bruit lourd des objets tombés au sol le réveille plus que jamais, alors qu’au même instant une ribambelle d’objets divers tombent à ses pieds. Il aurait aimé pouvoir n’en avoir rien à faire et rentrer chez lui, faire semblant de n’avoir rien vu. Cependant, sa conscience est trop exigeante et il gravit les marches qui le mène enfin à la source du fracas.
C’est avec étonnement qu’il voit une silhouette familière. Sawa est bel et bien là, accroupie et visiblement occupée à ramasser des vêtements. La curiosité est trop forte pour qu’il ne puisse la retenir, posant la question qui semble la plus appropriée à cet instant, tout en aidant la jeune femme à ramasser ses biens perdus.

« Hey, ça va ? Qu’est-ce qu’il se passe, tu déménages ? »

ellle s’active, fatiguée de cette vie qui lui échappe un peu plus chaque seconde, balance les lambeaux de tissu dans la boîte comme des chiffons dont elle se fout. de toute façon ces fringues valent rien, pour la plupart. mais avant qu’elle n’ait fini de rassembler ses affaires, quelqu’un la rejoint pour l’aider.

tyler. forcément.

comme si sawa avait besoin de ce clin d’œil crève-cœur ; elle voit ça comme la vie qui lui rit au nez, cette sale pute, parce qu’elle a beau éviter tyler depuis près d’un mois, au fond elle aurait bien voulu briser la glace. devant la facilité avec laquelle il lui adresse ces quelques mots, elle a l’odieux sentiment d’avoir été la seule à considérer qu’ils étaient en froid. pas qu’elle ait vraiment pris le temps d’y penser — si ? — mais le souvenir de l’avoir mis à la porte si méchamment après une nuit pourtant assez agréable la mortifie. non, réellement, elle s’en veut, et elle sait plus comment se comporter face à lui. alors elle l’a évité, tout ce temps, et maintenant qu’elle va pouvoir ne plus s‘en soucier le karma la rattrape.

mais non, lui a l’air d’avoir oublié tout ça, et ça la met encore plus mal à l’aise. et l’embarras, additionné à la peine, à la fatigue et à cette angoisse de ne plus rien maîtriser, embue bientôt ses yeux. sawa se redresse, le carton dans les bras, et articule d’une voix cassée par l’émotion. « ouais… si on veut. » et vraiment, elle veut pas pleurer. pas maintenant, alors qu’elle a réussi à tout encaisser sans trop s’afficher, si ce n’est dans les bras de yu, mais yu sera toujours une exception. mais croiser tyler est sans doute la dernière chose dont elle a besoin maintenant.

« désolée, c’est pas que je veux pas prendre de tes nouvelles, mais genre… j’ai mon chien qui m’attend. » elle laisse échapper un petit rire, peut pas s’empêcher d’ajouter « et mon trottoir. » comme si c’était vraiment la blague du siècle. mais au moins ses larmes ont pas coulé, et ça c’est bien sa première victoire de la journée.