sway you like a lullaby
l'âme monotone, l'esprit ailleurs, qui vagabonde, se perd dans des songes qu'elle pensait avoir laissé loin, bien loin derrière elle. poupée est troublée, poupée est perdue. poursuivie par un passé qui la hante depuis l'autre bout du pays, qu'elle pensait avoir abandonné au profit des étreintes rassurantes de son beau métisse, ses nuits restent troubles, son humeur maussade. et malgré ses efforts pour ne pas laisser transparaître ses tourments, la belle coréenne n'est plus aussi vive que les premières semaines de leur idylle. elle ne s'amuse plus lors des éternelles soirées mondaines où elle accompagne le blond, ne joue plus le matin, lorsqu'elle tire son apollon hors de leur bulle. se réfugie dans son travail pour oublier les cauchemars qui la frappent à nouveau, lui rappellent les paumes salies de luxure de son oncle contre son corps d'adolescente. elle se refuse à entacher son histoire avec
lui en montrant les blessures que lui a laissé
l'autre. et pourtant, sans même en avoir conscience, poupée file entre les doigts de son petit ami sans même que celui-ci n'en sache la raison. l’espièglerie mise en silence, la tendresse demeure, mais la flamme est gelée. mise en sommeil par ce procès qu'elle continue de fuir dans l'espoir qu'il finisse par l'oublier.
ce soir, le loup voulait danser avec les agneaux, changeait de décor et invitait sa poupée à danser loin des mondanités auxquelles il était habitué. et si cette dernière se pare de ses plus beaux artifices, et a même pris soin de revêtir l'une de ces robes hors de prix que lui avait acheté le prince au regard clair, ses yeux noirs se posaient sur l'établissement sans grande conviction. même le plus habile des maquillages ne saurait agir comme trompe l'oeil, lorsqu'un coeur est en proie aux pires des tourments. pourtant, elle se force,
pour lui. serait capable d'aller au bout du monde s'il en avait l'envie, de le suivre jusqu'aux flammes de l'enfer, tant qu'il aurait sa main dans la sienne.
alors pourquoi ? pourquoi es-tu si incapable de lui parler de tes cicatrices qui sont à nouveau ouvertes ? chaque fois elle songe à céder, à tout lui dire, à se livrer sur un plateau d'argent, dans son entière vulnérabilité. et chaque fois elle se ravise, incapable de venir souffler la flamme qui brûle chez son métisse. pur égoïsme, la belle a peur de perdre son refuge si elle venait à lui confier ses faiblesses.
elle se laisse guider jusque la tanière de son loup, qui reste évidemment à distance des agneaux. le contraire l'aurait étonnée. lorsqu'elle entre dans la pièce, la musique cogne à ses oreilles, fait vibrer son corps tout entier. poupée cherche son âme sœur du regard, slalome entre les corps dérangeants, évite les regards désagréables, crispe la mâchoire chaque fois qu'un homme l'observe. pas ce soir. l'esprit n'est pas joueur, tout ce qu'elle veut, c'est trouver son refuge. elle atteint enfin la pièce plus huppée, les corps sont moins présents, moins imposants. pourtant, elle se sent encore perdue, jusqu'à ce qu'elle sente une main autour de sa taille. elle sursaute, se crispe, puis se laisse envahir par
son parfum. poupée pivote, se réfugie tout contre
lui. expire comme si elle était restée en apnée depuis la seconde où ses talons avaient foulé le sol de la pièce. ses doigts s'enroulent autour du torse, son nez trouve refuge dans le creux de son cou. «
tu m'as fait peur. » pourtant le ton est morne, dépourvu d'entrain. alors même que la musique tonne à leurs oreilles et que l'alcool coule tout autour d'eux, poupée ne parvient pas à songer à autre chose qu'aux paroles de cette avocate, et aux choix qu'elle doit faire. y aller, ne pas y aller.
lui parler, ne pas lui parler. perdre son unique repère, ou au contraire, en faire le centre de son univers et sa plus grande force.